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| | | | Invité / Invité Mar 26 Juin 2018 - 9:14 | |
| Georges Séféris |
| | | Invité / Invité Jeu 28 Juin 2018 - 11:42 | |
| | Nombre de messages : 673 Âge : 28 Date d'inscription : 23/05/2015 | Holopherne / Hé ! Makarénine Sam 30 Juin 2018 - 0:08 | |
| L'Irréductible
Verlaine
Il fut ce matelot laissé à terre et qui fait de la peine à la gendarmerie, Avec ses deux sous de tabac, son casier judiciaire belge et sa feuille de route jusqu'à Paris. Marin dorénavant sans la mer, vagabond d'une route sans kilomètres, Domicile inconnu, profession, pas... « Verlaine, Paul, Homme de Lettres » Le malheureux fait des vers en effet pour lesquels Anatole France n'est pas tendre ; Quand on écrit en français, c'est pour se faire comprendre. L'homme tout de même est si drôle avec sa jambe raide qu'il l'a mis dans un roman. On lui paie parfois une blanche, il est célèbre chez les étudiants. Mais ce qu'il écrit, c'est des choses qu'on ne peut lire sans indignation. Car elles ont treize pieds quelquefois et aucune signification. Le prix Archon-Despérousses n'est pas pour lui, ni le regard de M. de Monthyon qui est au ciel. Il est l'amateur dérisoire au milieu des professionnels. Chacun lui donne de bons conseils ; s'il meurt de faim, c'est sa faute. On ne se la laisse pas faire par ce mystificateur à la côte. L'argent, on n'en a pas de trop pour Messieurs les Professeurs. Qui plus tard feront des cours sur lui et qui seront tous décoré de la Légion d'Honneur.
Nous ne connaissons pas cet homme et nous ne savons qui il est.
Le vieux Socrate chauve grommelle dans sa barbe emmêlée ; Car une absinthe coûte cinquante centimes et il en faut au moins quatre pour être saoûl : Mais il aime mieux être ivre que semblable à aucun de nous. Car son coeur est comme empoisonné, depuis que le pervertit Cette voix de femme ou d'enfant - ou d'un ange qui lui parlait dans le paradis! Que Catulle Mendès garde sa gloire, et Sully Prud'homme ce grand poète ! Il refuse de recevoir sa patente en cuivre avec une belle casquette. Que d'autres gardent le plaisir avec la vertu, les femmes, l'honneur et les cigares. Il couche tout nu dans un garni avec une indifférence tartare. Il connaît les marchands de vins par leur petit nom, il est à l'hôpital comme chez lui : Mais il vaut mieux être mort que d'être comme les gens d'ici.
Donc célébrons tous d'une seule voix Verlaine, maintenant qu'on nous dit qu'il est mort. C'était la seule chose qui lui manquait, et ce qu'il y a de plus fort, C'est que nous comprenons tous ses vers maintenant que nos demoiselles nous les chantent, avec la musique Que de grands compositeurs y ont mise et toute sorte d'accompagnements séraphiques ! Le vieil homme à la côte est parti ; il a rejoint le bateau qui l'a débarqué Et qui l'attendait en ce port noir, mais nous n'avons rien remarqué; Rien que la détonation de la grande voile qui se gonfle et le bruit d'une puissante étrave dans l'écume. Rien qu'une voix, comme une voix de femme ou d'enfant, ou d'un ange qui appelait : Verlaine ! dans la brume.
Paul Claudel |
| | Nombre de messages : 673 Âge : 28 Date d'inscription : 23/05/2015 | Holopherne / Hé ! Makarénine Mar 10 Juil 2018 - 15:46 | |
| Extrait des Amours de Psyche et de Cupidon, La Fontaine
J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique, La ville et la campagne, enfin tout ; il n'est rien Qui ne me soit souverain bien, Jusqu'au sombre plaisir d'un cœur mélancolique.
Rondeau, Charles d'Orléans
L'un ou l'autre desconfira De mon coeur et Merencolye; Auquel que Fortune s'alye, L'autre "Je me rens" lui dira.
D'estre juge me suffira Pour mettre fin en leur folye. L'un ou l'autre desconfira De mon coeur et Merencolye.
Dieu scet comment mon coeur rira, Se gangne, menant chiere lye, Contre ceste saison jolye. On verra commment en yra: L'un ou l'autre desconfira De mon coeur et Merencolye.
Traduction:
L'un ou l'autre vaincra De mon coeur et de Melancolie. Quelque soit celui auquel Fortune s'allie L'autre "Je me rends" lui dira.
Il me suffira d'être juge Pour mettre fin à leur folie. L'un ou l'autre vaincra De mon coeur et de mélancolie.
Dieu sait comment mon coeur rira, S'il gagne, menant chère lie En cette saison jolie. On verra ce qu'il en sera: L'un ou l'autre vaincra De mon coeur et de mélancolie.
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| | Nombre de messages : 673 Âge : 28 Date d'inscription : 23/05/2015 | Holopherne / Hé ! Makarénine Ven 13 Juil 2018 - 16:56 | |
| Sonnet, Mallarmé,
Toute l'âme résumée Quand lente nous l'expirons Dans plusieurs ronds de fumée Abolis en autres ronds Atteste quelque cigare Brûlant savamment pour peu Que la cendre se sépare De son clair baiser de feu Ainsi le choeur des romances À la lèvre vole-t-il Exclus-en si tu commences
Le réel parce que vil Les sens trop précis rature Ta vague littérature. |
| | Nombre de messages : 2493 Âge : 21 Date d'inscription : 17/05/2010 | art.hrite / Chantre brahmane ज्ञानयोग Dim 22 Juil 2018 - 20:52 | |
| On parlera tout bas dans les domaines du printemps, près de la terre nocturne. De la terre transfigurée. Tout tend l'oreille à mes paroles sans doute irrévocables. Inlassable un parfum monte des jacinthes, un feu sans fin cerne ses racines légères. Gardons-nous d'éveiller de sa tâche la lumière qui courbe mes froides épines, ni la lune qui courbe mon sang uni et le sang de la terre nocturne.
À présent le printemps est à l'oeuvre dans les plus vieilles galeries, ses marteaux heurtent un million d'étoiles. C'est chose saisissante que le printemps à l'oeuvre dans les crânes des chevaux enterrés. Et tout au long de la nuit les chevaux ressuscitent. Le printemps aux grottes d'eau attentive m'inspire, et j'aime la folie – tête glacée sur le courant d'effroi sans mélange.
J'ai peur d'élever la voix au-dessus de mon coeur où une lampe rassemble un grand silence. Le printemps est un prodige pour mes dissipations. Que la tristesse me vienne en aide, que me viennent en aide les dents de ma bouche, les doigts de mes mains, tous les morts, tous ceux qui dans le monde aiment parmi le sang, parmi l'eau des nuits d'éternité.
Je sens se redresser mes os jusqu'aux serpents de ma tête – et l'oeuvre est dans mes mains. Terre, terre comblée. Tandis que les autres dorment, je me fonds au verbe intérieur du printemps comme le rouge à la fleur future. Tu chantais, sang, le torrent translucide de la mort. Tu chantais ce que l'usage des voix ne pourra plus briser. Car tu étais mon eau salée.
Je ferme les yeux pour voir comme les acacias s'éclairent, comme la rutilation monte par les veines. Je prends entre mes doigts la lugubre immensité des morts. Printemps, comme tu grandis. Comme ils courent sur les membres, le désespoir et la joie. Nommer lentement, dans l'humidité de la chair, évoquer, mystère, tes collines de sel. Tout environne le printemps et la nuit avec au coeur une porte pour passer dans un silence terrible.
Qu'une fois je ressuscite, la face externe contre d'innocents lichens. Qu'un mois entre tous me soit connu, dictant un accablement sans voix. Le printemps grandit dans un noyau d'idées, les chèvres se dissipent, reparaissent en esprit broutant le genêt. Printemps est un mot en une langue par trop étrangère. Une chose énorme, sans musique.
Je parle si doucement qu'à peine je distingue la nuit sur la terre de ma gorge où vont les animaux lentement inspirés. J'appuie seulement mon front au feu occulte des noms, et le sang nourrit la folie lentement lentement – comme quelqu'un qui ressuscite.
Herberto Helder, un extrait des Muses aveugles |
| | Nombre de messages : 400 Âge : 31 Pensée du jour : “Je voulais vivre intensement et sucer la moelle de la vie. Et ne pas, quand je viendrai à mourir, découvrir que je n'aurai pas vécu.” Date d'inscription : 25/11/2017 | LePèlerinBleu / Pour qui sonne Lestat Lun 23 Juil 2018 - 0:31 | |
| La nuit
Quand la lune blanche S'accroche à la branche Pour voir Si quelque feu rouge Dans l'horizon bouge Le soir,
Fol alors qui livre A la nuit son livre Savant, Son pied aux collines, Et ses mandolines Au vent ;
Fol qui dit un conte, Car minuit qui compte Le temps, Passe avec le prince Des sabbats qui grince Des dents.
L'amant qui compare Quelque beauté rare Au jour, Tire une ballade De son coeur malade D'amour.
Mais voici dans l'ombre Qu'une ronde sombre Se fait, L'enfer autour danse, Tous dans un silence Parfait.
Tout pendu de Grève, Tout Juif mort soulève Son front, Tous noyés des havres Pressent leurs cadavres En rond.
Et les âmes feues Joignent leurs mains bleues Sans os ; Lui tranquille chante D'une voix touchante Ses maux.
Mais lorsque sa harpe, Où flotte une écharpe, Se tait, Il veut fuir... La danse L'entoure en silence Parfait.
Le cercle l'embrasse, Son pied s'entrelace Aux morts, Sa tête se brise Sur la terre grise ! Alors
La ronde contente, En ris éclatante, Le prend ; Tout mort sans rancune Trouve au clair de lune Son rang.
Car la lune blanche S'accroche à la branche Pour voir Si quelque feu rouge Dans l'horizon bouge Le soir.
Alfred de Musset |
| | Nombre de messages : 2493 Âge : 21 Date d'inscription : 17/05/2010 | art.hrite / Chantre brahmane ज्ञानयोग Lun 23 Juil 2018 - 13:20 | |
| | Nombre de messages : 673 Âge : 28 Date d'inscription : 23/05/2015 | Holopherne / Hé ! Makarénine Jeu 26 Juil 2018 - 0:48 | |
| La Chanson de Gaspard Hauser
Je suis venu, calme orphelin, Riche de mes seuls yeux tranquilles, Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m’ont pas trouvé malin.
À vingt ans un trouble nouveau Sous le nom d’amoureuses flammes M’a fait trouver belles les femmes : Elles ne m’ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi Et très brave ne l’étant guère, J’ai voulu mourir à la guerre : La mort n’a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop tard ? Qu’est-ce que je fais en ce monde ? Ô vous tous, ma peine est profonde : Priez pour le pauvre Gaspard !
Verlaine |
| | Nombre de messages : 10030 Âge : 31 Localisation : Paris Pensée du jour : nique la miette Date d'inscription : 22/06/2010 | Pasiphae / Truquage geniphasien Sam 4 Aoû 2018 - 14:13 | |
| Cors de chasse Notre histoire est noble et tragique Comme le masque d’un tyran Nul drame hasardeux ou magique Aucun détail indifférent Ne rend notre amour pathétique Et Thomas de Quincey buvant L’opium poison doux et chaste À sa pauvre Anne allait rêvant Passons passons puisque tout passe Je me retournerai souvent Les souvenirs sont cors de chasse Dont meurt le bruit parmi le vent
Apollinaire |
| | | Invité / Invité Sam 4 Aoû 2018 - 15:56 | |
| - Citation :
- Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse Dont meurt le bruit parmi le vent |
| | Nombre de messages : 10030 Âge : 31 Localisation : Paris Pensée du jour : nique la miette Date d'inscription : 22/06/2010 | Pasiphae / Truquage geniphasien Sam 4 Aoû 2018 - 15:57 | |
| Allez j'avoue, les 4 vers que tu cites étaient cités dans le roman de Marie-Aude Murail, autrice jeunesse, Sauveur et fils |
| | Nombre de messages : 400 Âge : 31 Pensée du jour : “Je voulais vivre intensement et sucer la moelle de la vie. Et ne pas, quand je viendrai à mourir, découvrir que je n'aurai pas vécu.” Date d'inscription : 25/11/2017 | LePèlerinBleu / Pour qui sonne Lestat Dim 5 Aoû 2018 - 14:22 | |
| Un texte bien connu de Walt Whitman. Pour les anglophiles parmi nous, je propose la version originale en spoiler. Ô Capitaine ! Mon Capitaine !Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! Notre effroyable voyage est terminé Le vaisseau a franchi tous les caps, la récompense recherchée est gagnée Le port est proche, j'entends les cloches, la foule qui exulte, Pendant que les yeux suivent la quille franche, le vaisseau lugubre et audacieux. Mais ô cœur ! cœur ! cœur ! Ô les gouttes rouges qui saignent Sur le pont où gît mon Capitaine, Étendu, froid et sans vie. Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! Lève-toi pour écouter les cloches. Lève-toi: pour toi le drapeau est hissé, pour toi le clairon trille, Pour toi les bouquets et guirlandes enrubannées, pour toi les rives noires de monde, Elle appelle vers toi, la masse ondulante, leurs visages passionnés se tournent: Ici, Capitaine ! Cher père ! Ce bras passé sous ta tête, C'est un rêve que sur le pont Tu es étendu, froid et sans vie. Mon Capitaine ne répond pas, ses lèvres sont livides et immobiles; Mon père ne sent pas mon bras, il n'a plus pouls ni volonté. Le navire est ancré sain et sauf, son périple clos et conclu. De l'effrayante traversée le navire rentre victorieux avec son trophée. Ô rives, exultez, et sonnez, ô cloches ! Mais moi d'un pas lugubre, J'arpente le pont où gît mon capitaine, Étendu, froid et sans vie. - Spoiler:
O Captain! My Captain!
O Captain! My Captain! our fearful trip is done; The ship has weather'd every rack, the prize we sought is won; The port is near, the bells I hear, the people all exulting, While follow eyes the steady keel, the vessel grim and daring
But O heart! heart! heart! O the bleeding drops of red, Where on the deck my Captain lies, Fallen cold and dead.
O Captain! My Captain! rise up and hear the bells; Rise up — for you the flag is flung — for you the bugle trills; For you bouquets and ribbon'd wreaths — for you the shores a-crowding; For you they call, the swaying mass, their eager faces turning
Here Captain! dear father! This arm beneath your head; It is some dream that on the deck, You've fallen cold and dead.
My Captain does not answer, his lips are pale and still; My father does not feel my arm, he has no pulse nor will; The ship is anchor'd safe and sound, its voyage closed and done; From fearful trip the victor ship comes in with object won
Exult, O shores, and ring, O bells! But I with mournful tread, Walk the deck my Captain lies, Fallen cold and dead.
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| | Nombre de messages : 2493 Âge : 21 Date d'inscription : 17/05/2010 | art.hrite / Chantre brahmane ज्ञानयोग Mer 8 Aoû 2018 - 17:10 | |
| Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne? - Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?
- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom? Toujours vois-tu mon âme en rêve? - Non.
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.
- Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir ! - L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles, Et la nuit seule entendit leurs paroles.
Fêtes galantes, « Colloque sentimental »
Verlaine |
| | Nombre de messages : 775 Âge : 28 Localisation : atopia Pensée du jour : « seul sage dans un banquet de gens ivres » Date d'inscription : 30/01/2015 | rodé / Blanchisseur de campagnes Mar 14 Aoû 2018 - 16:35 | |
| Poème du chatQuand on est chat on n’est pas vache On ne regarde pas passer les trains En mâchant les pâquerettes avec entrain On reste derrière ses moustaches (Quand on est chat, on est chat) Quand on est chat on n’est pas chien On ne lèche pas les vilains moches Parce qu’ils ont du sucre plein les poches On ne brûle pas d’amour pour son prochain (Quand on est chat, on n’est pas chien) On passe l’hiver sur le radiateur A se chauffer doucement la fourrure Au printemps on monte sur les toits Pour faire taire les sales oiseaux On est celui qui s'en va tout seul Et pour qui tous les chemins se valent (Quand on est chat, on est chat) Jacques Roubaud, Les animaux de tout le monde |
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