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 Les plus beaux poèmes

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Dona
   
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Dona  /  Clochard céleste


Onicosmo a écrit:
voici Guillevic, magnifique.



*

J’ai appris qu’une morte

Soustraite, évanouie,

Peut devenir soleil.


C'est l'un des plus beaux poèmes qui existe ! Je suis contente de relire du Guillevic:) Merci.


Dernière édition par Dona le Dim 3 Jan 2016 - 19:46, édité 1 fois
http://charlybrownn.free.fr/phpBB-3.0.12-fr/ucp.php
 
Dona
   
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Dona  /  Clochard céleste


Pfiou!... C'est le genre de topic qui mériterait un sommaire initial ... parce que 28 pages à feuilleter pour savoir si je peux poster le poème que je préfère... c'est pas fastoche!
http://charlybrownn.free.fr/phpBB-3.0.12-fr/ucp.php
 
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Citation :
Emma aimait le bleu.

Celui des robes et des rubans que vendent les camelots de passage, ou des stores de soie que l'on tire aux fenêtres des calèches. Celui qui recouvre les livres où l'on parle d'amour.

Celui que laisse dans la tête la musique après que l'on y a dansé.

Elle n'avait pourtant jamais vu la mer.

Citation :
Ses robes, il faudrait en parler.

Cette manière qu'elle a d'en changer. D'en découdre avec la terre, avec le ciel. Ses ourlets blancs qui se déchirent et se rapiècent. Ses déforques d'algues à marée basse sur le sable mouillé. Ses fourures et ses boléros quand elle s'en va danser au large. Et ce bleu, ce vieux bleu fétiche qui en voit de toutes les couleurs quand elle retrousse ses manches et se met au travail.

Les tentures brodées de myosotis et les miroirs profonds encadrés de faïence avouent quelle nostalgie l'habite. Ici se dissimule une vie recluse de femme, avec ses paquets de lettres noués de rubans violets, ses dentelles mauves, ses coffrets de turquoise, et toute la bijouterie des saphirs, des émeraudes et des perles, la pacotille des verroteries et des pendentifs de nacre, et quantité de fleurs exotiques aux tons indescriptibles piquées dans les vases de procelaine dont aucune main humaine ne change jamais l'eau.
Une histoire de bleu, Jean Michel-Maulpoix.
Il faut que je le trouve, d'urgence.
 
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Ça me semble d'actualité.

Louis Aragon a écrit:
La Rose et le Réséda

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda
 
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Les plus beaux poèmes - Page 28 291-No1p3-Voyage
 
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Brise Marine - Mallarmé

La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature !

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots ...
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
 
art.hrite
   
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art.hrite  /  Chantre brahmane ज्ञानयोग


POÈME DE SEPARATION 2


Tu fus quelques nuits d'amour en mes bras
et beaucoup de vertige, beaucoup d'insurrection
même après tant d'années de mer entre nous
à chaque aube il est dur de ne plus t'aimer

parfois dans la foule surgit l'éclair d'un visage
blanc comme fut naguère le tien dans ma tourmente
autour de moi l'air est plein de trous bourdonnant
peut-être qu'ailleurs passent sur ta chair désolée
pareillement des éboulis de bruits vides
et fleurissent les mêmes brûlures éblouissantes

si j'ai ma part d'incohérence, il n'empêche
que par moments ton absence fait rage
qu'à travers cette absence je me désoleille
par mauvaise affliction et sale vue malade
j'ai un corps en mottes de braise où griffe
un mal fluide de glace vive en ma substance

ces temps difficiles malmènent nos consciences
et le monde file un mauvais coton, et moi
tel le bec du pivert sur l'écorce des arbres
de déraison en désespoir mon coeur s'acharne
et comme lui, mitraillette, il martèle

ta lumière n'a pas fini de m'atteindre
ce jour-là, ma nouvellement oubliée
je reprendrai haut bord et destin de poursuivre
en une femme aimée pour elle à cause de toi


Gaston Miron, La marche à l'amour, fragments.




***




ET L'AMOUR MÊME EST ATTEINT


Dans l'envol d'un espace baigné d'eaux médiantes
sur cette terre de la nostalgie rauque et basse
recouverte et découverte par l'aile des saisons
mes yeux sont ancrés dans le sort du monde
mon amour je te cherche dans l'aboli toi
ô solitude de trille blanc dans le mai des bois
je veux te posséder en même temps que ma vie
mes gestes
sont pleins de blessures mes pleins poignets
de compassion

je pioche mon destin de long en large
dans l'insolence et la patience et les lentes
             interrogations giratoires
le dû d'un homme de l'amour de rien ô dérision

toi, quels yeux as-tu dans les feuillages
de bulles de hublots de pépites
es-tu geai bleu ou jaseur de cèdres
quel coeur effaré de chevreuse dans sa fuite

si c'est ton visage au loin posé comme un phare
me voici avec mon sang de falaise et d'oriflammes
de toutes mes lèvres venteuses sur les terres
de toute la force échevelée de mes errances
déjà le monde tourne sur ses gonds
la porte tournera sur ses fables

et j'entends ton rire de bijoux consumés
dans le lit où déferlent les printemps du plaisir

il y aura toi et moi, et le coeur unanime
je serai enfin dévêtu de ma fatigue

Gaston Miron, La vie agonique
 
PlumeDeplumee
   
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   Pensée du jour  :  Je n'ai jamais été seul, car j'erre sans cesse à travers mes souvenirs comme à travers une forêt enchantée.
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PlumeDeplumee  /  Pour qui sonne Lestat


Bonsoir ! Je reviens pour partager de nouveau des poèmes que j'apprécie beaucoup (bon, rien de bien transcendant ou novateur).

Je tiens à citer un des sonnets pour Hélène. Bon, c'est cliché, mais c'est quand même pas : "Quand vous serez bien vieille au soir à la chandelle". Puis, c'est pas ma faute si j'aime Ronsard !
J'ai choisi "Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle", que je trouve très beau.

Ronsard a écrit:
Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle,
Ce pin, où tes honneurs se liront tous les jours :
J'ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours,
Qui croîtront à l'envi de l'écorce nouvelle.

Faunes qui habitez ma terre paternelle,
Qui menez sur le Loir vos danses et vos tours,
Favorisez la plante et lui donnez secours,
Que l'Été ne la brûle, et l'Hiver ne la gèle.

Pasteur, qui conduiras en ce lieu ton troupeau,
Flageolant une Eglogue en ton tuyau d'aveine,
Attache tous les ans à cet arbre un tableau,

Qui témoigne aux passants mes amours et ma peine ;
Puis l'arrosant de lait et du sang d'un agneau,
Dis : " Ce pin est sacré, c'est la plante d'Hélène. "

Sinon, pour continuer à friser l'originalité merveilleuse, j'aime beaucoup "Une Charogne" de Baudelaire.

Baudelaire, Les Fleurs du Mal a écrit:
Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses.
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !

Pour rester sur Baudelaire, j'aime beaucoup "Le Joujou du Pauvre" également !

Baudelaire, Le Spleen de Paris a écrit:
Le joujou du pauvre

Je veux donner l'idée d'un divertissement innocent. Il y a si peu d'amusements qui ne soient pas coupables !

Quand vous sortirez le matin avec l'intention décidée de flâner sur les grandes routes, remplissez vos poches de petites inventions d'un sol, - telles que le polichinelle plat mû par un seul fil, les forgerons qui battent l'enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un sifflet, - et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants inconnus et pauvres que vous rencontrerez. Vous verrez leurs yeux s'agrandir démesurément. D'abord ils n'oseront pas prendre; ils douteront de leur bonheur. Puis leurs mains agripperont vivement le cadeau, et ils s'enfuiront comme font les chats qui vont manger loin de vous le morceau que vous leur avez donné, ayant appris à se défier de l'homme.

Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d'un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie. Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse, rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté. A côté de lui, gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroteries. Mais l'enfant ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait :

De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, pâle, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.

A travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château, l'enfant pauvre montrait à l'enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait avidement comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait, agitait et secouait dans une boîte grillée, c'était un rat vivant ! Les parents, par économie sans doute, avaient tiré le joujou de la vie elle-même.

Et les deux enfants se riaient l'un à l'autre fraternellement, avec des dents d'une égale blancheur.

Concluons rapidement sur une note plus moderne avec "L'Oiseau" de Maurice Carême.

Maurice Carême a écrit:
L'oiseau

Quand il eut pris l’oiseau,
Il lui coupa les ailes.
L’oiseau vola encor plus haut.

Quand il reprit l’oiseau,
Il lui coupa les pattes.
L’oiseau glissa telle une barque.

Rageur, il lui coupa le bec.
L’oiseau chanta avec
Son cœur comme chante une harpe.

Alors, il lui coupa le cou.
Et de chaque goutte de sang
Sortit un oiseau plus brillant.
 
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Maurice Carême me rappelle toujours les récitations que l'on faisait à l'école primaire. Smile
Et Une Charogne. I love you

Un petit détour par l'est.

Taras Chevtechenko a écrit:
Caucase

Un massif montagneux entouré de nuages,
Tout couvert de chagrin, tout arrosé de sang.
Depuis les temps immémoriaux
Un aigle y châtie Prométhée,
Chaque jour lui frappe les côtes,
Chaque jour lui brise le cœur.
Il le brise mais ne peut boire
Le sang vivant – le cœur revit
Et de nouveau se met à rire.
Notre âme ne peut pas mourir,
La liberté ne meurt jamais.
Même l’insatiable ne peut
Pas labourer le fond des mers,
Pas enchaîner l’âme vivante,
Non plus la parole vivante,
Diffamer la gloire de Dieu,
Du Dieu très grand.

Ce n’est pas nous qui discuterons avec toi,
Ce n’est pas nous qui jugerons de tes affaires.
Il nous faut seulement pleurer, pleurer, pleurer,
Il ne faut que pétrir notre pain quotidien
Et la sueur mêlée à du sang et des larmes.
Notre vérité dort, on dirait qu’elle est ivre,
Et pendant ce temps-là nos bourreaux nous maltraitent…

Un massif montagneux entouré de nuages,
Tout couvert de chagrin, tout arrosé de sang.
Avons surpris la liberté
Qui vivait nue et affamée
Et nous la pourchassons là-bas.
Beaucoup de soldats y sont morts.
Combien de pleurs ? Combien de sang ?
Tous les empereurs, leurs enfants,
On pourrait tous les abreuver,
Les noyer dans les pleurs des veuves.
Et que de pleurs de jeunes filles
Dans le secret des nuits coulèrent
Et de chaudes larmes de mères
Et celles sanglantes des pères,
Des vieux ; ce ne sont pas des fleuves.
C’est une mer déjà qui monte,..

Que ton âme toujours vive dans notre Ukraine :
Vole au-dessus des berges avec les Cosaques,
Cherche les tombes remuées parmi la steppe,
Verse de tristes larmes avec les Cosaques
Attends-moi dans la steppe à mon retour d’exil.
En attendant cet heureux jour,
Mes pensées, ma peine féroce,
Je les sèmerai ; qu’elles croissent,
Qu’elles causent avec le vent.
Et le vent doux de notre Ukraine
Avec la rosée portera
Mes pensées au loin jusqu’à toi.
Ami, tu les accueilleras,
Pleurant des larmes fraternelles,
À voix basse tu les liras,
Tu te souviendras de la steppe,
Et des tombes et de la mer
Et tu te souviendras de moi.

Anna Akhmatova a écrit:
Requiem

En guise de préface

Leningrad, 1er avril 1957.

Au cours des années terribles du règne de Iéjov, j’ai passé dix-sept mois à faire la queue devant les prisons de Léningrad. Un jour, quelqu’un m’a reconnue. Alors la femme aux lèvres bleuâtres qui était derrière moi et qui n’avait certainement jamais entendu prononcer mon nom sortit de la torpeur dans laquelle nous étions tous plongés et me demanda à l’oreille (là-bas on ne parlait qu’en chuchotant) : « Et ça, vous pouvez le décrire ? » J’ai dit : « Je le peux. » Alors une espèce de sourire glissa sur ce qui jadis avait été son visage.

Anna Akhmatova a écrit:
Requiem

Épilogue I

Et j'ai appris comment s'effondrent les visages,
Sous les paupières, comment émerge l'angoisse,
Et la douleur se grave sur les tablettes des joues,
Semblables aux pages rugueuses des signes cunéiformes ;
Comment les boucles noires ou les boucles cendrées
Deviennent, en un clin d'œil, argentées,
Comment le rire se fane sur les lèvres sombres,
Et, dans un petit rire sec, comment tremble la frayeur.
Et je prie Dieu, mais ce n'est pas pour moi seulement,
Mais pour tous ceux qui partagent mon sort,
Dans le froid féroce, dans le juillet torride,
Devant le mur rouge devenu aveugle.

Marina Tsvetaeva a écrit:
Sans lui

Les collines des environs de Moscou sont bleues,
Poussière et goudron – dans l’air à peine tiède.
Tout le jour je dors et je ris tout le jour, – je suis,
Probablement, en train de guérir de l’hiver…

Je rentre chez moi le plus doucement possible :
Je ne regrette pas – les poèmes non-écrits !
Le bruit des roues et les amandes grillées
Me sont plus chers que tous les quatrains.

Ma tête est vide, et c’est charmant :
Le cœur – lui – est trop plein !
Mes jours sont de petites vagues
Que je regarde du port.

De trop tendres regards
Dans l’air tendre à peine tiède
A peine guérie de l’hiver, déjà
Je suis malade de l’été.
 
Roman russe
   
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Roman russe  /  Roland curieux


(Édit : ) le dernier poème que tu as posté, de Marina Tsvétaïeva, est superbe, un de mes préférés d'Insomnie !

Gracieuses de Luc Bérimont.
VI.

Je vous fais grâce de l'éclat
Du rouge
Et des coffrets de Chine
Du vert des mers
Du bleu des pins
Du sol ocré
Des friandises

La fête avait un tel pouvoir
Que vers elle s'envolait la robe
 
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Sans âge

Le Philippshof, branches,
poussière, car c'était l'été
et courage.
Ce qui reste donne à penser,
et ce qui ne reste pas, c'est pareil
une fois de plus,
le romarin a une couleur
et il l'a tout de même.
Les têtes rondes, anguleuses, lisses
et autres
ou n'est-ce pas là un mot
pour désigner le monde,
les marges du ciel par-dessus les rampes ?
Joie en est un
et l'est encore
et le sera une fois de plus
dans les villages,
elle qui retient l'accord
auprès d'elle,
avec ses poissons de verre,
forêt qui plonge d’un coup d’aile,
branches comme lieux où se poser,
tempêtes et courage.


Ilse Aichinger
 
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Merci Art. Ri pour ce poème. Cela-dit, je ne suis pas sûr de comprendre les deux derniers vers.

Citation :
je reprendrai haut bord et destin de poursuivre
en une femme aimée pour elle à cause de toi

Le "femme aimée pour elle" m'apparait contradictoire avec le "à cause de toi."

drunken
 
art.hrite
   
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art.hrite  /  Chantre brahmane ज्ञानयोग


LE SIEGE DE L'AME


Ma Justine, tu me demande
Où notre âme doit résider ?
Elle est dans mon vit quand je bande
Dans mes doigts s'il te faut branler.
Pour chanter l'objet qui me touche,
Elle passe dans mon esprit ;
Je la trouve aussi dans ta bouche,
Lorsque tu me suces le vit.

L'homme franc l'a dans ses promesses
L'usurier l'a dans son calcul
Le bardache l'a dans ses fesses,
Et le giton l'a dans le cul.
Le buveur l'a dans sa chopine
Et le lâche dans son talon ;
Un bon fouteur l'a dans sa pine
Et la garce l'a dans son con.

Des transmigrations divines
Je veux dévoiler les ressorts ;
C'est en foutant que les Bramines
Font changer les âmes de corps.
Quoique bien distinctes chacune,
Souvent nous les réunissons
Et nos deux âmes n'en font qu'une
Au moment où nous déchargeons.


(Un gentilhomme anonyme, du 19ème)
 
art.hrite
   
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art.hrite  /  Chantre brahmane ज्ञानयोग


Maspalio a écrit:
Merci Art. Ri pour ce poème. Cela-dit, je ne suis pas sûr de comprendre les deux derniers vers.

Citation :
je reprendrai haut bord et destin de poursuivre
en une femme aimée pour elle à cause de toi

Le "femme aimée pour elle" m'apparait contradictoire avec le "à cause de toi."

drunken

c'est que la contradiction est présente dans la chose même, qui plaque l'actualité d'un amour pour une femme contre l'amour à venir pour une autre : c'est la nostalgie avant l'heure d'un amant déçu envisageant son prochain amour; "je ne l'aimerai pour elle que parce que je t'ai aimé, et que cet amour a passé, et que cet amour est devenu consécutivement autre chose que ce qu'il devait être : je l'aimerai pour elle à cause de toi"

mais il y a trop à dire sur les subtilités de cette intuition, et je ne veux pas bavarder davantage.
 
julienfischer
   
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   Pensée du jour  :  J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans
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Bonsoir,
J'ai cru comprendre que l'on pouvait poster ici les poèmes que l'on trouve les plus beaux.
Alors voici l'un des poèmes qui fait partie de mon Top 3 :

Je voudrais pas crever
(Boris Vian)

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...
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