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| | | Nombre de messages : 58 Âge : 60 Date d'inscription : 01/01/2016 | Dona / Clochard céleste Dim 3 Jan 2016 - 19:40 | |
| - Onicosmo a écrit:
- voici Guillevic, magnifique.
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J’ai appris qu’une morte
Soustraite, évanouie,
Peut devenir soleil. C'est l'un des plus beaux poèmes qui existe ! Je suis contente de relire du Guillevic:) Merci.
Dernière édition par Dona le Dim 3 Jan 2016 - 19:46, édité 1 fois |
| | Nombre de messages : 58 Âge : 60 Date d'inscription : 01/01/2016 | Dona / Clochard céleste Dim 3 Jan 2016 - 19:44 | |
| Pfiou!... C'est le genre de topic qui mériterait un sommaire initial ... parce que 28 pages à feuilleter pour savoir si je peux poster le poème que je préfère... c'est pas fastoche! |
| | | Invité / Invité Mer 6 Jan 2016 - 9:24 | |
| - Citation :
- Emma aimait le bleu.
Celui des robes et des rubans que vendent les camelots de passage, ou des stores de soie que l'on tire aux fenêtres des calèches. Celui qui recouvre les livres où l'on parle d'amour.
Celui que laisse dans la tête la musique après que l'on y a dansé.
Elle n'avait pourtant jamais vu la mer. - Citation :
- Ses robes, il faudrait en parler.
Cette manière qu'elle a d'en changer. D'en découdre avec la terre, avec le ciel. Ses ourlets blancs qui se déchirent et se rapiècent. Ses déforques d'algues à marée basse sur le sable mouillé. Ses fourures et ses boléros quand elle s'en va danser au large. Et ce bleu, ce vieux bleu fétiche qui en voit de toutes les couleurs quand elle retrousse ses manches et se met au travail.
Les tentures brodées de myosotis et les miroirs profonds encadrés de faïence avouent quelle nostalgie l'habite. Ici se dissimule une vie recluse de femme, avec ses paquets de lettres noués de rubans violets, ses dentelles mauves, ses coffrets de turquoise, et toute la bijouterie des saphirs, des émeraudes et des perles, la pacotille des verroteries et des pendentifs de nacre, et quantité de fleurs exotiques aux tons indescriptibles piquées dans les vases de procelaine dont aucune main humaine ne change jamais l'eau.
Une histoire de bleu, Jean Michel-Maulpoix.Il faut que je le trouve, d'urgence. |
| | | Invité / Invité Mer 6 Jan 2016 - 10:18 | |
| Ça me semble d'actualité. - Louis Aragon a écrit:
- La Rose et le Réséda
Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous deux adoraient la belle Prisonnière des soldats Lequel montait à l'échelle Et lequel guettait en bas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Qu'importe comment s'appelle Cette clarté sur leur pas Que l'un fut de la chapelle Et l'autre s'y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du coeur des bras Et tous les deux disaient qu'elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au coeur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Du haut de la citadelle La sentinelle tira Par deux fois et l'un chancelle L'autre tombe qui mourra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Ils sont en prison Lequel A le plus triste grabat Lequel plus que l'autre gèle Lequel préfère les rats Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Un rebelle est un rebelle Deux sanglots font un seul glas Et quand vient l'aube cruelle Passent de vie à trépas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Répétant le nom de celle Qu'aucun des deux ne trompa Et leur sang rouge ruisselle Même couleur même éclat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Il coule il coule il se mêle À la terre qu'il aima Pour qu'à la saison nouvelle Mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas L'un court et l'autre a des ailes De Bretagne ou du Jura Et framboise ou mirabelle Le grillon rechantera Dites flûte ou violoncelle Le double amour qui brûla L'alouette et l'hirondelle La rose et le réséda |
| | | Invité / Invité Mer 6 Jan 2016 - 10:23 | |
| | | Invité / Invité Mer 6 Jan 2016 - 12:31 | |
| Brise Marine - Mallarmé
La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres. Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres D'être parmi l'écume inconnue et les cieux ! Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe Sur le vide papier que la blancheur défend Et ni la jeune femme allaitant son enfant. Je partirai ! Steamer balançant ta mâture, Lève l'ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs, Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs ! Et, peut-être, les mâts, invitant les orages, Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots ... Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots ! |
| | Nombre de messages : 2493 Âge : 21 Date d'inscription : 17/05/2010 | art.hrite / Chantre brahmane ज्ञानयोग Mer 6 Jan 2016 - 17:54 | |
| POÈME DE SEPARATION 2
Tu fus quelques nuits d'amour en mes bras et beaucoup de vertige, beaucoup d'insurrection même après tant d'années de mer entre nous à chaque aube il est dur de ne plus t'aimer
parfois dans la foule surgit l'éclair d'un visage blanc comme fut naguère le tien dans ma tourmente autour de moi l'air est plein de trous bourdonnant peut-être qu'ailleurs passent sur ta chair désolée pareillement des éboulis de bruits vides et fleurissent les mêmes brûlures éblouissantes
si j'ai ma part d'incohérence, il n'empêche que par moments ton absence fait rage qu'à travers cette absence je me désoleille par mauvaise affliction et sale vue malade j'ai un corps en mottes de braise où griffe un mal fluide de glace vive en ma substance
ces temps difficiles malmènent nos consciences et le monde file un mauvais coton, et moi tel le bec du pivert sur l'écorce des arbres de déraison en désespoir mon coeur s'acharne et comme lui, mitraillette, il martèle
ta lumière n'a pas fini de m'atteindre ce jour-là, ma nouvellement oubliée je reprendrai haut bord et destin de poursuivre en une femme aimée pour elle à cause de toi
Gaston Miron, La marche à l'amour, fragments.
***
ET L'AMOUR MÊME EST ATTEINT
Dans l'envol d'un espace baigné d'eaux médiantes sur cette terre de la nostalgie rauque et basse recouverte et découverte par l'aile des saisons mes yeux sont ancrés dans le sort du monde mon amour je te cherche dans l'aboli toi ô solitude de trille blanc dans le mai des bois je veux te posséder en même temps que ma vie mes gestes sont pleins de blessures mes pleins poignets de compassion
je pioche mon destin de long en large dans l'insolence et la patience et les lentes interrogations giratoires le dû d'un homme de l'amour de rien ô dérision
toi, quels yeux as-tu dans les feuillages de bulles de hublots de pépites es-tu geai bleu ou jaseur de cèdres quel coeur effaré de chevreuse dans sa fuite
si c'est ton visage au loin posé comme un phare me voici avec mon sang de falaise et d'oriflammes de toutes mes lèvres venteuses sur les terres de toute la force échevelée de mes errances déjà le monde tourne sur ses gonds la porte tournera sur ses fables
et j'entends ton rire de bijoux consumés dans le lit où déferlent les printemps du plaisir
il y aura toi et moi, et le coeur unanime je serai enfin dévêtu de ma fatigue
Gaston Miron, La vie agonique |
| | Nombre de messages : 469 Âge : 25 Localisation : Somewhere over the rainbow. Pensée du jour : Je n'ai jamais été seul, car j'erre sans cesse à travers mes souvenirs comme à travers une forêt enchantée. Date d'inscription : 26/10/2015 | PlumeDeplumee / Pour qui sonne Lestat Dim 10 Jan 2016 - 0:21 | |
| Bonsoir ! Je reviens pour partager de nouveau des poèmes que j'apprécie beaucoup (bon, rien de bien transcendant ou novateur). Je tiens à citer un des sonnets pour Hélène. Bon, c'est cliché, mais c'est quand même pas : "Quand vous serez bien vieille au soir à la chandelle". Puis, c'est pas ma faute si j'aime Ronsard ! J'ai choisi "Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle", que je trouve très beau. - Ronsard a écrit:
- Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle,
Ce pin, où tes honneurs se liront tous les jours : J'ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours, Qui croîtront à l'envi de l'écorce nouvelle.
Faunes qui habitez ma terre paternelle, Qui menez sur le Loir vos danses et vos tours, Favorisez la plante et lui donnez secours, Que l'Été ne la brûle, et l'Hiver ne la gèle.
Pasteur, qui conduiras en ce lieu ton troupeau, Flageolant une Eglogue en ton tuyau d'aveine, Attache tous les ans à cet arbre un tableau,
Qui témoigne aux passants mes amours et ma peine ; Puis l'arrosant de lait et du sang d'un agneau, Dis : " Ce pin est sacré, c'est la plante d'Hélène. " Sinon, pour continuer à friser l'originalité merveilleuse, j'aime beaucoup "Une Charogne" de Baudelaire. - Baudelaire, Les Fleurs du Mal a écrit:
- Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux : Au détour d'un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire à point, Et de rendre au centuple à la grande nature Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;
Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'épanouir. La puanteur était si forte, que sur l'herbe Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, D'où sortaient de noirs bataillons De larves, qui coulaient comme un épais liquide Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague, Ou s'élançait en pétillant ; On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague, Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique, Comme l'eau courante et le vent, Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique Agite et tourne dans son van.
Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve, Une ébauche lente à venir, Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète Nous regardait d'un oeil fâché, Épiant le moment de reprendre au squelette Le morceau qu'elle avait lâché.
Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, A cette horrible infection, Étoile de mes yeux, soleil de ma nature, Vous, mon ange et ma passion !
Oui ! telle vous serez, ô reine des grâces, Après les derniers sacrements, Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses. Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j'ai gardé la forme et l'essence divine De mes amours décomposés ! Pour rester sur Baudelaire, j'aime beaucoup "Le Joujou du Pauvre" également ! - Baudelaire, Le Spleen de Paris a écrit:
- Le joujou du pauvre
Je veux donner l'idée d'un divertissement innocent. Il y a si peu d'amusements qui ne soient pas coupables !
Quand vous sortirez le matin avec l'intention décidée de flâner sur les grandes routes, remplissez vos poches de petites inventions d'un sol, - telles que le polichinelle plat mû par un seul fil, les forgerons qui battent l'enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un sifflet, - et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants inconnus et pauvres que vous rencontrerez. Vous verrez leurs yeux s'agrandir démesurément. D'abord ils n'oseront pas prendre; ils douteront de leur bonheur. Puis leurs mains agripperont vivement le cadeau, et ils s'enfuiront comme font les chats qui vont manger loin de vous le morceau que vous leur avez donné, ayant appris à se défier de l'homme.
Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d'un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie. Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse, rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté. A côté de lui, gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroteries. Mais l'enfant ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait :
De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, pâle, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.
A travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château, l'enfant pauvre montrait à l'enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait avidement comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait, agitait et secouait dans une boîte grillée, c'était un rat vivant ! Les parents, par économie sans doute, avaient tiré le joujou de la vie elle-même.
Et les deux enfants se riaient l'un à l'autre fraternellement, avec des dents d'une égale blancheur. Concluons rapidement sur une note plus moderne avec "L'Oiseau" de Maurice Carême. - Maurice Carême a écrit:
- L'oiseau
Quand il eut pris l’oiseau, Il lui coupa les ailes. L’oiseau vola encor plus haut.
Quand il reprit l’oiseau, Il lui coupa les pattes. L’oiseau glissa telle une barque.
Rageur, il lui coupa le bec. L’oiseau chanta avec Son cœur comme chante une harpe.
Alors, il lui coupa le cou. Et de chaque goutte de sang Sortit un oiseau plus brillant. |
| | | Invité / Invité Dim 10 Jan 2016 - 9:44 | |
| Maurice Carême me rappelle toujours les récitations que l'on faisait à l'école primaire. Et Une Charogne. Un petit détour par l'est. - Taras Chevtechenko a écrit:
- Caucase
Un massif montagneux entouré de nuages, Tout couvert de chagrin, tout arrosé de sang. Depuis les temps immémoriaux Un aigle y châtie Prométhée, Chaque jour lui frappe les côtes, Chaque jour lui brise le cœur. Il le brise mais ne peut boire Le sang vivant – le cœur revit Et de nouveau se met à rire. Notre âme ne peut pas mourir, La liberté ne meurt jamais. Même l’insatiable ne peut Pas labourer le fond des mers, Pas enchaîner l’âme vivante, Non plus la parole vivante, Diffamer la gloire de Dieu, Du Dieu très grand.
Ce n’est pas nous qui discuterons avec toi, Ce n’est pas nous qui jugerons de tes affaires. Il nous faut seulement pleurer, pleurer, pleurer, Il ne faut que pétrir notre pain quotidien Et la sueur mêlée à du sang et des larmes. Notre vérité dort, on dirait qu’elle est ivre, Et pendant ce temps-là nos bourreaux nous maltraitent…
Un massif montagneux entouré de nuages, Tout couvert de chagrin, tout arrosé de sang. Avons surpris la liberté Qui vivait nue et affamée Et nous la pourchassons là-bas. Beaucoup de soldats y sont morts. Combien de pleurs ? Combien de sang ? Tous les empereurs, leurs enfants, On pourrait tous les abreuver, Les noyer dans les pleurs des veuves. Et que de pleurs de jeunes filles Dans le secret des nuits coulèrent Et de chaudes larmes de mères Et celles sanglantes des pères, Des vieux ; ce ne sont pas des fleuves. C’est une mer déjà qui monte,..
Que ton âme toujours vive dans notre Ukraine : Vole au-dessus des berges avec les Cosaques, Cherche les tombes remuées parmi la steppe, Verse de tristes larmes avec les Cosaques Attends-moi dans la steppe à mon retour d’exil. En attendant cet heureux jour, Mes pensées, ma peine féroce, Je les sèmerai ; qu’elles croissent, Qu’elles causent avec le vent. Et le vent doux de notre Ukraine Avec la rosée portera Mes pensées au loin jusqu’à toi. Ami, tu les accueilleras, Pleurant des larmes fraternelles, À voix basse tu les liras, Tu te souviendras de la steppe, Et des tombes et de la mer Et tu te souviendras de moi. - Anna Akhmatova a écrit:
- Requiem
En guise de préface
Leningrad, 1er avril 1957.
Au cours des années terribles du règne de Iéjov, j’ai passé dix-sept mois à faire la queue devant les prisons de Léningrad. Un jour, quelqu’un m’a reconnue. Alors la femme aux lèvres bleuâtres qui était derrière moi et qui n’avait certainement jamais entendu prononcer mon nom sortit de la torpeur dans laquelle nous étions tous plongés et me demanda à l’oreille (là-bas on ne parlait qu’en chuchotant) : « Et ça, vous pouvez le décrire ? » J’ai dit : « Je le peux. » Alors une espèce de sourire glissa sur ce qui jadis avait été son visage. - Anna Akhmatova a écrit:
- Requiem
Épilogue I Et j'ai appris comment s'effondrent les visages, Sous les paupières, comment émerge l'angoisse, Et la douleur se grave sur les tablettes des joues, Semblables aux pages rugueuses des signes cunéiformes ; Comment les boucles noires ou les boucles cendrées Deviennent, en un clin d'œil, argentées, Comment le rire se fane sur les lèvres sombres, Et, dans un petit rire sec, comment tremble la frayeur. Et je prie Dieu, mais ce n'est pas pour moi seulement, Mais pour tous ceux qui partagent mon sort, Dans le froid féroce, dans le juillet torride, Devant le mur rouge devenu aveugle. - Marina Tsvetaeva a écrit:
- Sans lui
Les collines des environs de Moscou sont bleues, Poussière et goudron – dans l’air à peine tiède. Tout le jour je dors et je ris tout le jour, – je suis, Probablement, en train de guérir de l’hiver… Je rentre chez moi le plus doucement possible : Je ne regrette pas – les poèmes non-écrits ! Le bruit des roues et les amandes grillées Me sont plus chers que tous les quatrains. Ma tête est vide, et c’est charmant : Le cœur – lui – est trop plein ! Mes jours sont de petites vagues Que je regarde du port. De trop tendres regards Dans l’air tendre à peine tiède A peine guérie de l’hiver, déjà Je suis malade de l’été. |
| | Nombre de messages : 1509 Âge : 29 Localisation : entre deux fleuves Pensée du jour : “Dure, afin de pouvoir encore mieux aimer un jour ce que tes mains d'autrefois n'avaient fait qu'effleurer sous l'olivier trop jeune.” Date d'inscription : 01/10/2010 | Roman russe / Roland curieux Jeu 14 Jan 2016 - 19:11 | |
| (Édit : ) le dernier poème que tu as posté, de Marina Tsvétaïeva, est superbe, un de mes préférés d'Insomnie !
Gracieuses de Luc Bérimont. VI.
Je vous fais grâce de l'éclat Du rouge Et des coffrets de Chine Du vert des mers Du bleu des pins Du sol ocré Des friandises
La fête avait un tel pouvoir Que vers elle s'envolait la robe |
| | | Invité / Invité Dim 17 Jan 2016 - 17:05 | |
| Sans âge
Le Philippshof, branches, poussière, car c'était l'été et courage. Ce qui reste donne à penser, et ce qui ne reste pas, c'est pareil une fois de plus, le romarin a une couleur et il l'a tout de même. Les têtes rondes, anguleuses, lisses et autres ou n'est-ce pas là un mot pour désigner le monde, les marges du ciel par-dessus les rampes ? Joie en est un et l'est encore et le sera une fois de plus dans les villages, elle qui retient l'accord auprès d'elle, avec ses poissons de verre, forêt qui plonge d’un coup d’aile, branches comme lieux où se poser, tempêtes et courage.
Ilse Aichinger |
| | | Invité / Invité Dim 17 Jan 2016 - 17:41 | |
| Merci Art. Ri pour ce poème. Cela-dit, je ne suis pas sûr de comprendre les deux derniers vers. - Citation :
- je reprendrai haut bord et destin de poursuivre
en une femme aimée pour elle à cause de toi Le "femme aimée pour elle" m'apparait contradictoire avec le "à cause de toi." |
| | Nombre de messages : 2493 Âge : 21 Date d'inscription : 17/05/2010 | art.hrite / Chantre brahmane ज्ञानयोग Dim 17 Jan 2016 - 19:02 | |
| LE SIEGE DE L'AME
Ma Justine, tu me demande Où notre âme doit résider ? Elle est dans mon vit quand je bande Dans mes doigts s'il te faut branler. Pour chanter l'objet qui me touche, Elle passe dans mon esprit ; Je la trouve aussi dans ta bouche, Lorsque tu me suces le vit.
L'homme franc l'a dans ses promesses L'usurier l'a dans son calcul Le bardache l'a dans ses fesses, Et le giton l'a dans le cul. Le buveur l'a dans sa chopine Et le lâche dans son talon ; Un bon fouteur l'a dans sa pine Et la garce l'a dans son con.
Des transmigrations divines Je veux dévoiler les ressorts ; C'est en foutant que les Bramines Font changer les âmes de corps. Quoique bien distinctes chacune, Souvent nous les réunissons Et nos deux âmes n'en font qu'une Au moment où nous déchargeons.
(Un gentilhomme anonyme, du 19ème) |
| | Nombre de messages : 2493 Âge : 21 Date d'inscription : 17/05/2010 | art.hrite / Chantre brahmane ज्ञानयोग Dim 17 Jan 2016 - 19:46 | |
| - Maspalio a écrit:
- Merci Art. Ri pour ce poème. Cela-dit, je ne suis pas sûr de comprendre les deux derniers vers.
- Citation :
- je reprendrai haut bord et destin de poursuivre
en une femme aimée pour elle à cause de toi Le "femme aimée pour elle" m'apparait contradictoire avec le "à cause de toi."
c'est que la contradiction est présente dans la chose même, qui plaque l'actualité d'un amour pour une femme contre l'amour à venir pour une autre : c'est la nostalgie avant l'heure d'un amant déçu envisageant son prochain amour; "je ne l'aimerai pour elle que parce que je t'ai aimé, et que cet amour a passé, et que cet amour est devenu consécutivement autre chose que ce qu'il devait être : je l'aimerai pour elle à cause de toi" mais il y a trop à dire sur les subtilités de cette intuition, et je ne veux pas bavarder davantage. |
| | Nombre de messages : 117 Âge : 42 Localisation : Montauban (82) Pensée du jour : J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans Date d'inscription : 19/01/2016 | julienfischer / Barge de Radetzky Mer 20 Jan 2016 - 17:15 | |
| Bonsoir, J'ai cru comprendre que l'on pouvait poster ici les poèmes que l'on trouve les plus beaux. Alors voici l'un des poèmes qui fait partie de mon Top 3 :
Je voudrais pas crever (Boris Vian)
Je voudrais pas crever Avant d'avoir connu Les chiens noirs du Mexique Qui dorment sans rêver Les singes à cul nu Dévoreurs de tropiques Les araignées d'argent Au nid truffé de bulles Je voudrais pas crever Sans savoir si la lune Sous son faux air de thune A un coté pointu Si le soleil est froid Si les quatre saisons Ne sont vraiment que quatre Sans avoir essayé De porter une robe Sur les grands boulevards Sans avoir regardé Dans un regard d'égout Sans avoir mis mon zobe Dans des coinstots bizarres Je voudrais pas finir Sans connaître la lèpre Ou les sept maladies Qu'on attrape là-bas Le bon ni le mauvais Ne me feraient de peine Si si si je savais Que j'en aurai l'étrenne Et il y a z aussi Tout ce que je connais Tout ce que j'apprécie Que je sais qui me plaît Le fond vert de la mer Où valsent les brins d'algues Sur le sable ondulé L'herbe grillée de juin La terre qui craquelle L'odeur des conifères Et les baisers de celle Que ceci que cela La belle que voilà Mon Ourson, l'Ursula Je voudrais pas crever Avant d'avoir usé Sa bouche avec ma bouche Son corps avec mes mains Le reste avec mes yeux J'en dis pas plus faut bien Rester révérencieux Je voudrais pas mourir Sans qu'on ait inventé Les roses éternelles La journée de deux heures La mer à la montagne La montagne à la mer La fin de la douleur Les journaux en couleur Tous les enfants contents Et tant de trucs encore Qui dorment dans les crânes Des géniaux ingénieurs Des jardiniers joviaux Des soucieux socialistes Des urbains urbanistes Et des pensifs penseurs Tant de choses à voir A voir et à z-entendre Tant de temps à attendre A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin Qui grouille et qui s'amène Avec sa gueule moche Et qui m'ouvre ses bras De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever Non monsieur non madame Avant d'avoir tâté Le goût qui me tourmente Le goût qu'est le plus fort Je voudrais pas crever Avant d'avoir goûté La saveur de la mort... |
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