Nombre de messages : 3704 Âge : 26 Date d'inscription : 15/11/2015
Noxer/ Au nom de l'Abeille – Et du Papillon – Et de la Brise – Amen ! Sam 2 Déc 2017 - 0:33
Remerciements
Je dois beaucoup à ceux dont je ne suis pas amoureuse.
Le soulagement d'apprendre que d'autres ils sont plus proches
La joie de ne pas être le loup de leurs agneaux.
La paix vient avec eux, et la liberté, choses que l'amour ne saurait donner, ni prendre au demeurant.
Je ne les attends pas de la porte à la fenêtre. Patiente tel un cadran solaire, prête à comprendre ce que l'amour ne saurait comprendre, à pardonner ce que l'amour ne pardonnerait jamais.
D'une lettre à une rencontre s'étale non pas l'éternité, mais quelques jours tout bêtes, ou quelques semaines.
Avec eux les voyages sont réussis, les concerts bien entendus, les cathédrales bien visitées, et les paysages bien distincts, et lorsque des terres et des océans nous séparent, il s'agit d'océans et de terres bien connus de la géographie.
C'est à eux que je dois de vivre en trois solides dimensions dans un espace non lyrique, et non rhétorique, doté d'un horizon réel, mobile, comme il se doit.
Ah ! ils ignorent sans doute combien ils m'apportent dans leurs mains vides.
"Je ne leur dois rien du tout" dirait l'amour à ce sujet ouvert.
PS : lion piteux l'avait déjà partagé je crois ça m'a fait une surprise de le redécouvrir en plein milieu du recueil je n'avais pas fait de lien ni retenu le nom
Nombre de messages : 3704 Âge : 26 Date d'inscription : 15/11/2015
Noxer/ Au nom de l'Abeille – Et du Papillon – Et de la Brise – Amen ! Sam 2 Déc 2017 - 0:42
Il y a des poèmes très drôles et d'autres très beaux et touchants, j'aime beaucoup en tout cas c'est léger et sans complexe, et pourtant très sérieux malgré tout, j'en mets un dernier qui résume assez bien le tout
Le 16 mai 1973
Une de ces nombreuses dates qui ne me disent plus rien.
Où suis-je allée ce jour-là, qu'ai-je fait - je ne sais pas.
Si un crime avait eu lieu dans le voisinage, je n'aurais pas d'alibi.
Le soleil éclata et s'éteignit hors de mon attention. La terre tourna une fois sans trace dans mon bloc-notes.
Il aurait été plus léger de penser que j'étais morte un instant, que d'avoir tout oublié de cette vie sans relâche.
Pourtant je n'étais pas un fantôme, je respirais, je mangeais, je faisais des pas, des pas clairement audibles, et mes empreintes digitales auront marqué des poignées.
Des miroirs m'ont bien réfléchie. J'avais mis quelque chose d'une couleur quelconque. Quelques-uns m'auront tout de même aperçue.
Qui sait, ce jour-là, j'aurai peut-être trouvé quelque chose de perdu. Ou perdu quelque chose de retrouvé ensuite.
J'étais plein d'émotions, d'impressions. Et soudain il n'en reste plus que trois points entre parenthèses.
Où me suis-je embarquée ? Où ai-je pu disparaître ? Pas mal comme tour de passe-passe de se perdre de vue comme ça.
Je secoue bien fort ma mémoire - qui sait, dans ses branches, peut-être, quelque chose qui dort depuis des lustres s'envolera maintenant avec un bruit d'ailes.
Non. Sans doute est-ce trop demander : une seule et entière seconde.
Wislawa Szymborska, De la mort sans exagérer
Nombre de messages : 5394 Âge : 32 Date d'inscription : 15/12/2011
Hiver/ La Papesse Sam 2 Déc 2017 - 0:50
Wislawa Szymborska
Nombre de messages : 10035 Âge : 31 Localisation : Paris Pensée du jour : nique la miette Date d'inscription : 22/06/2010
Pasiphae/ Truquage geniphasien Sam 2 Déc 2017 - 9:08
tu cites presque tous mes préférés, c'est marrant !!
Nombre de messages : 5394 Âge : 32 Date d'inscription : 15/12/2011
Hiver/ La Papesse Lun 4 Déc 2017 - 0:11
AA
Nombre de messages : 84 Âge : 28 Localisation : Dans un monde possible Date d'inscription : 05/11/2017
Kid Chaos/ Pippin le Bref Lun 4 Déc 2017 - 1:05
Envie de chaos ? Fais un tour ici.
Invité/ Invité Mer 6 Déc 2017 - 23:10
Prendre corps
Je te narine je te chevelure
je te hanche
tu me hantes
je te poitrine
je buste ta poitrine puis te visage
je te corsage
tu m’odeur tu me vertige
tu glisses
je te cuisse je te caresse
je te frissonne
tu m’enjambes
tu m’insupportable
je t’amazone
je te gorge au ventre
je te jupe
je te jarretelle je te bas je te Bach
oui je te Bach pour clavecin sein et flûte
je te tremblante
tu me séduis tu m’absorbes
je te dispute
je te risque je te grimpe
tu me frôles
je te nage
mais toi tu me tourbillonnes
tu m’effleures tu me cernes
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerines rouges
et quand tu ne haut-talon pas mes sens
tu les crocodiles
tu les phoques tu les fascines
tu me couvres
je te découvres je t’invente
parfois tu te livres
tu me lèvres humides
je te délivre et je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je ne m’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dents je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine
je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues et te veines
je te mains
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps et te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris
je t’écris
tu me penses
Ghérasim Luca Paralipomènes, Editions Le Soleil noir, 1976
Ohlala <3 ça donnerait de belles éditions illustrées.
Nombre de messages : 84 Âge : 28 Localisation : Dans un monde possible Date d'inscription : 05/11/2017
Kid Chaos/ Pippin le Bref Jeu 7 Déc 2017 - 10:01
Jasmin a écrit:
Ghérasim Luca Paralipomènes, Editions Le Soleil noir, 1976
C'est marrant il y a un extrait de Pichette, le mec qui lit au-dessus de ton post, qui ressemble énormément dans Les épiphanies. "Je t'usine je te jambe je te charbon je te fer je te lune je te caisse je te thé je te livre je te cage je te torse" et ça dure 2 pages.
Comme un lien secret entre nos deux posts eheh.
Envie de chaos ? Fais un tour ici.
Nombre de messages : 564 Âge : 46 Date d'inscription : 27/05/2017
Hel/ Gloire de son pair Jeu 7 Déc 2017 - 10:18
Citation :
Ghérasim Luca Paralipomènes, Editions Le Soleil noir, 1976
Ah bon. J'ai cru que c'était du Thomas moi.
Remerciements que tu as posté est trop chouette Noxer
Nombre de messages : 3363 Âge : 32 Date d'inscription : 31/10/2008
J'aime bien celui-là aussi même si son recours systématique à l'ironie lui donne un air timide et paresseux.
Nombre de messages : 5394 Âge : 32 Date d'inscription : 15/12/2011
Hiver/ La Papesse Jeu 7 Déc 2017 - 14:21
Kid Chaos a écrit:
Jasmin a écrit:
Ghérasim Luca Paralipomènes, Editions Le Soleil noir, 1976
C'est marrant il y a un extrait de Pichette, le mec qui lit au-dessus de ton post, qui ressemble énormément dans Les épiphanies. "Je t'usine je te jambe je te charbon je te fer je te lune je te caisse je te thé je te livre je te cage je te torse" et ça dure 2 pages.
Comme un lien secret entre nos deux posts eheh.
haha oui, clairement ! un jour j'avais fait le lien aussi entre les deux en disant que Luca faisait du mauvais Pichette ou l'inverse je ne sais plus (mais je n'aime vraiment pas ce qu'ils font tous les deux, alors ca compte pas pareil )
tiens jasmin d'ailleurs c'est bien connu mais Arthur H a repris ce texte en chanson https://www.dailymotion.com/video/xxhd2v
Nombre de messages : 564 Âge : 46 Date d'inscription : 27/05/2017
Hel/ Gloire de son pair Lun 18 Déc 2017 - 10:32
Le féminicide de Juarez
Pierre DesRuisseaux
A César Vallejo, poète péruvien
Je suis né un jour où Dieu était malade
tous savent que je suis vivant que je suis féroce, que je ne peux distinguer décembre de janvier je suis né un jour où Dieu était malade
il y a un vide de mon être métaphysique que personne n’a pu saisir un silencio qui s’exprime à fleur de peau voyez-vous je suis né un jour où Dieu était malade
mon frère écoute-moi pour que je ne parte pas sans emporter décembre sans oublier janvier je suis né un jour où Dieu était malade
tous savent que je suis vivant que je me nourris mais ignorent pourquoi dans mes vers râpeux il y a un obscur sentiment d’inconfort un grand vent qui interroge le désert
tous savent et ne savent pas que la lumière se consume et l’ombre est immense que le mystère est une triste musique qui de loin en loin dénonce la mort moi je suis né un jour où Dieu était malade.
Nombre de messages : 715 Âge : 39 Localisation : Au sol. Pensée du jour : La fin. Date d'inscription : 23/10/2017
Fatalité/ Blanchisseur de campagnes Lun 18 Déc 2017 - 15:25
Tu te tairas, ô voix sinistre des vivants !
Blasphèmes furieux qui roulez par les vents, Cris d'épouvante, cris de haine, cris de rage, Effroyables clameurs de l'éternel naufrage, Tourments, crimes, remords, sanglots désespérés, Esprit et chair de l'homme, un jour vous vous tairez ! Tout se taira, dieux, rois, forçats et foules viles, Le rauque grondement des bagnes et des villes, Les bêtes des forêts, des monts et de la mer, Ce qui vole et bondit et rampe en cet enfer.
Tout ce qui tremble et fuit, tout ce qui tue et mange Depuis le ver de terre écrasé dans la fange Jusqu'à la foudre errant dans l'épaisseur des nuits ! D'un seul coup la nature interrompra ses bruits, Et ce ne sera point, sous les cieux magnifiques, Le bonheur reconquis des paradis antiques, Ni l'entretien d'Adam et d'Ève sur les fleurs, Ni le divin sommeil après tant de douleurs ; Ce sera quand le Globe et tout ce qui l'habite, Bloc stérile arraché de son immense orbite, Stupide, aveugle, plein d'un dernier hurlement, Plus lourd, plus éperdu de moment en moment, Contre quelque univers immobile en sa force Défoncera sa vieille et misérable écorce, Et, laissant ruisseler, par mille trous béants, Sa flamme intérieure avec ses océans, Ira fertiliser de ses restes immondes Les sillons de l'espace où fermentent les mondes.
- Leconte de Lisle, Solvet Seclum.
Nombre de messages : 775 Âge : 28 Localisation : atopia Pensée du jour : « seul sage dans un banquet de gens ivres » Date d'inscription : 30/01/2015
rodé/ Blanchisseur de campagnes Sam 30 Déc 2017 - 13:10
LES ANNEES D'UNE VIE
Sept. L'enfant perd ses dents et d'autres les remplacent Et son esprit s'accroît. Sept ans encor se passent Et son corps florissant se prépare aux amours. Trois fois sept : sa vigueur va grandissant toujours Et sur sa fraîche joue un blond duvet se lève. Sept encore : il est mûr pour les travaux du glaive ; Son esprit et son corps sont tout deux accomplis. Cinq fois sept : il est temps que vers de justes lits Il tourne sa pensée et choisisse une femme. Six fois sept : il a su, enrichissant son âme, Vivre, penser, combattre, obtenir, s'efforcer ; S'il le fallait, sans deuil il pourrait renoncer Aux biens trop éloignés, au but peu accessible, Comptant dorénavant de jouir du possible. Sept fois sept, huit fois sept : son aisance est suprême ; Il s'impose à autrui, il se connait soi-même ; Neuf fois sept : tout en lui a gardé sa fierté, Mais sa voix au conseil est désormais moins sûre, Il sent diminuer sa vieille autorité. Dix fois sept : de la vie il a pris la mesure : Il va pouvoir dormir avec sérénité.
Solon, traduit par Marguerite Yourcenar dans La Couronne et la Lyre
Nombre de messages : 2493 Âge : 21 Date d'inscription : 17/05/2010
art.hrite/ Chantre brahmane ज्ञानयोग Ven 5 Jan 2018 - 16:53
XXVIII
J'ai aujourd'hui lu presque deux pages Du livre d'un poète mystique, Et j'ai ri comme qui a beaucoup pleuré.
Les poètes mystiques sont des philosophes malades Et les philosophes sont des hommes déments. Car les poètes mystiques disent que les fleurs ont des sentiments Et disent que les pierres ont une âme Et que les fleuves connaissent des extases sous le clair de lune.
Mais les fleurs, si elles avaient des sentiments, ne seraient pas des fleurs, Elles seraient des personnes ; Et si les pierres avaient une âme, elles seraient choses vivantes, et non des pierres; Et si les fleuves connaissaient des extases sous le clair de lune, Les fleuves seraient des hommes malades.
Il faut ne pas savoir ce que sont fleurs et pierres et fleuves Pour parler de leurs sentiments. Parler de l'âme des pierres, des fleurs, des fleuves, C'est parler de soi-même et de ses propres fausses pensées.
Grâce à Dieu les pierres ne sont que pierres, Et les fleuves ne sont rien que fleuves, Et les fleurs, fleurs, tout simplement.
Pour moi, j'écris la prose de mes vers Et j'en suis content, Parce que je sais que je comprends la Nature de l'extérieur; Et je ne la comprends pas de l'intérieur Parce que la Nature n'a pas d'intérieur ; Sinon elle ne serait pas la Nature.