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 The Wandering Inn [Fan-traduction] [Fantastique] [Aventure]

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EllieVia
   
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EllieVia  /  Clochard céleste




2.22 K - Première Partie
Traduit par EllieVia

Lorsque Scruta vit les tours du château au loin, elle sut qu’elle était presque arrivée à sa destination. Elle avait voyagé longtemps et parcourut de longues distances à travers ces terres arides, seule, épuisée, blessée et affamée. Mais elle n’avait jamais ralenti le rythme, ne s’était presque pas arrêtée pour se reposer.

Elle était presque arrivée à la maison.

La cité était proche du souvenir que Scruta en avait, mais c’était un mélange de deux souvenirs. Elle se souvint d’être revenue, une fois, désorientée et vaincue, supplier son roi lige de réfléchir de nouveau à sa décision. La ville avait alors été d’un calme mortel, remplie d’un peuple terrifié qui écoutait un empire s’effondrer.

Mais les rues avaient été lisses, les bâtiments s’élevaient haut dans les airs et chaque étal de chaque échoppe était rempli de marchandises exotiques venues des quatre coins du monde. Les citoyens avaient été éclatants de santé et vigoureux - certains tendaient même à devenir gras - et il n’y avait sûrement aucune autre ville au monde qui n’ait été plus grande.

C’était alors. Mais Scruta se souvenait aussi de son départ. Elle avait fui au galop ce lieu brisé rempli de gens au regard vide dont les expressions hantées et vacantes ne montraient aucune trace d’espoir pour le lendemain, et encore moins pour le futur. Les pavés étaient fissurés, et les premiers signes de ruine avaient commencé à ronger même les magnifiques structures que Drevish avait bâties.

C’était le passé, plus ou moins proche. Mais le présent était différent.

Lorsque Scruta traversa les portes elle entendit un cri sur les créneaux. Elle leva ses quatre yeux encore indemnes et sourit.

À la vérité, les remparts s’étaient tellement effondrés qu’il n’y avait pas vraiment de raison d’y garder une garnison. Mais il y avait bel et bien du monde aux créneaux ! De jeunes hommes et des vétérans à la retraite, de toute évidence, ce n’étaient pas les soldats idéaux, mais ils y étaient tout de même, vêtus d’armures récupérées dans les décombres et rongées de rouille, ou de trésors familiaux dont on avait minutieusement pris soin.

Ils acclamaient Scruta, qu’ils reconnaissaient. Elle agita la main, mais ne cessa pas d’avancer. Elle traversa la ville au pas de course, et vit les visages du peuple.

Ils restaient hantés, certes, et encore plus maigres que lorsque Scruta était partie. Mais leurs yeux avaient changé. Ils contenaient ce qui leur avait alors manqué. Une flamme. L’espoir. L’étincelle de vie qui ne pouvait s’éteindre. C’est cela qui lui fit encore plus presser le pas, et lui fit comprendre que le temps était enfin venu.

Son Roi était revenu.

Scruta regardait avec ses quatre yeux, l’un surveillant la route pendant que les trois autres regardaient dans toutes les directions, pour essayer de jauger la ville, le peuple affairé. Tout le monde paraissait occupé, ce qui lui indiquait qu’il y avait beaucoup de travail en cours. Et il faudrait travailler encore, si les ruines qu’elle voyait indiquaient l’état de la ville.

Il était tellement dommage qu’elle ne puisse pas voir plus loin que la rue dans laquelle elle se trouvait, toutefois. Si elle l’avait pu, elle aurait été capable de regarder dans le château qui lui faisait face, et de voir…

Eh bien, peut-être que sa cécité avait ses avantages. Scruta descendait la rue en étant consciente des regards que son œil fermé attirait, c’est-à-dire autant que sa propre présence. Cela faisait hésiter les gens.

Car pour quelle raison Scruta l’Omnisciente fermerait-elle son œil ? C’était sa plus grande arme et sa meilleure défense ; le don des Scruteurs que Scruta avait elle-même poli et rendu encore plus puissant qu’à l’ordinaire. Ses quatre yeux périphériques avaient beau pouvoir voir de très loin et même à travers les objets proches, ils n’étaient rien par rapport à son œil principal.

Mais il était toujours blessé, toujours aveugle. Scruta revoyait encore la fille, dressée devant elle, et ses dents grinçaient de rage, et sa main se tendait inconsciemment vers l’épée dans son dos.

Mais pendant un instant seulement. Et même la douleur et la honte de sa défaite ne pouvaient étouffer le sentiment qui envahissait sa poitrine. Elle était devant les portes gigantesques du palais. Elles étaient ouvertes, et les gardes n’osèrent pas lui barrer la route. Elle y était presque.

Scruta ! !”

Une foule se tenait devant l’entrée, attendant sans aucun doute un signe de son seigneur. Mais ils l’acclamèrent bruyamment, et ils avaient bien raison. Elle était l’une des Sept, son retour était un héraut des temps qu’ils vivaient.

Scruta agita une fois la main, puis ses pieds couverts d’armure se posèrent sur du marbre, et non plus des briques poussiéreuses. Elle traversa un palais tout aussi délabré que le reste de la ville. Certes, ce lieu avait été mieux entretenu que le reste de la ville, sans aucun doute grâce à Orthenon et ceux qui étaient restés. Mais même ici, des réparations étaient nécessaires.

Et elles avaient déjà commencé. Scruta traversa des pièces pleines de gens affairés à nettoyer, à transporter des provisions, des armes, du parchemin… cette vision lui transporta le cœur. C’était ce qu’elle avait tant voulu voir toutes ces longues années ! Mais même cela ne put l’arrêter. Il fallait qu’elle voie, de ses propres yeux.

“Dame Scruta !”

“L’Omnisciente est revenue ! Prévenez l’[Intendant Royal] ! Apportez la nouvelle au Roi !”

“Dame Scruteuse, désirez-vous boire ? Manger ?”

Scruta agita la main ou hocha la tête sans ralentir, sans s’arrêter. Personne ne l’arrêta non plus, et beaucoup s’écartèrent sagement de son chemin étant donné que Scruta se déplaçait à une vitesse que peu de créatures - humains, Scruteurs, ou autres - pouvaient espérer égaler. Ils savaient qu’elle était de retour, et ils savaient où elle se rendait. Ou il fallait qu’elle se rende.

Seule une personne se déplaçait à ses côtés. L’œil le plus à gauche de Scruta se tourna et elle hocha la tête dès qu’elle vit un homme de haute taille et très sérieux quitter une conversation avec un boulanger pour la rejoindre. Il avait été émacié, mais la chair remplissait de nouveau sa peau, et il marchait à présent avec la grâce d’un seigneur et la dignité et l’assurance de sa position.

Sa longue moustache s’accordait parfaitement avec ses vêtements sombres et mornes. Seul un ourlet d’un or terni égayait ses vêtements. Il ressemblait beaucoup au souvenir que s’en faisait Scruta ; sévère, inébranlable, et formel. C’était bon de le voir aussi, mais elle ne ralentit pas le rythme et se contenta de hocher la tête.

“Orthenon.”

“Dame Scruta. Tu es partie très longtemps.”

“Plus longtemps que la plupart ?”

“Cela reste à voir. Tu n’es pas la seule à être rentrée aujourd’hui.”

Cela surprit Scruta. Elle tourna la tête pour que ses quatre yeux puissent se focaliser sur lui pendant un bref instant.

“Qui d’autre est revenu ? Amerys ? Drevish ?”

“Seigneur Drevish et Dame Amerys ne sont pas encore rentrés. Mais Dame Mars et Seigneur Takhatrès nous ont tous les deux rejoint. Mars est arrivée à peine quelques heures avant toi.”

Scruta n’était pas ravie d’entendre ceci. Une partie d’elle-même bondissait bien sûr de joie de savoir que d’autres étaient revenus prêter leur force à leur roi lige pour les épreuves qui l’attendaient. Et pourtant, elle aurait surtout voulu que son retour soit le seul événement de la journée.

Et pourtant, Scruta n’envisagea pas une seconde de ralentir, ou d’avoir retardé son arrivée. Il était beaucoup plus important pour elle de le voir, d’être ici. Et pourtant…

“Comment va-t-il ? Comment a-t-il… changé, depuis la dernière fois ?”

Scruta peinait à trouver ses mots, ce qui était rare chez elle. Elle essaya de poser la question qui lui rongeait le cœur et noyait même l’espoir.

Orthenon se contenta de sourire pour toute réponse. Ils avançaient rapidement dans le gigantesque château et les couloirs venteux les avaient amenés à un endroit qu’ils connaissaient tous deux par cœur. La colossale salle du trône.

“Il est comme il a toujours été… simplement, plus grand encore.”

Plus grand ?”

C’était un mot qui bannissait les ombres, un mot auquel s’accrocher, un mot avec lequel allumer une flamme. Orthenon sourit, et elle vit un brasier brûler au fond de ses yeux.

“Il est de retour, et c’est comme s’il n’était jamais parti.”

Et ils arrivèrent sur ces mots. Scruta se tint devant les énormes portes, et entendit son cœur battre dans sa poitrine. Si elle avait pu utiliser son plus gros œil, elle aurait pu regarder à l’intérieur pour assister aux étranges événements qui s’y déroulaient. Et pourtant, Scruta était certaine que même si elle avait eu l’usage de son œil principal, elle ne saurait toujours pas ce qui se cachait derrière ces portes. Elle aurait eu trop peur pour regarder.

Orthenon attendait, silencieux, patient, attendant que Scruta fasse le premier pas. Elle resta debout devant la porte et prit de grandes inspirations. Puis elle plaça ses mains sur le bois et ouvrit les portes.

Scruta entendit d’abord le rire. Un rire profond et tonnant qui emplissait toute la pièce gigantesque. Son cœur cessa de battre, et ce rire aurait bien pu faire la même chose au cœur d’Orthenon.

Depuis combien de temps ? Depuis combien de temps n’avait-elle pas entendu ce son ? Scruta avança lentement, comme si elle s’était trouvée dans un rêve, laissant ses pieds l’entraîner plus loin dans la pièce. Pour voir…

Flos, Roi de la Destruction, son lige et unique lumière en ce monde, était debout au centre de la salle du trône et riait. Il avait six ans de plus que la dernière fois qu’elle avait posé les yeux sur lui, et pourtant cela n’avait fait que le rendre encore plus éclatant aux yeux de ceux qui l’admiraient.

Ses cheveux d’un roux doré ressemblaient toujours au soleil, et l’âge n’en avait qu’à peine affadi les couleurs. Il se déplaçait toujours avec toute la passion et la vigueur d’un homme plus jeune, et malgré son long sommeil, son corps ne s’était pas abandonné à la graisse ou à la déchéance. Et ses yeux…

Ils brûlaient.

Scruta s’arrêta et Flos continua de rire, presque plié en deux de joie. Il était debout dans la pièce, et quatre personnes l’entouraient. Elle en connaissait deux - une femme en armure avec un énorme bouclier rond attaché dans son dos et une épée à sa hanche et un homme-oiseau, aux plumes bleues et vertes recouvertes de vêtements légers et au visage d’oiseau avec un bec courbé. Mais Scruta n’avait jamais vu les deux autres personnes.

La première était une fille, et l’autre un garçon. Il aurait peut-être fallu parler de ‘jeune homme et jeune femme’, mais ils restaient des enfants aux yeux de Scruta. Leurs traits étaient similaires, à tel point qu’elle pensait immédiatement qu’ils étaient jumeaux, ou au moins frère et sœur. Mais quelque chose d’autre, chez eux, lui firent instantanément penser à Erin et Ryoka.

Ils avaient cette espèce d’aspect, et cette posture, cette manière de regarder son seigneur, et leur présence même en ce lieu sacré lui firent penser qu’ils n’étaient pas de ce monde. Si elle avait eu son œil, elle aurait pu vérifier cela d’un regard, mais tous ses yeux étaient concentrés sur un homme, un seul.

Son Roi.

Il riait et riait, plein d’une joie débordante. Puis il se retourna. Il s’avança vers les grandes fenêtres qui donnaient sur la ville et ouvrit grand les bras. Rien n’avait changé.

"Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois. Voyez mon œuvre, ô puissants, et désespérez !"

Flos rugit les mots aux cieux, et rit de nouveau, profondément, longuement. Il fit volte-face, les yeux brûlants.

“Et rien ne demeure. Rien d’autre que les gravats et la poussière et les mots. Que c’est merveilleux. Je n’ai jamais entendu des mots remuer ainsi mon âme depuis des années ! Et tu dis que c’est une poète qui les a écrit ? J’aurais aimé la rencontrer.”

Gloussant encore, le Roi revint vers les deux petits humains. Et il aperçut alors Scruta, et le monde s’arrêta. Pour elle, et pour lui.

Scruta n’avait pas le souvenir de s’être agenouillée, ne savait pas à quel moment il avait traversé la distance qui les séparait. Tout cela sembla se dérouler en un instant, puis elle sentit sa présence. Une main se tendit et se posa sur son épaule tandis qu’elle gardait les yeux rivés au sol, trop timide pour les lever.

“Scruta. Fidèle Scruta. Je t’en conjure, lève-toi.”

Et c’est ce qu’elle fit. Elle aurait suivi cette voix jusqu’au néant, obéi n’importe lequel de ses ordres. Scruta leva les yeux, et vit le visage de son Roi.

Il souriait et des larmes brillaient dans ses yeux. Il ne dit rien, mais l’enveloppa dans une étreinte à lui briser les os. Elle resta immobile, s’imprégnant de ce souvenir, inhalant son odeur. Elle aurait voulu que cet instant dure à jamais.

Mais il la relâcha alors, et elle rouvrit les yeux. Il était là. Devant elle. Elle pouvait tendre la main et le toucher. Et il était revenu. Oui, elle le sentait dans ses os, dans son âme et dans chacun des battements de son cœur, à présent.

Il était de retour. Son seigneur s’était de nouveau réveillé.

“Scruta.”

“Mon seigneur.”

Elle lui sourit, et remarqua la façon dont ses yeux parcouraient son œil fermé et encroûté d’un liquide jaunâtre et son armure poussiéreuse d’un air inquiet. Elle savoura cet instant.

“Il est bon de te revoir enfin. Mais ton œil…”

Scruta secoua la tête. Un œil ? Qu’est-ce que son œil venait faire dans un tel moment ?

“Un détail sans importance, mon seigneur. Je souhaite vous parler ce ceci, et de beaucoup de choses encore.”

Il sourit, et son cœur rata de nouveau un battement.

“Et je souhaite entendre chaque détail. Viens avec moi, Mars vient d’arriver, et je veux entendre ton histoire avec tout le monde. Orthenon ?”

L’homme s’approcha et se fendit d’une révérence efficace. Flos traversa la grande pièce avec Scruta, qui marchait à ses côtés. Son Roi.

Les deux personnages qui la connaissaient hochèrent la tête à son approche. Mars l’Illusionniste, et Takhatrès le Seigneur des Cieux inclinèrent la tête et Scruta leur rendit leur salut. C’était étrange, elle était presque heureuse de les revoir tous les deux eux aussi.

Peut-être que Scruta leur faisait peur, car les jumeaux se contentèrent de la dévisager. Si c’était le cas, Scruta aurait cru que la silhouette d’oiseau de Takhatrès et son long bec vicieux auraient été plus effrayants, mais peut-être qu’ils s’étaient habitués à sa présence. Elle n’était pas mieux que lui, avec sa peu d’un marron orangé et ses étranges mains à quatre doigts, mais peut-être que c’étaient ses yeux. Les humains regardaient toujours fixement ses yeux.

“Scruta, voici Mars et Takhatrès, qui ont tous deux traversé d’innombrables milles pour me rejoindre. Voici également Trey et Teresa, deux jumeaux que j’ai choisis pour m’assister. Tout le monde, je vous présente Scruta, mon œil, l’une de mes mains et de mes meilleures amies. De retour, enfin.”
Les autres murmurèrent des salutations, et Scruta entendit la voix du garçon se fissurer. La fille se contenta de la dévisager, les yeux ronds, apeurée. Elle leur adressa un regard bienveillant pour faire plaisir à son seigneur, mais Scruta décida instantanément qu’elle n’aimait pas les deux humains.

Ils avaient fait rire son roi. Ils étaient ici, en ce lieu, en ce moment, et cela voulait dire qu’on leur faisait confiance, qu’ils étaient même des favoris de son Roi. Et pour cette unique raison, Scruta les détesta de toute son âme.

Mais ce n’était rien. Rien du tout. Scruta se concentra de nouveau sur son Roi, et sourit de nouveau. Il lui rendit un sourire plein de vie, et elle sut qu’il ne partirait plus jamais. Une décennie les séparait. Aujourd’hui, et jadis. Une décennie pendant laquelle ils s’étaient battus ensemble, et elle avait été son épée lige et mené ses armées à la victoire. Une autre décennie lors de laquelle il était resté étendu, silencieux, dormant, et son cœur s’était brisé et elle était allé chercher ce qui pourrait le lui ramener.

À présent, il était réveillé. Et Scruta pouvait enfin dire les mots qu’elle avait portés dans son cœur toutes ces années. Elle plongea son regard dans le sien, et sentit ses yeux s’embuer de larmes.

“Mon seigneur. Je suis revenue.”

Que leurs âmes se réjouissaient d’entendre ces mots ! Mais son Roi se contenta de sourire. Il plaça une main sur son épaule.

“Oui. Et juste à temps. Nous avons fort à faire.”

***

Il s’appelait Trey, il avait peur et était perdu. C’était un état normal, pour lui, mais aujourd’hui, en particulier, c’était encore plus le cas. Normalement, il aurait adoré discuter avec sa sœur dans leur coin avec leur langue à eux, mais ils étaient devant un Roi.

Il s’appelait Flos, et il avait débarqué dans la vie de Trey et réduit en cendre tout ce en quoi le jeune homme avait toujours cru. Certes, c’étaient Trey et Teresa qui avaient été invoqués en ce monde par magie ou… quelque chose dans le genre, mais Flos les avaient arrachés des cieux, et tenait à présent leurs vies dans la paume de sa main. Comme un fleuve qui les aurait entraînés avec lui.

Le titan était debout au centre de la salle du trône, plus grand que nature, et parlait à l’étrange femme qu’il avait présentée sous le nom de Scruta. Elle avait l’air… vaguement humaine. Elle n’avait pas de nez, mais elle avait des longs cheveux noirs coiffés en dreadlocks et elle avait une forme humanoïde. Sa peau était orange foncé, de ce que Trey pouvait apercevoir sous son armure segmentée d’un brun sombre. On aurait presque dit qu’elle était couverte d’écailles, et elle ondoyait et se pliait lorsqu’elle bougeait, ce qui la faisait plus ressembler à une deuxième peau qu’à du métal.

Elle avait quatre… non, cinq yeux. Quatre yeux entouraient un œil central, mais ce dernier était clos, et encroûté d’une substance jaunâtre. Et pourtant, les quatre yeux fonctionnels étaient dépourvus de pupilles, ou peut-être que ces dernières étaient tellement ténues qu’on ne pouvait les voir. Parce que Trey était certain qu’au moins l’un de ces yeux était en train de le regarder.

Ilo frissonna, et sentit sa deuxième moitié, sa sœur et jumelle, Teresa, faire de même. Elle était tout comme lui, et tous deux reflétaient souvent les mêmes émotions et pensées.

C’était étonnant. Tous les jumeaux ne partageaient pas tous une connexion aussi profonde à un âge aussi avancé. Ils avaient tous deux seize ans, bien qu’ils soient plus proches des dix-sept à présent. Et les deux faisaient la paire, et n’étaient séparés que par leur sexe.

Trey et Teresa étaient tous deux originaires d’Angleterre, ce que leurs traits indiquaient clairement. Ils avaient des cheveux d’un blond modérément foncé, une peau claire, et ils faisaient tous deux la même taille au centimètre près, soit 1m78. Là encore, c’était étrange, car ils n’étaient pas des vrais jumeaux, du moins du point de vue génétique.

Le terme correct était jumeaux fraternels, ce qui signifiait juste qu’ils étaient nés en même temps, deux bébés ayant partagé un utérus. Mais cela restait très différent de vrais jumeaux, qui étaient issus de la même cellule-œuf divisée en deux.


Non, Trey et Teresa étaient simplement les deux enfants d’une même mère et d’un même père qui se ressemblaient encore tellement que c’en était déconcertant, surtout à leurs âges.  Les docteurs avaient simplement conclu à une série de coïncidences en voyant à quel point leurs chromosomes se correspondaient, Trey, pour sa part, pensait que c’était de la chance.

Car ils étaient semblables. Les jumeaux se souvenaient encore du langage secret qu’ils avaient inventé étant enfants, et ils partageaient encore des pensées malgré le fait qu’ils aient lentement divergé avec l’âge. Des deux, Trey était le plus susceptible de prendre la parole, et Teresa d’attendre et d’observer. Elle avait de bonnes idées et était d’ordinaire celle qui essayait de les mettre en place pour aider.

Elle préférait qu’on l’appelle Teres, ce qui sonnait beaucoup mieux dans tous les cas, d’après Trey. C’était aussi le nom latin d’un muscle de l’épaule, mais ce n’était pas important.

Ils étaient semblables. Semblables et différents. Trey aimait les jeux vidéo ; Teres préférait dessiner et lire.  Ils étaient tous les deux relativement bons en sport, ce qui voulait dire que Teres était populaire dans les équipes de sport comme elle pouvait soutenir le rythme de son frère.

Aucun des deux n’aimait le cricket, et ils préféraient tous les deux laisser la confiture dans le frigo, tout au fond, là où elles pouvaient moisir à jamais. Ils aimaient tous les deux le cinéma, la musique, et les trucs normaux, et ils étaient tous les deux d’accord pour dire que ce monde était terriblement effrayant.

Trey apercevait du coin de l’œil le visage pâle de Teres. Elle avait un peu plus de mal que lui à gérer tous ces changements soudains, ce qui signifiait qu’elle pouvait se mettre à crier à tout moment. Flos les gardait dans la salle du trône et à ses côtés la plupart du temps, mais les deux jumeaux auraient vraiment pu se prendre quelques jours - semaines, mois, plutôt - pour s’asseoir dans un coin et essayer de comprendre ce qu’il se passait.

Mais il fallait qu’ils restent attentifs. S’ils ne l’avaient pas encore senti, l’élan de vie qui avait envahi la ville et le palais pendant ce dernier mois leur avait fait comprendre qu’il se passait quelque chose d’important, et que Flos était au cœur de tous ces changements. Il était Roi, un roi qui avait réveillé une ville remplie de gens désespérés et d’espoirs à l’agonie en quelques mots.

Loin de Trey l’idée de vouloir offenser la Reine, ou la famille royale, mais Flos était un personnage tout droit sorti de la légende, pour Trey. Il rassemblait à l’idée que le jeune homme se faisait d’Alexandre le Grand, ou peut-être même du Roi Arthur lui-même, s’il était honnête. Il semblait irradier une présence écrasante à chaque instant, et on ne pouvait s’empêcher de rester suspendu à la moindre de ses paroles.

Flos avait à présent terminé de parler avec Scruta. Trey sursauta, et il sentit Teres lui donner un infime coup de coude. Il n’avait pas entendu un mot de ce que venait de dire le Roi, mais avec un peu de chance elle pourrait lui raconter plus tard. Flos posa ses mains sur les épaules de Scruta et plongea un regard empli de chaleur et d’amour authentique dans ses yeux.

“Tu devras tout me raconter - tout ! - plus tard. Mais pour le moment, parlons du futur de ce royaume et de ce qu’il s’est passé durant mon absence. Je n’en ai pas encore eu l’occasion d’en discuter avec Mars, et c’est le bon moment.”

Il se retourna, et regarda les jumeaux. Ils sentirent un courant électrique parcourir leur colonne vertébrale, mais aucune peur se loger dans leur ventre. Ce n’était ni un adulte en colère, ni un patron dont il fallait avoir peur, c’était simplement que son regard était électrique.

“Trey, Teres. Venez me voir.”

Ils s’approchèrent docilement, et Trey tenta de jeter un autre regard en direction de la Scruteuse - non, demie-Scruteuse du nom de Scruta. Elle lui rendit un regard impassible, il frissonna et détourna les yeux.

Flos claqua des mains, et Trey crut qu’il allait se faire dessus. Tout ce que le Roi faisait était toujours tellement bruyant.

“Il y a eu beaucoup de changements depuis ton départ, Scruta. Ces deux jeunes gens que tu vois viennent d’un autre monde. J’expliquerai mieux plus tard, mais ils m’ont parlé d’autres terres, remplies d’armées et d’armes qui pourraient mettre à genoux même les monstres les plus dangereux de notre monde. Ce sont eux qui ont rallumé ma flamme, et je les ai donc choisis pour en faire mes pupilles et mes assistants personnels. Je vous le demande à tous, traitez-les avec bonté, et enseignez-leur ce que vous savez.”

Mars acquiesça immédiatement, suivie de Takhatrès. Trey essaya de s’empêcher de regarder Mars ; il se méfiait encore de l’homme-oiseau, ou plutôt Garuda pour être précis, mais il s’était habitué au calme de Takhatrès pendant ces derniers jours.

Mais pour ce qui était de Mars… Il était difficile pour Trey de parler à Mars. Il ne cessait de baisser les yeux. C’était vraiment dur ! Teres lui avait déjà donné deux coups de pied, mais… mais…

Mars avait une poitrine énorme. Impossible d’en faire abstraction. Mais ce n’était pas tout, elle avait une allure incroyable - on aurait dit une top-modèle photoshoppée. Ses longues boucles rousses rebondissantes, sa silhouette menue et sa peau sans défauts, et ces seins séduisants et rebondissants…

Teres lui donna de nouveau un coup de pied, et il détourna les yeux. Mars lui sourit et il devint rouge comme une pivoine. Flos pouffa et Orthenon leva les yeux au ciel et Takhatrès sourit discrètement. Et Scruta…

Elle dévisageait les jumeaux. Elle avait acquiescé lorsque Flos avait exprimé sa requête, mais elle n’avait pas le visage ouvert de Mars ni la calme acceptation de Takhatrès. Elle regardait fixement Trey, et il se sentait mal à l’aise. Ses yeux ressemblaient à des lasers qui lui fouillaient la tête. Trey se décala légèrement en arrière pour se rapprocher de Teres. Il la sentit frissonner, et espéra qu’elle pouvait tirer autant de réconfort de lui qu’il en tirait d’elle.

“À présent, nous réunirons un conseil plus formel plus tard, et nous discuterons plus à ce moment-là. Pendant le dîner, je pense. Un banquet reste hors de question tant que nous n’aurons pas refait nos stocks, mais je dînerai avec vous tous et discuterai avec Mars et Scruta plus tard.”

Flos avait repris la parole, et les yeux de Scruta s’étaient détournés. Trey regardait aussi Flos, il ne pouvait s’en empêcher. Quand cet homme bougeait, il devenait le centre de l’attention.

“Mon royaume est faible. J’ai tout laissé tomber, dans mon désespoir et mon apathie. Seul Orthenon a réussi à empêcher le tout de tomber en ruines, et pourtant mon royaume reste brisé. Et vous tous… je vous ai laissés tomber. Je ne mérite pas le présent dont vous me gratifiez par votre retour.”

Flos dévisagea tour à tour Mars, Takhatrès, Scruta et Orthenon, et ils lui rendirent tous son regard, silencieux, souriants, inclinant la tête. Le silence qui les entourait alors qu’ils restaient pendus à ses lèvres était intime et profond.

Le Roi finit par se tourner vers les jumeaux et sourit de nouveau, mais sans trace de chagrin cette fois-ci. Il inclina la tête.

“J’ai abandonné mon trône et mon peuple. Il n’y a pas de honte plus grande pour un Roi. Et pourtant… j’aurais tout perdu dans tous les cas, si j’avais poursuivi ma quête. Mon royaume aurait été fracassé par le feu et le sang. Peut-être qu’il valait mieux le laisser s’effondrer. Nous ne le saurons peut-être jamais. Mais je suis de retour, et nous allons donc recommencer. Je ne vous demande que ceci : êtes-vous avec moi ?”

“Bien sûr !”

Mars avait été la première à répondre, et les trois autres la suivirent immédiatement. Scruta sourit et s’inclina comme une courtisane, une main sur le ventre, l’autre jetée derrière elle en faisant glisser une jambe en arrière.

“Nos vies sont à votre service, mon Roi. Si vous désirez retrouver votre royaume, il vous suffit de le demander, et nous vous l’apporterons sur un plateau.”

Flos sourit. Il regarda tour à tour ses quatre liges, et hocha la tête.

“Très bien. Nous commencerons par là. Lorsque Takhatrès est arrivé, nous avions suffisamment pour commencer à rebâtir. À présent que d’autres de mes Sept sont arrivés, nous allons pouvoir commencer cela.”

Il se détourna et marcha jusqu’aux fenêtres. Tout le monde le suivit, et Flos s’arrêta pour pointer le distant horizon du doigt. Chandrar, le continent où ils se trouvaient, était un endroit chaud et sec, ressemblant fort à l’Égypte ou à un autre pays du Moyen-Orient, pour Trey. Cela avait beau être l’hiver, le ciel dehors était d’un bleu éclatant, et il faisait suffisamment chaud pour qu’il se réjouisse d’être à l’intérieur.

“Gardez cela en tête. Pendant que mon royaume déclinait, de puissants nouveaux empires se sont levés. Même pendant mon sommeil, j’ai entendu des murmures de coalitions, et un nouveau dirigeant puissant a conquis les cités du désert.”

Flos fronça les sourcils en pointa du doigt le désert qui s’étendait à perte de vue au loin. Il était suffisamment proche pour que Trey puisse le voir, mais le sable et les dunes disparaissaient loin à l’horizon. Trey ne pouvait même pas imaginer à quel point ces terres étaient étendues.

Orthenon toussa au creux de sa main.

“Des assassins et des armées seront bientôt envoyées contre vous, mon Roi. Vos alliés se réjouiront peut-être de votre retour, mais vous avez de nombreux ennemis.”

Scruta acquiesça.

“La rumeur a déjà atteint Izril, mon seigneur, bien que je ne sache pas comment. C’est ainsi que j’ai eu la nouvelle de votre retour. Si le mot s’est répandu jusque là-bas…”

Mars haussa les épaules, faisant rouler l’armure sur ses épaules en montrant d’une main l’épée à sa taille et l’énorme bouclier rond dans son dos.

“Qu’ils viennent, ces assassins. Je protégerai mon Roi. Ce sont les armées qui représenteront la plus grande menace. Mais comment la nouvelle a-t-elle pu voyager si vite ? Je n’ai eu vent de votre retour qu’il y a une semaine, et je n’étais pas loin.”

Flos sourit, et Trey tâta l’iPhone dans sa poche, froid et dur. Il l’avait gardé éteint depuis l’appel, mais cela l’avait surpris qu’on l’autorise à le garder. Pourtant le Roi, bien qu’il ait revendiqué Trey et Teres comme ses sujets malgré leurs protestations, avait insisté sur le fait qu’il leur appartenait.

“Je crois savoir comment, et je ne serais pas surpris d’apprendre que la plupart des nations ont eu vent de mon retour à présent. Qu’importe ; je n’aurais pas gardé cela secret de toute façon. Un Roi ne se cache pas. Et peut-être qu’ainsi, la nouvelle atteindra mes alliés des terres les plus lointaines.”

“Mais vont-ils vous rejoindre ou rester où ils sont ? Dans tous les cas, je ne compterais pas sur leur aide avant la première attaque ennemie.”, déclara sans détour Takhatrès, et Flos acquiesça.

Le Roi sourit, tirant légèrement sur sa barbe en surveillant sa ville bourdonnante d’activité.

“Comment procéder, alors ? Mon royaume est en ruine ; il faudra beaucoup d’or pour guérir cette longue maladie, et mon trésor est vide. Ceux qui pourraient se battre sont partis vers d’autres guerres pour nourrir leurs familles, et mon armurerie ne contient plus que quelques reliques.”

“Vous avez donné les armes et les armures aux soldats qui sont partis.”, devina Scruta, et Flos acquiesça sans une once de regret.

“Ils les avaient méritées, et ce genre d’objets m’auraient été inutiles dans mon état. Non, je ne fais qu’établir les faits, Scruta. Et si les armes étaient mon unique problème, je serais chanceux. Mais les murs s’effondrent, et il y a peu de nourriture.”

Il se tourna vers son public et écartant grand les bras.

“Si je n’ai ni armée, ni argent, peu d’armes et encore moins de provisions pour nourrir mon peuple, que devrais-je faire ?”

La situation semblait critique, mais les jumeaux le virent sourire. Ses yeux brillaient, et Trey réalisa que Flos était heureux. Le Roi se tourna vers Scruta.

“N’est-ce pas merveilleux ? De faire face à tant d’adversité dès le début ?”

Elle sourit d’un sourire fin et énigmatique.

“Comme vous dites, mon Roi. C’est un défi digne d’un nouveau départ.”

“J’aimerais qu’il en soit de même pour la vie.”

Flos soupira, et se tourna vers Orthenon.

“Nous allons devoir nous dépasser. Pour le moment, mes Compétences aideront à mobiliser le peuple, mais nous devons trouver une source de nourriture pour nous nourrir cet hiver. Il pourrait bien ne pas neiger sauf dans le désert, mais nous mourrons de faim bien assez tôt.”

Orthenon acquiesça. Il montra une petite file de gens par la fenêtre, loin sous le balcon. Trey plissa les yeux, et vit un groupe de gens bien ordonnés en train d’attendre de recevoir de la nourriture distribuée par un wagon. Il n’y avait pas de soldats pour garder le wagon, toutefois, et on aurait dit que les gens qui aidaient à décharger le wagon n’étaient que des bénévoles qui s’étaient portés volontaires.

“Les échoppes que nous avons saisies chez les marchands aideront, et d’autres encore nous ont proposé des marchandises à des prix très avantageux, voire gratuitement.”

“Gratuitement ? Pourquoi ?”

Mars paraissait estomaquée, mais Orthenon ne l’était pas. Il regarda Flos.

“Ils se souviennent de votre bonté que vous leur avez montrée par le passé, ou ils espèrent obtenir une faveur du royaume. Mais cela ne suffira quand même pas.”

Le Roi fronça légèrement les sourcils, réfléchissant au problème. Il reprit la parole sans s’adresser à personne en particulier.

“‘L’argent est la racine de tous les maux”, n’est-ce pas une citation de votre monde ? Eh bien peut-être qu’il engendre bien les maux, car l’argent en lui-même sauverait des vies et remplirait les estomacs vides des enfants.”

Trey cilla et Teres se recroquevilla un peu plus lorsque Flos se tourna vers eux. Est-ce qu’ils étaient censés répondre ? Parfois, Flos voulait une réponse juste pour entendre leur point de vue, ou pour savoir ce que penseraient des gens de leur monde. Mais ce n’était pas un de ces moments. Il se retourna vers les autres et pointa la fenêtre du doigt.

“Je ne suis pas un Roi pacifique qui attend et bâtit son royaume. Je comprends la guerre, si c’est une histoire de fonds, d’armes, ou n’importe quoi d’autre, alors il nous suffira d’aller le prendre.”

Les autres hochèrent la tête comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Mars sourit, affichant une bouche pleine de dents blanches et parfaites.

“À qui ? Avez-vous une préférence, sire ?”

Flos acquiesça, caressant la barbe sur son menton.

“Il y a plusieurs grands groupes de bandits qui ont la puissance d’une petite armée. Et il y a peut-être des individus de valeur parmi eux. À présent que Scruta et Mars sont arrivées, il est possible d’envoyer Mars et Takhatrès pendant que Scruta reste ici. Son nom à lui seul contrera la plupart des menaces pendant votre absence.”

Mars et l’homme-oiseau parurent enchantés, mais pas Scruta. Elle se tourna vers son Roi et écarta les mains pour protester doucement.

“Je peux encore me battre, mon seigneur. La perte de mon œil…”

Flos secoua la tête, et Scruta se tut. Il la dévisagea avec sympathie et affection, en lui posant de nouveau une main sur l’épaule.

“Je ne douterai jamais de ton courage, Scruta. Mais je ne veux pas risquer de t’envoyer tout de suite, pas pour quelque chose d’aussi trivial. Il faut que nous trouvions un parchemin ou une potion pour régénérer ton œil, et vite. Mars… Takhatrès…”

“Ce sera une de nos priorités, mon seigneur.”

Mars s’inclina, et adressa un sourire sensuel à Flos qui fit s’emballer le cœur de Trey. Mais Flos se contenta de lui sourire, et la grande femme fut celle qui se retrouva à rougir.

“Je vous remercie. À présent…”

Quelqu’un toqua à la double porte. C’était un son ténu, et qui fut rapidement englouti par la salle caverneuse, mais Orthenon fut aux portes en un instant. Il les ouvrit, et laissa entrer un homme couvert de poussière et de crasse.

Un ouvrier de construction - une espèce de [Bâtisseur] ? Trey était surpris qu’on le laisse entrer, mais Flos le rejoignit et lui parla avec familiarité comme si c’était tout naturel. Il revint quelques instants plus tard, et s’adressa aux autres.

“Il semblerait que je doive aller m’occuper de certaines affaires. La construction, quelques émissaires… non, Scruta, Mars, je ne voudrais pas que vous vous fatiguiez après votre long voyage. Reposez-vous ici. Nous allons faire une petite pause ! Orthenon, je vais m’en occuper moi-même.”

Orthenon acquiesça et Flos sortit de la pièce. L’homme de haute taille revint dans le cercle avec les trois autres, et Trey s’éloigna légèrement d’eux.

L’humeur de la vaste salle du trône avait de nouveau changé. En l’absence de Flos, les sourires de ses quatre vassaux se transformèrent. Ils souriaient toujours, mais différemment en se dévisageant.

Teres n’eut pas besoin d’expliquer à Trey qu’il y avait de la tension entre eux. Mars fut la première à briser le silence. Elle se décala légèrement, se penchant en avant afin que sa poitrine soit plus mise en valeur lorsqu’elle s’adressa à Scruta.

“C’est bon de te revoir, Scruta. Dommage que tu ne sois pas arrivée plus tôt, j’aurais adoré voir le visage de notre seigneur si nous étions arrivées ensemble.”

Scruta rendit son sourire à Mars, sans une once de joie véritable dans son expression. Elle avait des dents pointues.

“Je ne voudrais pas souiller le bonheur de retrouver notre Roi par ta présence. Il mérite quelqu’un à ses côtés avec le moins possible d’assurance et de compétence.”

“Oh ? Et je vois que tu es aussi impatiente qu’à l’accoutumée, Scruta. Tu aurais pu attendre ; notre seigneur appréciait beaucoup le poème sur le roi mort depuis longtemps.”

La demie-Scruteuse haussa les épaules, presque à regret, et secoua la tête.

“Quel dommage qu’il soit obligé d’écouter les histoires d’enfants d’un autre monde pour se divertir. On dirait que la nouveauté de ta présence s’est déjà estompée, Mars.”

La femme plissa les yeux et sa main tressaillit en direction de la garde de son épée. Scruta sourit d’un air supérieur, mais avant qu’aucune des deux ne puisse échanger un deuxième round d’insultes, Takhatrès claqua la langue doucement. Il écarta les “bras”, deux grandes ailes aux longues plumes et se terminant par des serres agiles à chaque extrémité.

“Avez-vous vraiment l’intention d’échanger des insultes dès vos retrouvailles ? Ou suis-je tellement invisible que tu ne souhaites pas me demander comment je vais, Scruta ?”

Scruta le regarda, et son expression s’adoucit. Mars parut honteuse, et elle se gratta la tête en se tournant vers Takhatrès.

“Je te prie de me pardonner, Takhatrès. Comment se porte ta tribu ?”

“Oui, désolée. Comment vont tes fils et ta fille ? Est-ce que tes femmes ont pondu d’autres œufs depuis la dernière fois que je t’ai vu ?”
 
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2.22 K - Deuxième Partie
Traduit par EllieVia

Orthenon s’approcha de Teres et Trey pendant que les trois autres se mettaient à discuter plus sérieusement. Trey était soulagé que ce soit lui qui vienne leur parler ; il avait de nouveau la tête qui tournait, et il avait désespérément besoin de parler à quelqu’un si Teres et lui n’étaient pas autorisés à s’éloigner pour discuter. Et s’il y avait une personne à laquelle Trey devait parler, il choisissait Orthenon.

“Comment allez-vous, Trey, Teresa ? La journée a été longue et je crois que mon seigneur a oublié que vous avez besoin de vous sustenter, même si ce n’est pas son cas. Voulez-vous que je vous fasse apporter quelque chose à manger ?”

“Quoi ? Non… ça va, merci.”

“Je n’ai pas faim, merci. J’ai bien mangé ce matin.”

Teres sourit à Orthenon. À part Flos et Trey, il était à peu près la seule personne avec qui elle se sentait suffisamment à l’aise pour parler.

Le grand moustachu était gentil, strict, et absolument formel à tout moment. Trey l’admirait, et il savait que Teres aussi… pour plus de raisons que lui. Plus important, Orthenon était l’une des rares personnes avec lesquelles les jumeaux étaient à l’aise pour parler. Il leur avait expliqué la plupart des choses qu’ils savaient sur la manière dont fonctionnait ce monde, et il était toujours de bon conseil.

Et ses mises en gardes étaient toujours fondées, aussi. Orthenon baissa la voix tandis que les trois personnes derrière lui se mettaient à papoter, Mars et Scruta échangeant des piques occasionnelles.

“Un avertissement pour tous les deux : tenez-vous loin de Scruta. Elle a beau être la plus faible des trois, du moins sans son œil, elle reste celle qui inspire le plus de crainte, et est peut-être celle qui est la plus possessive en ce qui concerne notre Roi.”

“Oh. Okay.”

Trey ne savait pas quoi répondre à cela. Est-ce qu’Orthenon était en train de dire que Scruta risquait de les détester parce que Flos avait fait d’eux ses assistants ? Mais elle était bien plus importante qu’eux, non ?

Teres pensait clairement la même chose.

“N’est-elle pas l’une des Sept ? J’ai entendu quelqu’un dire ça.”

Trey n’avait rien entendu de tel, mais Orthenon acquiesça. Il fronça les sourcils.

“Personne ne vous a parlé des Sept ? Takhatrès… non, je ne pense pas qu’il aime se vanter et je suppose que c’est un fait considéré comme connu de tous.”

Il soupira, et tapota légèrement son pantalon en réfléchissant.

“Les Sept étaient jadis le cercle personnel du Roi Flos, auprès de qui il prenait conseil et sur qui ils s’appuyait. Ils étaient ses généraux, ses dirigeants qui géraient chacun une partie de son royaume. Ils étaient ses sujets les plus forts et les meilleurs. Voyez les trois qui vous font face ; malgré leurs querelles, leurs noms sont connus dans le monde entier.”

Trey sentit un frisson lui parcourir la colonne vertébrale lorsqu’il regarda Scruta, Mars, et Takhatrès. Teres dévisagea Orthenon avec curiosité.

“N’en fais-tu pas partie ?”

Il sourit brièvement.

“Mon rôle est différent. Je suis l’Intendant du Roi ; je ne peux guère me trouver loin de lui.”

“En ce cas, qui est le plus fort ?”

C’était une question stupide, mais Trey était curieux. Il sentit la désapprobation de Teres et rougit, mais Orthenon traita sa question comme si elle était normale.

“Mars a le plus de niveaux, si c’est ta définition de la force. Elle est au Niveau 66, et c’est la deuxième plus haut classée parmi les guerriers du continent.”

C’était sans aucun doute le nombre le plus élevé dont Trey avait jamais entendu parler. Teres avait l’air impressionnée elle aussi, et pour une bonne raison. Les deux jumeaux avaient appris les conventions de ce monde à présent, et ils comprenaient ce que cela signifiait.

“Sur Chandrar, elle est deuxième, mais en termes de niveaux dans le monde, vous pourriez quand même compter ceux qui ont son niveau ou plus haut à vous deux.”

“Elle est donc plus forte que Scruta ?”

Orthenon hésita. Il avait l’air mal à l’aise.

“Si nous devions nous battre ici tous les quatre, Mars aurait le plus de chances de quitter cette pièce. Mais je ne parierais pas là-dessus. Les Sept ont été choisis parce qu’ils excellaient plus que tout autre dans un domaine précis.”

“Et pourquoi les appelle-t-on les Sept ? Il y a un rapport avec les Sept Péchés Capitaux ou pas ?”

Teres avait clairement pensé la même chose, mais le regard qu’elle lui adressa lui rappela que la vie n’était pas un manga. Orthenon parut perplexe.

“Les Sept Péchés… ? Non. Pas de noms. Juste les Sept. Il n’y avait pas de légende derrière leur existence avant que Flos ne nomme les quatre premiers. Puis il a lentement ajouté des individus à leurs rangs. Le chiffre n’a pas de signification ; si quelqu’un d’autre en avait été digne, ils auraient été huit. En l’état, ils pourraient tout aussi bien se faire appeler les Cinq.”

“Pourquoi ?”

“Deux des Sept son morts. Ils ont péri avant que notre Roi ne plonge dans son sommeil. Et deux autres doivent encore revenir. Amerys, la Fleur Paisible du Champ de Bataille, et Drevish, l’Architecte.”

“Pourquoi ces titres ? Je veux dire, pardon, que veulent-ils dire ?”

Orthenon marqua une pause, puis son visage s’assombrit.

“Je crois qu’ils n’aimeraient pas que je te le dise. Si tu dois le savoir, il serait plus sage de le leur demander toi-même.”

Il hocha la tête, et Trey rejoignit avec réticence les trois autres en compagnie de Teres. Il n’avait pas demandé parce qu’il voulait leur poser la question en face à face. Mais Teres voulait savoir, et elle allait lui faire poser la question, il en était sûr.

Mars était en train de discuter avec les autres lorsque les jumeaux et Orthenon se trouvèrent de nouveau à portée de voix.

“... reste surprise qu’Amerys ne soit pas arrivée. Drevish, je comprends, s’il est dans une sorte de projet il ne l’abandonnera pas même pour notre seigneur, mais Amerys ?”

Elle s’interrompit, et sourit aux jumeaux à leur approche. Trey essaya de lui sourire et de croiser son regard et rien d’autre, et Teres baissa la tête.

“Vous êtes ceux qui avez réveillé mon roi lige, n’est-ce pas ? Je suis en votre dette, Trey et Teres, c’est bien ça ?”

Elle s’inclina d’un air solennel devant Trey, et Teres et lui se tortillèrent un peu, mal à l’aise. Il prit la main de Mars lorsqu’elle la lui tendit et sa poigne calleuse puissante faillit lui écraser les doigts.

“Hum, enchanté de faire ta connaissance.”

“De même.”

Mars sourit de nouveau à Trey. Il rougit et essaya de garder ses yeux… n’importe où au-dessus de ses épaules, vraiment. Elle avait l’air sortie tout droit d’un animé japonais ou d’un jeu vidéo, ce qui voulait dire qu’elle possédait des formes féminines stylisées et parfaites… d’un point de vue masculin.

Il était désorienté, et s’apprêtait à faire quelque chose de stupide, donc Teres lui donna un coup de pied. La question qu’il avait dans sa tête jaillit de ses lèvres sans qu’il puisse s’en empêcher.

“Pourquoi… pourquoi vous appelle-t-on l’Illusionniste ? Est-ce que vous pouvez faire de la magie ?”

Mars cligna des yeux, surprise, et Takhatrès pouffa doucement, amusé. Il vit Teres se rapprocher de lui pour s’éloigner de Scruta.

Trey savait que Teres aimait bien l’homme-oiseau, et ce dernier avait été très gentil avec eux depuis qu’il était arrivé la semaine dernière. Mais le bec courbé et l’allure de prédateur du Garuda, ou homme-oiseau, le faisait apparaître mille fois plus effrayant que Falco. Il bougeait souvent ses ailes/bras en se dandinant lorsqu’il parlait.

Mars se gratta l’une de ses boucles de cheveux d’un roux éclatant, l’air embarrassée. Les autres gloussèrent.

“Je ne suis pas [Mage], si c’est ta question. Je suis [Avant-Garde] - une variation de la classe de [Guerrière]. Je ne sais pas faire de magie, en fait, même si j’ai plusieurs artefacts. C’est à ça que le nom fait allusion.”

C’était plutôt logique. Est-ce qu’elle utilisait des illusions pendant les combats ? Trey voulait lui en demander plus, mais Mars avait l’air mal à l’aise, et Takhatrès intervint. Il inclina la tête afin de pouvoir baisser les yeux sur Trey - le Garuda était vraiment très grand.

“La plupart de nos titres nous ont été donnés par nos ennemis. Ils sont véridiques, mais jusqu’à un certain point seulement. Vous apprendrez peut-être leurs significations complètes plus tard, mais pour le moment…”

Takhatrès sourit, et montra la fenêtre d’une serre.

“Des affaires plus importantes nous attendent.”

On aurait dit qu’il venait d’actionner un interrupteur dans le groupe. Ils se tournèrent vers les portes, puis abandonnèrent leurs discussions décontractées et leurs querelles silencieuses. Ils se mirent à parler vite et d’un air décidé, et les jumeaux les écoutèrent. Et ils réalisèrent tous deux qu’ils réunissaient un premier conseil avant le retour de Flos.

“C’est bien que vous soyez toutes deux ici. J’ai amené mes guerriers avec moi, mais même avec Orthenon, je restais profondément ennuyé. À présent que vous êtes toutes deux ici, je pense que nous allons enfin pouvoir vraiment commencer à accomplir les ambitions de notre seigneur.”, déclara franchement Takhatrès à Mars et Scruta. Mars hocha la tête.

“Heureusement que je ne sois pas restée sur place pour vérifier la véracité des rumeurs, aussi. Lorsque j’ai entendu parler de son retour… j’étais folle de joie, évidemment, mais inquiète, aussi. Maintenant que je suis ici, je me rends compte que les choses sont encore pires que je ne le croyais. Nos forces sont tellement faibles que n’importe quelle armée pourrait pénétrer ici comme dans un moulin. Mis à part nous, qui pourrait protéger notre Roi ?”

“Il nous suffit de nous battre et de vaincre nos ennemis. À présent que notre Roi est revenu, quel autre choix nous reste-t-il ?”, demanda Scruta en haussant les épaules d’un air nonchalant. Takhatrès fronça les sourcils.

“Il y a une différence entre l’assurance et la folie, Scruta. À toi seule, tu pourrais peut-être vaincre une armée, mais peux-tu, seule, protéger notre seigneur en pleine bataille ?”

“Surtout avec ton œil blessé.”, lâcha Mars en pointant l’œil de Scruta du doigt. La demie-Scruteuse fronça les sourcils mais ne répliqua pas. Takhatrès hocha lentement la tête.

“Il nous suffit de rassembler nos forces aussi vite que possible. J’ai apporté mes meilleurs guerriers avec moi pour se charger de la sécurité pour le moment et ma tribu s’apprête à venir ici. Dans quelques jours, nous aurons une armée avec nous.”

“Mais il nous faudra une légion pour conquérir ce continent, sans parler du monde.”

“Et alors ? Lorsqu’il a commencé sa conquête, notre seigneur possédait bien moins que cela.”

Mars fronça les sourcils, mais Takhatrès ne semblait pas rassuré.

“C’était avant. À présent, le monde connaît sa puissance et nos ennemis nous attaqueront de toutes leurs forces dès le début. Si nous n’agissons pas, nous risquons d’être anéantis avant même d’avoir commencé.”

“Il nous reste quelques vétérans des anciennes guerres, et le personnel du château peut nous aider. Mais ils ne constituent certainement pas un bataillon. J’ai essayé de garder quelques soldats, mais je ne pouvais leur donner ni nourriture, ni paie. Si notre Roi le leur avait demandé, ils seraient peut-être restés, mais comme j’étais seul…”

Orthenon soupira et ses épaules s’affaissèrent. Mars lui tapota le dos et même Scruta secoua la tête.

“Tu l’as gardé en sécurité et maintenu le royaume intact. Il nous faut simplement restaurer ce qui a été perdu. Et nous sommes quatre, ici. Suffisamment pour vaincre n’importe quelle armée.”

Mars hocha joyeusement la tête.

“Qui pourrait se dresser contre notre seigneur au sommet de sa puissance ? Il pourrait faire venir les gens ici tout seul s’il le fallait. Même maintenant, entre nous, quelle force serait capable de nous vaincre ? C’est cela dont il faut s’inquiéter.”

Orthenon se mit à lister des noms pendant que les autres hochaient la tête en signe d’approbation ou de dénégation.

“En termes de puissances majeures ? Les Quatre Compagnies de Baleros, Wistram, une coalition des royaumes Terandriens, peut-être, le Roi Maudit, la Maison de Minos…”

“Des puissances étrangères. Qu’en est-il de ce continent ?”

“Il y a une alliance de nations au nord qui s’est formée après la chute de l’empire. Ils viendront nous attaquer.”

“Mais ils ont peur. Hum. On a peut-être du temps de ce côté-là. Non, je pense que l’Empire des Sables représente la plus grande menace.”

“Je n’avais entendu parler que d’une nation en expansion quand je suis partie. Qu’est-ce que l’Empire des Sables ?”

“Un nouvel [Empereur] est apparu il y a quelques années. Il a absorbé une grande partie des nations de l’empire de notre seigneur et créé une vaste armée. Il est en train de balayer le continent, et ses soldats sont puissants.”

“Et nos armées se sont soit éparpillées, soit ont disparu. C’est peut-être notre plus grande perte.”, déclara doucement Orthenon. Les trois autres acquiescèrent. Il se tourna vers les jumeaux pour leur expliquer.

“La puissance de notre seigneur n’a jamais résidé en une seule armée, ni même en ses généraux. Au sommet de notre gloire, nous avions des armées et des individus en très grand nombre qui se battaient sous notre bannière.”

Mars acquiesça. Elle se mit à compter sur ses doigts.

“Nous n’aurons ni les Rustängmarders, ni la Légion Oubliée, ni les Marcheurs Silencieux pour le moment. Mais les Spectres sans Soleil se joindront peut-être à nous si nous prenons la côte. Et les Gardiens de Tombeaux…”

“Nous n’avons pas l’or nécessaire pour les engager.”

“Ils nous sont redevable. L’honneur ne représente-t-il donc rien pour eux ?”

“Non, mais ils ont prêté serment. Et faire la guerre n’en faisait pas partie. Si nous pouvions leur offrir du soutien à eux aussi…”

“Et les Enragés ? Ils sont à … Averach ? Ils enverront sûrement une délégation si on le leur demande. Il n’y a pas d’autre dirigeant qui les supporte aussi bien que notre seigneur.”

“Les Enragés ? Qui sont-ils ?”

C’était étonnamment Teresa qui avait posé la question. Orthenon hocha la tête.

“Des [Alchimistes] pour la plupart. Mais également une nouvelle classe - des [Ingénieurs]. C’est un groupe de désastres ambulants qui créent de merveilleuses inventions et du chaos. En avoir un dans sa ville garantit pratiquement qu’il y ait de la destruction et des morts, mais sous le règne de notre seigneur, ils travaillaient à nous créer des miracles.”

Mars avait l’air contrariée. Elle tritura une mèche de ses longs cheveux.

“Je ne peux pas dire que j’aimerais me tourner vers eux en premier pour demander de l’aide. Peut-être que certains d’entre eux pourraient nous donner des fonds et des artefacts… mais clairement pas l’armée dont nous avons besoin.”

“Et pourquoi pas…”

Takhatrès s’interrompit et se tourna vers la porte. Les trois autres se turent, puis les portes s’ouvrirent.

Flos entra d’un pas majestueux et sourit en venant rejoindre le groupe. Et la discussion se termina subitement. Ses vassaux mirent leurs inquiétudes de côté pour écouter les paroles de leur roi. Et plus encore…

“Mon seigneur. Je n’ai pas eu l’occasion de vous offrir ceci plus tôt, mais je souhaite vous offrir le fruit de mon labeur leur de mes voyages.”, déclara en premier Mars, en s’inclinant devant Flos. Elle lui tendit un étrange sac noir brodé de symboles lumineux. Flos cilla, puis sourit.

“Un présent ? Ta présence est déjà un cadeau. Mais si cela peut aider mon royaume, je l’accepte avec gratitude. Qu’as-tu trouvé ?”

“Des armes, mon seigneur. Des armes, des armures et des objets magiques pour équiper une armée.”

La femme plongea la main dans le sac et en tira une épée. Elle était incurvée, comme un cimeterre, mais à double tranchant, et elle brillait d’une lumière violette à la lumière. Flos la prit et en admira la lame en discutant avec Mars.

Trey était captivé par la lame magique - et les autres armes que Mars se mit à tirer de son sac magique, mais Teres lui donna un coup de coude et il regarda ce qu’elle voulait lui montrer.

Scruta fusillait Mars du regard, et Takhatrès aussi, et Orthenon aussi, d’ailleurs. Ils n’avaient pas l’air… énervés, mais il y avait du défi dans leurs regards. Puis il comprit.

Cela n’aurait pas dû être une compétition, mais c’en était bel et bien une. Les quatre vassaux ne voulaient rien de plus que de plaire à leur Roi, et d’être celui ou celle qui parvenait à lui faire le plus plaisir. Orthenon n’avait rien à offrir, et pourtant, sa contribution - rester loyalement aux côtés de Flos toutes ces dix longues années - était difficile à surpasser.

Mars continua de tirer des armes magiques du sac jusqu’à ce qu’elle ait une petite armurerie entassée à ses pieds.

“Cela suffira à équiper les lieutenants et les officiers, ou à faire un petit régiment. Je vous l’offre pour la guerre, mon seigneur.”

“Je n’aurais pas pu en demander plus. Merci, Mars, ce sera le fondement de la reconstruction de nos armées.”

Flos sourit de nouveau à Mars et elle inclina la tête en rougissant. Takhatrès s’éclaircit la gorge ; c’était son tour, à présent.

“J’ai amené avec moi ma tribu, et nos nombres ont quadruplés depuis la dernière fois que je les ai menés à la bataille. Mes guerriers sont à présent entraînés à se battre plus férocement, plus violemment qu’avant. Nous volerons dans le ciel et assombrirons le ciel pour vos ennemis, mon Roi.”

“Je me souviens de la puissance de ta tribu autrefois. Je ne l’échangerais pas même pour cinq armées, et je sais qu’elles seront le fer de lance de notre guerre. Takhatrès, je te remercie.”

Flos serra le bras de Takhatrès et inclina légèrement la tête. Puis ce fut le tour de Scruta. Trey voyait les trois autres la dévisager, mais la demie-Scruteuse n’avait rien sorti. La demie-Scruteuse écarta les bras en grand en souriant légèrement.

“Mon seigneur, je regrette de vous annoncer que je ne vous ai rien ramené. La magie que j’ai découverte, les trésors que j’ai rapportés ne valent pas la peine que je vous en parle. Je ne peux rien vous offrir d’autre qu’une histoire amusante.”

“Oh ?”

Flos haussa les sourcils. Mars eut un sourire narquois et Takhatrès se couvrit brièvement la bouche d’une aile. Ils pensaient avoir gagné la compétition, mais Orthenon fronçait légèrement les sourcils en contemplant Scruta. Et elle avait un petit sourire sur le visage.

“Oui, mon seigneur. Vous savez peut-être que j’ai quitté ce royaume, et, de surcroît, ce continent, pour trouver une chose qui pourrait raviver vos passions d’autrefois.”

“En effet. Et l’as-tu trouvée ?”

“Non, mon seigneur. Pas immédiatement. J’ai parcouru de nombreuses contrées à la recherche de créatures, de monstres, mais je n’ai rien trouvé qui en vaille la peine. Jusqu’à arriver dans une petite auberge à la périphérie de la ville de Liscor, sur le continent d’Izril.”

Trey écouta, vivement intéressé, Scruta décrire sa première rencontre avec Erin. Et il remarqua que Flos était pendu aux lèvres de Scruta, ses yeux brillant d’intérêt. Et que Mars et Takhatrès perdaient petit à petit de leur superbe au fur et à mesure que Scruta contait son histoire.

“Elle vient - comme ces deux jeunes gens - d’un autre monde.”

Scruta montra les jumeaux d’un geste, et Trey et Teres échangèrent un regard. Était-elle l’une des personnes de l’appel ? Pouvaient-ils rencontrer Erin Solstice ?

“Une jeune femme qui se jetterait dans un gouffre où brûle une fournaise pour sauver une araignée. Avant de la refaire tomber dedans.”

Flos se caressa la barbe et secoua la tête.

“... Mais je te connais, Scruta. L’histoire n’est pas terminée, n’est-ce pas ? Cette fille est encore plus extraordinaire que ce que tu nous laisses entendre.”

La Scruteuse sourit.

“Oui, mon Roi. Lorsque je l’ai regardée, j’ai vu qu’elle avait une compétence que je n’avais jamais croisée pendant toutes mes années de voyage. Elle s’appelle [Instant Immortel].”

Flos était à présent entièrement focalisé sur Scruta. Il sourit, ses yeux brillant de curiosité.

“[Instant Immortel]. Un étrange nom pour une compétence. Étrange et… intrigant. Je me demande ce qu’elle fait. Est-ce que tu l’as vue l’utiliser, Scruta ?”

“Non. Je ne suis pas certaine qu’Erin elle-même connaisse la nature de sa compétence.”

Flos fronça les sourcils, et se mit à faire les cent pas dans la vaste pièce, passant et repassant devant le groupe.

“Je connais un peu la nature de ce monde, des classes et des niveaux, et cela m’intéresse vivement, comme tu le sais, Scruta. Quand quelqu’un crée ce qui n’a jamais été, ils apprennent automatiquement la compétence. Il est possible que cette jeune femme ait découvert une compétence qui ne soit pas de ce monde, et l’ai gagnée en la découvrant. Si c’est le cas…”

Scruta acquiesça.

“Elle est unique. À elle seule, elle a créé des liens amicaux avec des Antiniums et possède un serviteur squelette. Elle parle avec les Drakéides et les Gnolls comme à des égaux, et elle pleure en tuant des monstres. Que ce soit à l’intérieur ou autour de son auberge, elle a interdit de tuer les Gobelins, et elle enseigne les échecs à l’une d’entre eux. Et…”

Elle sourit, et toucha légèrement son œil encroûté d’un doigt gantelé.

“... Et c’est elle qui a blessé mon œil.”

Les autres la dévisagèrent. Puis Flos éclata de rire.

“Une [Aubergiste] ? Une fille qui n’a pas encore atteint le Niveau 20 ? Elle t’a frappée ?”

Mars paraissait incrédule et Takhatrès fronçait les sourcils, mais Scruta souriait avec son seigneur.

“Oui. L’autre fille qui, comme je l’ai mentionné, est venue avec elle secourir les aventuriers condamnés - Ryoka Griffin - m’a annoncé que vous étiez vivant. J’ai hésité, mais c’est Erin qui a osé me porter ce coup.”

“Une fille qui aveugle l’une de mes Sept, qui a tué un Ver de Chair, qui vient d’un autre monde, fraternise même avec des monstres et joue aux échecs…”

Flos secoua la tête et éclata de nouveau de rire, longuement, bruyamment. Il leva les yeux au plafond puis soupira lentement.

“Quel fou j’ai été. Tant de gens et de merveilles évoluaient juste sous mon nez pendant que je désespérais.”

Il se tourna vers Scruta, et pouffa de nouveau.

“Tu ne m’as pas offert d’armes pour me battre, ni de soldat pour dresser ma bannière. Mais ton histoire a allumé une flamme dans mon cœur, et je t’en remercie, Scruta.”

Elle inclina la tête et son sourire s’élargit.

“Merci, mon Roi.”

“Mais même si tu n’avais rien apporté d’autre que ta personne et des ennemis à mes portes, je t’aurais accueilli avec une joie sans égale. J’espère que tu le sais, Scruta.”

Flos dévisagea Scruta, et elle leva la tête. Le regard qu’elle rendit à son Roi était ouvert, honnête, et sincère, et Trey comprit que c’était un côté de Scruta que peu voyaient.

“Je le sais, mon seigneur. Je le sais.”

“Alors célébrons tout cela !”

Flos fit volte-face, et ouvrit ses bras en grand. Il regarda Mars et Takhatrès et les souleva tous deux dans ses bras.

“Deux de mes Sept me sont revenus aujourd’hui, il faut célébrer cela avec un festin, et nous le ferions si nous avions à manger. Mais sans cela, buvons simplement à la santé de nous tous et que les histoires de notre passé soit notre banquet. Le conseil peut attendre. Asseyons-nous, mes amis, et vous me raconterez tout ce qui vous est arrivé.”

Il hocha la tête à l’attention d’Orthenon, et ce dernier se mit en mouvement. Il fit signe à Trey et Teres de le suivre ; ils l’aidaient souvent à diriger le personnel. Trey savait déjà qu’ils allaient utiliser l’une des plus petites salles à manger et dire aux chefs de préparer les meilleurs repas qu’ils pouvaient avec ce dont ils disposaient.

Orthenon ouvrit les portes et s’arrêta net. Trey faillit lui rentrer dedans. Quelqu’un attendait - un Courrier, couvert de poussière après son voyage, et qui parla discrètement à l’intendant du Roi.

Trey et Teres n’entendirent pas ce qui fut dit, mais le sourire d’Orthenon s’évanouit promptement. Il valida la livraison, et, ce faisant, accepta lentement le colis que le courrier avait apporté.

C’était une grande boîte de bois nu, presque de la taille du torse de Trey. Et elle était lourde, à en juger par la manière dont le Courrier épuisé la tenait.

Orthenon prit la boîte sans difficulté, et revint lentement vers Flos. Le Roi cessa de rire et lâcha Scruta en voyant son intendant s’approcher.

“Orthenon. Qu’est-ce donc ?”

“Une livraison, mon Roi. Elle vient de nous parvenir par Courrier. L’expéditeur est l’Empereur des Sables.”

On aurait dit qu’il venait de verser de l’eau froide sur un feu de camp. Mars et Takhatrès cessèrent immédiatement de sourire, et Scruta focalisa ses yeux sur la boîte en touchant l’épée dans son dos.

Le sourire de Flos s’effaça lentement, et il regarda fixement la boîte dans la main d’Orthenon. Lentement, le Roi la saisit. Il ne craignait pas un piège, mais il étudia le bois nu et la boîte lourde avec une expression troublée - l’une des rares que Trey lui avait vu exprimer.

La boîte était de bois nu, mais une fissure de la taille d’un cheveu en entourait le sommet. Flos posa sa main sur le couvercle, et hésita.

“Ce n’est peut-être que mon imagination. Mais Orthenon… j’ai peur d’ouvrir cette boîte.”

L’intendant regarda son Roi. Flos lui rendit gravement son regard.

“Je n’ai jamais rencontré cet Empereur des Sables. Mais ce n’est pas difficile d’imaginer qu’il ne me porte pas dans son cœur. Et cette boîte…”

“Mon seigneur. Je ne peux pas voir à l’intérieur avec mes yeux mineurs. Laissez-moi l’ouvrir. Elle est peut-être piégée.”

Scruta tendit la main vers la boîte, mais Flos l’empêcha de la toucher.

“Non… non. Ce n’est pas ce que je crains. Cet Empereur ne serait pas aussi mesquin, je pense. Mais je ne crois pas non plus qu’il soit plein de bonté. Non… mon instinct me dit que je vais regretter de savoir ce qu’il y a à l’intérieur.”

Il indiqua la boîte de bois d’un geste, puis soupira.

“Et pourtant, je dois l’ouvrir. Si j’étais guidé par la peur, je ne serais pas Roi. Donc. Voyons ce que cet Empereur des Sables m’a envoyé.”

Lentement, il posa les doigts sur le couvercle, et le souleva lentement. Trey vit le bois se soulever, puis… était-ce de la glace ?

Oui, c’était de la glace ! Lentement, un cube de glace, parfaitement emboîté à l’intérieur du cadre de bois, coulissa. Il était recouvert de condensation, mais finit par sortir de la boîte qui tomba par terre.

Flos tint le cube de glace embrumé dans ses mains et le regarda d’un air sombre. Trey ne comprenait pas. Ce n’était que de la glace. Était-ce une sorte de présent ? Magique ? Mais il remarqua alors que les autres s’étaient tus, et que les yeux de Scruta étaient fixés sur le bloc.

Lentement, Flos essuya une face du bloc de glace. Teres hurla. Trey crut qu’il allait vomir.

À l’intérieur du bloc de glace se trouvait une tête d’homme. Ses cheveux étaient courts et ondulés, et sa peau bronzée et sombre. Il avait des cheveux gris, beaucoup de rides, et des traits sévères. Ils étaient encore plus sévères, figés dans sa dernière expression de regret, amer et profond. Sa bouche était tordue sur le côté et vers le bas, et ses yeux étaient clos.

Flos regarda la tête sans dire un mot. Takhatrès, Mars, Orthenon, tous restèrent silencieux. Mais Scruta parla. Elle dit un mot. Un nom.

“Drevish.”

L’Architecte. L’un des Sept. Trey comprenait enfin la signification de ce message, et son estomac se contracta encore plus fort.

“Oh, mon ami. Oh, mon très cher ami, bâtisseur de merveilles.”, chuchota Flos, les mains tremblantes.

Il contempla la tête de Drevish, son visage déformé par la souffrance et le deuil.

“Que t’ont-ils fait ?”

Drevish était mort décapité d’un rapide coup de hache. Dans le bloc de glace suintant, le sang tachait encore son cou entre les mains de Flos. Tout le monde le regardait. Mars avait la main serrée sur la poignée de son épée, des larmes coulaient sur son visage et ses yeux brûlaient de rage. Takhatrès inclina la tête, croisa ses ailes et murmura ce qui ressemblait à une prière. La main d’Orthenon était tellement serrée que Trey vit un filet de sang courir le long de sa main et tacher ses vêtements immaculés. Et Scruta…

Scruta regardait son Roi. Elle ne souriait pas, dans l’expectative. Elle attendait.

Lentement, Flos s’assit par terre. Il s’assit en tailleur, ignorant l’eau qui tachait ses vêtements. Il ne prêta pas attention à la glace qui fondait ; il se contenta de rester assis, à regarder son ami mort.

Il prit doucement la parole.

“Nous ne sommes pas prêts.”

Ses vassaux s’agitèrent. Flos reprit la parole.

“Nous ne sommes pas prêts. Pas prêts pour croiser le fer avec l’Empire des Sables. Nous n’avons pas d’armée ; nous avons à peine une garnison ici. Mon peuple va mourir de faim. C’est pour cela que nous devons attendre.”

Il baissa lentement la tête, jusqu’à ce qu’elle touche le bloc de glace.

“Il nous faut supporter même la plus grande des insultes, car nous n’avons même pas rassemblé notre armée. Les vassaux qui pourraient nous rejoindre hésitent encore, et nos vieux alliés ne sont pas encore au courant de mon retour. La sagesse nous somme d’attendre.”

Trey retint sa respiration. Il n’avait jamais vu Flos aussi abattu. Juste une fois - la fois où ils avaient traversé les mondes pour la première fois et atterri dans cette pièce et vu l’homme assis dans sa petite chaise, épuisé et vieux.

Flos avait de nouveau retrouvé cette apparence. Il avait l’air âgé, gris, fatigué, épuisé. Il contempla la tête de Drevish et soupira. Puis il dit un mot.

“Mais…”

Ce mot changeait tout. Ce mot était plus qu’un son. Il résonna dans la vaste pièce, et Trey sentit le même tonnerre gronder dans les airs que la dernière fois. Flos se leva lentement, et baissa les yeux sur la glace en train de fondre dans ses mains. Sa voix gronda et s’écrasa sur ceux qui l’écoutaient.

“Mais je tiens entre mes mains, entre mes mains, la tête de l’un de mes amis les plus chers. Un homme que j’ai aimé plus que n’importe quel fils, assassiné. En ce jour de grande joie. Et je serais censé supporter cette insulte en silence ? Non, non. Si je n’agis pas, je ne vaux pas la peine de vivre, et encore moins d’être Roi.”

Il contempla la tête entre ses mains, et des larmes coulèrent de ses yeux. Mais sa voix était ferme. Et elle s’amplifiait. Elle commençait à résonner à travers le palais, à travers le royaume.

“Mon ami, mon frère, mon compagnon d’armes. Drevish. Tu as bâti mes cités et mes armes de guerre alors que tu ne désirais rien de plus que de créer des œuvres d’art. Et à présent, tu as été assassiné. Je vais trouver cet Empereur des Sables et j’aurai sa tête pour cela, je le jure.”

Trey sentit quelque chose trembler. Il ne savait pas si c’était le sol ou… lui-même. Il s’accrocha à Teres tandis que Flos retourna lentement vers son trône. Il plaça le bloc de glace sur le trône doré, face à lui. Le Roi inclina une fois la tête, et lorsqu’il se retourna, sa voix s’était muée en un rugissement.

“Cet Empereur des Sables a versé mon sang ! Il m’a volé un ami précieux, et je le mettrai à genoux pour cela. Il pense que je vais supporter l’insulte et attendre, mais il ne connaît pas la nature d’un Roi. Il ne me connait pas moi.”

Il se redressa sur le dais et pointa ses quatre vassaux et les deux jumeaux terrifiés du doigt.

“Dites-moi, mes Sept ! Le Roi de la Destruction subit-il une insulte faite à son peuple ?”

“Non !”, crièrent-ils à l’unisson. Flos hocha la tête.

“Est-ce qu’il fuit pour se cacher de ses ennemis ?”

“Non !”

“Craint-il n’importe quel être qui soit sous nos cieux ?”

Non !

Ils rugirent cette réponse d’une seule voix. Scruta, Orthenon, Takhatrès, Mars… leurs yeux étaient de flammes et ils tremblaient de rage.

Le Roi tira son épée, et sa voix explosa à travers le château ; l’incarnation de la furie.

Alors, nous partons en guerre ! Qu’on m’apporte mon cheval, mon armure et mes armées ! Nous chevaucherons jusqu’à ce que l’Empire des Sables ne soit plus que poussière au vent ! À moi ! Pour la vengeance et la furie !

Il bondit du dais et dévala les marches dans un vacarme de tonnerre. Il se déplaça tellement vite que Trey le vit d’un côté de la pièce et l’instant d’après, il ouvrait les portes. Orthenon était juste derrière lui, et Mars tenait déjà entre ses mains son énorme bouclier et son épée, hurlant de rage en suivant son roi.

Takhatrès était juste derrière eux, et Scruta était la dernière à sortir. Mais elle s’arrêta en arrivant à la porte, et ses quatre yeux se tournèrent vers les jumeaux. Elle sourit, brièvement, et toucha l’épée dans son dos.

“Jusqu’à la victoire, les enfants. La victoire, et la gloire de notre Roi.”

Son ton indiquait très clairement qu’il n’y avait pas d’autre option possible.




 
Maroti
   
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2.23 (Partie 1)
Traduit par Maroti


Erin s’assit dans son auberge, ses mains couvrant son visage. Mais quand elle les retira, les fleurs étaient toujours là.

Des fleurs, à la place de l’or. C’était… Enfin le truc était que…

Elle aurait dû s’y attendre. Erin réalisée que tout était clair en y réfléchissant. Pourquoi de petites fées se baladeraient avec un tas d’or, et même si elles en avaient, pourquoi est-ce qu’elle lui en donnerait alors qu’elles pouvaient la rouler dans la farine ?

C’était ce que les fées faisaient ! Erin avait lu les histoires. En vérité, elle préférait Peter Pan au Comtes des Frères Grimm, mais elle se souvenait vaguement d’un truc à propos de l’or des fées maintenant qu’elle y repensait.

« J’ai besoin de me rappeler de tout. »

Tout ce qu’elle avait lu à propos des monstres et des mythes, d’Harry Potter jusqu’à ce livre des Chroniques de Spiderwick qu’elle avait lu en apprenant à des enfants à jouer aux échecs. Erin souhaitait avoir une mémoire parfaite, mais [Mémoire du Verbe] n’était parfaite que pour les choses artistiques.

Des paroles de chansons, des lignes de Roméo et Juliette… Même des répliques de films apparaissaient facilement dans son esprit si elle se concentrait. Mais les livres ? Apparemment ils ne comptaient pas.

Mais tout cela n’aurait pas dût avoir de l’importance, mais Erin aurait dût s’en douter. C’était juste que… Elle avait eut se rêve qui s’était presque réalisé, et elle avait été emporté par le passé. Elle avait fait quelque chose de magique, donc c’était normal de se perdre dans l’instant, pas vrai ?

Erin regarda la pile de fleurs dorées.

« …Non. »

C’était inacceptable. C’était horrible. C’était une pile de son argent et une journée d’effort qui venaient de partir en fumée. Tout ce qu’elle avait obtenu était… Quatre niveaux. Ce qui était bien. Mais ce n’était pas de l’argent, et Erin ne savait même pas ce que ses deux compétences faisaient.

Qu’est-ce qu’elles étaient déjà ? Erin fronça les sourcils et se massa la tempe. Elle était toujours en train de se réveiller. Hum. C’était [Aura de l’Auberge] et…

Heu..

C’était… [Mets Prodigieux], pas vrai ?

[Cuisine Magique] ? Non, ce n’était pas ça. C’était clairement l’autre. Mais qu’est-ce que ça voulait dire ?

« [Mets Prodigieux]. Comme… Un plat ? Ou comme mets la table ? »

Erin s’imagina installer des couverts fait avec les fleurs tissées. Non, c’était n’importe quoi.

Un léger cliquètement osseux sur le plancher la fit se retourner. Toren entra dans l’auberge, regardant autour de lui avec méfiance. Il était probablement en train de se demander si elle était blessée. Erin soupira.

« Tout va bien, Toren. Je, heu, viens de me rendre compte que je me suis fait arnaquer, c’est tout. »

Toren regarda le tas de fleurs avant de regarder Erin. Elle s’en empara d’une, la renifla, et éternua aussitôt.

« Atchoum ! Super. En plus, elles sentent bizarre. »

Elles sentaient comme une espèce d’épice, plutôt qu’un parfum de fleur. Erin fronça les sourcils.

« Et moi qui pensais qu’elles commençaient à m’apprécier ! Mais qu’est-ce j’ai ? Ces… Ces… »

Elle s’arrêta. Toren la regarda, perplexe, mais la jeune femme était en train de réfléchir.

« Oh. C’est vrai. Transformer le mauvais en bon. Et elles m’ont donné quelque chose, même si ce n’était pas ce que je pensais avoir. Les cadeaux des fées. D’accord, d’accord… »

Erin fronça de nouveau les sourcils en regardant les fleurs. Elle renifla de nouveau. Elles ne sentaient pas mauvais. Et les fées lui avaient données. Peut-être que c’était un piège. Non, c’était définitivement un piège. Mais est-ce qu’elles étaient totalement inutiles ou… ?

« Peut-être qu’elles sont comestibles ? »

C’était un peu tirer par les cheveux, mais Erin goûta la fleur avec précaution. Elle avait beau savoir que les fées n’étaient pas ses amies, elle était presque certaine qu’elles ne lui donneraient pas du poison.

A la surprise d’Erin, la fleur était humide. Non, il y avait un peu de nectar rassemblé au centre des pétales. Il n’avait pas de goût, mais il pétilla sur la langue d’Erin.

Elle le recracha aussitôt dans sa paume et regarda autour d’elle pour trouver un endroit ou déposer la fleur alors qu’elle se frotta la bouche. Toren s’approcha, lui tendant la main. Reconnaissante, Erin se retourna pour lui donner la fleur…

Et commença à rapetisser.

« Quoi ? Oh non ! Non, non… Qu’est-ce qui se passe ? »

Toren baissa les yeux alors qu’Erin commença à s’approcher du sol. Les chaises, les tables, tout devenait plus grand autour d’elle. Erin ne pouvait que regarder, trop paniquée pour bouger.

La pièce grandit autour d’elle jusqu’à ce qu’elle soit soudainement en train de regarder un plafond aussi haut que le ciel. Toren était… Un géant aussi grand qu’un gratte-ciel, et la chaise la plus proche était comme le tronc d’un immense arbre. Erin regarda la pièce avec horreur.

« Oh non. C’est la boisson d’Alice au pays des Merveilles ! »

C’était de la magie ! Les fleurs ! C’était à la fois incroyable et totalement horrible. Erin commença à paniquer.

« Je n’ai pas celle qui peut me faire grandir ! Qu-Qu’est-ce que je devrais faire ? »

Peut-être qu’une autre fleur allait pouvoir l’aider. Mais soudainement, la table était à des centaines de mètres d’Erin. Elle regarda la pièce, son squelette, la table, puis elle-même.

Erin paniqua de plus belle.

***

Toren n’avait pas passé une bonne journée. Il n’avait pas eu une mauvaise journée non plus, mais aujourd’hui avait clairement été en dessous de la moyenne. Ceria l’avait sorti de l’auberge quand les curieux tas de lumière bleue étaient apparus, et il fut réduit au silence et éloigné quand il essaya de prévenir Erin à propos des fleurs.

La demi-Elfe était partie en ville, mais Toren n’avait pas le droit de la suivre. Donc elle lui avait dit d’attendre dehors jusqu’au matin.

Heureusement, Toren n’avait pas été ordonné de suivre les instructions de Ceria, mais uniquement de la suivre. Et vu qu’il ne pouvait pas la suivre en ville ou retourner dans l’auberge, il avait fait le chemin retour jusqu’à pouvoir voir l’auberge et avait attendu jusqu’au matin.

Cela avait été très désagréable. Ce n’était pas que Toren s’ennuyait, mais il n’aimait pas ne rien faire.

Il détestait cela. C’était une sensation dans son… Torse. Au plus profond de son être. Toren sentait quelque chose, et c’était de la rancœur.

Il avait été créé pour… Pour servir. C’était son but, n’est-ce pas ? Où était-ce quelque chose d’autre ?

De s’améliorer. De devenir meilleur. Toren avait déjà réalisé qu’il était autre chose que ses compères communs. Ils ne pouvaient pas se reformer, et ils n’avaient pas de niveau. Il était unique.

Et il était le meilleur assistant d’Erin. Elle lui faisait confiance. Elle…

Elle l’avait éloigné quand il avait essayé d’aider. Elle l’avait empêché de faire son travail. Toren n’était pas certain de ce qu’il devait penser de ça.

Le squelette n’avait rien voulu lors des premiers jours. Cela avait été de bons jours, quand il n’y avait qu’elle qui disait des ordres et lui qui s’exécutait. Les tâches avaient été difficiles, tellement difficiles ! Mais il y avait réfléchi, il avait travaillé, et parfois elle avait dit ‘bon travail Toren’.

Et maintenant Erin faisait quelque chose que Toren ne pouvait pas comprendre. Encore.

Le squelette regarda sa maîtresse alors qu’elle tomba de sa chaise et commença à s’agiter au sol. Elle lui cria dessus.

« Aide-moi ! »

Obéissant, le squelette se pencha vers elle, mais Erin hurla et recula.

« Ah ! Non ! Tu vas m’écraser avec tes doigts ! »

De nouveau, ses mots n’avaient pas de sens. Ils n’étaient pas logiques. Toren hésita, mais il ne pouvait pas lui désobéir. Et pourtant dans son être, pour la première fois Toren questionna les mots d’Erin. Ils étaient des ordres, et ils étaient le centre de son être.

Mais ils n’étaient pas de bons ordre. Et cela dérangea le squelette.

Erin était toujours en train de se débattre au sol, donnant des coups de pieds et regardant le pied d’une chaise en criant et hurlant. Elle se retourna et regarda Toren désespérément.

« Va chercher de l’aide ! Va chercher quelqu’un ! Ceria ou Pisces ! J’ai besoin de quelqu’un avec de la magie ! »

Le dernier ordre était faisable. Toren s’avança vers la porte.

« Dépêche-toi ! »

Il devait lui manquer quelque chose. Toren regarda vers Erin alors qu’il ferma la porte. Mais elle semblait totalement normale, même si elle paniquait et qu’elle s’agitait au sol comme un insecte. Peut-être que cela avait quelque chose à voir avec les fleurs ?

C’était de sa faute s’il ne comprenait pas quelque chose. C’était ça. Toren avait besoin de plus de niveaux. Hier avait déjà prouvé sa faiblesse.

Le Drakéide nommé Relc avait menacé sa maîtresse et elle ne l’avait pas appelé. Elle lui avait dit de ne rien faire. Car…

Car elle pensait qu’il ne pouvait pas battre Relc. Et Toren ne le pensait pas non plus. Si le Drakéide avait attaqué, il aurait échoué.

Inacceptable.

Toren était tellement perdu dans ses pensées qu’il faillit manquer la demi-Elfe montant le long de la colline, regardant l’auberge d’où la voix étouffée d’Erin pouvait quand même se faire entendre.

Ceria s’arrêta alors que Toren se mit devant elle, et pointa du doigt vers l’auberge.

« Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce qu’Erin va bien ? »

Toren haussa les épaules et pointa vers l’auberge. Ceria hésita, puis elle se dépêcha vers la porte. Toren la regarda partir. Elle connaissait de la magie, et elle était Ceria. Tout simplement.

Voilà un travail bien fait, Toren continua de marcher dehors. Normalement il serait immédiatement revenu aux côtés d’Erin pour lui obéir, mais il n’avait pas envie.

De mauvais ordres. Toren faible. Inacceptable.

Il avait reçu de bons ordres auparavant. Ramasser les champignons hier avait été simple. Et il avait tué une Araignée Cuirassée dans un bon combat, écrasant la chose encore et encore avec un caillou. Et Erin avait même été fier de lui pour lui avoir rapporté le venin !

Mais le reste n’avait pas été bon. Et Toren avait été trop faible pour détruire l’armure enchantée. Il l’avait frappé pendant plus d’une heure, évitant des attaques, se reformant jusqu’à être dangereusement faible en mana, mais cela ne lui avait rien fait.

Pourtant la Gobeline avait tué l’armure. Sa tribu avait détruit l’être enchanté avec des morceaux d’argile et de l’écorce explosive. Elle avait quelque chose que Toren n’avait pas. Elle était plus digne de servir Erin et d’effectuer ses stupides ordres.

Toren s’arrêta. Stupide ? Ils n’étaient pas stupides. Ils étaient justes…

Juste…

Il devait monter de niveau. Il devait penser plus, il devenait plus avec chaque niveau. Mais il devait protéger Erin.

Et pourtant… Protéger Erin n’était possible que s’il était assez fort. Et Toren n’était pas assez fort. Donc, il devait gagner des niveaux pour protéger Erin.

Cela avait du sens. Toren y réfléchit longuement. Erin allait probablement hurler et parler à Ceria pendant quelques temps. Elle n’allait pas avoir besoin de lui pendant une heure, tout au plus. Et qu’est-ce qu’il pouvait faire pendant ce temps ?

Toren regarda vers le nord. L’entrée du donjon et du repère des Gobelins était trop loin même s’ils couraient. Mais il y avait plusieurs nids d’Araignées Cuirassées, et des ours affamés. Et ces créatures des neiges.

Toren commença à s’éloigner de l’auberge. Des niveaux. Plus fort. Et puis revenir, pour pouvoir écouter plus d’ordres d’Erin.

Il espérait que ces ordres ne seraient pas stupides.

***

La justice à Liscor était rapide et sans merci. Selys le savait, et avait même été conforté par ce fait étant petite. Personne n’était au-dessus de la loi, et leur Garde était plus forte que d’autres villes, à l’exception des Villes Emmurées. Certainement plus efficace que dans les villes Humaines. Les criminels pouvaient s’attendre à une fin rapide, et au moins une sacrée amende qu’ils devaient payer pour leurs crimes.

Mais le même savoir n’était pas aussi évident une fois adulte Selys s’avait que la Garde était assez forte pour repousser les bandits et les monstres, voir une petite armée, mais Liscor se tenait entre le sud et le nord, un portique entre les espèces. Ils ne pouvaient pas agir sans répercussion des deux côtés, et cela voulait dire que la même justice qu’elle admirait en tant qu’enfant était parfois plus un compromis.

Peut-être que le meilleur exemple était ce qui était en train de se dérouler. Selys se tenait dans une foule composé principalement de Drakéides se tenant aux portes de la ville. Elle était chaudement habillée, car le jour était froid et qu’il commençait à neiger. La Drakéide avait tout de même froid, mais cela devait être pire pour l’Humaine.

Selys regarda la fille blonde à la peau pâle. Elle pouvait être belle, ou elle pouvait être moche ; Selys n’en avait pas la moindre idée. De toute façon elle avait du mal à se débrouiller avec les visages humains.

Mais la Drakéide pensa tout de même que la fille était probablement de la noblesse. Elle était ce qui avait été des vêtements coûteux, et Selys avait entendu parler des nombreux artefacts magiques que la Garde lui avait pris.

Mais maintenant, les cheveux de la fille étaient sales et plein de nœuds, et sa peau était rouge à cause du froid et tout aussi sale. Les larmes qui coulaient sur son visage n’aidaient pas.

Personne ne semblait déranger par la détresse de la fille. Le visage de Tkrn était impassible et vide alors qu’il poussa la fille hors des portes. Selys savait que c’était mauvais signe. Les Gnolls ne s’énervaient pas comme les Drakéides. Quand ils étaient silencieux, cela voulait dire qu’ils étaient vraiment furieux.

« Un Gnoll silencieux signale l’approche de la tombe. »

Selys murmura les mots et reçu quelques regards des gens autour d’elle. Mais c’était la vérité, les autres Gnolls qui s’étaient rassemblés pour regarder la voleuse Humaine se faire exiler de la cité avec tous un air vide et inexpressif sur leurs visages.

Ils étaient furieux, Selys le savait. Ils voulaient déchiqueter la fille, mais la Garde était intervenue avant que la foule puisse le faire. Et maintenant que l’Humaine était exilée, les Gnolls étaient encore plus furieux qu’auparavant.

C’était de la politique. La Garde n’avait pas réussi à savoir d’où venait la voleuse, et ils s’en fichaient, surtout lorsque tous les Gnolls de la ville étaient outragés par la destruction de l’étal de Krshia Silverfang.

Et pourtant, tuer un Humain important était aussi hors de question. Personne a Liscor ne voulait une guerre si la fille venait réellement d’une des Cinq Familles ou était la fille d’un quelconque lord. Alors… Pourquoi ne pas simplement l’exiler ? Cela leur permettrait de nier toute implication si elle périssait, et cela la faisait sortir de la ville.

Le seul problème était que les Gnolls la voulaient morte, pas hors de la ville. Et donc des compromis avaient été faits. La fille n’avait pas de vêtements d’hiver, seulement les loques qu’elle portait, et assez de nourriture pour ne durer qu’une journée.

C’était cruel, mais c’était la justice de Liscor. Un groupe de Gnoll se manifestant dans les rues aurait été bien pire. Si la Garde devait intervenir, il y aurait plus de sang versé avant de pouvoir résoudre cette affaire. Après tout, la Garde était majoritairement constituée de Drakéide, et si cette affaire se transformait en conflit Drakéide contre Gnolls cela aurait causé le même terrible conflit qui se déroulait sur la partie sud du continent.

Donc l’Humaine fut exilé à la place, avec peu de chance de survie, et rapidement. Personne dans cette foule de Drakéides et de Gnolls avait de la sympathie pour la voleuse, et les autres Humains de la ville avec judicieusement décidé de rester éloigné de ce rassemblement.

Seul Selys eut un pincement au cœur alors que Tkrn força la fille en pleur dans la neige. Elle se sentait… Mal. Principalement pour Krshia, mais Selys ne pouvait pas voir la jeune femme larmoyante et gémissante se faire pousser hors des portes sans un léger sentiment de culpabilité. Peut-être que c’était car elle connaissait Erin depuis si longtemps. Si cela avait été Erin envoyé dans le froid pour se faire manger par des monstres…

Mais Erin n’aurait jamais fait quelque chose d’aussi horrible. Selys regarda la foule jusqu’à tomber sur un endroit ou la foule s’écartait. Krshia était assise seule, parmi ceux de sa race, oui, mais seule dans son petit espace. Elle regarda la fille en silence, et le cœur de Selys arrêta de la faire souffrir.

Krshia avait perdu son étal, perdus ses biens. Elle avait toujours de l’argent dans sa maison, mais c’était un terrible coup pour la vendeuse. Et la Garde ne l’avait pas repayé. Ils n’avaient pas l’argent, et la ville ne couvrait pas le coût, et les artefacts de la fille étaient presque tout bon pour la poubelle, vide de magie.

La Gnoll ne méritait pas cela. La voleuse méritait de se faire punir. Mais…

Les yeux de Selys se posèrent dans le dos de la fille alors qu’elle s’arrêta, regardant la plaine recouverte de neige. Elle se tourna vers Tkrn, clairement en train de le disputer, mais le Gnoll se contenta de la pousser en avant. La fille tomba dans la neige et laissa échapper un pathétique et faible son.

… Ce n’était pas bien. Selys savait que la fille allait mourir dans l’heure, même si elle marchait sur la route principale et qu’elle ne marchait pas dans un nid d’Araignée Cuirassée.

Mais qui allait l’aider ? Selys était une citoyenne de Liscor, et elle ne pouvait pas aider un criminel. Et qu’importe où se trouvait les parents de cette fille, même si Selys avait un moyen de faire livrer une lettre par Épervier, ils n’arriveraient jamais à temps.

Elle connaissait une personne qui allait l’aider. Une personne qui allait aider cette fille, qu’importe le nombre de personne qui n’allait pas être d’accord. mais Selys n’avait aucun moyen de parler à Erin, pas maintenant.

C’était encore de la politique. Tout le monde savait que Selys était l’amie d’Erin, et donc tout le monde, ou du moins certain d’entre eux, étaient en train de l’observer. C’était pourquoi Selys était venu voir la fille se faire exiler. Elle devait supporter les siens. Si les gens pensaient qu’elle favorisait les Humains par rapport aux Drakéides et Gnolls…

Certaines personnes dans la foule se sentaient comme Selys, la Drakéide le savait. Mais elles étaient en minorité. Les gens aimaient l’étal de Krshia, et les vols avaient touché la ville alors qu’ils étaient en train de rebâtir et de pleurer leurs morts. La plupart des Drakéides avaient une expression de profond ennui, ou de mépris envers la fille.

Pire encore étaient ceux qui s’amusait de la misère de la fille. Selys remarqua Lism dans la foule, souriant et riant avec ses amis. Le vieux aux écailles ternes avait même un sac de noix qu’il mangeait. Il était répugnant. Selys essaya de ne pas le regarder alors que sa queue frappa le sol de colère. Ce n’était pas un spectacle. C’était triste. C’était horrible. C’était….

« Plutôt amusant. Je me demande… Est-ce que ce garde va lui donner un coup de pied pour la pousser dans la neige ? »

Selys se tourna vers la voix. Pisces se tenait au milieu de la foule de Drakéide, mangeant et regardant la scène avec un amusement non dissimulé. Voilà un Humain que personne n’allait pouvoir accusé de spécisme.

Il était en train de manger un de ces hamburgers qui étaient devenus tendances à Liscor. Celui-ci était un sandwich avec trois steaks et beaucoup de moutarde. Il était fait pour les Gnolls, mais le mage le dévorait avidement, ignorant le jus coulant sur ses robes.

Selys voulait l’ignorer, ou du moins, ne pas regarder dans sa direction, mais Pisces l’avait remarqué. Il se fraya un chemin dans la foule sans proférer la moindre excuse et s’arrêta à côté d’elle.

« Mademoiselle Selys. Ravi de te voir ici. »

« Plaisir non partagé. »

Selys regarda Pisces. Le [Nécromancien] lui retourna son regard sans la moindre expression alors qu’il lécha bruyamment ses doigts.

« Pourquoi es-tu là ? Ce n’est pas ton affaire. »

« Non ? Il est vrai que je ne suis pas un citoyen, mais j’avais besoin de me divertir. »

« Et tu penses que cela est divertissant ? »

« Immensément. L’incompétence de votre Garde n’a d’égale que mon amusement pour voir cette imbécile recevoir ce qu’elle mérite. »

Pisces hocha la tête en direction de la fille et ricana. Même les autres Drakéides l’entourant lui lancèrent des regards de dégoûts et s’éloignèrent, laissant Selys et Pisces seuls dans une ouverture dans la foule.

« Incompétence ? La Garde ne l’a peut-être pas trouvé, mais elle avait des artefacts magiques qui la cachait et… »

« Oh, j’en suis certain. Je faisais référence à la vitesse avec laquelle ils l’ont condamné à mort dans une parodie de procès. »

Pisces hocha la tête en direction de la Capitaine de la Garde, Zevara, alors qu’elle se tenait avec Klbkch, Relc, et les autres Gardes Seniors. La Drakéide regardait la scène avec une grimace alors que Tkrn éloigna la fille des portes.

« Les Drakéides et les Gnolls se fichent des Humains… Ton peuple a oublié dans son arrogance et sa panique les questions les plus pressantes. »

« Comme ? »

« Oh, de très simples questions. Pourquoi est-ce que cette fille est là ? Qui sont ses gens ? Elle est clairement fugitive d’une famille ou d’une lignée noble… Pourquoi ne pas la garder comme rançon ou au moins contacté les autres villes par un sort de message ? »

C’était ce dont à quoi Selys avait pensé, mais elle ne l’aurait jamais admis devant le mage condescendant.

« Nous la voulons hors de notre ville. Les Gnolls veulent sa mort, et c’est le meilleur compromis. De plus, Liscor ne s’occupe pas des Humains. »

« Comme il est facile d’oublier. Je me souviens qu’il y a quelques décennies ce lieu était le centre de forts échanges culturels et commerciaux. Mais après cette désagréable affaire durant l’attaque du Nécromancien… Ah, sois, au moins je suppose que tout le monde est content. Je note que tu es la seule exception. »

Pisces regarda Selys alors qu’elle se pencha pour s’éloigner de lui, fronçant les sourcils. Mais il avait raison. Et vu qu’elle n’avait personne d’autre à qui parler, Selys confessa son opinion avec réluctance. Elle baissa la voix, même si elle Pisces avait assez d’espace.

« Je suis pour un châtiment. Mais ça… »

Selys agita la main en direction de la fille qui essayait de passer Tkrn pour retourner en ville. Elle était désespérée, mais le Gnoll était immobile. Il continua de la pousser dans la neige.

« … C’est un meurtre. »

« Ce n’est pas un meurtre si c’est un Humain. Je crois que c’est l’un de vos charmants citoyens qui m’a dit cela. »

Selys avait une bonne idée de qui avait dit cela. Lism ne s’était pas tut après les attaques, et pire encore, personne ne lui disait de la fermer. Elle renifla et sa queue tressaillit d’irritation.

« Tout le monde ne déteste pas les Humains. Et ce n’est qu’une enfant. »

Selys plissa les yeux alors que la fille abandonna et se contenta de s’agenouiller dans la neige, en larme.

« Pas vrai? »

« Elle est très jeune. Tant mieux. Si elle meurt, cela sera moins compliqué de la réanimer. »

Elle tourna la tête pour regarder Pisces avec horreur. Mais c’était vrai, il était un [Nécromancien]. Le mage semblait insulté, et ouvrit ses bras en grand.

« Quoi ? Je suis de votre côté. La fille se fait punir, tout le monde est content, et j’ai un corps gratuit. »

La Drakéide s’éloigna de lui.

« Tu es un monstre. »

« Je pratique mon art sans faire de mal. Je ne dérange pas vos tombes. »

« Parce que tu seras tué dans le seconde ou tu le fais. Je suis surprise que la Garde t’es laissé rentrer en ville ! Tu as un casier. Tu étais un voleur, tu es allé dans les villages pour effrayer les gens pour qu’ils te donnent de l’argent ou de la nourriture ! »

« J’ai repayé mes dettes. »

« Seulement parce que Relc t’y a forcé. »

« J’ai payé trois fois ce que j’ai pris. Aux yeux de la loi, j’ai payé ma dette. »

C’était malheureusement vrai. En tant que ville commerciale apolitique, les lois de Liscor disaient que quelqu’un qui avait commis un crime mineur pouvait payer leur amende et effacer leur ardoise. Cela ne s’appliquait pas aux meurtriers ou autres, et bien sûr que les amendes étaient élevées, mais c’était un testament envers cette loi que même un [Nécromancien] avec une personnalité comme celle de Pisces pouvait passer à travers les portes.

« Il semblerait que notre petit show va bientôt se terminer. »

Pisces pointa, et Selys vit que la fille avait abandonné. Elle était lentement en train d’essayer de faire son chemin vers le nord, à travers la neige. Elle n’arrêtait pas de trébucher et de glisser sur de la glace, et elle continuait de pleurer.

« Elle va bientôt mourir. »

« Oui. Je crois que cela arrivera plus tôt que tard. Accidentellement, je voulais te parler à propos d’entrer dans la Guilde des Aventuriers de la ville. As-tu un moment ? »

Pisces se détourna de la fille titubante pour regarder Selys. La foule était en train de commencer à se disperser, mais les Gnolls et de nombreux Drakéides étaient toujours en train de regarder la ville lentement disparaître au loin.

« Quoi ? Toi ? Entrer dans la guilde ? Tu te moques de moi. »

Selys regarda Pisces incrédule, mais il lui fit un sourire énigmatique.

« J’ai mes raisons. Être à court de pièce en est une, mais le combat… Et les opportunités d’acquérir des corps frais en est une autre. »

« Bonne chance alors. Mais je ne suis pas en poste. Va déranger la réceptionniste en charge et bonne chance, car nous ne sommes pas obligé de t’admettre. »

« Je sais. C’est pourquoi je suis venu te demander. »

Selys rit.

« Si tu penses que je vais t’aider parce que tu connais Erin… »

Elle s’arrêta, et hésita. Sa tête se tourna, et elle regarda l’Humaine. Elle venait de tomber à nouveau dans la neige, et cette fois elle ne se releva pas.

« Erin. »

« Oui, je connais Erin. Et je lui rends des services important, dont le squelette qui l’assiste dans son travail. Je suis un atout, quelqu’un d’utile avec de nombreux talents et qui n’hésitera pas à les utiliser si tu vois ce qu… »

Selys leva un doigt griffu. Elle regarda longuement Pisces. Maintenant qu’elle le regardait, le mage lui apparaissait différemment. Il était toujours le même idiot arrogant qu’il avait toujours été, il donnait toujours l’impression de faire une grimace dédaigneuse à tout ce qui bougeait, mais il semblait différent.

Ceria l’avait aidé à acheter de nouvelles robes, mais elles n’étaient pas de bonne qualité. Elles étaient de gros vêtements de laine, et déjà légèrement tachées. Elles pendaient sur ses épaules, et Selys pensa qu’il avait perdu du poids. Il avait toujours été maigre, mais maintenant ses fauchettes devenaient de plus en plus apparente. Et maintenant qu’elle y repensait, Selys le voyait toujours quand elle se rendait à l’auberge. Erin lui donnait habituellement qu’un repas par jour, et même si ce repas était conséquent…

Selys regarda la fille et prit sa décision. Elle hocha la tête en direction de la fille qui venait enfin de se relever et abaissa encore plus sa voix.

« Aide-là, et je m’arrangerai pour trouver quelque chose. »

Pisces fronça les sourcils en direction de la fille, mais il ne réagit pas d’une autre manière. Sa voix était tout aussi basse, et il prit un air agacé sur son visage avant de repousser une mèche de cheveux de son visage comme si elle venait de l’insulter.

« L’aider ? Pourquoi devrais-je l’aider ? Et comment ? »

« Dit le à Erin. Elle peut aider. Enfin, si elle décide de le faire. »

« Elle va éminemment l’aider. Fort bien. Curieux. Je suppose que je peux délivrer un message. Et si je le fais, vas-tu approuver ma requête ? »

« Considère-toi un aventurier de rang Bronze. Mais tu ne peux pas encore partir. Tout le monde nous regarde et ils vont savoir que je t’ai parlé ! »

Pisces lui fit un sourire en coin.

« S’il te plaît. Ne suis-je pas un mage ? Je vais retourner en ville, te harcelant avec ma demande, et je vais lancer le sort dès que tu m’auras claqué la porte de la Guilde des Aventuriers au nez. »

Selys cligna des yeux en direction de Pisces.

« Tu as déjà prévu tout ça ? »

« N’importe quel néophyte de Wistram est versé dans les subtilités de la politique et du subterfuge. Peux-tu lever la voix et m’insulter plusieurs fois ? Je peux proposer quelques insultes si nécessaire. »

Selys hocha la tête. Elle n’était pas une [Actrice], mais insulté Pisces était facile. Elle regarda une dernière fois la fille, désormais un point au loin montant une colline. Elle était une voleuse, mais elle n’était pas maléfique. Et peut-être qu’elle ne méritait pas de mourir. Selys lui avait donné une chance. Une faible chance, mais une chance quand même.

Elle espérait qu’elle n’allait pas regretter son choix. Et qu’Erin n’allait pas regretter le sien.


 
Maroti
   
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2.23 (partie 2)
Traduit par Maroti

C’était fait. Krshia regarda la voleuse quitta la ville et ne ressentit rien. Les autres Gnolls l’entourant murmurèrent alors que la fille disparue finalement après avoir gravi une colline, mais personne ne la suivit. La présence de la Garde était autant présente pour exiler la fille que pour s’assurer qu’elle allait mourir de froid, et non pas de la main d’un Gnoll.

C’était une sensible décision, et Krshia les applaudissait pour cela. Elle n’en voulait pas à Zevara, même si la Drakéide ne pensait pas de la même manière. La Capitaine de la Garde continuait de regarder Krshia, cherchant des signes de colère. Mais Krshia ne ressentait pas de la colère.

Elle était vide. Et le destin de la voleuse n’avait que peu d’importance aux yeux de Krshia. Elle savait que le reste des Gnolls de la ville ne partageaient pas ses sentiments ; Tkrn lui avait proposé de la tuer même si cela voulait dire qu’il allait perdre sa position, mais Krshia lui avait interdit d’agir.

La voleuse venait d’être punie, et ses quelques artefacts magiques avaient été saisis. Elle allait mourir dans les plaines gelées, ou elle allait peut-être croisée une caravane ou un voyageur sur la route. Et alors ?

Le mal était déjà fait.

Lentement, la Gnoll baissa les yeux vers la petite chose dans ses mains. Tout le reste n’était que cendres ; et ce qu’elle tenait était le dernier indice de ce qui avait été perdu.

Elle avait l’impression que son cœur s’était changée en cendres. Il était noirci par le chagrin et battait faiblement dans son torse. Elle avait tout perdu. Les Gnolls de sa tribu habitant en ville avait tout perdu. Tout avait disparu.

L’un de ces Gnolls, un grand [Boucher] nommé Deshhi grogna de manière gutturale alors que la voleuse disparu de leur champ de vision. Il avait été l’un de ceux qui avait voulu tuer la fille, et la découper en morceaux pour la manger. Il était toujours furieux, autant envers l’Humaine que vers la ville elle-même.

« Hr. Alors c’est à cela que ressemble la justice ici ? Elle nous a pris bien des choses, n’est-ce pas ? Elle nous a pris à tous, mais à toi en particulier. Et cette ville ne fait que l’exilé sans te repayer. Si tu avais été une Drakéide… »

Krshia soupira. Plutôt l’interrompre. Dreshhi était une bonne personne, mais ses mots étaient trop bruyants, et elle savait que beaucoup de jeunes dans la foule partageaient son opinion.

« Cela n’a pas d’importance. Qu’importe la punition, cela ne remplacera pas ce que nous avons perdus. La fille mourra de toute façon. »

« Mais même… »

Krshia ne voulait pas un autre débat, surtout quand il y avait des oreilles qui pouvait écouter. Elle coupa de nouveau la parole à Dreshhi ; un affront, mais acceptable devant sa perte.

« Les liens que nous avons tissés sont plus importants que la vengeance, n’est-ce pas ? La bonne volonté que nous avons gagnée est tout ce que nous avons. »

« Cette bonne volonté ne fera pas changer les cœurs et esprits des autres, Krshia. »

C’était vrai, et Krshia sentit le poids de cette vérité sur ses épaules. Elle soupira.

« Oui. Nous devons discuter de cela. Mais pour l’instant, il est préférable de partir, n’est-ce pas ? »

Les Gnolls hésitèrent, mais Krshia était leur supérieur, ou pour être plus précis, plus de valeur. La valeur gouvernait les Gnolls, l’âge ou le pouvoir n’était que de moindres soucis pour eux. Et jusqu’à hier, Krshia avait de loin était celle qui avait le plus de valeur parmi eux.

De la valeur. Elle en avait encore un peu, elle avait toujours d’anciennes dettes qu’elle pouvait appeler et l’image qu’elle avait entretenu dans cette ville. Mais la valeur se périmait rapidement, comme de la viande. Maintenant que Krshia avait perdu son étal, qu’elle valeur avait-elle ?

Elle pouvait reconstruire. Krshia avait l’argent, mais elle n’avait pas le temps. Même si son étal se redressait et recommençait à vendre, elle avait perdu tout ce dont pourquoi elle avait travaillé.

Dreshhi le savait aussi Le Gnoll parla à Krshia alors que les Gnolls retournèrent dans les rues dans la ville en formant une meute.

« Nous devons nous dépêcher. Les tribus commencent à bouger. Si nous n’avons rien à apporter à l’assemblée, nos voix seront perdues. »

Une autre vérité. Mais Krshia ne vit pas de bonne réponse au problème devant eux. Ils se devaient d’avoir quelque chose qui méritait d’être apporté, quelque chose qui rendrait leur clan grand. Tous les clans rapportaient quelque chose pour l’intégralité de la race Gnolle, et donc la puissance des voix de chaque tribu était liée à la valeur de ce qu’elle amenait. Mais les espoirs de la tribu des Crocs d’Aciers venaient de partir en fumée avec l’étal de Krshia.

« Nous n’avons rien. »

« Nous pouvons essayer à nouveau. Nous avons l’argent… »

« Pas pour cela. Pas pour plus d’une ou deux babioles Non, je pense qu’il faut compter sur Erin. »

Dreshhi resta silencieux. Ce n’était pas quelque chose de réconfortant, mais c’était la seule idée que Krshia avait. Erin Solstice. Tous les espoirs de Krshia reposaient désormais sur ses épaules.

Au départ, aider Erin avait été quelque chose d’insignifiant. Un acte de charité et d’aide envers une Humaine qui méritait les deux Mais maintenant… Maintenant c’était tout ce qui restait à Krshia. Tout le reste n’était que cendres.

Krshia regarda ce qu’elle tenait dans sa patte. Un fragment ; c’était tout ce qu’elle avait réussi à sauver. Elle froissa le fragment du livre de sort et le laissa tomber au sol.

Qui aurait pu le savoir ? Et même s’il y avait eu un incendie, les flammes non-magiques n’auraient jamais endommagé la rare collection de livres cachés dans son étal. Vingt-trois livres, la totalité des efforts de la Tribu des Crocs D’Acier durant de longues années.

Tout venait de disparaître en un instant. Krshia se souvenait encore de la boule de feu, elle se souvenait s’être jeté hors de la trajectoire au dernier moment. Elle aurait préféré se jeter vers la boule de feu pour intercepter le sort.

Mais comment aurait-elle pu savoir que le sort était aussi puissant ? Les livres avaient été tellement secrets. Ils avaient été en sécurité, avec un Gnoll surveillant constamment le marché chaque nuit. Plus en sécurité que dans la maison de Krshia, qui avait déjà été visité deux fois par de quelconques voleurs.

Une légère erreur, mais une qui leur avait tout coûté. Krshia ferma les yeux. Elle avait encore de la valeur, et donc, la responsabilité des Gnolls qu’elle avait mené jusqu’à cette ville retombait sur ses épaules. C’était un lourd fardeau, et elle était fatigué.

« Je dois parler à Erin, peut-être demain. Pour l’instant, je vais aller me reposer. »

Les autres Gnolls furent aussitôt soucieux. Ils lui offrirent de la raccompagner, mais elle refusa. Elle marcha lentement dans les rues, hochant la tête quand des Drakéides lui offrirent leurs condoléances, elle gravit lentement les marches jusqu’à sa petite maison.

À l’intérieur, Krshia sombra lentement dans l’une de ses solides chaises qu’elle avait achetées avec les premières pièces qu’elle avait obtenue dans cette ville, il y a des années de cela. Elle avait l’impression que cela avait été dans une autre vie. Et elle s’était tué à la tâche, elle avait réussi contre toute attente… !

Cette assemblée aurait dû rendre sa Tribu fameuse. Elle aurait amélioré la condition de tous les Gnolls, leur aurait donné le pouvoir de lancer des sorts. Leurs jeunes auraient prospéré. Mais maintenant.. ?

Qu’allait-elle dire à sa sœur, la Chef ? Comment allait-elle faire face aux autres après ses audacieux mots et tout ce qu’elle avait donné pour cette quête ?

Les Gnolls ne pleuraient pas. Du moins, ils ne pleuraient pas sans raison. Krshia avait déjà pleuré toutes ses larmes ; et il ne restait que de la tristesse au creux de son torse. De la tristesse, et le plus petit soupçon d’espoir.

Elle avait besoin d’Erin. La fille devait avoir quelque chose de son monde que Krshia allait pouvoir utiliser. Quelque chose de valeur. Quelque chose qui allait rendre les Gnolls…

La Gnolle se pencha dans sa chaise et ferma les yeux. Le problème était qu’elle connaissait Erin. Elle avait le cœur sur la main, elle était courageuse et gentille. Mais avait-elle quelque chose dans son esprit qui valait une fortune ? Krshia essaya d’imaginer un autre monde de ‘voitures’ de métal et des autres choses dont Erin parlait. Mais a quel point cela pouvait être différent si la fille était comme les autres humains ? Connaissait-t-elle d’autre moyen de forger une épée, ou une autre méthode de forge, peut-être ?

Krshia n’arrivait pas à se l’imaginer.

***

« Je vois. Et la fille va bientôt périr ? »

« A ma connaissance, oui, ma Reine. Elle n’a pas d’alliée dans l’enceinte de la ville, et les températures extérieures vont la geler sans protection adéquate. »

Ksmvr se tenait devant sa Reine et chercha dans son esprit pour essayer de trouver quelque chose, n’importe quoi, à rajouter à son rapport. C’était juste une réponse à une question qui lui était posé, mais il savait que ce n’était pas que ça.

Sa Reine, la Reine des Antiniums Libres de Liscor, était assises devant lui, une massive créature cachée dans les ténèbres d’une massive caverne sous Liscor. Elle était sa Reine, sa souveraine et la seule raison de vivre. Et il savait qu’il n’était pas assez bon pour la servir.

Ksmvr était le Prognugator des Antiniums, mais il était nouveau. Il manquait d’expérience, et pire, il avait essayé d’occuper la position après le départ de Klbkch. L’ancien, et nouvellement réinstauré Prognugator était fameux parmi les Antinium, si ce mot pouvait être utilisé pour ceux qui vivaient dans les Colonies.

Au-dessus de lui, la Reine de Ksmvr soupira, et s’agita, pensive. Il n’avait pas la moindre idée de si cela était une bonne ou mauvaise chose. Sa Reine était trop large pour bouger, mais est-ce que son mouvement traduisait son impatience, ou un simple désir de bouger ses membres ?

« Je vois. Et les Gnolls ? Vont-ils attaquer ? »

« Je ne crois pas, ma Reine. Ils seront satisfaits de la mort de l’Humaine, et Krshia Silverfang a donné l’ordre de ne pas chercher à se venger. »

Une autre réponse simple. Mais Ksmvr était certain que Klbkch aurait répondu mieux. Avec plus de détails, peut-être ? Ou plus de sagesse ? Mais il n’allait pas déranger sa Reine ou offrir son opinion quand elle ne lui avait pas demandé.

La Reine bougea de nouveau. Une immense antenne bougea vers la surface.

« Cette voleuse leur a coûté cher. »

« Oui. Ils ont perdu les tomes magiques cachés dans l’étal de Krshia Silverfang, même si sa réserve de pièces est toujours cachée chez elle. »

« Cela reste tout de même une lourde perte. Une qui n’est peut-être pas la bienvenue. »

Pas la bienvenue ? Ksmvr n’avait pas la moindre idée du fait que les Gnolls de la ville intéressaient sa Reine, mais après tout, elle jouait à un jeu bien plus profond qu’il ne pouvait l’imaginer. Si seulement Klbkch pouvait le conseiller ! Mais Ksmvr était en disgrâce à la fois avec sa Reine et l’autre Antinium.

Finalement, sa Reine secoua sa massive tête.

« Cette perte peut avoir de l’importance. Comme elle peut ne pas en voir. La politique des Gnolls locaux ne m’intéresse pas. Nous écouterons quand ces tribus se rassemblent pour discuter plus tard. Parlons de choses plus importantes. Les Ouvriers. »

Ksmvr essaya de se redresser. Il était déjà débout et prêt à écouter, mais il savait que c’était la raison la plus importante pour laquelle il avait été appelé.

« Oui, ma Reine. Nous avons commencé à tester les Ouvriers comme cela a été suggéré par l’individu connu sous le nom de Pion. Lui et Bird… »

Ksmvr se trompa légèrement dans la prononciation des noms. Ils n’étaient pas des noms d’Antiniums, et ce qui était pire, ils avaient été choisis par les Ouvriers ! C’était comme s’ils se considéraient égaux aux Reines. Et pourtant, ces Individus étaient désirés par sa Reine, pour des raisons que Ksmvr n’arrivait pas à comprendre.

« … Ils ont amené les Ouvriers qui ont visité l’auberge ensemble et ont essayé de récréer les conditions qui les ont mené à leur individualité. »

« En jouant aux échecs ? »

« Oui. En jouant aux échecs. Mais des questions furent posés aux Ouvriers alors qu’ils jouaient. »

« Lesquelles ? »

« Je… Ne sais pas, madame. Klbkch et moi-même étions positionnés à l’extérieur de la salle jusqu’à ce que nous ayons été appelés. »

Cela avait été un point contre lequel Ksmvr avait longuement argumenté contre, mais Klbkch avait eu le dernier mot. Sa Reine s’arrêta, mais il ne lui demanda pas pourquoi.

« Et les résultats ? »

Elle les connaissait déjà, alors pourquoi les demander ? Mais Ksmvr s’exécuta avec obéissance.

« Sur les vingt-cinq ouvriers, quatre sont devenus des Individus, prenant un nom et affirmant leur loyauté envers la Colonie. Les autres… Sont tous devenus des Aberrations. »

Ksmvr se souvenait encore d'avoir trancher les Ouvriers. Cela ne le dérangeait pas, mais même ici, Klbkch l’avait surpassé. L’autre Antiniums avait dansé en créant une piste de mort à travers les anciens Ouvriers, alors que Ksmvr s’était contenté de suivre le protocole.

« Un sur huit ? C’est parfaitement acceptable. Pourquoi ce processus n’a pas continué avec les autres ? »

« Je… Crois que cela est dû à l’effet de rencontrer l’Humaine connue sous le nom d’Erin Solstice, ma Reine. Après que les quatre Individus furent séparé et que les autres Aberrations détruite, Klbkch décida que le processus était un succès. Il rassembla plusieurs Ouvriers et quelques Soldats et essaya de répéter le processus. »

« Et ? »

« Le taux de ceux qui n’ont pas rencontré Erin Solstice était… D’un sur cent-soixante-trois. Aucun soldat n’est devenu un Individu, mais peu devinrent des Aberration. »

Ils avaient été extrêmement difficiles à tuer. Ksmvr avait toujours un peu de son exosquelette cassé sur l’une des jambes qu’un soldat avait frappé.

Le son qui s’échappa de la Reine était un profond soupir, mais l’un rempli d’une émotion que Ksmvr n’arrivait pas à identifier. Il attendit, prêt à répondre à la prochaine question.

« Il semblerait donc que Klbkchhezeim soit correct. Erin Solstice est nécessaire, du moins pour l’instant. Mais à propos des cinq individus que tu as observés. Quand est-il de leur loyauté ? »

« Sur les cinq, le premier, Pion, est le plus indépendant. Il assume aussi la position de chef parmi eux, mais reste réceptif aux ordres de Klbkch. Les autres font de même et aucun d’entre eux n’a agi de manière suspecte. »

A part pour le fait qu’ils prenaient des responsabilités et des rôles qu’aucun Antiniums n’avait pris auparavant. Ksmvr ne mentionna pas la manière dont Pion lui parlait, ou les douloureuses parties d’échecs qu’ils ont joués.

« Bien. Continu. »

Ksmvr baissa la tête. Il lui fallait une seconde pour réaliser qu’il avait été congédié.

***


La reine des Antinium regarda et sentit Ksmvr partir, et soupira une fois qu’elle était certaine qu’il n’allait pas l’entendre.

« Inconvénient. »

C’était le seul mot adapté. Ksmvr n’était tout simplement pas Klbkch, et c’était aussi regrettable qu’inévitable. Peut-être que le nouveau Prognugator allait devenir meilleur, ou peut-être qu’il n’allait pas le devenir. Pendant ce temps, il n’était qu’un simple problème sur le l’assiette de problèmes de la Reine.

Mais les Individus pouvaient être répliqués. Ils pouvaient être refaits, même si le coût était probablement élevé en cet instant. Et même cela pouvait être surpassé, si nécessaire. Erin Solstice était importante, mais pas vitale.

C’était une bonne chose. Cela voulait dire que l’Antinium pouvait continuer son expérience. Cela voulait dire qu’ils n’allaient pas devoir compter sur d’imprévisibles variables comme les Humains ou les autres espèces. Cela voulait dire…

Cela voulait dire qu’il était de nouveau le temps de changer.

Une telle pensée fit frissonner d’excitation le languide corps de la Reine. De nouveau. Bientôt, peut-être, les Antiniums allaient peut-être changer. Et les autres Reines allaient réaliser qu’elle avait eu raison.

La présence de rivalités et d’arguments parmi les Antiniums pouvait sembler étrange, mais il avait été découvert il y a fort longtemps que les Antiniums stagnaient sans rivalité. La Reine avait enduré le ridicule et mépris des autres Reines durant de longues années, mais elle allait leur prouver qu’elle avait raison. La Grande Reine allait bientôt connaître son succès.

Peut-être alors que la Reine allait recevoir les autres types de corps qui avait été refusé à sa Colonie, et la fournir en plan et en ressource pour qu’ils puissent peut-être grandir. Ou peut-être qu’il était temps qu’elle en créer un. Avec les ressources et les corps qu’elle allait avoir à disposition une fois que son travail allait être traité comme un succès, la Reine allait finalement pouvoir décupler la puissance de sa Colonie.

« Et peut-être qu’après tout cela… »

La Reine soupira, se relaxant dans le lit moelleux qui avait été conçu pour contenir son vaste poids. Elle allait devoir continuer de travailler jusqu’à ce jour. Plus d’une fois, la Reine avait pensé à créer un autre Prognugator, voir une autre Reine, mais cela était interdit à la fois par la Grande Reine et par le pacte qu’elle avait signé avec Liscor. Et pourtant, elle avait cruellement besoin d’un autre assistant.

Peut-être qu’un de ses Individus allait être utile ? C’était la raison pour laquelle ils étaient nécessaires, après tout. Pion avait des niveaux en tant que [Tacticien], peut-être pas aussi élevé que la Reine, mais après tout, c’était possible. Les nouveaux Antiniums gagnaient des niveaux bien plus rapidement que Klbkch ou la Reine.

Et elle avait besoin d’aide. Elle laissait le monde de la surface à Ksmvr et Klbkch, malgré ses craintes, pour qu’elle puisse se concentrer sur la Colonie souterraine. Le monde de la surface n’était pas la préoccupation de la Reine en cet instant. Elle ne pouvait pas se laisser distraire par de moindres problèmes. Car si elle était distraite par les problèmes de la surface, qui allait mener l’armée combattant la menace venant du sol ?

Les Antiniums connaissaient l’existence du donjon sous Liscor depuis fort longtemps. Les Ruines n’étaient qu’une infime partie ; en creusant leurs tunnels, les Antiniums avaient découvert la quasi-totalité des ruines. Mais y rentrer ? C’était une toute autre histoire. Tout ce qu’il pouvait faire était tenir la position.

La Reine s’adossa contre un mur de pierre et écouta le reste de sa Colonie, calculant, commandant. Le rapport des pertes de la journée : cinquante-deux Ouvriers et quatre-vingt-six Soldats tués. Ils avaient perdu cinq tunnels ; des fortifications à (242, -42, -4951) avait désespérément besoin d’être réparées.

Elle pensa alors qu’elle passa aux Ouvriers nettoyant lentement les corps et transportant le reste pour être transformé en facilement stockable et extrêmement nourrissante pâte qu’elle détestait tant. La surface avait ses inconvénients, mais elle était nécessaire.

Des aventuriers de rang Or allaient bientôt rentrer dans la ville. Était-il temps de révéler l’ampleur des ruines ? Le processus était en cours, mais il pouvait être accéléré ou ralenti selon l’aide et l’absence d’aide des Antiniums.

Bientôt. La Reine s’assit et médita à propos de sa colonie et du donjon. Le fait que cela soit les Antiniums ou une autre espèce qui bataillaient pour atteindre le cœur du donjon n’avait que peu d’importance. Mais les Antiniums devaient avoir les artefacts qui rôdaient à l’intérieur des véritables chambres aux trésors. Ils devaient être récupérés, mais si les gardiens venaient à être libéré en même temps…

Écorcheur était le cadet de leurs soucis. Les Antinium avaient à présent tués dix-neuf Ver de Chair dans les tunnels, même si aucun d’entre eux avaient bâti un aussi grand corps de chair ou possédant les gemmes de [Terreur]. Non, la véritable menace était plus profonde, plus sombre.

La Reine s’assit sur son trône et tourna de nouveau son attention vers la longue guerre dans les profondeurs. Ils avaient juré de protégé Liscor, pour qu’ils puissent grandir. Les Antiniums allaient le faire, et ils allaient récolter le fruit de leur récolte lorsque le monde changera avec eux.

***

Ceria Springwalker détestait l’image que tout le monde avait des demi-Elfes. Tout le monde, principalement les Humains, mais toutes les espèces avaient l’image que les demi-Elfes étaient des êtres éternellement heureux qui aimaient faire la sieste dans les fleurs et faire des câlins aux arbres.

Ceria n’aimait pas les fleurs, et les seules fois où elle avait fait un câlin à un arbre était pour grimper dessus pour échapper aux ours. Elle était une fille de la ville, pas un de ses ahuris de la nature.

Malgré tout, elle devait admettre qu’il y avait un grain de vérité aux légendes. Elle avait une affinité avec les plantes que peu d’autre espèce avaient. Donc cela avait du sens qu’Erin lui demande de l’aide pour planter les fleurs. C’était juste pas amusant pour Ceria.

« Tiens. Écartes-les un peu plus pour qu’elles puissent mieux absorber les nutriments du sol. »

Ceria dirigea Erin alors que les deux jeunes femmes labourèrent la terre des pots sur la table. Ceria s’était assuré que les fleurs allaient avoir une bonne place au soleil. Mais c’était ici que sons avoir s’arrêtait. Elle était peut-être douée avec les fleurs, mais elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle devait faire avec celle-là.

Les fleurs avaient fait penser à Erin qu’elle était une minuscule personne pendant près d’une heure, et elles étaient doux au toucher. Il y avait aussi quelque chose ; Ceria s’était attendue à de l’or, mais elle réalisa que cela avait été stupide de sa part. Et de la part d’Erin, mais la demi-Elfe ne voulait pas empirer l’humeur déjà noire de l’Humaine.

Ce n’était pas qu’Erin semblait en colère. La fille était actuellement en train de chantonner alors qu’elle discutait à Ceria des possibles utilisations des étranges fleurs. Elle les appelait les Fleurs d’Alice, pour une raison que Ceria n’arrivait pas à comprendre. Mais Ceria était d’accord pour dire que les fleurs valaient probablement autant que de l’or.

Elles étaient… Magiques. Mais elles ne l’étaient pas à la fois ; Ceria pouvait sentir la même étrange sensation qu’elle avait en regardant une Fée de Givre. C’était un chatouillement à l’arrière de son esprit, une vibration dans son âme.

Avaient-elles de la valeur ou non ? Certainement, un [Alchimiste] pouvait peut-être payer une forte somme si elles étaient rares, mais Ceria n’avait pas moyen d’être certaine. Cela semblait légèrement lamentable, surtout quand c’était le payement pour le dur labeur d’Erin.

Et pourtant, Erin avait gagné quatre niveaux en l’espace d’une nuit ! Ceria n’arrivait pas à le croire. Et ses compétences ! [Mets Prodigieux] et [Aura de l’Auberge] ? Ceria connaissait certains [Chefs] qui obtenaient [Cuisine Magique], mais elle n’avait jamais entendu parler de la compétence d’Erin.

Cela confirmait ce qu’elle pensait. Erin Solstice n’était pas une humaine ordinaire, tout comme Ryoka. Ceria jeta un regard à l’autre fille. Ryoka était aussi fermée qu’une palourde, et deux fois plus difficile à percer, mais Erin était ouverte et amicale. Elle était en train de sourire alors qu’elle tapota gentiment le terreaux.

« Erin. Tu, heu, n’as pas l’air très normal. »

La fille s’arrêta, et fronça les sourcils en direction de Ceria.

« Merci ? Attends, est-ce que c’est une insulte ? »

Ceria rit et se leva de son pot, tapant ses mains pour les dépoussiérer.

« Pas du tout. Tu es différente de tous les humains que j’ai rencontrés, et j’ai rencontré de nombreux humains. Toi et Ryoka êtes totalement différentes ; d’où est-ce que vous venez ? »

« Oh, je viens d’un autre monde. Tout comme Ryoka. »

Ceria continue de marcher et trébucha contre la chaise sur laquelle elle allait s’asseoir. Elle tomba le visage en avant, arrêtant sa chute avec ses deux mains.

« Ceria ! »

Erin laissa tomber la fleur qu’elle tenait, mais Ceria était déjà debout. La demi-Elfe regarda Erin bouche bée.

« Tu quoi ? Attends, toi et Ryoka ? »

La fille semblait paniquée.

« Je ne te l’ai pas dit ? Je pensais te l’avoir dit ! Attends… Je l’ai dit à Krshia et Klbkch mais… Je pensais que Ryoka te l’avait dit ! »

Elle mit une main à son front.

« Oh non. Ryoka va tellement m’en vouloir ! »

***


Ceria s’assit dans une chaise et laissa sa tête tourner pendant quelques instants. Erin tourna autour d’elle, anxieuse.

« Je veux dire, ce n’est pas un si gros truc, pas vrai ? Il n’y a pas de moyen d’y retourner, au du moins je ne le connais pas, et Ryoka et moi ne connaissons rien de spécial. Je pense. Je veux dire, la technologie est vraiment différente de là où je viens, mais je ne peux rien construire comme l’Iphone de Ryoka. »

« Je n’arrive pas à le croire. C’est juste… »

La demi-Elfe s’arrêta, secouant sa tête. Le trouble était qu’elle pouvait le croire. Cela serait bien plus simple d’appeler Erin folle, mais cela avait du sens, surtout avec tout ce que Ceria avait observé chez Erin et Ryoka.

Cela expliquait pourquoi l’autre fille était si évasive. Et il y avait Erin, aussi ignorante au danger de sa situation qu’une chouette en plein milieu d’une journée d’été. Ceria soupira. Quelqu’un allait devoir protéger cette fille. Cela devait probablement être elle.

« Je suppose que nous devons parler. »

« Je suppose. Mais nous devions déjà parler de beaucoup de chose, pas vrai ? Comme ces fleurs, et les compétences que je viens d’obtenir ! »

« Les compétences. C’est vrai. »

À ce stade, les compétences étaient la dernière chose à laquelle voulait penser, mais la demi-Elfe se concentra sur Erin avec réluctance.

« Bien sûr [Mets Prodigieux] est une compétence qui a un lien avec la nourriture que tu as fait aux fées. Je ne suis pas certaine sur [Aura de l’Auberge], mais cela va peut-être rendre ton auberge plus attrayante. »

« Ooh, ça pourrait être pratique. Mais qu’en est-il de [Mets Prodigieux] ? Est-ce que je ne peux que faire des plats pour les fées ou est-ce que je peux faire des choses… Magiques ? »

« Pourquoi n’essayes-tu pas de faire quelque chose pour voir ce que la compétence fait ? »

« C’est vrai ! C’est vrai… »

Erin hocha la tête plusieurs fois et disparue dans la cuisine. Ceria soupira, et Erin passa sa tête par la porte.

« Attends une seconde. Je vais te faire des crêpes, et ensuite nous pouvons discuter, d’accord ? Des crêpes magiques ! »

Ceria hocha faiblement la tête. Elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’était une crêpe, mais elle pria pour que cela soit long à faire. Sa tête lui faisait toujours mal.

Et la porte s’ouvrit et la migraine de Ceria doubla. Pisces entra. Elle savait que c’était lui car elle ne pouvait pas le voir, et elle entendait pourquoi ses bruits de pas.

« Pisces. Ne me dit pas que tu as de nouveau des problèmes avec la Garde ? »

« Pas du tout. Je suis juste ici pour éviter d’attirer l’attention. »

Pisces réapparu en un instant, et Ceria soupira. Ce n’était pas le moment pour lui de venir… Ce qui était pourquoi elle aurait dû s’attendre à ce qu’il vienne.

Il avait la manie de toujours apparaître au pire moment. Elle était contente qu’il n’est pas entendu la confession accidentelle d’Erin. Ceria serait la première à admettre que Pisces n’était pas méchant, plutôt agaçant, mais il avait un talent pour créer des problèmes. S’il apprenait quelque chose au sujet de l’origine d’Erin…

« Comme ces fleurs sont intéressantes. Sont-elles magiques ? »

Il fallait faire confiance à Pisces pour qu’il se concentre sur la première chose magique dans la pièce. Ceria soupira.

« Éloigne tes mains. Si tu en voles une, Erin va te faire du mal. Elles sont un cadeau des Fées de Givre. »

Pisces retira immédiatement sa main et recula.

« Ces choses ? Je pensais que même Mademoiselle Erin serait assez maligne pour les laisser en paix. »

« Elle ne l’a pas fait, et elles l’ont payé avec des fleurs. »

« Ah. Fort bien, je suppose que je vais me contenter de prendre quelque chose à manger. Est-ce que quelque chose est en train de cuire ? »

Ceria ferma ses yeux alors que Pisces marcha dans la cuisine. Elle entendit un cri, et puis le mage sortit aussitôt de la cuisine.

« Vas t’en ! Je cuisine ! Et Ceria, ces crêpes n’ont pas l’air magique ! »

« Peut-être que je devrais être celui en train d… »

Pisces baissa la tête alors qu’une louche vola en sa direction. Il renifla bruyamment.

« C’était dangereux. Je suis un client. »

« Qui ne paye pas ! »

« Dois-tu vraiment le retenir contre moi ? Fort bien, j’aurai bientôt suffisamment assez de fonds pour payer mes repas. Je me suis enrôlé dans la Guilde des Aventuriers. »

Ceria se redressa sur son siège en entendant cela. Pisces, un aventurier ? C’était presque aussi surprenant que la confession d’Erin. Elle le regarda. Il devait être très affamé ou désespéré.

« Tu n’es pas sérieux. Tu vas mourir dans ta première mission. »

Il lui lança un regard hautain.

« Si tu peux le faire, Springwalker, je ne vois pas pourquoi je serais incapable de faire de même. Bien sûr, je serais bien plus efficace que toi avec mes mort-vivants. À moins que tu ne souhaites rejoindre mon groupe ? »

« Hors de question. Et arrêtes de voler de la nourriture ou Erin va te faire du mal. Et si elle ne le fait pas, c’est moi qui vais m’en charger. »

Pisces était en train de pointer la cuisine du doigt, et Ceria savait qu’il était en train d’utiliser un sort de lévitation mineur. Il fronça les sourcils, et Erin sursauta alors que la crêpe qu’il avait fait léviter retomba.

« Pisces ! »

Il leva ses mains alors que la fille arriva en trombe.

« Oh, est-ce que je devrais le mentionner ? Il a apparemment une fille en train de mourir de froid dans la neige à quelques kilomètres au nord d’ici. Je pensais que cela allait vous intéresser. »

« Quoi ? »

Erin le regarda alors que Pisces s’expliqua. Ceria plissa les yeux à sa… Connaissance. Ami était un trop grand mot.

« Comment est-ce que tu sais ça ? Et pourquoi tu en parles à Erin ? Je pensais que tu voulais voir cette fille mourir. »

« Bien sûr, mais Selys insista que j’en parle à Erin. Elle pense qu’Erin va aller sauver cette fille. »

« Bien sûr que je vais le faire ! Elle est dehors sans manteau ? Comment est-ce qu’ils ont pu faire ça ? »

Erin regarda Pisces et se précipita dans la cuisine. Ceria entendit un grattement, et puis Erin fonça hors de la cuisine avec une assiette de crêpe dans ses mains. Elle la mit sur la table et se tourna vers Ceria.

« Je dois partir ! Je reviens dans pas longtemps, Ceria. »

« Quoi ? Erin, écoutes. Cette fille est une voleuse. Elle a été exilée de Liscor pour une raison. Tu ne peux pas juste… »

Erin regarda Ceria. Il y avait quelque chose de déconcertant dans le regard de la jeune femme. Elle était habituellement tellement aimable, mais maintenant ses yeux étaient sérieux et sans la moindre trace de doute.

« Personne ne mérite de mourir dans le froid. Personne. »

Elle se retourna.

« Toren ! Où est-il ? Tant pis… »

Elle courut de nouveau dans la cuisine et en sortit avec un manteau. Puis Erin se précipita vers la porte.

Pisces la regarda partir et secoua la tête.

« Cette fille est bien trop gentille. Elle est bien trop imprudente pour une enfant venant d’un autre monde. »

Ceria regarda Pisces. Il lui fit un sourire, et fronça les sourcils quand il réalisa qu’elle n’était pas surprise.

« Ah. Tu le sais. »

« Comment est-ce que tu le sais ? »

« Une certaine conversation sur l’appareil de Ryoka Griffin. Recréer le sort de [Message] était compliqué, mais… »

Pisces haussa les épaules. Ceria se souvint qu’il s’était vanté d’avoir fait cette magie en sortant des ruines. Elle plissa les yeux.

« Et maintenant tu viens de l’envoyer sauver une dangereuse voleuse. »

« Je crois qu’elle n’est plus dangereuse à ce point, simplement agaçante. Ses objets magiques ont disparu. »

Ceria se leva et soupira. Elle marcha jusqu’à Pisces et le gifla avec sa main squelettique. Il laissa échapper un cri de surprise alors qu’elle lui lança un regard noir.

« Idiote. »

« Viens avec moi. Une fois que nous nous assurons qu’Erin ne se fait pas massacrer par ses foutus Gnolls et Drakéides, nous allons parler. À propos que tu sois un aventurier entre autre. Je reforme les Cornes d’Hammerad. »

Ses yeux sourcils se levèrent. Il regarda sa main squelettique, et cligna deux fois des yeux quand il réalisa qu’elle l’avait frappé avec.

« Fort bien. C’est un nouveau développement. Mais tu n’as pas de baguette. Et contrairement à moi, tu n’as pas de Compétence pour palier à cela. »

Ceria sourit méchamment, et leva sa main squelettique.

« Oh, je peux faire de la magie. Et Yvlon est… Elle a des cicatrices, mais elle à toujours ses deux bras. Tout comme moi. »

Elle se concentra et un [Stalactite] se forma, flottant au-dessus de sa main squelettique, prêt à être lancé. La bouche de Pisces s’ouvrit légèrement, avant qu’il regagne ses esprits. Il sourit à Ceria, et pour une fois c’était honnête, et il lui rappelait le jeune homme avec qui elle avait étudié à Wistram.

« Ah. Comme c’est intriguant. »

***

Quelqu’un frappe à la porte. Quelqu’un l’ouvrit. C’était une scène ordinaire, sauf que c’était Val qui frappait à la porte de Magnolia, et que ce fut une servante qui ouvrit la coûteuse porte à double battant pour le mener dans l’enceinte de l’immense demeure qu’était sa résidence dans la ville des aventuriers, Invrisil.

Mais Val était habitué à la routine, et donc il charma la servante alors qu’elle le mit dans la grande salle d’attente et partie prévenir la lady du manoir. Magnolia était unique comme cela ; normalement une ancienne servante ou un valet s’occupait de Val, mais il savait que Lady Magnolia parlait à tous les Courriers et Coursiers qui acceptaient une de ses livraisons.

Et celle-là était spéciale. Val avait été curieux durant tout le trajet vers le nord alors que le scion des Reinhart entra dans la pièce, charmant Val avant qu’il ne puisse la charmer.

« Quel surprise, comment vas-tu Valceif ? Je ne t’ai pas vu depuis… Au moins deux mois ! Je t’en prie, assis-toi. »

Val s’exécuta, regardant Magnolia s’installer dans la riche petite pièce, alors que ses servantes la rejoignirent. Enfin, une seule servante aujourd’hui. Ressa, la tête des servantes inclina sa tête vers Val et il hocha respectivement la tête en retour. Il avait longuement travaillé pour être bien vu par la sévère servante, mais après tout, il avait fait son possible pour être le plus respectueux possible dans la demeure de Lady Magnolia.

Pour de bonnes raisons. Personne ne devenait ennemi dans Reinhart sans le payer d’une manière ou d’une autre. Magnolia était bien meilleure en tant qu’amie qu’en tant qu’ennemie.

Et Val l’aimait bien. Donc il sourit alors qu’il mit la main à sa ceinture et sortit une lettre pliée à son nom.

« Comme vous pouvez l’imaginer, j’ai une livraison pour vous, lady Magnolia. »

« Une livraison ? Vraiment ? Je ne m’attendais pas à cela, du moins, pas venant de ta part. »

« C’est une faveur pour une amie. On m’a dit que vous connaissiez Ryoka Griffin, c’est une lettre de sa part. »

Le nom ne fit même pas cligner Lady Magnolia des yeux, mais la réaction de Ressa était plus dramatique. La servante, d’habitude imperturbable, remua légèrement, et Magnolia sourit.

« Voilà qui est intéressant. Dit-moi, quand as-tu vu Ryoka pour la dernière fois ? »

Val n’aurait pas dût être surpris d’apprendre que Magnolia connaissait Ryoka ; il savait que la Guilde des Coursiers locale adorait remplir la moindre de ses requêtes et chaque coursiers prenaient des tours pour prendre ses livraisons qui payaient bien, mais il était surpris par la réaction de Ressa. Il sourit en retour, essayant d’être le plus ouvert et honnête possible.

« Il y a un jour de cela. Elle était dans une auberge en dehors de Liscor. Elle est partie en catastrophe, mais elle m’a donné ceci avant de partir. »

Il lui offrit la lettre, et Magnolia s’en empara. Ses yeux brillèrent d’intérêt alors qu’elle observa la lettre, qui était quelque chose de très simple, et pourtant Val avait l’impression qu’elle avait tiré une information de ce fait.

« Une lettre de Ryoka Griffin. Tiens tiens. Qu’est-ce que cela pourrait être… ? Ah. Elle n’est pas scellée. »

Lady Magnolia prit le petit morceau de parchemin et le déplia. Elle le regarda, cligna des yeux, et rit.

Ressa resta de marbre derrière sa lady, mais Val savait qu’elle avait aussi lu la lettre. Son visage ne trahit pas la moindre émotion, mais Magnolia était en train de rire de joie. Val dut sourire à son tour. Il connaissait ce petit bout de parchemin par cœur après tout.

On devrait bientôt se parler.

-R.


C’était tout. Il n’y avait pas d’encre secrète, pas de message caché. Le rire de Magnolia se changea en gloussement alors qu’elle regagna sa noblesse. Elle tapa délicatement le parchemin avec l’un de ses ongles.

« Tu l’as lu, n’est-ce pas ? »

Val baissa la tête en guise d’excuse.

« C’était le prix de ma livraison. Et je m’en excuse, mais… »

« Oh, il n’y a pas de mal ! Comme c’est astucieux de la part de Mademoiselle Ryoka. Un Courrier doit se faire payer, n’est-ce pas ? Mais je crains qu’elle ne t’a pas donné beaucoup de choses pour travailler. »

« Votre réaction était fort intéressante. »

« Vraiment ? »

Lady Magnolia scintilla joyeusement en direction de Val, et il se demanda combien cette information valait. Le jeu de la politique dont elle faisait partie n’avait pas de petits joueurs, et n’importe quel bon Courriers savait qu’il fallait vendre la moindre information avant que cette dernière ne perde sa valeur.

Mais après tout, les secrets se devaient d’être gardé pour éviter de recevoir un couteau dans la gorge, et il n’avait pas de désir de blesser Ryoka. Mais elle savait que cela allait arriver quand elle lui avait donné la lettre, et aussi parce qu’il était intéressé par ce que Lady Magnolia allait faire.

« Qu’est-ce que je devrais répondre ? Je suppose que je pourrais t’engager… Même si je suppose que Ryoka s’est aventuré plus au sud, n’est-ce pas ? »

Personne ne savait comment Ryoka faisait pour apprendre ses secrets, mais Val ne cligna même pas de yeux en voyant qu’elle savait.

« Oui, en effet. Mais je crains que la retrouver seras véritablement difficile, même pour un Courrier. Je peux vous recommander un bon dans la zone, mais… »

« Loin de moi cette idée. C’est une dépense insensée. Non, Ryoka reviendra au nord plus tôt que tard. Mais je crains qu’elle ne soit déçue, car ma réponse sera mon absence de réponse. »

Lady Magnolia tendit la lettre à Ressa, et la servante la fit disparaître dans sa robe. Val cligna des yeux.

« Rien ? Ryoka m’avait prévenu que votre réaction pourrait être inhabituelle. »

« Je lui aurai donné raison, il y a une semaine de cela. Mais pour une fois, elle n’a pas été assez rapide. Devrais-je te montrer ce que je veux dire par là ? Cela pourrait être intéressant si tu la rencontres de nouveau. »

« Cela serait avec grand plaisir, mais je crains que je n’ai que peu de chance de revoir Ryoka. »

« Qu’importe, cela serait mon plaisir de te montrer, uniquement pour me faire plaisir. Et je trouve que cela est profitable de ne jamais être certain de quelque chose dans ce monde. Si tu peux me faire le plaisir de me rejoindre ? »

Lady Magnolia se leva, et invita Val vers la porte. Elle le guida à travers la maison remplie de servant tirant la révérence et d’artefacts hors de prix jusqu’à une grande pièce. Puis elle s’arrêta, et entrouvrit une porte.

Val réalisa qu’il devrait être silencieux et se pencha en avant. Il se trouva à regarder une salle richement décorée, comme le reste de la maison, mais dans ce cas cette dernière était remplie de canapés et de chaises coûteuses. Il croyait que l’un de ces canapés était appelé une ‘chaise longue’, mais Val n’avait que peu de connaissance quand il s’agissait du mobilier des nobles.

Mais bien sûr, cela n’était pas le plus important dans la pièce. Les gens l’étaient. Rassembler autour d’une resplendissante table recouverte de boissons et de nourritures en tout genre se tenaient plusieurs personnes. Ils étaient à peine plus vieux que des enfants, pour être franc. Oh, certains étaient de jeunes adultes, mais ils se tenaient sans l’assurance que Val et Magnolia avaient.

Ils semblaient… Ordinaires. Leurs visages n’étaient pas différents de ceux que Val avait croisés lors de ses voyages, et ils agissaient comme des gens normaux. Mais leurs vêtements… Étaient haut en couleur, et recouvert de dessins que Val n’avait jamais vu de sa vie ! Et son cœur loupa un battement quand il vit l’un des étranges objets que l’un d’entre eux tenait entre ses mains.

C’était plat, et ressemblait vaguement à un miroir. Mais au lieu de refléter des choses, l’objet brillait d’une puissante lumière qui n’était pas naturelle, probablement magique. Et il était en train d’emmètre du son, alors que les autres étaient rassemblés autour de l’objet. Et qu’est-ce que l’autre avait ? Une sorte de… ?

L’un d’entre eux tourna la tête, et Val s’éloigna de la morte, même si la porte était probablement assez loin pour qu’ils ne remarquent pas l’entrouverture de la porte. Magnolia ferma discrètement la porte, et se tourna vers Val.

« Alors ? Quelles sont tes impressions, brave Courrier ? »

Ses yeux étaient en train de danser, et Val sourit en retour. Lady Magnolia jouait avec des destins et des vies, c’était la vérité. C’était ce que chaque individu avec du pouvoir faisait au nord, et leurs subtiles guerres pouvaient ruiner des vies. Mais Magnolia faisait ses complots autant en plein lumière que dans l’ombre, avec un rire et une envie de partager sa fortune avec les autres. Il ne pouvait pas s’empêcher de l’apprécier.

« Je crois avoir déjà vu quelque chose ressemblait à l’objet dans les mains de ce garçon. »

« Oui. Fascinant, n’est-ce pas ? Cependant, je regrette que cela vienne perturber les plans de Ryoka. »

« C’est dommage. Elle est une bonne Coursière, après tout. »

Magnolia amena de nouveau Val dans la pièce, là ou des services à thé et des biscuits avaient déjà été installés par Ressa. Elle lui sourit.

« J’aimerais pouvoir expliquer plus de choses, mais je crains que cela mette ses lieux en péril. Mais soit libre de parler à ses détails à ceux qui offrent plus. »

Il baissa la tête, rougissant légèrement.

« Si vous souhaitez que j’omette quelque chose… »

« Ne dites pas n’importe quoi ! Tu dois être payé, et cela serait fort dommage d’empêcher les gens au nord d’avoir un nouveau de sujet de conversation sur lequel s’inquiéter et comploter. »

Lady Magnolia rit légèrement, et Val rit avec elle. Il se pencha pour demander la question qui le taraudait.

« Mais qu’est-ce que cela veut dire, Lady Magnolia ? Est-ce que c’est une bonne chose pour vous, ou mauvais pour Ryoka ? Vous avez dit que la semaine avait été intéressante ? »

Elle lui sourit joyeusement.

« Disons simplement que cette journée est à marquer d’une pierre blanche pour nous tous. Même si tu m’as donné une lettre, et non une pierre. Misère, je suppose que l’analogie n’est pas très adéquate. Maintenant, est-ce que tu vas prendre du thé ou quelque chose de plus fort pour me raconter ce qui est arrivé à cette chère Ryoka ? »

***


Plus tard dans la soirée, à Liscor, deux compagnies d’aventuriers Or entrèrent dans la ville à l’excitation de personne à l’exception de Selys, qui était au comptoir de la Guilde des Aventuriers quand ils arrivèrent. Une Aventurière Légendaire commença sa lente journée alors qu’elle traversa les mers depuis Terandria.

Et Erin recruta sa première employée. Ce qui se révéla être une erreur.



 
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2.24 T - Première Partie
Traduit par EllieVia

Toren saisit son épée et la plongea plusieurs fois dans la neige. Oui. C’était… agréable.

Si quoi que ce soit pouvait l’être. Toren savait seulement que se servir d’une épée lui paraissait naturel, tout comme il était plus heureux lorsqu’on parlait de lui comme d’une personne et non pas d’un objet. Était-ce parce qu’Erin lui avait donné un nom ?

Les questions de ce genre lui donnaient mal à la tête. Mais il s’apprêtait à faire quelque chose qui requérait moins de réflexion et plus d’action.

Il allait tuer des trucs. Il fallait que quelqu’un le fasse, et Toren était plus fort qu’avant.

Il était à présent un [Guerrier Squelette] de Niveau 14, grâce à sa bataille contre l’armure enchantée, mais cela était loin d’être suffisant. Toren avait vu la tribu de Loks combattre, vu Relc et les Antiniums et Écorcheur et les hordes de morts-vivants. Il savait à quel point il était faible comparé à tous ces gens, et il était donc déterminé à devenir plus fort.

Mais où aller pour tuer des monstres ? Toren marqua une pause et remit son épée au fourreau à sa ceinture. Il contempla les plaines d’un air vacant. Il ne voyait pas d’autres monstres qu’un Crabroche caché dans sa coquille au loin, et la créature pouvait pulvériser ses os en un seul coup.

Ah. Cela risquait de poser problème. Toren dut réfléchir un moment avant de trouver où il devait se rendre.

La Garde éliminait la plupart des monstres aux alentours de Liscor. Et les routes au nord restaient globalement sûres parce qu’il fallait maintenir les voies commerciales. Il n’y avait que les territoires reclus comme l’entrée secrète dans le donjon de Loks pour représenter une menace occasionnelle.

Si on voulait se battre dans le coin pendant l’hiver, il fallait soit sauter dans un trou d’Araignées Cuirassées, soit faire un bonhomme de neige. Mais Toren savait que c’était différent au sud. C’était le chemin qui menait aux “Plaines Sanglantes”, d’après ce que Ryoka avait dit à Erin. Et d’autres sortes de monstres se terraient là-bas.

C’était une bonne chose ! Toren savait à présent où il devait se rendre. Mais il y avait un autre problème. Comment pouvait-il y aller et revenir avant qu’Erin ne l’appelle ? Il devait obéir aux ordres.

Heureusement, Toren avait aussi une solution pour ça. Il connaissait Erin ; pas ce qu’elle aimait, ni sa personnalité, ses espoirs et ses rêves, rien de tout cela, mais il savait comment elle avait tendance à fonctionner.

La jeune femme était occupée à examiner les fleurs des fées qu’elles avaient laissées dans son auberge quand Ceria et Toren étaient revenus. Elle s’était remise des hallucinations, et elle était à présent occupée à discuter avec Ceria de pots et de jardinage.

Toren n’en avait cure. Il contourna furtivement la pièce en prenant soin de ne pas attirer l’attention. C’était tout l’avantage d’être un squelette : Toren avait beau être un squelette vivant avec des yeux remplis de flammes violettes, il n’était pas une vraie personne. Il pouvait tout aussi bien devenir un élément d’une pièce qu’un un porte-manteau ou une chaise, en se contentant de rester immobile dans un coin et de bouger furtivement de quelques mètres toutes les heures ou toutes les deux heures.

C’était aussi parce qu’il avait une excellente compétence. Toren était loin d’avoir autant de niveaux qu’Erin, mais il avait acquis plusieurs compétences utiles avec les différentes classes qu’il avait gagnées.

Il avait [Maîtrise des Armes - Épée], [Force Mineure], [Dissimulation de Présence], et quelques autres compétences issues de ses classes ; mais c’étaient les trois plus importantes. [Force Mineure], en particulier, avait vraiment été un don inespéré ; Toren l’avait eue lorsqu’il avait atteint son Niveau 10 de [Guerrier].

Toren était toutefois actuellement en train d’utiliser sa compétence de [Dissimulation de Présence] : il se déplaçait silencieusement à travers la pièce, jusqu’à se trouver juste derrière Erin et Ceria. Ensuite, il patienta.

“Tu ne comprends donc pas ? Elles ont de la valeur ! Si on les plante, je suis sûre qu’on pourra en faire pousser plus !”

Erin discutait, surexcitée, avec Ceria, en pointant du doigt les fleurs dorées. La demie-Elfe n’avait pas l’air convaincue, mais elle hocha tout de même la tête.

“Si c’est ce que tu penses. C’est l’hiver, mais elles n’ont pas l’air de faner - et bien sûr, ce sont les fées qui les ont apportées, donc elles doivent être résistantes au froid. Je peux t’aider à les rempoter, mais il va nous falloir des pots.”

“Des pots ? Pas de souci. Je crois que j’ai…”

Erin se tourna, et ne réalisa qu’à ce moment-là que Toren était juste derrière elle. Elle hurla et lui donna un coup de poing. Toren bondit en arrière par réflexe, il s’y était attendu.

Toren !

Ceria avait posé sa main squelettique sur son cœur et Erin, pantelante, fusillait le squelette du regard. Il ne voyait pas quel était le problème, mais elle était tout le temps surprise et triste quand elle se tournait au milieu de la nuit et le voyait en train de la regarder.

“Erin, ton squelette est terrifiant.”

“Je sais, je sais. Je… d’accord, c’est bon. Toren, va à la cuisine me chercher un pot. Pas un pot pour cuisiner, un pot pour planter des choses.”

Toren acquiesça et alla dans la cuisine. Il ne voulait pas aider à planter les fleurs, mais cela faisait partie du processus. Cette fois-ci, il attrapa un vieux pot de fer ébréché et revint tout aussi silencieusement.

Erin et Ceria avaient repris leur discussion, mais Erin se souvint du pot et tourna la tête. Toren la regarda droit dans les yeux.

Aaah !

Toren lui tendit le vieux pot. Erin recula de quelques pas, lui arracha le pot des mains, et lui cria dessus.

“Arrête de faire ça ! C’est quoi ton problème, aujourd’hui ?”

Le squelette ne pouvait pas répondre, mais il avait compris depuis le temps qu’Erin ne posait pas vraiment une question. Il attendit, patiemment.

“Va te mettre là-bas.”

Erin pointa le bar du doigt, et Toren s’y rendit docilement. Cela faisait partie du plan. Il ne cessa de dévisager Erin et Ceria qui s’étaient mises à parler de terreau et de bonnes conditions d’exposition et de choses qui ne l’intéressaient pas. Puis l’événement qu’il attendait se produisit.

Ceria l’aperçut et frissonna. Elle marqua une pause, se décala de quelques mètres, puis frissonna de nouveau. Erin leva les yeux.

“C’est encore Toren ? Qu’est-ce qu’il a encore fait ?”

“Regarde.”

La demie-Elfe le pointa du doigt, et Toren vit sa maîtresse sortir la tête de derrière son pot. Elle avait un peu de terre sur la joue. Il la dévisagea, patiemment.

“Je ne vois pas ce que…”

“Regarde ça.”

Ceria se décala d’un mètre ou deux et attrapa une cuillère en bois dont elles se servaient pour creuser. Au début, le squelette ne bougea pas. Puis, lentement, il tourna la tête pour suivre Ceria des yeux. La demie-Elfe revint vers la table, et la tête de Toren tourna lentement avec un léger délai pour la contempler de nouveau.

Erin frissonna de concert avec Ceria. Elle porta une main à son visage, et jura en se mettant de la terre dans les yeux. Elle se frotta les yeux et fusilla Toren du regard.

“Ça suffit. Dehors ! Ouste ! Ne rentre pas avant plus tard, et arrête d’être… flippant ! Compris ?”

C’était précisément ce que Toren attendait. Le squelette ne sourit pas, mais il hocha instantanément la tête et sortit avant qu’Erin ne change d’avis. Il l’entendit grommeler, mais n’y prêta pas attention.

Il était libre ! Toren se précipita dans les plaines enneigées. Oui, il était libre, il n’avait qu’à rentrer plus tard dans la soirée, ou dans la nuit. Ou demain, même s’il sentait qu’Erin ne voulait probablement qu’il ne reste dehors que quelques heures.

Qu’importe, ça avait fonctionné. Toren avait compris depuis longtemps que s’il restait longtemps derrière Erin ou la gênait quand elle s’activait, elle finissait par lui ordonner de sortir. Il n’avait jamais utilisé ce savoir par le passé, sauf pour éviter précisément de le faire, parce qu’il n’avait jamais eu de raison de ne pas vouloir être à ses côtés.

Jusqu’à maintenant.

Toren marcha puis se mit à courir dans les Plaines Inondées de Liscor, puis au-delà. Il ne fatiguait pas. Il ne ralentissait pas. Il était mort-vivant, et la mort lui avait depuis longtemps pris la douleur et la fatigue.

Ryoka pouvait courir plus vite. Tout comme Val, Relc, et probablement même Erin si elle se faisait poursuivre par des Gobelins. Toren devait porter une épée et cela le ralentissait. Mais il ne s’arrêtait jamais, et était par conséquent supérieur à la plupart des Coursiers de Ville comme Garia, Persua, ou même Fals.

Cela prit tout de même une heure à Toren de traverser les Plaines Inondées. Il savait qu’il en était sorti parce qu’il atteignit une colline. La pente était plutôt douce, mais cela lui prit presque trente minutes pour atteindre le sommet en courant le plus vite possible. Lorsqu’il arriva au sommet, il réalisa qu’il y avait une pente plus étroite par laquelle il aurait pu attendre le haut de la colline en moitié moins de temps.

Toren ne se mit pas en colère. Il en était incapable. Il se contenta de noter mentalement l’endroit pour avoir un chemin plus rapide la prochaine fois.

À présent que Toren était au sommet de la grande colline, il pouvait enfin voir la grande étendue de terres qui s’étendaient vers le sud, là où vivaient les Drakéides et les Gnolls.

Ce n’était… pas extraordinaire. Du moins pour Toren. Il se contenta de remarquer qu’au moins, c’était vraiment une plaine. Les Plaines Inondées étaient en effet plutôt plates par endroits, mais les nombreuses vallées et collines comme celle où se tenait l’Auberge Vagabonde que le sol plat devenait au mieux une illusion.

Mais ici, au-delà des frontières de Liscor, Toren vit le début des terres sauvages. Il vit des sols enneigés, des roches, et des… arbres.

Oui, des arbres ! Au début, Toren pensa qu’il s’agissait des mêmes arbres que ceux qu’il avait trouvé avant, les Arbres Kaboum qui faisaient des explosions mortelles. Mais non, ces arbres étaient des conifères normaux, des pins et des sempervirents regroupés en grandes forêts entre les grandes étendues de terres.

C’était une belle vue, mais le squelette n’avait pas le temps pour tout cela. Il scanna le paysage, cherchant des traces de mouvement. Puis il vit une petite silhouette en train de courir loin en contrebas.

C’était suffisant. Toren dévala la colline, l’épée au clair. Il ne s’encombra pas de discrétion ou de plan ; il y avait quelque chose en vie là-dessous, et il allait le tuer. Il voulait le tuer.

Il est difficile de repérer un squelette en train de courir sur une colline enneigée, même avec toute la neige qu’il soulève sur son passage. Mais la créature avait déjà repéré Toren, et au lieu de fuir, elle s’était arrêtée et attendait qu’il arrive. C’était bon signe ; cela signifiait qu’elle pouvait probablement se battre.

Toren s’arrêta en posant enfin les yeux sur la créature qui marchait à l’ambre à travers la neige. C’était… un cerf.

Oui, un cerf. C’était, plus exactement, un renne, et il avait beau être équipé d’une imposante paire de bois, cela restait un renne et non pas un Creler dévoreur de chair ou un énorme insecte avec des dents ni même un Gobelin.

Déçu, Toren baissa son épée et se détourna. C’était bien de tuer des trucs, mais il était conscient que des actes de violence aléatoires ne l’aideraient pas à gagner des niveaux. Il tourna le dos à la créature, et se prit donc la charge du renne de plein fouet dans le dos.

L’impact fit tomber Toren et les sabots le piétinèrent et lui écrasèrent les os. S’il avait été fait de chair et de sang, Toren aurait probablement eu plusieurs lésions internes et un nombre innombrable de ligaments déchirés. Mais comme il était un squelette, la charge du renne ne lui fit pas grand-chose.

Toren bondit sur ses pieds tandis que le renne freinait sa charge avant de rentrer dans un arbre, et se retournait, en soufflant par les naseaux, pour lui faire face. Il leva son épée, et claqua la mâchoire de joie.

C’était bel et bien un ennemi après tout ! Il faillit se réjouir, et ne comprit qu’alors qu’il était peut-être un peu dans le pétrin.

Parce que voilà. Oui, Toren faisait face à un renne. Et oui, sa charge n’avait pas eu beaucoup d’effets sur lui. Mais le squelette ne réalisait qu’à présent que ce renne en particulier, que ce soit parce qu’il avait muté ou évolué, faisait deux fois la taille d’un renne du monde d’Erin.

Il n’avait pas vraiment d’élément de comparaison, bien sûr ; Toren était juste conscient que ce renne était gigantesque. C’était un Corus, même s’il n’avait aucun moyen de le savoir. Les deux bois qui ornaient la tête du renne étaient aussi bien orange que bruns, et il y avait des traces de suie sur la fourrure qui ourlait les sabots du Corus.

Mais bon, il n’avait pas d’épée. Toren leva la sienne et chargea le cerf, visant vicieusement ses flancs. Le cerf se cabra et Toren vit un éclair de sabots.

Il lui assena un coup de sabot sur le crâne et plusieurs coups solides sur le reste de son corps, fêlant ses os. Il lui ouvrit le flanc.

Du sang rouge couvrit le flanc du renne qui émir un cri de détresse et recula. Toren fondit sur lui à travers la neige, l’épée levée, mais le Corus était agile et l’esquiva, avant de distancer facilement le squelette.

Eh bien, voilà qui était fâcheux ! Si Toren avait eu de la chair, il aurait froncé les sourcils. Il était venu jusqu’ici pour combattre des monstres, pas des animaux un peu trop attachés à leur territoire. Il s’était attendu à ce que le cerf s’enfuie et il l’aurait laissé partir ; ce n’était pas vraiment un défi… lorsque le cerf s’arrêta soudain et baissa la tête pour une nouvelle charge.

Toren marqua une pause, puis leva son épée. Le cerf voulait apparemment mourir. Cela ne lui posait aucun problème. Il attendit patiemment pendant que le cerf grattait le sol de ses sabots en soufflant par les naseaux. Il avait beau être plus fort et plus rapide que lui, cela restait un bête animal. Pas du tout une menace.

Puis Toren apprit ce qui rendait les Corus différents des rennes ordinaires. Les bois du cerf se mirent à luire, puis ils s’illuminèrent comme des morceaux de fer dans un feu de forge, devenant presque blancs sous l’effet de la chaleur qu’ils émettaient.

Les sabots prirent feu aussi. Toren fut brutalement conscient que tout était en train de fondre autour de lui. Cela ne le dérangeait pas, comme il était un squelette, mais il ne put s’empêcher de se demander ce qu’il se passerait si ses os entraient en contact avec les bois surchauffés.

Il hésita un instant, et le Corus le chargea d’un coup. Il bondit dans une explosion de flammes, et il bougeait soudain plus vite. Beaucoup plus vite

Toren se jeta hors de son chemin et le cerf passa dans un coup de tonnerre à côté de lui. Il sentit l’air se modifier autour de ses os, mais il s’en était sorti. Pendant une seconde. Il se retourna, et, il ne savait comment, le renne avait déjà fait volte-face et fondait sur lui.

Trop tard pour bloquer ou esquiver. Toren taillada de nouveau le cerf tandis que les bois le cueillaient en pleine poitrine. Le cerf fit un écart, la face sanglante, et Toren s’écrasa dans la neige. Mais les bois enfoncèrent quand même ses côtes.

Le squelette entendit un sifflement, et sentit une portion de sa cage thoracique… disparaître. Il lutta pour se remettre debout, et tâta ses côtes. Elles étaient encore intactes. Mais…

Un bon morceau de ses os s’était évaporé. Lorsque Toren tâta sa troisième côte en partant du haut, il ne rencontra que de l’air là où il y aurait dû y avoir de l’os. Des morceaux de cendre se détachèrent sous ses doigts. Le cerf avec incinéré ses os avec la chaleur intense émise par ses bois.

Ce n’était pas si grave. La mobilité de Toren n’était pas entravée, et il n’avait pas perdu beaucoup de matière. Et il avait blessé le Corus, il saignait à présent à deux endroits. Mais quelque chose d’autre inquiétait Toren.

Il ne guérissait pas. Ou s’il guérissait, ce n’était pas aussi rapidement que pour une fracture. C’était très grave.

Le Corus secouait la tête, projetant dans la neige des gouttelettes de sang fumantes. Il avait été blessé juste au-dessus de l’œil, et Toren était certain qu’il ne pouvait plus voir avec. Il se mit tout de même à fouette l’air avec ses bois chauffés à blanc et força Toren à reculer.

Il sautilla en arrière dans la neige, et les deux adversaires se dévisagèrent avec méfiance pendant quelques secondes. Le squelette réfléchit à son prochain coup. Il devait tuer le cerf, à présent, c’était évident. Mais ses bois l’inquiétaient. Charger n’était peut-être pas une si mauvaise idée, mais si le cerf l’épinglait au sol et plongeait ses cornes dans son corps ? Il serait réduit en cendre en moins d’une minute.

Le cerf, qui était d’ailleurs une femelle, était de toute évidence en train de douter aussi. Elle avait essayé de chasser l’étrange intrus qui avait pénétré dans son aire de broutage, et il l’avait déjà blessée deux fois. Le squelette ou la Corus auraient pu décider à ce moment-là si le jeu en valait la chandelle, mais ce fut le moment que choisit le bonhomme de neige pour attaquer.

Toren n’eut que le temps d’apercevoir l’ombre gigantesque l’engloutir avant qu’un poing de neige s’écrase sur lui, engloutissant le squelette dans un monde de neige. Il se débattit, mais il était recouvert de neige, et elle était beaucoup trop tassée pour qu’il puisse bouger.

Pendant quelques minutes, Toren connue la confusion la plus totale. Il luttait pour bouger, et il pouvait sentir qu’il se faisait bringuebaler à toute vitesse.  Mais il entendit ensuite un sifflement suivi d’un rugissement, et la glace qui l’entourait se transforma en eau !

Toren tomba du corps du bonhomme de neige juste à temps pour voir la Corus s’enfuir tandis que le Golem de Neige massif se transformait en eau et se mélangeait à la neige par terre. Il s’éloigna à quatre pattes et vit son épée, toujours plantée dans le flanc du géant de neige. Toren contempla l’énorme création, émerveillé.

C’était un bonhomme de neige. Une sculpture grossière de neige qui avait pris vie. C’était techniquement un Drakéide, mais son apparence avait trop muté pour ressembler encore à son créateur ni à n’importe quelle espèce humanoïde, d’ailleurs.

Quelque temps plus tôt - peut-être au début de l’Hiver, un petit Drakéide avait construit un bonhomme de neige dans la neige fraîche. Le jeune Drakéide, plein d’énergie, lui avait offert des petits cailloux pour lui faire des yeux, des grands bâtons pour faire les bras et une queue, une bouche et même un radis pour faire un nez, mais il avait oublié de lui offrir la chose la plus importante : des vêtements.

N’étant pas protégé des sources externes, de la magie était entrée dans le bonhomme de neige - par accident ou non - et il avait pris vie. Cela n’avait peut-être pas été si affreux au début - le bonhomme de neige avait beau être hostile envers toute forme de vie, il était lent et n’était constitué que de neige légèrement tassée, et ne représentait donc pas une très grande menace. Mais celui-ci avait réussi à survivre à sa création, et avait fait ce que toutes les créatures font.

Il avait grandi. La neige des plaines était un banquet pour le Golem de Neige, et il avait absorbé de plus en plus de neige jusqu’à devenir plus grand qu’un Crabroche et tout aussi large. Il avait deux bras de neige massifs, et une bouche et deux yeux grossiers s’étaient formés sur son visage à partir de gros rochers et de pierres.

Oh, et il avait encore une espèce de queue, mais on aurait plus dit une troisième jambe.

Le Golem de Neige rugit de nouveau, et tenta d’attraper la biche. Les cornes et le poing entrèrent en contact et Toren vit un éclair de lumière puis un nuage de vapeur s’élever tandis que le Golem ruait en agrippant sa main fondue.

Quelque chose explosa, et Toren réalisa que quelques-unes des pierres piégées dans le corps du Golem surchauffaient sous l’effet des bois de la Corus. Cela ne lui posait pas de problème et au Golem non plus, mais la biche fut touchée par quelques shrapnels et vacilla.

C’était l’occasion pour le Golem de jeter un gros morceau de lui-même sur la biche, mais il s’évapora et fondit lorsque la biche baissa la tête dans une posture de défense. La force de l’impact jeta tout de même la Corus au sol, mais elle se redressa maladroitement et les deux créatures se mirent à tourner l’une autour de l’autre.

Elle s’arrêta, et le Golem de Neige réalisa enfin que quelque chose clochait. Il leva sa main valide, mais Toren se contenta de s’accrocher à l’énorme tête neigeuse, et les doigts malhabiles ne parvinrent pas à l’en arracher.

C’est le signal qu’attendait la Corus pour charger, et le Golem de Neige dut se concentrer de nouveau sur le sol. Toren se redressa, et regarda la tête du Golem. Bon, comment tuait-on quelque chose fait de neige et de glace… ?

Toren savait comment il ferait pour se tuer, lui, donc il appliqua la même logique au Golem. Il ne s’embarrassa pas de son épée ; il se contenta d’enfouir ses mains dans la tête du Golem de Neige et se mit à creuser.

Pendant quelques instants, le Golem continua d’attaquer la biche qui lui tournait autour en contrebas, faisant fondre ses flancs en restant hors de portée. Puis Toren jeta une autre poignée de neige dans les airs et toucha le centre du Golem. Et le Golem apprit alors ce qu’était la douleur.

Le Golem de Neige poussa un rugissement, furieux et déchirant, et Toren continua à creuser sa tête, ôtant de la neige qui paraissait différente du reste. Elle était d’une manière ou d’une autre encore plus blanche que de la neige ordinaire, et elle avait l’air plus froide sur ses os. La neige pure fondait dès qu’elle arrivait à l’air libre, et le Golem hurla et Toren continua de creuser.

Lentement, le béhémoth géant s’effondra, et Toren réalisa qu’il était en train de se démanteler. N’étant plus relié par la magie, le corps du Golem se contenta de tomber en tas sur le sol, une petite montagne de neige, de terre et de glace.

Toren s’assit dans la neige et en retira son épée. Eh bien, ça, c’était amusant. Il regarda rapidement autour de lui, et vit que la Corus était en train de contempler les restes du Golem, comme si elle n’était pas certaine qu’il était mort. Elle recula lorsque Toren bondit sur ses pieds, l’épée levée.

C’était l’heure de reprendre le combat. Toren attendit que la biche le charge. Elle attendait clairement le bon moment, raclant ses sabots au sol, faisant mine d’avancer, mais la biche finit par hésiter. Elle leva ses bois, et le secoua, mais il était trop tard.

Les bois s’éteignirent. La lumière chauffée à blanc et la chaleur intense s’estompèrent, et la Corus ne fut soudain plus qu’un renne surdimensionné, blessé et épuisé.

Toren cligna des yeux, mais la biche était toute aussi surprise que lui. Elle trépigna en secouant la tête, mais il était évident que quelle que soit la magie ou l’énergie que la Corus utilisait, elle avait épuisé ses stocks en combattant à la fois Toren et le Golem de Neige.

Dommage. Mais cela ne gênait pas Toren. Lorsque la biche commença à se redresser, il la chargea, en faisant des moulinets avec son épée. Cette fois, la biche l’accueillit tête la première, enfonçant ses bois dans le squelette, mais rien n’y faisant. Et Toren lui transperça le flanc.

Cette fois-ci, la lame pénétra de plusieurs dizaines de centimètres. Elle n’atteignit pas le cœur, mais atteignit bel et bien un organe vital parce que la Corus gémit et s’écarta. Elle n’attaqua pas Toren, et au lieu de cela se mit à courir et le squelette dut la pourchasser.

Même blessée, même à moitié aveugle, la biche distança immédiatement Toren. Mais elle laissa une traînée rouge dans la neige, et une piste à côté. Cela suffisait pour Toren. Il courut derrière la biche qui s’éloignait, absolument pas découragé par sa vitesse. Elle finirait par ralentir à la fin.

C’était le truc, chez Toren ; il était patient et ne fatiguait pas. Il poursuivit la Corus blessée sans relâche à travers la neige, lui tailladant les flancs à chaque fois qu’il s’en approchait. Elle ne pourrait pas courir indéfiniment, et à chaque fois qu’elle ralentissait, il était là, et la tailladait, la transperçait, ignorant les sabots et les cornes qui s’écrasaient sur lui sans relâche.

Du sang coula dans l’œil de la Corus qui se précipita dans une forêt, tentant de semer le squelette. Il la poursuivit, mais la Corus finit par commette une erreur. À moitié aveuglée, elle ne remarqua pas les branches basses des arbres et courut droit dessus.

Toren fit claquer sa mâchoire de joie lorsque la biche fit un écart à gauche et rentra dans un arbre. Le squelette fondit instantanément sur l’animal blessé. La Corus leva ses bois et arracha l’épée des mains du squelette.  Elle essaya de se servir de ce répit pour s’enfuir, mais Toren fut sur elle en un instant. Il serra deux doigts et les poussa dans l’autre œil de la biche. La biche poussa unhurlement, et Toren en fut ravi.

C’était ça, le combat. C’était ça, de tuer. C’était ce pour quoi on l’avait construit. Le monde devint une petite bulle de violence concentrée pour le squelette. Il cogna et mordit la biche meurtrie tandis qu’elle essayait de le frapper de ses sabots ou de le transpercer de ses cornes. Mais elle n’avait plus de chaleur. Plus de chaleur, et la biche faiblissait. Mourait.

Toren retrouva son épée et la rapporta vers la biche qui était étendue au sol, ses sabots bougeant faiblement. Il lui transperça le poitrail, puis la tête, plusieurs fois, peignant la neige et ses os de sang et d’entrailles.

C’était fait. Il avait gagné. Toren contempla le corps fumant, puis prit un peu de neige et commença à se nettoyer. Erin détestait quand il était sale.

[Guerrier Squelette Niveau 16 !]

[Compétence - Pied Sûr Obtenue !]

Toren ne pouvait pas dormir, et il ne s’était jamais reposé, donc les notifications de niveaux apparaissaient toujours dans sa tête à l’instant où il finissait une bataille ou une partie d’échecs. Il réfléchit aux mots qu’il venait d’entendre en finissant de se nettoyer avec de la neige.

[Pied Sûr] ? Cela ne paraissait pas si utile que ça, mais… Toren leva un pied à titre expérimental. Il se mit à marcher dans la neige, et comprit qu’il était devenu beaucoup plus facile, et de loin, de traverser la plaine. Comment ? On aurait dit qu’au lieu de marcher sur le terrain traître couvert de plaques de glace lisse ou de mottes de terre, il marchait sur une surface lisse et dure.

C’était utile. Pas simplement pour tuer des choses ; Toren était certain qu’il pourrait aller où il le voulait grâce à cette compétence. C’était pratique, de toute évidence, mais c’était… étrange.

Étrange, oui. C’était le seul mot qui convenait. Un moment plus tôt, Toren s’était inquiété de sa lenteur. Et, tadaaa, il avait soudain une compétence qui lui permettait d’aller plus vite. La pensée et les niveaux étaient-ils connectés d’une manière ou d’une autre ?

Peut-être. Toren n’en savait rien, mais il pouvait voir le lien. Et pourtant, cette compétence avait beau être utile, ce n’était pas exactement ce dont il avait besoin. Il lui faudrait plus d’une heure et demie pour rentrer à l’auberge, même s’il ne glissait pas toutes les deux minutes.

Et en parlant de ça… Toren leva les yeux pour voir la position du soleil. Oui, il fallait qu’il rentre, de toute manière, ou il ferait nuit lorsqu’il rentrerait. Plus de tuerie pour aujourd’hui. C’était fâcheux, mais il avait des ordres.

Le squelette se mit à rentrer en courant à travers la neige en direction de l’auberge à Liscor, comme s’il ne s’était jamais battu. Le monticule qui avait été le Golem de Neige et le cadavre de la Corus en train de geler lentement restèrent étendus au sol, pour se faire petit à petit recouvrir de neige. Toren poursuivit sa course, ne songeant qu’à Erin, l’auberge, et les niveaux qu’il avait gagnés. Il avait tué deux nouveaux ennemis aujourd’hui, c’était probablement la raison pour laquelle il avait gagné deux niveaux. Le Golem de Neige représentait une véritable menace. S’il n’avait pas fondu, il aurait pu y rester piégé à jamais.

Il se demanda ce qu’il pourrait tuer demain ?

Ce fut la première journée de chasse de Toren. Ce ne fut pas sa dernière, mais lorsqu’il rentra à l’auberge, il y trouva un élément nouveau.

Une fille.

Elle était assise sur une chaise au milieu de l’auberge d’Erin, frissonnant enveloppée dans une couverture, et Erin était aux petits soins pour elle. Elle avait une tasse de lait chaud et cher, une assiette de bœuf chaud et du pain à côté.

Et elle se plaignait.

“... sales rustres et des monstres ! Ils devraient tous être rayés de la carte !”

Toren la dévisagea. C’était probablement une invitée. Probablement. Mais un sentiment de malaise l’envahissait, et cela s’empira lorsqu’Erin se retourna et le vit.

“Oh, Toren ! Te voilà ! Je me demandais où tu étais passé. Regarde, c’est ma nouvelle employée. Elle s’appelle…”

Toren n’entendit pas le reste. Il regarda la fille transie de froid, vêtue de vêtements repoussants et en train de le regarder fixement, frappée d’horreur. Il se tourna vers Erin.

Non.

Non, elle ne pouvait pas faire ça. Elle le remplaçait ? Ou… non, elle ne le remplaçait pas. Toren écouta les explications d’Erin.

Elle allait travailler ici ? Accomplir ses tâches ? Pourquoi ? N’était-il pas la seule aide dont Erin avait besoin ? Il allait…

Est-ce que c’était parce qu’il était parti ? Sûrement pas. Erin disait quelque chose au sujet de la fille qui aurait été secourue ou exilée ? Toren ne comprenait pas vraiment. Il ne comprenait pas beaucoup de choses qui se passaient ou que les gens disaient. Mais il regarda la fille et il décida qu’il ne l’aimait pas.

Pas du tout.

Il se passa d’autres choses ensuite. Erin se mit à être aux petits soins pour la fille, pour commencer, même si de toute évidence cette dernière était tout à fait capable d’être aux petits soins pour elle-même. Elle mit les autres visiteurs en colère, Toren s’en aperçut. La demie-Elfe, son créateur, et en particulier la [Commerçante] Gnolle.

Est-ce que c’était important ? Peut-être. Peut-être pas. Toren ne savait que deux choses. Il avait gagné des niveaux, aujourd’hui, ce qui était une bonne chose, et Erin le mettait lui responsable de la fille, ce qui était une mauvaise chose.

La première nuit, Toren resta debout jusqu’à tard pour réfléchir et essayer de comprendre s’il était en train de se faire remplacer ou si ce n’était qu’une punition pour autre chose. Il sentit ses côtes se régénérer lentement ; les os se reformaient dans les airs, mais lentement, drainant fortement le mana de Toren. Mais ce n’était pas aussi important que la nouvelle.

Toren ignora tout le reste et réfléchit. Il était debout au milieu de la salle commune jusqu’à ce qu’il remarque la fille en train de descendre en tapinois de l’étage. Elle ne le remarqua pas lorsqu’elle se faufila dans la cuisine, mais elle le vit tout à fait lorsqu’il lui saisit la main alors qu’elle essayait d’attraper la bourse de pièces d’Erin.

Encore des cris. Encore du bruit. Toren suivait les ordres, et le lendemain on le laissa seul avec la fille pour la surveiller. Il la regarda fixement, sous le choc, mais il remarqua que ce choc était reflété dans le visage de la fille, accompagné en plus de beaucoup de révulsion et d’horreur.

Il fallait qu’il lui enseigne des choses ? À elle ? Erin voulait que la fille apprenne à nettoyer, mais elle se contenta de reculer loin de Toren, en jurant et en lui criant des insultes. Il lui tendit plusieurs fois le chiffon mais elle se contenta de s’enfuir en courant.

Elle finit par arrêter d’avoir peur de lui suffisamment longtemps pour rester immobile et essayer de lui donner des ordres. La fille se planta sur ses pieds, ouvrit la bouche d’un air grincheux et pointa la porte du doigt.

“Chose, je t’ordonne de...”

Qu’était-il censé faire alors ? Il se tortura à trouver une solution au problème. Il ne pouvait pas tuer la fille, il avait même reçu l’ordre de la protéger et de lui “montrer les ficelles”, ce qui ne voulait malheureusement pas dire qu’il pouvait la pendre ou lui faire un garrot non plus.

D’accord. Toren pouvait le faire. Il était doué pour suivre les ordres. C’était juste que… le truc, c’était…

Le truc, c’était… qu’il n’aimait pas la fille qu’Erin avait embauchée. Pas du tout. Il n’aimait pas le fait qu’Erin lui accorde plus d’attention qu’à Toren, il n’aimait pas le fait que la fille faisait son travail (même si elle le faisait très mal), et il détestait par-dessus tout le fait qu’elle n’était qu’un tas de chair inutile qui gaspillait l’espace.

Elle était juste tellement fatigante, c’était tout. Oui, c’était tout. Et elle lui donnait des ordres qui n’avaient… aucune importance. Ce n’étaient que des mots. Ils n’embêtaient pas du tout Toren.

C’était malcommode, voilà tout, et Toren n’aimait pas perdre son temps à lui enseigner des choses. Mais tout cela changea lorsque Toren découvrit qu’il pouvait faire des choses très agréables avec la fille quand Erin ne regardait pas. C’était drôle, plaisant, même. Il commença par utiliser ses poings et ses pieds, puis ses doigts, puis il lui suffisait de la pousser pour s’amuser. Il pouvait aussi la dévisager, bien sûr, mais c’était loin d’être aussi divertissant.

Un divertissement. C’était tout ce qu’elle était, en fin de compte. Lorsque Toren eut découvert à quel point il pouvait s’amuser avec la fille, et qu’il fut parvenu à la faire accomplir quelques tâches, cela devint moins son problème que celui d’Erin. Donner des leçons à la fille était devenu un moment obligatoire de sa journée auquel Toren s’était résigné, ponctué de moment agréables, mais lorsqu’elle avait terminé et que la nouvelle partait pleurnicher ou se cacher, Toren partait en chasse.
 
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2.24 T - Deuxième Partie
Traduit par EllieVia


***

Les Gobelins rampaient dans la neige. Ils étaient dix, vêtus de fourrures d’hiver grises prélevées sur un animal quelconque. Toren les observa un moment, mais ils ne faisaient pas partie de la tribu de Loks. Il les avait tous vus, et ils venaient du sud. Il bondit du tas de neige où il s’était couché, presque invisible, et transperça le premier. Il attrapa le second et l’étrangla d’une main en commençant à massacrer le reste.

Ils ne pouvaient pas le blesser, pas sans magie ou suffisamment de puissance pour éparpiller ses os ou les réduire en poussière. L’un d’eux tenta de jeter un sort, mais Toren le découpa en morceaux avant qu’il n’ait pu terminer.

***

Le carcajou chassait dans la neige, cherchant quelque chose à tuer. Il avança d’un pas et glissa sur quelque chose de lisse. Toren, sous lui, ouvrit les mâchoires et le mordit. Dommage qu’il ne soit pas pourvu de dents de Drakéide ou de Gnoll.

***

La deuxième Corus fut beaucoup plus facile à tuer que la première. Toren s’était mis à emmener avec lui une petite hachette - l’une des armes qu’il avait prélevées sur les cadavres des aventuriers dans les Ruines - et il la lança et réussi à faire une entaille profonde dans la patte de la biche. À partir de là, ce n’était plus très difficile de la tuer ; Toren se précipita sur elle et la taillada par derrière, esquivant sans peine ses sabots.

Mais il avait mal calculé son coup, cette fois. La Corus qui s’était un peu trop éloignée de sa horde était encore visible par le reste de son groupe, et lorsque Toren massacra l’animal, le reste de sa horde fondit sur lui dans un grondement de tonnerre.
Le squelette entendit un grognement, ou peut-être une espèce d’appel, et réalisa qu’il était cerné. Mais Toren se contenta de lever son épée, et de se demander combien il allait parvenir à tuer.

Les cornes des Corus se mirent à chauffer à blanc, puis le vent se leva. Toren se tourna vers les plaines et vit que le vent avait soulevé un nuage de neige fraîche. Il flotta vers Toren et la horde de rennes, une véritable vague de glace. Mais lorsque la neige entra en contact avec les cornes lumineuses des biches, elle se transforma soudain en vapeur.

C’était ce qu’elles attendaient. Lorsque le nuage de vapeur aveugla Toren, les Corus le chargèrent, formes sombres, cornes de flammes et sabots dans la brume.

Toren leur fonça dessus dans un hurlement silencieux. La première charge le souleva de terre, et il atterrit au milieu de la horde, fouettant l’air de son épée, transperçant, déchirant les chairs. Les biches se mirent à piétiner à côté de lui, et Toren sentit ses os devenir noirs et s’enflammer sous l’effet de la chaleur.

Les biches étaient agglutinées autour du squelette, balayant l’air de leurs bois, faisant fi de la chaleur qui ne paraissait étrangement pas enflammer leur cuir épais, lorsque soudain, d’un seul mouvement, elles firent volte-face et s’enfuirent. Toren resta étendu au sol, ses os encore fumants, et regarda fixement la horde qui s’enfuyait à travers les plaines. Il avait presque oublié la gemme de [Terreur], mais il apparaissait qu’elle pouvait être utile.

Il lui fallut une demi-journée pour pouvoir remarcher, mais cela ne l’empêcha pas de gagner des niveaux après cette bataille.

***

Le sanglier n’était pas l’un de ceux des bergers de Liscor. C’était le mâle alpha de sa harde et il les guidait à travers la neige pour trouver de la nourriture dans ce paysage glacé. En été, bien sûr, ils se débarrassaient de leur fourrure, mais ils avaient besoin de garder toute la chaleur possible en ce moment et ils restaient proches les uns des autres.

Pas seulement pour partager leur chaleur corporelle, bien sûr ; un sanglier, seul, était une proie facile, surtout avec tous les monstres mortels qui vivaient dans les plaines, mais ensemble, leurs défenses et leur puissance explosive pouvait réduire en bouillie la majeure partie de leurs ennemis.

Mais ce sanglier guidait sa harde plus au sud, loin de Liscor. Certes, les menaces australes étaient tout aussi terribles que celles du nord ; si les Crabroches et les nids d’Araignées Cuirassées posaient problème autour de Liscor, les dangereuses tribus de Gnolls et d’autres monstres tels que les Wyvernes pouvaient facilement tuer un groupe aussi grand que le sien.

Mais le sanglier alpha avait pris sa décision. Sa compagnie venait de passer devant un monstre fraîchement massacré, une grande créature semi-bipède avec une peau de cuir, dépourvu de visage. Elle n’avait qu’une bouche et pas d’yeux, mais ses grandes serres et ses bras couverts de pointes compensaient largement sa cécité.

C’était un ennemi formidable, deux fois plus grand que le sanglier alpha, et il avait pourtant été brutalement découpé en morceaux. On aurait dit que quelque chose l’avait tué, mais ne s’était même pas arrêter pour le manger. Quelle créature pouvait être si dangereuse ?

Le sanglier renifla et leva son groin en l’air. Son odorat était tout aussi capable que sa vue de déterminer où se trouvait les menaces. Il appela le reste de sa harde et le groupe le suivit dans le sillage qu’il traçait à travers la neige.

Toren les laissa partir. Il n’avait presque plus de magie qu’Erin lui donnait, et il ne pensait pas pouvoir gagner contre les sangliers sans utiliser le rubis. Et il ne gagnait pas de niveau quand il faisait ça, apparemment.

***

C’était une Compagnie d’Aventuriers Rang Or qui était arrivée en retard à Liscor. Trop tard pour l’invasion de morts-vivants, et trop tard pour dormir dans les meilleures auberges de la ville, ce qui était le plus important. Cela leur déplaisait, mais ils pouvaient quand même louer une auberge.

“C’est mieux que de dormir dans leur petite Guilde d’Aventuriers, c’est certain.”

Halrac, leur meilleur [Éclaireur] et [Tireur d’Élite], était en train de se plaindre tandis qu’ils traversaient les plaines enneigées à cheval. Il jeta un œil au compas magique qu’il tenait dans les mains et contempla le paysage enneigé qui lui faisait face avant de faire signe à son groupe d’avancer.

“Je ne crois pas qu’ils auraient eu de quoi nous loger même si on le leur avait demandé. Dieux morts, quelle ville paumée. Est-ce qu’il n’y a pas d’aventuriers d’un rang supérieur à Bronze ici ?”

“Quelques-uns, mais la ville n’a pas besoin qu’ils soient nombreux. Elle a une Garde puissante.”

C’était l’un des deux mages qui avait répondu. Halrac grogna d’un air irrité à l’attention de Typhenous ; pas tant à cause de son explication que de son style de monte. Il était assis, inconfortablement, sur son cheval, qui n’aimait clairement pas beaucoup l’homme plus âgé, ni la force inutile que le mage appliquait sur ses rênes.

“Eh bien, cela pourra nous être utile. Moins de compétition, comme ça.”

Halrac pointa à gauche, et le groupe esquiva un nid d’Araignées Cuirassées. Il continua de scruter les alentours, mais l’autre mage - une fille à la peau brune avec des coutures autour de ses mains, son cou et ses genoux et vêtue d’une longue robe soupira d’un air irrité.

“Ça ne va pas durer. Il y a déjà des aventuriers de rang Argent et même quelques Or qui débarquent en ville. La rumeur du donjon souterrain se répand, et l’invasion des morts-vivants n’a pas effrayé grand-monde. Est-ce que vous avez vu celle qui parlait avec le [Paladin] et le type avec le marteau dans le dos ? C’est la Renarde de Glace, elle part normalement seule en mission, mais même elle a rejoint une équipe. À moins qu’on ne devance tout le monde, on risque de se faire dépasser par une équipe Argent, ou une autre Or. Il y en a déjà deux qui sont arrivées en ville !”

Halrac ouvrit la bouche pour répondre, mais leur chef, un homme muni d’une épée longue et d’une armure magique, répondit. Il s’appelait Ulrien, et Halrac était encore plus inquiet pour son cheval à lui, qui devait porter à la fois l’homme, son épée, et son armure à travers la neige.

“Inutile de s’inquiéter. Le gardien des cryptes qui a attaqué la ville valait largement une équipe Argent, voire plusieurs. Combien ont dû s’allier pour ouvrir la crypte ? Quatre ? Cinq ? Et elles se sont toutes faites massacrer par le Gardien Mineur.”

“Ce qui fait se demander comment on va se débrouiller là-dedans.”, marmotta Halrac dans sa barbe, mais ses trois compagnons ne paraissaient pas inquiets. Et pour tout dire, il comprenait ce qu’Ulrien disait à demi-mot. Les groupes d’Argent pouvaient s’allier tant qu’ils le voulaient, ais même une centaine d’équipes Argent ne pourraient pas égaler les artefacts magiques et les capacités d’une équipe Or.

“Et les Aventuriers Légendaires ? Si l’un d’entre eux se pointe...”

“S’ils se pointent, il vaudrait mieux qu’on ait déjà une base solide dans le donjon. Ce qui est la raison pour laquelle il faut qu’on trouve l’entrée, Halrac.”

Revi jeta un regard noir à Halrac puis regarda le compas magique dans ses mains d’un air appuyé. Il ouvrit la bouche pour rétorquer - Revi et lui étaient ceux qui s’entendaient le moins bien - mais il se concentra plutôt sur sa tâche.

“On est proche du centre de la perturbation magique, mais il n’y a rien d’autre que de la neige et de la terre pendant encore plusieurs milles.”

“Zut. Encore une fausse piste ? Est-ce qu’on devrait juste commencer à creuser et espérer tomber sur un mur ?”

Typhenous émit un soupir bruyant et appuyé à destination des deux non-mages en tirant sur les rênes de son cheval pour qu’il s’arrête.

“Même si vous vouliez creuser jusqu’au donjon, qui pourrait être très loin en-dessous de nous, je doute que vous pourriez faire exploser les murs sans y mettre des efforts conséquents. Honnêtement, je ne crois pas pouvoir le faire même avec l’aide de Revi. Non ; il faut que nous trouvions une ouverture dans le sol, ou un tunnel de surface. Le compas devrait faire de la lumière lorsqu’il détectera une ouverture.”

“Il a déjà fait de la lumière cinq fois aujourd’hui, chaque fois au-dessus d’un nid d’Araignées Cuirassées.”, répliqua Halrac, d’un ton froid et agacé. Il pointa les montagnes au loin qui se dressaient de toute leur taille au-dessus des plaines.

“Peut-être que l’entrée est dans l’une de ces putains de montagnes, tu ne crois pas ? Et si c’est le cas, il faudra qu’on s’allie aussi avec d’autres équipes parce que les Hautes Passes ne sont pas un endroit qu’une compagnie Or peut explorer seule. Et arrête de tirer autant sur ces rênes ! Tu blesses ta monture !”

“Calme-toi, Halrac. On a acheté ces montures ; ce n’est pas comme si on leur infligeait des blessures irréparables. On a des potions si elles en ont besoin, et il faut qu’on prenne l’avantage sur les autres. Continuons de fouiller.”

L’[Éclaireur] fronça les sourcils, mais il incita gentiment son cheval à reprendre la route. Il savait qu’il était irascible - enfin, plus que d’habitude, mais ils avaient voyagé jour et nuit pour arriver là avant les autres. Le sort de [Communication] que Revi avait reçu de Liscor leur avait parlé du donjon et des possibles richesses qu’il renfermait, et cela avait suffi à les motiver à entreprendre les milliers de kilomètres du voyage.

“Très bien. Allons vers cette forêt, là-bas. Il est possible que l’entrée soit enterré derrière tous ces arbres ou dessous.”

Halrac se mit à chevaucher dans cette direction, mais leva presque immédiatement la main. Les trois autres aventuriers s’arrêtèrent en le voyant plisser les yeux pour regarder la plaine. Il avait une vision d’une précision peu commune et fut donc le premier à repérer le mort-vivant.

“Est-ce que c’est un squelette… en train de se battre avec un Golem de Neige ?”

Revi fronça les sourcils et le groupe se rapprocha lentement de la scène étrange. Oui, un squelette solitaire échangeait des coups au loin avec un Golem de Neige qui faisait à peu près la même taille. Le combat était inégal ; Halrac voyait déjà que le squelette allait gagner. Il était plus rapide, plus fort, et avait une meilleure allonge que le Golem de Neige, et la créature finit par transpercer devant leurs yeux la tête vulnérable du Golem.

“Ça, c’est un spectacle peu commun. Vous croyez que c’est l’un des morts-vivants qui reste de l’attaque contre Liscor ?”

Typhenous secoua de nouveau la tête. Il montra le squelette qui était en train de piétiner le Golem dans la neige avant de planter son épée dans la neige.

“Regardez la finesse de ses mouvements. Ce n’est pas un squelette ordinaire. Cela doit être une espèce de revenant.”

“Un revenant ? Tu veux dire un mort-vivant possédé ? C’est dangereux, ça.”

Halrac détestait les morts-vivants. Il avait du mal à les tuer avec ses flèches, et certains, comme les fantômes, ne pouvaient pas du tout être tués avec des armes ordinaires. C’était en partie la raison pour laquelle il travaillait en équipe ; un mage pouvait toujours servir pour combattre ces horreurs.

Il avait déjà encoché une flèche lorsque Revi lui attrapa le bras. Il la fusilla du regard.

“Quoi ?”

“Ne le tue pas. S’il appartient à la ville, il faudra qu’on le rembourse.”

Ulrien renifla d’un air incrédule.

“J’ai entendu dire que la Garde locale utilisait des créatures étranges, mais un mort-vivant ?”

“Pourquoi, sinon, attaquerait-il un Golem de Neige ?”

“Peut-être que le Golem a attaqué en premier. Laisse-moi gérer ça.”

Halrac baissa son arc avec réticence. Revi lui adressa un sourire qu’il n’apprécia et ne lui rendit pas, et ouvrit une bourse à sa ceinture. Halrac jeta un regard suspicieux au morceau de tissu que la Tissée en sortit.

“Si tu vas juste le détruire, laisse-moi…”

“Je ne vais pas détruire le squelette. Je vais le capturer. S’il appartient à la ville, on pourra le ramener. Sinon, j’adorerais savoir à quel point l’esprit attaché au corps est puissant.”

“Et voler l’esprit ? Je ne veux pas avoir un mort-vivant dans mes pattes. Il va faire peur aux chevaux.”

Revi leva les yeux au ciel en tenant le morceau de tissu au vent. Il était couleur chair, très similaire au tissu qui constituait son corps.

“Je ne suis pas [Nécromancienne], comme je te l’ai déjà dit un millier de fois, Halrac. Mais un esprit peut quand même m’être utile, surtout s’il se souvient encore fortement d’avoir été vivant.”

Ses mains se mirent à briller, et Halrac écarta sa monture de Revi, mal à l’aise. La voix de Revi devint plus profonde. Elle jeta le morceau de tissu dans les airs et reprit la parole.

Lève-toi, ancien guerrier. Entends mon appel et retourne combattre une nouvelle fois.

Une silhouette apparut. C’était un homme haut de taille, vêtu d’une armure de bronze et armé d’une masse d’arme et d’un bouclier. Son visage était parfaitement inexpressif, mais il écouta les ordres de Revi avec attention.

“Capture ce squelette. Brise ses membres si tu le dois, mais rapporte-moi son crâne et son torse intacts. Va.”

Instantanément, le guerrier en armure fila à travers la neige comme une flèche. Halrac devait bien admettre qu’il était impressionné par sa vitesse. Malgré son armure, il paraissait bondir à chaque pas, de manière à ce que chaque foulée le faisait avancer de trois mètres alors qu’il se rapprochait du squelette.

Lorsqu’il engagea le combat, Halrac jeta un regard en coin à Revi.

“Je ne comprends toujours pas en quoi c’est différent des revenants. Cela reste des esprits de gens morts liés à des corps et obligés d’obéir à celui qui les crée. En quoi est-ce que cela diffère de tes invocations ?”

Revi fronça les sourcils, Typhenous soupira bruyamment et Ulrien secoua la tête. Elle était la dernière à avoir rejoint leur équipe, La Chasse aux Griffons, et il ne s’y était toujours pas habitué. D’ailleurs, il aurait été plus heureux s’ils avaient encore été en train de chasser des Griffons. C’était dangereux, mais ce n’était pas aussi imprévisible que d’explorer un nouveau donjon.

“Ce sont des tissages, pas des fantômes ou des esprits. Ils contiennent encore un peu du pouvoir de leurs corps précédents, mais ils n’ont pas de conscience. Je les nomme les souvenirs des âmes passées, mais ce ne sont pas des âmes en elles-même. Si c’était le cas, ils seraient beaucoup, beaucoup plus puissant.”

“Et c’est ton ancêtre, c’est ça ?”

“Peut-être. Tous les Tissés ne sont pas apparentés. Il s’appelait Kelthor, mais ce n’est qu’une ombre du guerrier qu’il a été par le passé.”

“Il reste suffisamment fort pour combattre un squelette solitaire, en revanche. J’espère que tu en auras suffisamment lorsqu’il faudra combattre un véritable ennemi.”

“Avec un peu de chance, j’en aurai bientôt un nouveau. Je peux prendre l’empreinte de l’âme lié à ce squelette et laisser partir l’esprit, et on sera tous contents.”

Halrac n’était jamais content, mais il regarda tout de même le squelette se mettre à combattre le spectre invoqué. Son regard fut attiré sur la droite et appela Ulrien.

“Des Corus. Une horde. Il vaudrait mieux qu’on ne s’approche pas trop sauf si tu veux voir du véritable combat.”

Le colosse acquiesça.

“Je les vois. Nous sommes suffisamment loin et face au vent. Le seul risque, c’est si le guerrier de compagnie de Revi ou le squelette les attire ici.”

“Si on en arrive là, je rappellerai le guerrier ou je le bannirai sur place. Arrête de t’inquiéter, Halrac. Regarde : le squelette est presque achevé.”

C’était vrai. L’image de Kelthor n’était peut-être que l’ombre de son passé, mais il restait bien plus fort qu’un squelette ordinaire. Halrac estimait qu’il était environ au Niveau 25, à quelques niveaux près. Pas assez pour être Rang Or, avec son équipement sommaire, mais certainement égal à un aventurier rang Argent.

Il cognait le squelette sans pitié, et le mort-vivant commençait à reculer, incapable de rendre les coups. Et en effet, l’homme en armure n’avait pas subi de blessure car à chaque fois qu’il voulait répliquer, l’épée du squelette glissait sur l’armure et le bouclier du colosse.

“C’est un équipement antique. Quel âge a ce tissage ?”

“Oh, c’est ma grand-mère qui me l’a donné. Il a moins de pouvoir que dans le temps où elle l’utilisait, mais cela ne fait qu’attester de la force qu’il avait à l’origine. Et il est plutôt efficace.”

Le spectre de Kelthor avait porté un coup au squelette qui lui avait proprement arraché un bras. Le squelette battait en retraite à présent, courant vivement en arrière en esquivant les coups. Halrac jura.

“Merde. Ils se dirigent droit sur la horde de Corus.”

“Pas si je peux les en empêcher. Kelthor ! Arrête immédiatement le squelette !”

Il était impossible que Kelthor entende réellement les mots de Revi à cette distance, mais ce fut pourtant le cas. Il se précipita sur le squelette en faisant tourner sa masse d’arme de plus en plus vite. Et le squelette…

Halrac sentit le froid envahir son cœur et faillit pousser un cri. De la peur, pure et implacable, l’envahit pendant un bref instant. Revi et Typhenous crièrent, et Ulrien serra les dents. Kelthor s’arrêta soudain et tituba en arrière, et le squelette se précipita vers la horde de Corus.

L’[Éclaireur] se tourna vers ses compagnons, sentant la terrible terreur qui s’était emparée de lui s’évanouir aussi vite qu’elle était venue. Ulrien tritura la pierre de protection sur sa poitrine et Revi et Typhenous se reprirent du mieux qu’ils purent.

“Qu’est-ce que c’était que ce bordel ?”



***

La gemme de [Terreur] avait fonctionné. Toren se précipita à travers la neige vers la horde de Corus, sachant pertinemment qu’il n’aurait aucune chance de s’en servir de nouveau. Le guerrier qui était vivant-mais-pas-vivant s’était contenté de marquer une pause lorsqu’il l’avait utilisée, ce qui voulait dire qu’il pouvait probablement y résister.

Et au moment où le squelette eut cette pensée, le guerrier à la masse d’arme et au bouclier se précipita de nouveau sur lui. Il était tellement rapide ! Il explosa à travers la neige, laissant une trace derrière lui alors qu’il fondait sur Toren, sa masse d’arme levée.

Cette fois-ci, le squelette ne bougea pas. Il balaya l’air de son épée et esquiva lorsque la masse d’arme lui arriva dessus. Trop lent ; Toren se sentit s’envoler de nouveau.

Mais cette fois-ci, il était près de la horde de Corus. Elles levèrent toutes la tête puis se mirent à piétiner le sol en sentant la présence d’intrus. Parfait.

Le guerrier hésita, et Toren réalisa que l’étrange groupe d’aventuriers au loin le contrôlaient probablement. Lentement, il sortit du territoire des Corus. Toren le regarda partir, et se tourna vers les biches.

Elles allumaient leurs cornes, mais ne chargeait pas. Pas encore, du moins. Il se mit aussi à s’éloigner lentement d’elles. Vers le guerrier en armure, qui pouvait le tuer aussi. Mais Toren bougeait lentement, parce qu’il attendait. Il attendait…

Ils étaient presque sortis du territoire des Corus lorsque cela se produisit. Un nuage de neige soulevé par le vent s’envola dans le ciel. C’était ce que Toren avait attendu. Il se précipita sur le guerrier, et l’homme-fantôme leva sa masse. Toren savait qu’il ne pouvait pas gagner, pas à la loyale.

Mais ce combat s’apprêtait à devenir moins que loyal. Parce que lorsque le nuage de neige passa à côté des Corus, il se transforma en vapeur et en brume en touchant leurs cornes. Le brouillard aveuglant enveloppa Toren et le fantôme, et le tissage ne vit le danger que trop tard.

Il ne pouvait pas voir, ni même respirer si bien que cela dans les fumeroles brûlantes. Mais Toren avait mémorisé sa position, et il relâcha également son regard de [Terreur].

L’homme fit des moulinets vains avec sa masse, créant un cercle de métal tourbillonnant autour de sa tête. Il décala son poids, s’accroupissant en regardant à gauche et à droite, attendant que la vapeur disp…

Les yeux violets enflammés de Toren apparurent derrière la vapeur, et son épée fondit en avant. Le bras qu’il avait récupéré intercepta la masse d’arme et l’os vola en éclats tandis que son épée passait en un éclair sur le cou du guerrier.

Le léger espace entre l’armure et la chair s’ouvrit lorsque l’épée transperça la peau spectrale. L’homme s’étouffa et du sang jaillit de la blessure. Toren ne s’était pas attendu à ça. Mais le fantôme était bien assez réel, et il tomba à genoux, suffoqua, à l’agonie.

Il leva les yeux vers Toren, et le squelette crut voir un sourire traverser son visage avant que son corps ne se dissipe, ne laissant derrière lui que son arme, son bouclier, et son armure dans la neige.

La vapeur disparut, et Toren se retrouva seul tandis que les Corus éteignaient leurs cornes et se mettaient de nouveau à ignorer le squelette. Il regarda l’armure de bronze cabossée, vestige de temps depuis longtemps oubliés. Il tendit la main…

Et la flèche fit voler son crâne en éclats et l’envoya s’étaler dans la neige.



***

Halrac baissa son arc et se tourna vers Revi. La mage était furieuse, ses yeux remplis d’une rage brûlante.

“Il était trop proche des Corus. S’il y était parti après, cela n’aurait fait qu’enrager la horde. Tu as déjà perdu une invocation… sauf si tu peux la récupérer ?”

“Non.”, répondit Revi, amère. Elle regarda fixement l’armure qui était tout ce qu’il restait de Kelthor, et secoua la tête.

“Lorsqu’ils meurent de nouveau, ils disparaissent. S’il n’était que blessé je pourrais le réparer mais…”

Elle serra les dents.

“Quel gâchis. Partons.”

Elle se retourna, et Halrac hésita en examinant l’armure. Elle était posée dans la neige à côté du squelette vaincu.

“Tu veux récupérer l’armure ? C’est du bronze, mais elle vaut peut-être quelque chose…”

Tss. Laisse-la. C’était une armure de mauvaise qualité, de toute façon.”

Les aventuriers s’en allèrent. Revi n’était pas d’humeur à discuter, Typhenous avait des courbatures à cause du cheval, Ulrien s’ennuyait, et Halrac devait continuer à guetter les dangers potentiels pendant qu’ils continuaient d’explorer les plaines pour trouver l’entrée du donjon sous Liscor. Mais l’[Éclaireur] ne cessait de se retourner pour regarder le squelette. Il n'avait pas été si fort que ça, mais il avait été rusé. Et qu’est-ce qui avait causé cette terreur ? Une caractéristique de ce mort-vivant, ou un artefact magique ?

Il était mort, toutefois. Il était étendu dans la neige et ne bougeait pas. Mais alors pourquoi Halrac se sentait-il si mal à l’aise ?


***


Toren attendit longtemps avant d’être certain qu’on ne le surveillait plus, et son crâne se rassembla enfin. Il s’assit dans la neige et regarda autour de lui. Eh bien, il avait encore failli mourir, mais il avait gagné des niveaux. C’était une bonne affaire, selon lui.

Comme si cela avait été le signal qu’elles attendaient, les notifications se mirent à apparaître dans sa tête, mais avec une agréable surprise, cette fois-ci.

[Chevalier Squelette Niveau 20 !]

[Compétence - Force de Frappe Obtenue !]

[Compétence - Maîtrise des Armes : Bouclier Obtenue !]

[Changement de Compétence - Force de Frappe → Lame Mirage]

[Compétence - Lame Mirage Obtenue !]

Il était devenu un [Chevalier Squelette] à présent ? En quoi était-ce différent d’un [Guerrier Squelette] ? Et est-ce que cela signifiait qu’il avait la classe de [Chevalier], ou est-ce que c’était différent quand on était un squelette ? Toren n’en avait aucune idée, mais il regarda l’armure de métal dans la neige et décida quel que soit le sens du message mystérieux dans sa tête, c’était une bonne idée.

L’armure était encombrante et difficile à enfiler, mais lorsqu’elle fut sur Toren il se sentit solide. Lourd, et bien plus lent, mais suffisamment costaud pour se battre sans craindre de se faire disloquer à chaque coup. Il prit le bouclier mais laissa la masse dans la neige ; il préférait les armes coupantes, de toute manière.

Le retour à l’auberge fut long et lent. Toren s’inquiétait de la réaction d’Erin lorsqu’elle verrait l’armure. Il pouvait peut-être la cacher ? Il n’avait jamais songé à lui cacher quoi que ce soit, ou à la duper, plutôt. Mais c’était mieux que si elle se mettait à poser des questions, et bien sûr, ce n’était pas comme si l’armure lui appartenait. Elle était à Toren. Il l’avait gagnée.

Il allait probablement devoir s’occuper de cette fille insupportable en rentrant. Toren redoutait cela. Est-ce qu’il ne pouvait pas aller plus lentement ?

Toren réfléchissait à tout cela en retournant lentement à l’auberge. Puis sa tête se redressa d’un coup. Il vit les formes en train de lutter sur la colline avant d’entendre les bruits du combat. Toren vit des silhouettes poilues - brunes, grises, et noires principalement, en train de se battre autour de l’auberge, et vit plusieurs formes en train de se battre. L’une tenait une épée, les autres repoussaient les Gnolls avec de la magie tandis qu’une autre n’avait pas d’arme et se battait avec ses poings.

Il n’avait pas le temps de réfléchir, ni d’agir. Toren n’avait pas de cœur, mais il sentit un courant le traverser dans son essence même. Erin était en danger. Qu’il l’aime ou qu’il la déteste, il avait toujours un devoir à accomplir. Elle était en train de se faire attaquer, et cela signifiait qu’il allait se battre.

Toren tira son épée et son bouclier, et chargea




 
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2.25 Partie 1
Traduit par Maroti

Elle était mourante. Lyonette du Marquin réalisa ce fait avec une amère acceptation. C’était en gisant dans la neige qu’elle sut que c’était la fin.

Elle avait arrêté de bouger. Lyonette savait qu’elle devait continuer de bouger, de marcher, mais elle était tellement fatigué. Le froid, mordant et douloureux, l’avait quitté il y a peu et maintenant elle se sentait presque réchauffée.

Mais elle était quand même mourante. Elle avait du mal à ouvrir les yeux, et Lyon savait que la prochaine fois qu’elle allait les fermer, elle n’allait pas les rouvrir. Donc. La mort. Savoir que cela allait arriver était amère, mais au moins cela mettra fin à la douleur.

Ce qui allait être pire, du moins pour la fille, était que sa mort allait être ignoble et méconnue. Elle allait mourir comme une chienne, et c’était pire que tout.

Ils l’avaient fait. Les macaques et les lézards. Lyonette s’accrocha à la vie quelques secondes de plus pour pouvoir les haïr un peu plus longtemps.

Qu’ils soient maudits. Si elle pouvait avoir un dernier souhait, cela aurait été d’envoyer le feu et la mort sur cette ville de monstres, Liscor. Ils l’avaient tué. Elle, un scion de la maison Marquin, l’une des Cents Familles de Terandria, Sixième Princesse en ligne au Trône Eternel de Calanfer.

Et ils n’avaient même pas le courage de la tuer rapidement. À la place, elle avait été exilée, pour la laisser errer dans la neige jusqu’à ce qu’elle s’effondre. Si elle avait ses bagues ou son manteau ou l’un de ses héritages…

Mais bien sûr, ils étaient à court de pouvoir. Complétement drainer à cause de l’usage ; leurs consolidations brisées. Et ces maudites créatures s’étaient emparées de ceux qui avaient encore du pouvoir.

Lyonette grimaça faiblement. Volées. Ce qui lui appartenait lui avait été volé. Elle avait été trahie. C’était la seule raison pour laquelle elle allait mourir. Tous ces paysans, refusant de reconnaître sa nature supérieure. Si seulement elle avait atteint Magnolia Reinhart. Puis…

Le monde était froid. Lyonette resta au sol. Elle regarda le ciel gris et indifférant, et expira une dernière fois. Ses yeux se fermèrent et…

Erin chargea depuis le sommet de la colline et glissa. Elle courut droit vers Lyon, mais elle ne vit pas la fille. Lyonette vit Erin s’approcher, et la regarda avec incrédulité, puis espoir, puis alarme quand elle réalisa que la fille ne s’arrêtait pas.

« Elle est où ? Elle est où Je ne… Whoa ! »

Lyonette sentit un pied taper dans son estomac et Erin lui tomber dessus. La jeune fille eut le souffle coupé alors qu’Erin se débattit.

« C’était quoi ça ? Qu… Oh. »

La mort était préférable à la vie après ça. Lyon se roula en une boule de douleur et sentit quelque chose la toucher. Elle eut un faible mouvement de recul et essaya de bouger, et puis… De la chaleur.

« Tiens. Reste immobile. Misère, tu es si froide. Laisse-moi t’enrouler avec… »

Une épaisse couverture de laine s’enroula autour de Lyon comme par magie, la fille sentit le froid en son sein s’amoindrir. Puis, elle leva les yeux et vit Erin.

« Hum. Salut. »

Lyon cligna des yeux. Un autre humain ? Une fille ? Son cerveau ralenti par le froid avait du mal à marcher, et sa bouche ne l’aidait pas non plus.

« Q-q-q-quoi ? »

« Je suis Erin Solstice. Et tu es gelée. J’ai une auberge pas loin d’ici ; tu peux te mettre debout ? »

Instinctivement, Lyon essaya de bouger ses jambes, mais elles étaient restées au même endroit trop longtemps. Erin se pencha et Lyon regarda bien son visage.

Elle n’avait rien de spécial. Une partie de Lyonette jugea les vêtements rugueux de la jeune fille, son apparence mal entretenue, sa manière de parler et de se conduire. Mais l’autre, plus grande partie de Lyon regardait Erin et vit quelque chose de lumineux.

Erin lui tendit la main et sourit. Et elle était comme le soleil. Elle fit fondre le froid qui s’était emparé de Lyon.

« Viens avec moi si tu veux vivre. J’ai des crêpes ! »

L’autre fille tendit la main et s’empara de celle d’Erin. Lyon ne pouvait pas s’en empêcher. Erin la releva avec facilité. Lyon essaya de bouger, et gémit de douleur. Ses jambes étaient à la fois engourdies et douloureuses.

« Attends. Appuie-toi sur moi. »

Erin se pencha et passa sous Lyon, aidant la fille. Elle fit son chemin à travers la neige, traînant à moitié la fille.

Lyon ne savait pas ce qui se passait. Elle n’entendit pas vraiment Erin alors que la fille respira difficilement et essaya de se présenter avant d’abandonner. Elle savait juste qu’elle était en train d’être sauvé, et comme le survivant d’un naufrage, elle s’accrocha à l’espoir.

L’auberge se tenait au sommet d’une colline au loin, promettant un abri, de la chaleur et de la nourriture. Les jambes de Lyonette l’abandonnèrent, et Erin continua de la supporter.

« Courage. On est presque là ! »

Lyon n’avait pas besoin d’encourager. Elle puisa dans ses dernières forces alors que les deux filles commencèrent à monter la douce pente. Soudainement, elle commença à croire qu’elle allait peut-être survivre. Cette connaissance était une douce joie.

Elle fit cinq pas de plus vers l’auberge, et commença à se demander combien de pièces d’or Erin avait, et si elle avait un cheval qu’elle pouvait emprunter.

***

« Mon nom est Lyonette. »

C’est ainsi que la jeune fille se présenta après qu’Erin ai rajouter du bois au feu, rassembler un maximum de couverture, et fait le plus de soupe chaude possible. Lyonette s’assit en face du feu, tremblante, froide, et désormais soudainement impérieuse.

Lyon hocha la tête vers Erin avec un air royale, et fit un geste vers l’auberge.

« Nous… Je te remercie de m’avoir aidé en dans cette difficile situation. Tu seras gracieusement récompensée une fois que j’aurai retrouvé ma place, je te le promets. »

Erin cligna des yeux. il était difficile de prendre ce que la fille disait au sérieux. Elle ressemblait à un marshmallow multicolore avec une petite tête humaine qui en sortait à cause des nombreuses couvertures qu’Erin lui avait données. En plus, son nez coulait.

« Oh, ce normal. Je suis juste contente d’avoir pu aider. Je ne pouvais pas te laisser mourir après avoir entendu que tu étais dans le froid. »

« Très juste. »

La fille regarda autour d’elle et renifla. Erin se demanda si elle avait des mouchoirs alors que Lyonette se reconcentra sur elle.

« Je vais rester dans ton auberge pendant quelque temps. Une journée ou deux, tout au plus. Puis je vais avoir besoin d’aide pour voyager vers le nord. »

Tout cela semblait raisonnable… Attends. L’esprit d’Erin fit marche arrière et elle se concentra sur les mots d’Erin. D’une certaine manière, elle avait l’impression que la fille avait loupée une ou deux étapes. Voir dix.

« Quoi ? Heu, non. Non…. Je ne sais pas ce que j’ai dit… Mais je ne pense pas avoir dit quelque chose du genre, mais je ne vais pas t’aider à voyager. En fait, j’allais te donner un job ici. »

« Quoi ? »

C’était désormais au tour de Lyon de s’arrêter et de réfléchir. Elle regarda Erin choquée, puis furieuse.

« Tu attends que je travaille ici, comme une paysanne ? Je suis reconnaissante pour ton aide, n’en doute pas, mais j’ai besoin d’aide. »

Erin choisit ses mots avec précaution.

« Je pense que je t’aide déjà. Énormément, en fait. Et je suis prête à t’offrir un travail ici. Cela ne sera pas difficile, enfin, ça pourrait l’être au début mais tu t’y habitueras. Et je te donnais une chambre et des conseils, et même un peu d’argent. Je ne peux pas te payer beaucoup mais… »

Lyonette se leva, laissant tomber les couvertures. Elle ne quitta pas Erin des yeux.

« J’ai l’intention d’aller au nord le plus vite possible. Je ne vais pas rester une minute de plus dans ce… Ce maudit trou paumé habité par des malades et des abominations ! »

Erin trésaillit à la mention du mot ‘abomination’. Mais elle resta calme.

« Si tu veux faire ça, je ne vais pas t’en empêcher. Mais je ne vais pas t’aider. »

Lyon leva son menton et ses yeux flashèrent un bref instant.

« Je t’ordonne de m’aider ! »

« Non. »

La fille lança un regard noir à Erin pendant plusieurs secondes, puis, de manière soudaine et alarmante, devint d’un calme placide. Elle renifla, et détourna les yeux vers le feu.

« Fort bien. Alors je vais rester ici pour me reposer. »

Erin n’avait pas besoin de commencer à être suspicieuse ; elle l’était déjà. Mais elle fit un effort pour que son ton soit amical et calme.

« D’accord, super ! Dans ce cas je te réveille demain pour le petit-déjeuner. Tu peux te reposer aujourd’hui, mais demain je te montrerai les bases. Et en quelques jours… »

Lyon fronça les sourcils.

« Je ne vais pas travailler. J’ai dit que j’allais me reposer. »

« Ouais… Mais si tu restes ici, tu vas devoir travailler. »

« Ne suis-je pas ton invitée ? Je suis… Faible. Pourquoi me forcerais-tu à travailler ? »

Lyonette semblait blessée et réprobatrice. Le sourire d’Erin ne faiblit pas.

« Alors tu es belle et bien une voleuse, pas vrai ? »


Le visage de Lyonette se figea pendant une seconde et elle laissa un rapide regard vers Erin avant de détourner les yeux. Erin avait l’impression que la fille grelottante était en train d’essayer de trouver un mensonge.

« Je sais que c’est toi. Tu as explosé… Tu as détruit l’étal de mon amie et tu as volé beaucoup de bonne personne. Mais je ne voulais pas que tu meurs ici, donc je t’offre un job. »

« Je ne le veux pas. Et je vais bientôt partir au nord. »

Erin prit une grande inspiration. Son cœur battait. Elle détestait ce genre de chose.

« Dans ce cas, tu ne resteras pas ici. Désolé. »

Lyon regarda Erin de manière incrédule. Ses yeux allèrent vers la plaine enneigée à l’extérieur, et elle faiblit. Puis un regard sournois passa sur son visage pendant une seconde. La fille allégea son ton, regardant la porte de manière innocente.

« Je suppose que je vais simplement devoir tenter ma chance par moi-même. Dans le froid et la neige. Je crains que ma mort sera sur ta conscience, mais tu ne me laisseras pas partir sans provision, n’est-ce pas ? »

La tentative évidente de manipulation énerva plus Erin que tout ce que la fille avait déjà essayé de faire. Elle croisa les bras.

« Un manteau, et cinq jours de nourriture. »

Lyon regarda Erin, prise par surprise.

« Quoi ? »

« C’est tout ce que je te donne. Un manteau, peut-être un pantalon et des bottes, et de la nourriture. Tu vas avoir besoin d’un sac pour tenir tout ça, donc je te le donnerai et je te pointerai vers la route principale. »

« Mais je vais mourir de froid avant d’atteindre une ville. Tu ne veux pas ça sur ta conscience, pas vrai ? »

« Pas vraiment, mais je ne vais pas t’aider plus que ça. »

Erin regarda durement Lyon. C’était aussi terrible qu’elle le craignait. Mais elle devait être claire.

« Je te donne une chance, Lyonette. Une seule chance. C’es tout. Soit tu travailles pour moi dans cette auberge, soit tu tentes ta chance dans une autre ville, mais si tu pars, je ne te sauverais pas même si tu meurs sur le perron de mon auberge. »

Erin se pencha en avant et Lyonette se pencha en arrière. Le regard d’Erin ne vacilla pas alors qu’elle la regarda.

« Tu n’as qu’une seule chance. »

La fille fit un pas en arrière, secouée, avant de s’éloigner du feu. Elle regarda Erin et son expression se durcit.

« Je suis… »

La fille hésita.

« … De l’aristocratie en Terandria. D’une famille mineure, les Clavalettes. Je suis un membre distant de la famille royale, et je serais traité avec le respect qui m’est due ! »

« Vraiment ? C’est super pour toi. Tu es toujours une voleuse. Prends mon offre, ou tu seras mis à la porte après le dîner. »

Lyonette regarda Erin, son masque amical avait aussi disparu. Ses sourcils se froncèrent alors qu’elle siffla sur Erin.

« Péonne. »

Le visage d’Erin resta de marbre. Elle savait que péon était une insulte, mais elle n’était pas certaine de ce que cela voulait dire.

« Alors ? Est-ce que tu vas travailler ici ou non ? »

« Je le ferai… Sous la contrainte ! J’accepte gracieusement ton offre. »

Erin avait l’impression que la dernière phrase devait être changée, mais elle l’accepta.

« D’accord. C’est bien. Je vais te laisser rester ici, mais tu ne peux rien voler. Et je m’en assurerai, parce que je ne suis pas seule. »

Lyon semblait soudainement deux fois plus méfiante, mais elle n’eut pas le temps de bouger. Erin se tourna et leva la voix.

« Ceria ? Est-ce que tu veux te présenter ? »

Ceria avait été en à l’étage, la demi-Elfe n’avait pas apprécier partir à la recherche d’Erin, surtout après que les deux se soient manqué et qu’elle soit resté à l’extérieur bien plus longtemps qu’Erin. Elle descendit les escaliers et Lyon réagit en reculant.

« Une bâtarde ? Ici ? »

Elle semblait atterrée. Erin fronça les sourcils en voyant sa réaction et Ceria prit un air renfrogné.

« Super. Elle doit venir de l’un de ses pays entièrement habité d’Humain. Splendide. Cela explique beaucoup de chose. »

« Qu’est-ce qui ne va pas ? C’est Ceria. C’est une demi-Elfe. »

« C’est un monstre ! Une espionne en qui ont ne peut pas avoir confiance et une fauteuse de trouble ! J’insiste qu’elle parte dans l’instant ! »

Lyonette regarda Ceria avec hostilité, et Ceria ne semblait pas très accueillante en retour. Erin ouvrit sa bouche, mais Ceria posa sa bonne main sur son bras.

« Je surveillerais ta bouche, jeune Humaine. Je suis une demi-Elfe amical, mais mon espèce n’est pas toujours patiente avec ceux qui nous offusquent. Je sais que tu as entendu les histoires. »

« Des contes pour effrayer les simples d’esprit. »

« Oh, vraiment ? Mais toutes les histoires ne sont pas fausses. »

Ceria leva lentement son autre main, et Lyon se figea. Ceria avait appris à bien manipuler sa main morte, et la fille se tenant devant elle était devenue pâle comme un linge alors que Ceria approcha sa main de son visage. Elle la ferma lentement, et les yeux horrifiés de l’autre fille étaient fixés sur les os décolorés. Ceria se pencha vers elle, et Lyon se rapetissa.

« Je suggère que tu fasses désormais attention à ce qui sort de ta bouche si tu ne veux pas savoir sir les histoires sont vraies ou non. Et je ferais même attention à ne pas chercher d’ennui et d’écouter les ordres qui te seront donnés. »

Lyonette recula, marchant presque dans le feu, et hurla. Erin la regarda reculer jusqu’à un coin de la pièce, se retourner, et crier une nouvelle fois quand elle vit Toren se tenir derrière elle.

Ce n’était pas la première fois que Lyon avait vu le squelette. Erin l’avait vu rentrer il y a peu de temps, mais elle ne savait pas d’où. Et elle l’avait présenté, mais Lyon criait dès qu’elle le voyait. Et elle avait de sacrée cordes vocales.

C’était presque drôle, sauf que Lyonette était encore moins sympathique avec le squelette qu’avec les autres, si cela était possible.

« Tu consorts avec les morts ? Quel type d’atroce monstre es-tu ? Je rejette ta magie, [Nécromancienne] ! »

« Je ne suis pas nécromancienne. Toren m’appartient, c’est tout. »

Lyon regarda Erin, puis Toren. Elle s’éloigna de tout le monde, et n’accepta que de la nourriture donnée par Erin au dîner. Elle passa le reste de son temps à regarder tout le monde alors qu’elle dévora son repas.

Erin et Ceria étaient en train de discuter du problème avec les Gnolls, et Ceria était catégorique qu’il y allait en avoir un, quand Lyonette se leva. Elle déposa son assiette propre et ses couverts proprement arrangés sur sa table et regarda Erin, ignorant totalement Ceria.

« Je vais aller me reposer. Je suppose que tu m’as préparé un lit ? »

« Quoi ? Oui. Seconde porte à gauche. Est-ce que tu ve… »

Lyon monta les escaliers en un instant. Erin soupira, exaspérée, et Ceria secoua la tête.

« Tu regrettes tes choix ? Je ne pense pas qu’elle va s’améliorer, Erin. »

« Elle peut peut-être le faire. »

Ceria regarda Erin, et l’humaine baissa les yeux.

« C’est une possibilité. »

« Et je vais peut-être pousser des ailes et danser nue dans un marais, mais cela a aussi peu de chance d’arriver. Écoute, ça va être un sacré boulot. Est-ce que tu es certaine que c’est la décision que tu veux prendre ? »

« Je pense. Je dois au moins lui laisser une chance. »

Erin était incertaine. Mais elle devait essayer.

Elle devait essayer.

***

Le lendemain, Erin décida qu’hier avait été un mauvais départ. Oui, Lyonette avait été malpolie, discrète et n’avait pas été coopérative… Le point était qu’aujourd’hui était un nouveau jour. Lyon pouvait être différente. Erin et elle allaient peut-être bien s’entendre.

Motivé par ce qu'elle-même savait être du faux optimisme, Erin monta les marches et frappa à la porte de la fille. Ceria était déjà partie en ville ; elle se réveillait toujours de bonne heure pour des raisons qu’Erin ne connaissait pas. Mais Lyon était encore en train de dormir, et la matinée était déjà bien avancée.

« Lyon ? Bonjour ? Est-ce que tu es débout ? »

Il n’y eut pas de réponse. Erin fronça les yeux et frappa de plus belle. Sans réponse. Erin posa l’oreille sur la porte et entendit le ronflement.

« Lyon. »

La fille ne broncha pas alors qu’Erin leva la voix, mais elle se réveilla quand Erin la secoua violemment. Ce qui arrive après avoir été gentiment, puis fermement secouer ; cette fille avec le sommeil lourd !

« Qwa ? »

Après quelques minutes de clignements d’yeux irrité, Lyonette fronça les sourcils en regardant son boss.

« Va-t'en. Je dors. »

« C’est l’heure d’aller travailler. Tu travailles ici maintenant, tu te souviens ? »

Lyon regarda par la fenêtre.

« Il est bien trop tôt. Je me lèverai dans quelques heures, peut-être. »

Erin regarda la fille se rallonger dans le lit et fermer ses yeux. Lyon se tourna délibérément pour faire face au mur et tourner le dos à Erin.

Erin réfléchit pendant deux secondes, et lui fit un grand sourire.

« Tu sais quoi ? Je suis tellement désolé. Je n’avais idée qu’il était si tôt, et laisse-moi m’excuser. Je vais te laisser dormir. »

« Mm. C’est bien. »

Erin se pencha vers elle, parlant doucement.

« Mais avant ça, est-ce que je peux dire quelque chose ? »

« Si tu le dois. »

L’aubergiste approcha ses lèvres aux côtés des oreilles de Lyonette et prit une grande inspiration.


« DEBOUT! »


Erin hurla les mots et Lyonette tomba du lit et s’éloigna en un instant. Ce n’était pas aussi fort que lorsqu’Erin avait performé son concert solo avec l’Ipod, elle ne voulait pas réveiller quelqu’un en ville, mais c’était assez fort pour rendre sourd.

C’était certainement un réveil suffisamment efficace pour réveiller les morts et peut-être tuer les vivants, parce que Lyonette semblait être sur le point d’avoir une attaque.

« Espèce de maudite… »

« Lyon, quand je te demande de te lever, il faut que tu te lèves. Tu ne peux pas rester assise et décider de ce que tu vas faire, pas si tu veux rester ici. »

Erin parla au-dessus des insultes de l’autre fille, heureuse d’avoir sa compétence de [Voix de Stentor]. Lyon regarda Erin et alors que son visage devint rouge.

« Qu’est-ce que tu viens de m’appeler ? Lyon ? Ce n’est pas mon nom ! »

Elle ne semblait même pas avoir enregistré ce qu’Erin venait de dire. Outragée, Lyon pointa un doigt tremblant vers Erin.

« Je suis Lyonette ! Et tu t’adresseras à ma personne en utilisant mon véritable prénom ! »

Erin croisa les bras en y réfléchissant. C’était quelque chose qu’elle aurait pu demander si elle avait été une amie, voir une étrangère, ou n’importe qui d’autre. C’était juste le ton de sa voix et l’outrage qui fit qu’Erin décida de ne pas accepter sa requête.

« Je suis désolé si tu ne l’aimes pas, mais c’est un surnom. Je vais essayer de t’appeler Lyonette si tu veux, mais ce n’est pas la peine de monter sur tes grands chevaux, et tu vas m’écouter. Compris? »

Lyonette regarda Erin. C’était un bon regard ; plein de noblesse, de colère impie et d’une véritable force impérieuse. Mais Erin avait croisé le regard avec des Gobelins morts, une Reine Antinium, et des Drakéides colériques capable de lui arracher la tête. Elle est plus douée.

Les deux maintinrent leur regard pendant trois minutes avant que Lyon sorte de son lit et descende les escaliers sans dire un mot.

« Où est le petit-déjeuner ? »

« Nous allons le prendre après que je t’aie appris à cuisiner. En fait, tu vas cuire ton propre petit-déjeuner. »

« Non. »

« C’est très simple. Nous allons faire des œufs. C’est difficile de rater des œufs. »

« Je vais manger dés maintenant. Tu peux m’apprendre plus tard. »

Erin mit ses mains sur ses hanches. L’approche de ce nouveau jour était rapidement en train de disparaître.

« Tu sais quoi ? Tu as le choix. Soit tu apprends à cuisiner, soit tu peux sauter ton petit-déjeuner. »

« Tu n’oserais pas. »

C’est incroyable que Lyon soit capable de le dire en restant de marbre. Erin dut lutter pour ne pas ricaner, mais la personnalité de Lyon aidait.

« C’est ce que je fais avec les enfants pourris-gâtés, et c’est ce que je vais faire avec toi. »

« Tu ne peux pas me traiter de cette manière ! »

Lyon regarda Erin de manière furieuse. Erin n’était pas impressionnée. Un Gnoll furieux était bien plus impressionnant.

« Je te traiterai comme je veux. Je te paye. Enfin, je vais te payer. Si tu travailles. »

« Tu oses. Je suis… »

La fille hésita une nouvelle fois, mais se rattrapa rapidement.

« … Une distante relative de Magnolia Reinhart, et je refuse que l’on s’adresse à moi de cette manière ! Tu me traiteras avec respect, ou… »

Erin laissa tomber. Elle poussa Lyon dans la cuisine, ou du moins, elle essaya. Elle ne s’attendait pas au tourbillon de griffes et de dents qui remplaça la fille une fois qu’elle posa les mains sur lui. Tel fut le début d’une insupportable et agaçante journée.

***

Lyon. Ou plutôt Lyonette, comme elle est insistait pour être appelé, était un cauchemar. Erin pensait qu’elle était douée avec les gens, du moins elle n’avait pas eu de problème à l’école et même si elle n’avait jamais été vraiment populaire elle n’avait jamais eu de problème avec les gamins. Même les petits garçons qui pouvaient se montrer très agaçant.

Mais Lyon. Lyon était une pimbêche d’un autre niveau. Erin avait commencé à le voir hier, mais aujourd’hui confirma ce fait. Lyon était un désastre.

Elle ne pouvait pas cuisiner, ne voulait pas nettoyer, et traitait absolument tout avec dédain. Elle détestait et craignait Ceria, elle refusait d’approcher Toren, et n’aimait pas Pisces (ce qui était pardonnable), mais non pas pour ses nombreux défauts mais pour la manière dont il était habillé.

Après une heure, Erin en eut assez. Assez des ‘pourquoi devrais-je faire ça ?’ ou des ‘quel est le but si cela sera de nouveau sale demain ?’, ou pire encore ‘sais-tu qui je suis ?’

Elle laissa tomber le chiffon qu’elle avait essayé de tendre à Lyon et regarda autour d’elle. Elle vit Toren dans un coin, là où elle l’avait ordonné de rester. Une autre charmante qualité de Lyonette était qu’elle refusait d’aller quelque part si Toren n’était pas dans un coin, et Erin avait dut se battre pour qu’elle accepte ça.

Le squelette semblait impatient, ce qui était étrange. Erin pensa qu’elle devait se l’imaginer, mais Toren était en train de développer des qualités quasi-humaines. Il continuait de changer de pied d’appui et de regarder autour de lui, ce qui était différent de son habituel et terrifiant silence stoïque. Elle espérait qu’il n’allait pas commencer à poser des questions.

« Toren. Apprends-lui… Tout. »

Le squelette tourna sa tête et regarda Erin. Tout comme Lyon. C’était difficile de dire lequel des deux avaient l’expression la plus horrifiée.

Lyonette fut la première, et la seule, à parler. Elle regarda Erin et pointa un doigt tremblant vers Toren.

« Inacceptable. Je refuse de… »

« Tu ne refuses rien du tout. Je vais en ville. Toren, ne la tue pas ou ne fait rien de stupide. Apprends lui à nettoyer l’auberge, c’est tout. »

Toren hocha la tête. Avec réluctance, d’après Erin. Enfin, elle ne pouvait pas lui en vouloir, au moins elle pouvait le faire confiance pour qu’il fasse ton travail.

Le squelette ne semblait pas heureux, mais au moins il souriait. Erin ignora le fait que c’était parce qu’il était un squelette et qu’il était toujours en train de sourire et quitta l’auberge. Elle savait qu’elle pouvait laisser Lyon à Toren ; il n’avait jamais rien à faire.

***

Toren était occupé. Il le savait, et il aurait souhaité qu’Erin le sache. De plus, il ne voulait pas apprendre quelque chose à Lyonette, à moins que cela soit sur la bonne manière de la faire saigner.

Mais les ordres étaient les ordres, et s’il terminait ça, Erin allait peut-être lui donner l’ordre qui lui permettrait d’aller tuer des choses. Donc il ramassa le torchon et l’offrit à Lyon. Nettoyer était facile, après tout.

Le fille refusa de prendre le torchon. Elle recula, hurlante, et essayant de fuir. Éventuellement, Toren la coinça et la fille se roula en boule dans un coin, hurlant et l’insultant jusqu’à ce qu’elle se calme.

Lyon essaya de le pousser une fois que la peur fut remplacée par la haine et le mépris. Elle n’était pas très efficace car elle refusait de le toucher, et il continuait de lui mettre le torchon dans le visage. Il devenait impatient, ce qui était inédit pour lui, mais Lyon n’était pas comme un mur.

Il était possible de nettoyer un mur, ou de le grimper, ou de le détruite avec assez de temps. Mais le point d’un mur était que l’on pouvait travailler dessus. Des efforts étaient fournis et quelque chose était gagné. Mais Lyon refusait de faire ce que Toren voulait qu’important le temps que cela prenait, et c’était…

Agaçant.

« Hors de mon chemin. »

Lyon ordonna Toren d’un ton ferme, le pointant du doigt. Le squelette ne bougea pas. Il continua de lui mettre le torchon dans le visage et elle eut un mouvement de recul.

« Eloigne-ça de moi. Je refuse d’être traité de la sorte. Je suis u… Je suis de la noblesse ! Tu vas m’obéir ! »

Toren n’était pas en train de réaliser sa tâche. Mais ce n’était pas sa faute ! C’était celle de Lyon. Les flammes dans les yeux du squelette brûlèrent de plus belle alors qu’elle essaya de lui donner plus d’ordre. Erin était la seule qui avait le droit de lui donner des ordres.

« Chose, je t’ordonne de… »

Toren lâcha le torchon et donna un coup de poing dans l’estomac de la fille. Lyonette se plia en deux et eut un haut-le-cœur. Toren regarda avec intérêt son petit-déjeuner sortir et se demanda s’il devait la frapper à nouveau.

« Tu… »

Lyonette tituba en arrière alors que sa voix devint un cri strident. Elle commença à hurler sur le squelette.

« Comment oses-tu. Je vais… »

Toren fit un pas et la frappe au même endroit. Lyon s’étouffa de nouveau et tomba au sol. Elle se roula en boule et commença à gémir.

Elle continuait de bouger, mais n’avait toujours pas ramassé le torchon. Toren le pointa du doigt et Lyonette gémit. Donc il lui donna un coup de pied.

Elle hurla, et il la frappa de nouveau en pointant le torchon du doigt. Elle vit le torchon, et leva les yeux vers le squelette. Il leva son poing et elle se précipita à quatre pattes pour le ramasser.



 
Maroti
   
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2.25 Partie 2
Traduit par Maroti

« Erin Solstice. »

C’était toujours mauvais signe quand quelqu’un utilisait son nom complet. En vérité, les gens de se monde aimaient toutes sortes de politesse, mais c’était le ton de la voix qui l’inquiétait. Erin entendit les avertissements dans la voix, mais vu qu’elle connaissait et aimait Krshia, elle décida de se tourner.

« Krshia. Heu, salut. »

« Tu as accueilli la voleuse dans ta demeure. »

Les Gnolls ne tournaient pas autour du pot. Erin s’arrêta, avant de hocher lentement la tête. »

« C’est le cas. »

« Cela n’est pas prudent. Elle te volera. »

« Je sais, mais elle était mourante dans la neige. »

« Oui. C’était son châtiment. »

« La mort ? Ce n’est qu’une enfant, Krshia. Ce n’est pas juste. Écoute, je sais qu’elle a causé beaucoup d’ennui mais… »

« Tu ne sais rien, Erin Solstice. Elle a gravement blessé ma tribu. Elle est mon ennemie, Erin. Héberge-là et tu briseras le lien entre nous. »

Erin regarda Krshia. La voix de la Gnoll était profonde et forte, et elle avait choisi le milieu de la rue pour l’interpeller. Cela aurait normalement attiré une foule, mais les Drakéides et les Gnolls avaient jeté un œil vers Krshia et avait décidé de ne pas assister au spectacle.

Ses oreilles étaient plates, tout comme sa voix. Erin hésita. Elle connaissait les chiens. Elle aimait les chiens. Elle avait même eut un chien qui avait mangé trop de pièce d’échec et qui avait du être opéré quand elle était enfant. Elle aimait les chiens et elle savait que c’était une mauvaise idée de les caresser quand leurs oreilles étaient plates. Et Krshia…

« Je lui donne une chance. Je suis désolé, Krshia, mais je le dois. »

« Tu as fait ton choix. Au revoir, Erin. Nous allons voir ce qui en ressort. »

Krshia se retourna abruptement et commença à s’en aller. Erin s’arrêta, et couru derrière elle.

« Krshia, attends ! Laisse-moi m’expliquer. Je ne vais pas te froisser, mais… »

Elle tendit la main pour toucher Krshia, mais quelqu’un attrapa sa main.

« Tante. Est-ce que cette Humaine te dérange ? »

Quelque chose s’imposa entre Erin et Krshia. Une gigantesque pate attrapa fermement la main d’Erin et elle leva les yeux, et continuade les lever pour trouver le visage d’un grand Gnoll. Il était grand, musculeux, et Erin ne pouvait pas s’empêcher de remarquer le dernier détail : armé. Une épée longue pendant à son flanc et un grand bouclier était attaché à son dos. Le Gnoll baissa les yeux vers Erin, et lui fit un sourire dénué d’amitié.

« Tu es Erin Solstice, n’est-ce pas ? Il est impoli de toucher ma tante aussi amicalement, n’est-ce pas ? »

« Brunkr. Laisse-là partir. Elle n’est pas une ennemie. »

Krshia se retourna et regarda le Gnoll qui l’appelait tante. Il la laissa partir, et Erin fit un pas en arrière en massant son poignet, vérifiant qu’il n’était pas cassé.

« Qui… Es-tu ? Je ne t’ai jamais vu. »

« Je suis un guerrier de la Tribu des Crocs d’Argents. Je suis venu rejoindre mes semblables, n’est-ce pas ? Nous sommes venus ici pour garder et assister l’honorée sœur de notre chef, n’est-ce pas ? Mais au lieu de terrible ennemis, tout ce que je vois sont des voleurs et des Humains qui poignardent dans le dos. »

Brunkr fit un grand sourire à Erin et la fixa du regard. Elle fit de son mieux pour ne pas se laisser intimider, et ne recula pas.

« Je ne veux pas poignarder quelqu’un dans le dos. Je voulais juste aider, c’est tout. »

« Aider ? Aider serait ouvrir le crâne de cette voleuse avec un rocher. J’ai entendu ce qu’elle avait fait ; si elle se trouve sous ton toit, alors tu es une ennemie. »

« Brunkr. Laisse-là. Erin a fait son choix. Je ne l’arrêterai pas, mais je ne m’occuperai pas d’elle non plus. »

Krshia parla sans intonation à son neveu et s’éloigna. Il hésita, mais se tourna pour la suivre. Il fit un dernier sourire à Erin.

« Je suis ici pour réaliser les objectifs de ma tante, et protéger mon peuple. Et cela inclut protéger notre honneur. Fait attention où tu mets les pieds, Erin Solstice. »

Puis il s’en alla. Il passa à travers la foule, créant une bulle de ‘ne me toucher pas’ presque aussi grande que celle de Krshia. Erin le regarda partir.

« Ceci. Est une mauvaise nouvelle. »

Elle se retourna. Elle avait eut l’intention d’aller faire ses courses chez Krshia et demander son pardon en s’expliquant, mais il semblerait qu’elle soit sans son amie Gnoll. Et sans marchands Gnolls, vu le regard noir que lui lançaient les Gnolls dans la rue.

Erin soupira. Elle allait devoir passer par plusieurs magasins pour faire ses courses, et uniquement dans des magasins Drakéides. Et tout porter par elle-même. Super. De petites courses étaient soudainement devenues bien plus compliquées et coûteuses.

Elle espérait que c’était la seule mauvaise chose qui allait se passer aujourd’hui. Après tout, ce n’était pas comme si ça journée pouvait s’empirer, pas vrai ?

Erin savait pertinemment que cela était possible, et c’était avant qu’elle ne rentre à l’auberge et que Lyon ne lui hurle dessus.

***

« Il m’a frappé ! »

Erin s’arrêta et regarda Toren qui se tenait derrière Lyonette. La fille avait le visage rouge alors qu’elle s’enragea contre Erin en lui montrant ses mains sales.

« Et il m’a fait nettoyer des ordures ! »

« C’est ton boulot après tout. Mais il t’a frappé ? Violemment ? »

« Il a essayé de me tuer. J’ordonne que tu le détruises sur-le-champ ! »

Erin regarda Lyon. Elle n’avait pas de bleus sur le visage, mais…

« Si Toren t’a frappé, ce n’est pas bien. Mais je ne vois pas de blessure. Où est-ce qu’il t’a frappé ? »

Lyon hésita, et pointa son torse et son estomac. Erin fronça les sourcils.

« Est-ce que je peux voir ? Je te crois, hein, mais j’ai… Besoin de voir à quel point c’est grave. »

L’autre fille regarda Erin avec horreur et recula.

« Tu veux que je me dénude devant toi ? »

Le regard qu’Erin lui lança laissait supposer qu’Erin était un prédateur sexuel récidiviste qui venait de lui demander de coucher dans une allée sombre. Erin fronça les sourcils, perdant rapidement patience.

« Si tu ne peux pas me prouver qu’il t’a frappé… »

« Mes mots en tant que noble devraient être suffisants ! »

« Pas pour moi. Et pourquoi Toren était autant en colère contre toi ? Est-ce que tu étais en train de faire quelque chose que tu n’étais pas censé faire ? »

« J’étais… »

Lyon hésita de nouveau, et Erin sentit que quelque chose ne tournait pas rond.

« Ecoutes, il n’aurait pas dû te frapper s’il l’a vraiment fait. Mais je lui ai demandé de t’enseigner, et je t’ai demandé de l’écouter. Tu as dit que c’était ce que tu allais faire quand tu as dit que travaillerais ici. »

« Je n’ai jamais donné mon… »

« Je suis ta patronne. Tu es mon employée. Tu travailles pour moi, et tu fais ce que je te dis de faire, compris ? »

« Patronne ? Employée ? Pourquoi ne pas m’appeler une servante tant que nous y sommes ? Je refuse de recevoir des ordres. »

Lyon eut une expression furieuse et pointa Toren du doigt.

« Il m’a frappé. Seules les plus déplorables et méprisables personnes font cela, même parmi les paysans ! Je le veux détruit. Maintenant. »

« Non. Tu as nettoyé cette pièce, assez décemment en plus, donc bon boulot. Maintenant, occupe-toi de l’étage s’il te plait. Je pense que tu peux le faire toute seule, donc Toren n’a pas besoin d’aller avec toi. Je viendrais voir ce que tu as fait dans une demi-heure, mais personne ne se fait détruire. »

Lyon plissa des yeux.

« Tu ne vas rein faire ? Je te l’ai dit, il m’a… »

« Je vais m’assurer qu’il ne recommence pas. Maintenant, va nettoyer l’étage s’il te plait. »

Erin ne connaissait pas encore les insultes de ce monde, mais elle jura en avoir entendu une venant de la part de Lyonette. La fille tapa du pied en montant les escaliers, s’arrêtant plusieurs fois pour lancer un regard noir à Erin et Toren.

Une fois Lyonette à l’étage, Erin expira doucement. C’était beaucoup de travail, et le stress de sa rencontre avec Krshia couplé à cela venait de réduire son optimisme habituel en miette. Elle regarda Toren, curieuse. Le squelette semblait totalement normal, mais Erin se devait de demander.

« Est-ce que tu l’as frappé ? »

Toren hocha la tête. Erin soupira.

« Violemment ? »

Le squelette semblait réfléchir, puis il hocha fermement la tête. Erin fronça les sourcils.

« C’est bien ce que je pensais. Mais ne la frappe pas de nouveau, d’accord ? Fait… La travailler sans la frapper. »

Toren hocha la tête, et Erin soupira. Elle ne pouvait pas en vouloir à Toren, pas vraiment. Il était un peu stupide, et elle avait aussi eu l’envie de frapper Lyon. Bon, il n’allait pas le refaire, et il avait besoin de former la fille.

Après cinq minutes avec Lyonette, Erin avait déjà une migraine.

***

Cette nuit, Erin fit une splendide assiette de spaghetti avec des boulettes de viande. C’était aussi bon que de la nourriture de restaurant, et elle était clairement heureuse d’avoir sa compétence de [Cuisine Avancée]. Elle mangea deux assiettes avec Ceria, et la demi-Elfe parla longuement des différents plats qu’elle avait mangé durant les soixante années de sa vie, ce qui incluait des insectes crus comme de fins restaurants situés dans des villes qu’Erin ne connaissait pas.

Lyon arriva en retard, se plaint de la nourriture froide, refusa d’attendre de réchauffer son assiette près du feu, fit des commentaires désobligeants à propos du plat d’Erin, et s’en alla après avoir mangé la moitié d’une assiette.

Elle voulut se resservir une heure plus tard, et Erin refusa. Elle ne se sentait pas généreuse, et une nuit de faim allait apprendre une leçon à la fille ou faire qu’Erin se sente mieux.

C’était impossible pour Erin et Ceria de passer la nuit à discuter, donc elles allèrent se coucher de bonne heure. Cette nuit, Lyon les réveilla toutes les deux quand elle hurla alors que Toren l’attrapa en train d’essayer de voler de la nourriture. C’était une mauvaise nuit, et même si Erin parvint à se rendormir, elle devait quand même se réveiller de bonne heure. Car le lendemain, Lyonette était partie avec tous l’or qu’Erin avait cachés sous le plancher.

***

« Où était Toren quand elle a pris l’argent ? »

« Je ne sais pas. Dehors ? En train d’aller chercher de l’eau ? Il fait des tâches autour de l’auberge quand je ne lui donne pas d’ordre. »

Erin regarda Toren. Le squelette semblait confus, mais aussi colérique. Il avait une épée dans les mains, ce qui était prématuré, mais reflétait l’état d’esprit d’Erin.

« On peut la trouver ? »

« Facilement. »

Ceria frotta le sommeil de ses yeux et bailla alors qu’elle se tenait dans la cuisine vidée. Elle avait été la première debout à l’exception de Toren et avait sonné l’alarme.

La demi-Elfe se concentra, et un orbe flotta vers le haut. Cela ressemblait à un sort de [Lumière], mais celui-ci avec une flèche en son centre, et cette flèche pointait vers le nord-est.

« Il semblerait qu’elle soit partit vers la route au nord. Elle n’a pas pu aller bien loin, elle a pris beaucoup de choses et elle n’est pas une coursière. »

« Comment est-ce que tu sais où elle est. Tu peux vraiment trouver les gens comme ça ? »

« Pas du tout. Je pensais que ça allais arriver, donc j’ai mis un sort de traçage sur elle. »

Ceria sourit vers Erin avant de hausser les épaules.

« Un tour de passe-passe que l’on apprend à Wistram. Ca aidait quand on se faufilait autour des bibliothèques la nuit. »

« Alors allons la chercher. »

Erin se leva, véritablement en colère. Elle aurait dû s’y attendre, mais elle aimait croire au meilleur des gens. Mais elle commençait à comprendre que ‘les gens’ n’incluaient pas Lyonette.

« Allons y. Toren, tu pars devant. Attrape-là, mais ne lui fait pas de mal, d’accord ? Puis je vais en ville et tu vas la faire porter de l’eau et d’autre travaux difficiles, compris ? »

Toren sembla soupirer, mais il sortit rapidement par la porte. Erin le suivit, Ceria sur ses talons.

« Erin, tu sais que je veux le dire. »

« Tu me l’as dit. Mais… »

« Une autre chance ? Combien va-t-elle en avoir ? »

« Beaucoup. Si cela veut dire qu’elle ne va pas mourir. »

« D’accord. Mais je garde le sort sur elle. »

Erin regarda Ceria avec espoir.

« Est-ce que tu as de la magie pour qu’elle se tienne à carreau ? »

« Si j’en avais une, je l’aurais utilisé sur Pisces il y a bien longtemps. »

« Oh. Bien sûr. »

Elles retrouvèrent Lyon quelques kilomètres plus loin, luttant pour marcher dans la neige. Il y eut beaucoup de cri, mais Erin ne se sentait pas mieux. En vérité, elle se sentait terrible. Elle laissa Lyon avec Toren dans l’auberge et alla en ville. Elle faillit dire à Toren qu’il pouvait la frapper, mais elle se retint.

Cela serait de la cruauté, et Erin n’était pas cruel. Même si elle essayait de l’être. De plus, Toren était parfait pour Lyon. Il ne vacillait pas, était inflexible, et ne s’ennuyait jamais. S’il ne la frappait pas, la seule chose que Lyonette risquait était de trop travailler.

***

Toren s’ennuyait. Il n’aimait pas apprendre à Lyonette, et il avait vraiment, vraiment envie de la frapper. Mais il ne le pouvait pas.

Le squelette regarda Lyon. Elle lui rendit son regard, avec un sourire méprisant.

« Tu ne peux pas me frapper. J’ai entendu ta propriétaire te le dire. »

Toren hocha la tête. Il pointa vers le seau au sol, mais Lyon ne bougea pas.

« Non. Tu ne peux pas me donner d’ordre, monstre, et il n’y rien que tu puisses me faire. »

Les Humains pouvaient vraiment être des imbéciles. Toren manqua de soupirer, mais il leva son index à la place et l’enfonça dans le flanc de Lyon. Elle sursauta.

« Arrête ! »

Toren l’ignora. Il ignora aussi ses bras et repoussa ses mains sans effort. Il s’approcha de Lyon fit la même chose.

Il lui enfonça son doigt dans ses flancs.

« Tu ne me forceras pas ! Tourmente-moi si tu veux, chose, mais je ne… ah ! Stop ! »

Toren ignora Lyon. Si elle ne voulait pas faire ce qu’il voulait, il allait la forcer. Il n’avait pas le droit de la frapper, mais lui enfoncer son doigt dans le flanc n’avait pas été mentionné. Donc il recommença.

Encore. Et encore. Et encore. Et encore. Et encore.

Et encore.

Et encore.

Et encore.

Et encore.

Et encore.

Et encore.

Et encore.

Et encore.

Et…

Après cent cinquante oui fois, Lyon arrêta de crier et d’essayer de frapper Toren et abandonna et fit ce qu’il voulait. Ce n’était pas aussi satisfaisant, mais c’était efficace, surtout que lorsque le doigt ne marchait plus, il faisait la même chose avec un couteau.

Lyonette se plaignit, bien sûr, à propos du doigt. Mais Erin envoya un regard à Lyon jusqu’à ce que la fille rapetisse et Toren en reçu pas d’autres ordres. Et il décida que faire travailler Lyon pouvait être amusant.

***

Ce fut après un autre jour de courses difficile que Ceria invita Erin à visiter la seule autre aventurière qui avait survécut à Écorcheur. Enfin, la seule qui était à Liscor. Erin accepta, plus par curiosité que par autre chose.

Ce fut ainsi qu’elle se trouva dans une petite pièce au fond de la Guilde des Aventuriers, une place réservé pour les aventuriers blessés. Il n’y avait qu’une occupante : Yvlon Byres.

La jeune femme était tout ce dont Erin avait rêvé quand elle avait parfois rêvé de devenir une chevalière comme l’une de ses pièces d’échecs, ou quelqu’un comme Indiana Jones ou un super-héros.

Yvlon était grande, avec une chevelure d’or, la peau claire… Elle ressemblait un peu à Lyon, malgré le fait que les cheveux de Lyon étaient rouges et qu’Yvlon faisait une tête de plus et avait probablement deux fois plus de muscles et…

Peut-être que c’était parce qu’elles avaient la même posture, droite comme une règle, et des manières élégantes. Car même si Yvlon était horrible, elle mangeait et parlait comme une personne qui avait été entraînée, tout comme Yvlon.

Et contrairement à Lyon, les manières d’Yvlon allaient avec sa bonne nature. Elle serra la main d’Erin quand Ceria la présenta, un grand sourire sur les lèvres.

Erin lui rendit son sourire, et serra sa main calleuse en essayant de regarder Yvlon dans les yeux.

Elle était… Belle. En fait, Erin irait même jusqu’à dire qu’elle avait été magnifique avant de venir à Liscor. Sa peau était presque parfaite, elle avait de belles dents, un nez fin, et de belles oreilles. Erin souhaitait avoir ses oreilles.

La seule imperfection était que la peau qui avait été… Arrachée… De la moitié gauche du visage d’Yvlon. Pas tout ; et en vérité ce n’était pas comme si elle avait perdu son nez ou quelque chose du genre. C’était juste… Facile à voir, c’était tout. La cicatrice, encore rouge, était clairement différente de sa peau lisse.

Yvlon fut un sourire douloureux à Erin alors que la fille essaya de regarder autre part.

« Je suis désolé. C’est… »

« C’est visible. Ne t’en fais pas. C’est ma punition. J’ai laissé tomber les gens que je menais, et je mérite un tel châtiment. »

« Ne dit pas ça, Yvlon. »

Ceria fronça les sourcils alors qu’elle s’installa dans le siège voisin de l’aventurière. Yvlon était toujours clouée à son lit, même si la jeune femme semblait incapable de rester assisse. Erin nota l’armure proprement rangée sur un habilleur et prit un siège un son tour.

« Toi et moi sachons que c’était la faute d’Écorcheur. Comment pouvions-nous savoir que la porte le scellant était déjà déverrouillée ? De plus, Cervial, Gerald et Lir étaient présents et ils étaient tous des Capitaines de rang Argent. S’ils n’avaient pas senti que quelque chose clochait, tu n’aurais pas pu le voir. »

Yvlon secoua la tête, ses mains serrant la couverture.

« Ce n’est pas une histoire d’excuse, Ceria. J’avais la responsabilité de maintenant en vie les aventuriers que je commandais, et pire, j’ai échoué ma promesse d’honorer leurs morts. Je n’ai pas une pièce à donner aux familles et conjoints des morts, à part mon armure et mon épée, et je ne peux même pas les vendre car elles ne m’appartiennent pas. »

« Personne ne s’attendait à un massacre là-bas, Yvlon. Je suis certains que les autres…. »

Ceria s’arrêta, montrant clairement qu’elle ne voulait pas mentir.

« Nous connaissions tous les risques. Et Écorcheur est mort, donc ils sont vengés. Repose-toi, Yvlon. »

L’Humain se laissa tomber sur son lit, et Erin vit des larmes dans ses yeux. Et c’était la personne que Ryoka détestait tant ? Pourquoi ?

« J’aimerai pouvoir tourner la page. Mais mon visage… Je ne veux pas utiliser une potion de soin. J’ai besoin de porter ce fardeau. »

« Tu es comme Gerial et Calruz. Si têtue… »

Ceria soupira, exaspérée, et baissa la tête.

« Tu devrais utiliser une potion. Et te remettre sur pied. Ecoutes Yvlon, et Erin aussi pour ça, j’y ai réfléchi. Écorcheur était… Un cauchemar tel que je n’en avais jamais vu dans ma vie. Et perdre tous mes amis et camarades, cela m’a brisé. Mais je ne peux pas baisser les bras maintenant. Je ne le ferais pas. Je dois continuer de vivre pour donner un sens à leur mort. Et je ne peux pas continuer à compter sur Erin. Donc… »

Elle prit une grande inspiration, et regarda Yvlon dans les yeux.

« Je vais recommencer à partir en aventure. »

Yvlon et Erin regardèrent Ceria, choquées, la demi-Elfe se contenta de hausser les épaules.

« Je sais. Mais c’est tout ce que je sais faire. Je pourrai faire quelques sorts pour gagner un peu d’argent, mais même moi je serais devenue vieille le temps que je gagne assez pour m’acheter un livre de sort. Et… je veux devenir plus forte. Je dois devenir plus forte. »

Erin était toujours surprise, principalement par la soudaine décision de Ceria, mais Yvlon n’hésita qu’un seul instant avant de serrer la main de la demi-Elfe.

« Que la chance soit avec toi. Je deviendrai plus forte et peut-être… mon bras est rouillée et faible, mais cela serait un honneur de voyager avec toi si tu m’acceptes. Je dois repayer ma dette d’une manière ou d’une autre. »

« Nous en reparlerons quand tu irais mieux. Je te le promets. »

Ceria sourit, et Yvlon serra sa main.

« Ne pars pas seule, Ceria. J’ai vu trop d’aventuriers échoués après avoir perdu leur compagnie. »

« Je ne vais rien faire de stupide. Je suis toujours en train de récupérer, et je n’ai pas de compagnie d’aventurier. Je vais attendre. Continue de te concentrer sur ta convalescence, d’accord ? »

« Je le ferai. »

Elles parlèrent pendant quelque temps, à propos de choses moins importantes. Erin dut raconter quelques histoires à propos de ce qui s’était passé pendant qu’elle était dans sa chambre, et Ceria dut confirmer toutes les choses folles qu’Erin racontait. Elle était principalement intéressée en Ryoka, mais les quelques heures passèrent trop rapidement et Erin et Ceria durent partir.

Yvlon essaya presque de sortir de son lit avant que les deux filles ne l’arrêtent.

« Je peux marcher, vous savez. »

« Nous le savons, mais garde des forces. Tes muscles doivent être fatigués si tu n’as pas utilisé de potion de soin. »

Avec une grâce résignée, Yvlon se laissa tomber dans son lit. Erin nota la bouteille de liquide luisant sur sa table de nuit et se demanda si l’ancienne Capitaine Argent n’était pas aussi têtue que Ryoka. Mais Yvlon hocha la tête avec beaucoup plus de politesse que Ryoka.

« Ce fut un plaisir, Erin Solstice. »

Et ça l’était vraiment, même si Erin se doutait qu’elle n’avait pas été aussi importante que la révélation de Ceria. Les deux la quittèrent silencieusement, et Erin se tourna vers Ceria en quittant la Guilde.

« De retour à l’aventure ? Vraiment ? Dès maintenant ? »

« Oui, oui, et oui, Erin. Je sais que c’est risqué, mais… »

Ceria haussa les épaules.

« C’est tout ce que je sais faire. »

Erin mordit sa lèvre, mais elle ne trouva rien à dire.

« Dans tous les cas, tu peux rester dans mon auberge. Ma porte te sera toujours ouverture. Et tu n’as pas besoin d’aussitôt reprendre. Tu peux rester autant que tu veux. »

« Je sais. C’est juste q… »

« Ne t’en fais pas. Je n’essaye pas de te dissuader ; je vais même t’aider ! Tu fais ce que tu fais faire, et je serais là pour t’accueillir avec un repas chaud et un bain. Enfin, Toren va porter l’eau du bain. Et je vais avoir besoin d’acheter une baignoire. »

Ceria sourit, touchée. Elle tapota l’épaule d’Erin.

« Merci, Erin. »

Elles sourirent toutes les deux. Puis leurs sourires disparurent en se souvenant de qui vivait dans leur auberge.

« Au moins elle est en train de ramasser des champignons. Je ne sais pas comment quelqu’un peut rater ça… À moins de prendre des vénéneux, ou de les écraser ou… Heu… »

Ceria soupira, avant de faire un sourire mesquin.

« Vois le bon côté des choses. Peut-être qu’elle va tomber dans un nid d’Araignée Cuirassée et que Toren n’arrivera pas à la sauver. »

Erin se retourna et laissa un regard moqueur à son amie.

« Ceria ! »

« Désolé. »

« T’as plutôt intérêt à l’être. Franchement. Je veux dire, ça ne me dérangerait pas si elles la griffent un peu, mais… »

Elles rirent, et se séparèrent. Ceria voulait parler à Pisces et Erin voulait partir en chasse pour trouver plus de sucre avant de retourner à l’auberge. Aucune d’entre elles ne remarqua les silhouettes touffues bougeant vers les portes de la ville avec un pas lent et calculé.

***

Lyon et Toren étaient en train de ramasser des champignons sur lesquels Erin voulait expérimenter quand le sol s’effondra à quelques centimètres du pied de la fille. Elle hurla et fit un bond en arrière alors que le nid d’Araignée Cuirassée fut révélé.

Toren regarda les araignées endormies avec intérêt alors qu’elles commencèrent à bouger et à chercher leur proie. Il jeta un coup d’œil à Lyon, qui était paralysée par la peur.

Toren posa tranquillement une main sur son dos et la poussa doucement dans le trou.

Elle hurla et se débattit, et les Araignées Cuirassées allèrent vers elle. Toren profita du spectacle le plus longtemps possible, jusqu’à ce que l’une des araignées essaye de la mordre.

Dommage qu’Erin lui avait dit qu’il devait protéger Lyon. Toren soupira presque, même s’il avait bien voulu avoir les poumons pour le faire.

Il fit fuir les Araignées Cuirassée avec son regard de [Terreur] et se retourna vers la fille. Elle hurla et manqua de se faire pipi dessus, mais après avoir réalisé que Toren pouvait activer et désactiver l’effet, elle courut pour ramasser les champignons. Toren trotta joyeusement derrière Lyon, profitant de ses cris. Il marqua mentalement l’emplacement du nid pour plus tard, et se demanda ce qu’il allait tuer aujourd’hui.

***

Plus tard dans la journée, Erin se tint prêt d’une fenêtre, ne regardant pas directement dehors mais comptant les ombres. Elle entendit Lyonette taper du pied en bas et soupira.

La fille était rentrée avec un panier rempli de champignons vénéneux et comestibles, puis elle se verrouilla dans sa porte. Toren était partie, et Erin était… Occupée.

Elle ne voulait pas entendre Lyon se plaindre. La fille n’était jamais heureuse, jamais satisfaite, et maintenant n’était pas le moment pour ce genre de scène. Erin sentir l’air et soupira. Non. Elle se retourna. Ceria… Pisces… Ils étaient tous les deux en ville. Et Toren était en train de chasser. Non, pas cette fois.

« Il a essayé de me tuer ! »

« Bonjour, Lyonette. Qu’est-ce que Toren à fait cette fois ? »

Erin faillit ajouter un ‘supposément’ à cette phrase. Lyon ne pouvait jamais prouver que le squelette avait fait quelque chose, et elle refusait de montre en centimètres de peau au-delà du nécessaire.

« Il m’a poussé dans un nid d’horribles araignées ! »

Erin regarda Lyon avec méfiance. Elle ne semblait pas blessée, seulement égratignée et sale, et Erin était certaine que Lyon n’était pas capable de repousser un nid entier d’Araignée Cuirassée.

« Est-ce que tu peux le prouver ? »

« Je t’ai dit qu… »

« Et jet’ai dit que je veux voir des preuves. De plus, pourquoi est-ce que Toren ferait ça ? Je lui ai précisément dit de ne pas te tuer. S’il te dérange, je vous suivrai la prochainement pour voir. Mais si tu es en train de mentir… Écoute, j’ai besoin de faire une pause. Nous parlerons de ça plus tard, d’accord ? »

Erin se retourna. Elle devait vraiment faire monter Lyon, mais prévenir la fille ? Elle allait paniquer.

Lyonette laissa échapper un cri étranglé alors qu’Erin essaya d’aller vers la porte. Elle se jeta sur Erin, sa main vers son visage. Et se tourna et…

La frappa au visage.

C’était un bon coup de poing, et il y avait un sacré agacement. Lyon tituba en arrière, et s’assit. Elle mit la main à sa joue qui allait bientôt virer au violet ; Erin ne l’avait pas frappé de toutes ses forces, mais elle ne s’était pas… Pas beaucoup retenu.

« Tu m’as frappé. »

« Tu m’as attaqué. »

Erin sentit qu’elle était de retour en primaire, arguant avec un gamin à propos d’une bagarre qu’il avait commencé. Ce qui les garçons n’apprenaient jamais était que même si frapper et tirer les cheveux marchait, Erin avait un échiquier qui était solide, avait des coins, et pouvait être sacrement dangereux si manié avec assez de force.

« Tu m’as frappé. »

Lyonette semblait choqué. Erin ne savait pas quoi dire.

« N’essayes pas de me frapper. J’ai [Instinct de Survie] qui se déclenche pour quelque chose… Écoute, va à l’étage, calme toi et nous… »

« Tu m’as frappé ! »

Lyon se mit sur ses pieds et hurla sur Erin, le visage rouge. Ses mains de fermèrent, mais elle prit la bonne décision de ne pas attaquer Erin.

« Monstre ! Espèce de brute ! Criminelle ! Escroc ! Espèce de répugnante et horrible… »

Erin la gifla.

Cette fois Lyonette n’arrive pas à former des mots. Elle devint rouge, tendit la main vers Erin, et hésita en voyant ses yeux. Elle fit un bruit inarticulé, et s’effondra en sol et commença à pleurer.

Erin cligna des yeux. Elle était prête à se défendre, ou à une autre crise, mais Lyon se rouler dans une boule de misère et commença à se lamenter. Erin n’avait jamais entendu quelqu’un se lamenter aussi bien et bruyamment que Lyon, la fille avait un véritable talent dans ce domaine.

Le cœur d’Erin hésita pendant une seconde. Puis elle regarda à l’extérieur et se souvint. Elle regarda Lyon, secoua la tête, et se tourna vers la porte.

Erin laissa la fille pleurer dans l’auberge et alla à l’extérieur, la tête penchée.

***

Le jour était froid et enneigé. La neige tombait même sans la présence des Fées de Givres, et pas en petites doses. Erin se tint dehors et trembla. Elle ferma la porte, et soupira. Puis elle parla à l’air.

« Je souhaite ne jamais l’avoir fait, pour être franche. »

Personne ne lui répondit. Erin fit un pas dehors et donna un coup de pied dans la neige, l’envoyant voler.

« Je pensais pouvoir l’aider, peut-être en faire quelqu’un de mieux… Avant de la rencontrer. Mais je suppose qu’elle est aussi terrible que les gens pensent. En fait, elle est pire. »

Erin y pensa, avant de hocher la tête.

« En fait, elle est invivable. La pire personne que j’ai rencontrée… Même si je n’ai pas rencontré beaucoup de mauvaise personne. Je suppose qu’il y en a certain qui sont juste plus méchant dans le monde. En fait, il y en a plein. Mais personne n’est aussi mesquine qu’elle.

Elle ouvrit ses bras en grand.

« Ceria avait raison. Krshia avait raison. Tout le monde avait raison, même Pisces. Elle a essayé de me voler. Elle n’est pas une bonne personne. Elle me dépouillerait probablement si elle le pouvait, et elle ne se même pas désolée. »

Erin baissa la tête.

« Et si je continue de la nourrir en essayant de lui apprendre quelque chose… En fait, je ne sais même pas si cela va marcher. C’est peut-être impossible… Ça l’est probablement. Ce n’est pas facile pour moi, et je suis épuisé et stressé tous les jours. C’est la pire chose, et je regrette d'avoir entendu son nom. »

Du silence. Erin regarda les ombres grandissantes autour de son auberge. Elle sentit le mot sur sa langue, et sentir l’air se figer autour d’elle.

La neige tomba, et s’arrêta en l’air. Erin regarda le monde ouvert, le monde gris au-dessus d’elle, et la plaine recouverte d’un blanc pur et intact. Elle se tint devant son auberge, et sentit le monde s’arrêter durant un court instant.

Elle n’avait pas à le dire. Elle pouvait toujours ravaler ses mots, abandonnés, et s’éloigner. Pendant un moment, Erin se tint au bord de l’abysse, dans l’attente. Le monde retint son souffle et Erin savoura le moment d’infinité. Puis elle parla.

« Mais. »

C’était le mot avec lequel toutes choses changeaient. Erin regarda le ciel, et leva la voix, parlant au monde et à ceux qui l’écoutait. »

« Mais. Mais si je ne fais rien, elle va mourir. Et peut-être qu’elle le mérite. Je ne sais pas. Je ne peux pas juger les gens. Je n’ai pas le droit de le faire. Mais je sais ceci : Elle mourra si elle part, même si je lui donne de l’argent, de la nourriture et Toren pour la protéger. Elle ne peut pas le faire. Elle ne peut… Rien faire. »

Erin présenta ses mains, une plaintive devant son jury silencieux.

« Pourquoi est-ce que les gens doivent mourir ? Pourquoi ? Même s’ils font de mauvaises choses, elle n’est qu’une enfant. Elle est peut-être terrible, mais est-ce que cela mérite la mort ? Je ne sais pas. Mais ce que je sais est que si je ne fais rien, elle va mourir. Et cela veut dire qu’elle sera morte à cause de moi. »

La neige continua de tomber, et personne ne parla. Erin prit une grande inspiration.

« Une autre chance. Ce n’est pas à propos d’elle. Ce n’est pas à propos d’une seule personne. Ce n’est pas à propos de faire ce qui est intelligent ou sensible. C’est à propos de faire ce qui est juste. »

Elle regarda autour d’elle. Elle regarda les ombres, et leur adressa la parole.

« Je ne peux pas laisser des gens mourir. Pas si je peux y faire quelque chose. Pas s’il y a encore une chance. Elle était une voleuse, mais c’est tout. Elle n’a tué personne. Et elle à besoin d’aide. »

Erin pointa l’auberge du doigt.

« J’ai été seule. Seule et inutile. Peut-être pas autant qu’elle mais… Quelqu’un m’a sauvé. Il a donné sa vie pour moi, et d’autres personnes m’ont aidé à survivre. Je ne serais pas là sans eux. Je ne l’abandonnerais pas. Pas encore. Pas ici. Donc… »

Erin s’arrêta. Elle ferma les yeux, et leva les voix.

« Donc, si vous voulais l’avoir, il faudra me passer sur le corps. Compris ? »

Tout resta silencieux pendant une longue seconde. Puis cela arriva.

Les ombres autour de l’auberge bougèrent.

Des Gnolls sortirent des ombres, de grandes figures minces secouant la neige de leur fourrure. Couverts comme ils l’étaient, ils avaient fait partie du paysage. Mais maintenant ils venaient d’apparaître, et Erin reconnaissait le Gnoll qui les menait.

Brunkr s’avança. Les muscles de son torse bougèrent sous sa fourrure alors qu’il toisa Erin.

« Elle a nui à notre Clan et mérite la mort. Si tu te tiens en travers de notre chemin, tu seras notre ennemi. »

Erin renifla. Ça sentait le chien mouillé. C’était une odeur familière. Elle leva les yeux vers Brunkr.

« Elle reste dans mon auberge. Elle travaille pour moi. Tu n’as pas le droit d’entrer. »

Il montra les crocs. Erin ne recula pas.

« Et qui va m’arrêter ? »

« Moi. »

Brunkr rit. Il regarda autour de lui. Au moins une vingtaine de Gnoll se tenait sur la colline, ils étaient tous plus musclés et grand qu’Erin.

« Et qu’est-ce qu’une fille Humaine, faible comme toi et sans l’avantage du nombre, va faire ? »

« Pas grand-chose. Je suppose que je vais juste te dire quelque chose. Quelque chose de très important que tu devrais savoir. »

« Oh ? Et qu’est-ce c’est ? »

« Mon nom est Erin Solstice. Ceci est mon auberge. Et. Vous. N’avez. Pas. Le. Droit. De. Rentrer. »

Erin ferma son poing, le pouce sur ses phalanges comme Calruz lui avait appris. Elle frappa Brunkr le plus fort possible dans son estomac. Il cligna des yeux et sourit.

Il était toujours en train de sourire quand Erin leva la jambe.

« [Coup foudroyant] ! »

Elle le frappa dans l’entrejambe et les yeux du Gnoll roulèrent dans ses orbites. Il se tint l’entrejambe et s’effondra. Erin regarda les autres Gnolls.

« Alors ? Qu’est-ce que vous attendez ? Ramenez-vous ! »

Les Gnolls se regardèrent, regardèrent leur camarade au sol, Erin, et l’auberge. Ils hurlèrent, et chargèrent.

 
EllieVia
   
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2.26 - Première Partie
Traduit par EllieVia

Selys était assise à l’accueil de sa guilde, et griffonnait désespérément dans le livre d’or qu’elle avait emprunté à Erin. Il y avait tellement d’aventuriers qui arrivaient en ville récemment qu’elle pensait ne jamais parvenir à écrire tous les noms des nouveaux arrivants et à les classer.

C’était ce que la plupart des gens ne comprenaient pas au sujet de l’aventure. Certes, il était important de savoir démembrer la limace qui crachait de l’acide enflammé, mais est-ce que quiconque songeait à la personne qui devait ensuite examiner les morceaux ensanglantés pour s’assurer que c’était bien une limace cracheuse d’acide, et non pas une autre espèce de limace qui crachait une espèce de flamme liquide ? Les récompenses pour ces deux variétés n’étaient pas les mêmes, et la paperasse nécessaire pour s’assurer que les aventuriers recevaient leur paie était absolument affreuse.

Mais l’organisation était encore pire. Certes, on avait une pièce pleine de guerriers, mais qui envoyer, et où ? De toute évidence, si on envoyait un groupe spécialisé en mêlée contre un Crabroche, on finissait avec un tas de taches rouges au sol, sauf si les aventuriers étaient de très haut niveau, mais alors, qui sélectionner ? Les mages avaient besoin de renforts, mais les aventuriers solitaires ne travaillaient pas très bien en groupe, et les équipes avaient toujours leur propre programme de prévu.

Il était compliqué de gérer une guilde comme celle-là. Selys était l’une des plus anciennes réceptionnistes ici, et certainement l’une des plus expérimentées, ce qui signifiait qu’elle devait souvent prendre la majeure partie des responsabilités. Sa grand-mère était Maîtresse de Guilde, mais avant, il n’y avait pas eu grand-chose à gérer, et personne n’était prêt pour le flot d’aventuriers qui envahissait la ville.

Selys griffonna une nouvelle livre dans son livre d’or. À ce rythme, elle n’en finirait jamais. D’un tympan, elle essaya d’écouter ce que la personne devant elle lui disait.

“Hmm ? Qu’est-ce que tu dis, Putois ? Encore une bagarre ?”

Putol, que tout le monde appelait Putois, grimaça puis haussa la voix pour se faire entendre par-dessus le brouhaha des aventuriers. Il n’était pas un aventurier - juste un apprenti [Menuisier], et terriblement mauvais, en plus ce ça. Mais c’était un ami d’enfance, et Selys leva à contrecœur les yeux lorsqu’il prit la parole.

“Comme je le disais, c’est les Gnolls ! Ils ont quitté la ville, un énorme groupe ! Certaines étaient armés, et ils se rendaient à ton auberge.”

Selys lâcha sa plume

“Quoi ? Non. Pourquoi feraient-ils ça ?”

Putois roula des yeux d’un air appuyé. Ses yeux étaient légèrement globuleux, ce qui était encore plus inhabituel chez un Drakéide que chez un Humain. Sa queue aux écailles rouges s’agita d’excitation lorsqu’il répondit.

“À cause de la voleuse, bien sûr ! Le nouveau groupe de guerriers Gnolls n’ont pas aimé apprendre ce qu’elle avait fait. J’ai entendu dire qu’ils ont hurlé toute la nuit dernière, et maintenant…”

Selys n’avait pas le temps d’écouter les pourquoi et les comment de la politique Gnolle. Elle se leva de son tabouret.

“S’ils sont partis chercher la voleuse, Erin va s’en mêler. Il faut que je les arrête !”

Putois lui jeta un regard dubitatif.

“Je ne crois pas que tu sois capable de calmer les Gnolls. Ils avaient l’air vraiment énervés. Comment ça se fait que tu ne te sois pas rendu compte de ce qu’il se passait ?”

“J’ai été ici toute la journée ! Je n’ai rien entendu !”

Selys essaya de réfléchir. Elle regarda autour d’elle d’un air désespéré, sa queue fouettant son tabouret.

“Krshia. Krshia ne peut pas avoir cautionné ça. Il faut que je la voie.”

C’était de l’abandon de poste, mais Selys n’en avait cure. Elle carra les épaules et scruta la pièce. Est-ce qu’elle pouvait les laisser seuls et sans retrouver une ruine fumante à son retour ?

C’était l’assortiment habituel de Drakéides et de Gnolls, mais ils avaient été rejoints par un groupe conséquent d’humains et quelques… non-humains. Les yeux de Selys s’attardèrent sur un groupe de trois assis au fond. Ils étaient l’une des trois équipes classées Or qui étaient venus en ville, et elle n’avait aucune idée de ce qu’elle devait faire d’eux.

Mais elle repéra alors trois aventuriers qui sortaient du lot. Principalement parce qu’ils étaient tous en train de la dévisager.

Les trois Gnolls la regardaient fixement, tandis que le reste des aventuriers bavardaient et buvaient à leurs tables. Elle jeta un œil à la porte, mais l’un des Gnolls était posté juste à côté.

Selys déglutit. Il n’était pas nécessaire de posséder des trésors d’imagination pour deviner pourquoi ils étaient ici. Les Gnolls ne faisaient jamais rien à moitié, et si Krshia n’était pas au courant que certains étaient partis tuer la voleuse, ils ne voulaient pas que quelqu’un la prévienne. Et Selys avait beau savoir qu’il y avait d’autres Drakéides et même des Humains dans la pièce, elle restait une réceptionniste. Elle ne pensait pas qu’ils s’interposeraient si quelques Gnolls cherchaient à l’empêcher de passer. Et s’ils décidaient de faire ça…

Selys ne savait pas se battre, même si elle avait la classe de [Guerrière] à présent. Elle pensait que c’était ce qui risquait de se passer si elle essayait de forcer le passage, et elle décida qu’elle ne voulait pas se retrouver impliquée dans une bagarre à grande échelle au sein de la Guilde.

Mais il fallait que Krshia soit au courant. Selys regarda de nouveau les Gnolls, et eut une idée. La queue de la Drakéide tressaillit, puis elle se tourna lentement vers le Drakéide qui lui faisait face.

“Putois ? Je vais aller vérifier nos réserves à l’arrière. Tu peux me remplacer ?”

Le Drakéide la regarda, bouche-bée.

“Quoi ? Je ne suis pas [Réceptionniste], Selys ! Qu’est-ce que je dois faire ?”

“Ça n’a pas d’importance. Tu n’as qu’à rester assis là et répondre aux questions, d’accord ?”

Selys sortit furtivement de derrière son comptoir et poussa son ami pour qu’il s’y asseye. Il regarda autour de lui d’un air désemparé tandis que Selys jetait un regard en coin aux Gnolls. Ils s’attendaient à ce qu’elle essaie de fuir en courant, elle en était sûre. Elle ne les fit pas attendre longtemps. Selys se mit à courir - simplement, pas dans la direction à laquelle ils s’attendaient.

Les Gnolls clignèrent des yeux en voyant Selys se précipiter en haut des escaliers. Deux des Gnolls se précipitèrent à ses trousses. Le reste des aventuriers levèrent la tête, désorientés, et l’un des Humains-qui-n’en-étaient-pas-vraiment se leva.

“C’était intéressant. Est-ce qu’on devrait aller jeter un œil ?”

“Je ne vois pas pourquoi on s’en priverait.”

C’était un grand… homme assis par terre qui avait répondu. Il se leva et ses deux compagnons le suivirent.

“Une auberge en-dehors de la ville. Hm. Cela me dit quelque chose. Ce n’est pas là que dort la demie-Elfe ?”

“Une coïncidence, peut-être ? Elle n’a peut-être rien à voir avec tout ça.”

“De ce que j’ai entendu dire sur Ceria Springwalker, c’est probable que si. Allons-y, vous deux. On peut au moins aller voir pourquoi il y a du grabuge.”

Le grand demi-homme s’approcha de la porte, et tous ceux qui étaient en travers de son chemin s’écartèrent vivement. Tous, sauf le Gnoll devant la porte. Ce dernier leva les yeux et hésita, mais il avait ses ordres.

Le Gnoll leva nonchalamment un bras recouvert de fourrure pour barrer le passage des trois aventuriers. Il sourit à celui qui lui faisait face.

“Vous ne voulez pas partir, non ?”

“Je pense que si, en fait. Est-ce que nous pouvons te persuader de t’écarter ?”

“Non, non. J’ai entendu ce que vous disiez et ce ne serait pas sage, non ?”

Le grand “homme” pouffa de rire.

“La sagesse n’a jamais été notre point fort. Mais je vois que tu ne bougeras pas. Par conséquent…”

L’aventurier tendit délicatement la main. Il donna une pichenette sur le front du Gnoll qui cilla. Ses yeux se révulsèrent et il s’écroula.

Le demi-humain se tourna vers les deux autres demis-humains et sourit d’un air penaud.

“Eh bien. Il semblerait que tout cela soit très intéressant, après tout. On y va ?”

***

Erin détestait les combats. Elle détestait lorsqu’ils survenaient, elle détestait le fait qu’elle pouvait mourir, elle détestait leur nécessité, et le fait qu’elle était, en réalité, douée pour se battre. Ou du moins, c’était ce que lui avait dit Calruz.

Mais en ce monde, on avait le choix entre se battre, s’enfuir ou laisser une fille mourir, donc Erin choisissait de se battre. Elle aurait simplement préféré que tout soit plus simple.

“[Coup Foudroyant] !”

Elle sentit son genou heurter une surface de plein fouet, et le Gnoll qui la chargeait grogna de douleur. C’était le deuxième qu’elle frappait à l’entrejambe, mais le souci, ici, était que celui-ci n’était pas un mec. Et pour une raison inconnue, Erin avait eu beau cogner la gnolle de toutes ses forces, ses coups n’avaient pas eu le quart de la puissance que sa compétence aurait dû lui accorder.

La Gnolle leva une patte. Erin baissa la tête et entendit un sifflement au-dessus de son crâne. Elle frappa deux fois la Gnolle à l’estomac en criant.

“[Coup Foudroyant] ! [Coup Foudroyant] ! Pourquoi est-ce que… [Coup Foudroyant] !”

La Gnolle grogna et recula sous les coups d’Erin. Elle était grande, mais Erin avait appris à frapper fort et elle avait [Force Mineure]. La Gnolle tenta de nouveau un crochet en direction d’Erin, mais elle n’était clairement pas une guerrière. Elle était d’ailleurs petite pour une Gnolle, et Erin était saisie du doute grandissant qu’il s’agissait d’une adolescente.

Ce qui la fit culpabiliser lorsqu’elle la frappa de toutes ses forces au creux de l’estomac. La Gnolle hoqueta et se plia en deux en se tenant le ventre, et Erin lui cogna la joue. La Gnolle tomba, et Erin s’écarta en titubant, la respiration hachée.

Une à terre, plus qu’une meute à achever. Mais les autres Gnolls ne tentaient pas d’atteindre Erin. Ils essayaient de forcer le passage par la porte d’entrée, et l’un d’entre eux avait déjà commencé à la détruire à coups de hache.

“Qu’est-ce qu’il se passe ? Qui sont les gens dehors ?”

Le cœur d’Erin se serra lorsqu’elle entendit la voix de Lyon. La fille n’avait aucune idée de ce qu’il se passait, et elle ordonnait qu’on lui donne des réponses d’une voix haut perchée et clairement terrifiée.

“Je vous ordonne de me dire ce qu’il se passe ! Qui sont ces gens ?”

Un grondement lui répondit tandis qu’un Gnoll se jetait sur la porte de tout son poids. Lyon poussa un cri perçant et Erin fondit sur les Gnolls.

“Cache-toi !”, hurla Erin à Lyon en heurtant le premier Gnoll de plein fouet dans le dos. Il fit volte-face lorsqu’elle lui donna un coup de poing, mais Erin tordit le cou et le cogna juste sous la cage thoracique.

[Coup Foudroyant] !

Mais là encore, le coup d’Erin ne fit que meurtrir le Gnoll, et resta loin du coup incroyablement puissant qu’elle avait utilisé contre Brunkr. Erin regarda fixement son poing en se jetant en arrière de sorte que le Gnoll lui court après.

“Pourquoi est-ce que ça ne marche pas ?!”

“Hrr. Tu ne peux pas le faire plus d’une fois.”

Erin se retourna. Brunkr était de nouveau debout. Il grimaçait et restait courbé, mais il était aussi très, très en colère. Il saisit le poing d’Erin lorsqu’elle tenta de le frapper et lui tordit le bras.

“Aagh !”

Erin dut bouger si elle ne voulait pas que son bras sorte de son articulation. Elle se pencha sur le côté et Brunkr lui grogna dessus. Le reste des Gnolls se mit à défoncer la porte. Les cris de Lyon lui parvenaient en arrière-plan derrière la voix grondante de Brunkr.

“Joli coup. C’est mon tour à présent, non ? Ma Tante te veut peut-être en vie, mais cela ne signifie pas qu’on ne puisse pas te blesser, non ?”

Eh bien, c’était un soulagement. Elle n’allait pas mourir, mais elle allait se faire horriblement tabasser. Erin déglutit et tenta une nouvelle fois de cogner Brunkr en plein dans les noix. Il lui attrapa la jambe, et Erin était à présent en train de sauter à cloche-pied, toujours toute tordue.

“On va commencer par te donner une leçon, non ? On s’occupera de la voleuse après.”

“Non.”

Brunkr se tourna. Un rayon de gel miroita à côté de son oreille et frappa un Gnoll derrière lui. Le Gnoll hurla de douleur et de confusion lorsque la glace s’étala sur son dos et il s’écroula.

“Repose-la et dis à tes amis de s’éloigner de l’auberge.”

“Ceria !”

Erin regarda les deux mages un peu plus bas sur la colline et Brunkr gronda. Ceria était avec Pisces, sa main squelettique pointée sur la poitrine de Brunkr. Pisces ne bougea pas. Il tenait un hamburger et tentait de fourrer ce qu’il en restait dans sa bouche.

“Cela ne vous concerne pas, mages. Allez-vous-en.”

Pisces avait l’air de réfléchir à la proposition, mais Ceria se contenta de plisser les yeux.

“Lâche Erin. Tu ne commettras pas de meurtre en ma présence.”

Brunkr fronça les sourcils d’un air sombre en dévisageant la demie-Elfe. Il indiqua la porte d’un mouvement de tête en tenant le bras et la jambe d’Erin.

“Elle mérite la mort.”

“Ce n’est pas à toi d’en décider.”

“Vous ne pouvez pas nous en empêcher.”

En disant cela, Brunkr souleva Erin au-dessus de sa tête et la jeta de toutes ses forces sur les deux mages. Erin sentit le monde tournoyer autour d’elle lorsqu’elle fendit les airs.

Bordeeeeeeeel…

Erin s’écrasa sur Ceria et Pisces et tenta tant bien que mal de se relever. Elle n’y parvint pas. Son souffle était coupé, et elle ne pouvait que se tordre de douleur au sol. Pisces grognait, mais Ceria leva sa main squelettique et cria.

“[Bourrasque Glacée] !”

Étendue au sol, Erin entendit un souffle puis le bruit de quelque chose de lourd s’écraser au sol. Elle leva les yeux juste à temps pour voir la demie-Elfe catapulter un autre Gnoll dans les airs dans une énorme bourrasque de neige.

Brunkr gronda et dévala la colline en direction de Ceria. Elle leva un doigt et pointa.

“[Rayon de Givre].”

Un fin rayon de lumière miroitante sortit de son doigt et frappa le bouclier de Brunkr qui l’avait levé juste à temps. La glace qui se forma sur le bouclier et le froid intense firent grogner le Gnoll de douleur, mais il ne s’arrêta pas.

“Pisces.”

“Je suis là. Agh. Springwalker, tu peux faire quelque chose pour le sol ? Ils ne sont peut-être pas des guerriers, mais ils sont nombreux.”

Pisces se releva et se frotta la tête. Il leva une main et lança une orbe de feu sur Brunkr qui essayait d’avancer. Le Gnoll tenta d’esquiver, mais Pisces tordit la main et la boule de feu contourna le bouclier et frappa le Gnoll en pleine poitrine.

Erin entendit un hurlement de douleur et sentit l’odeur de fourrure brûlée, mais elle vit alors qu’un Gnoll avait réussi à enfoncer légèrement la porte de son auberge. Elle ne savait pas comment elle avait réussi à se lever et à parcourir la distance qui la séparait de la porte si vite, mais elle se retrouva sur son dos à le cogner de toutes ses forces.

Bats-toi. Esquive, frappe, du poing, du pied. Erin avait l’impression d’apprendre de nouveau à se battre avec Calruz, sauf que cette fois-ci, elle était encerclée. Et elle recevait des coups. Les Gnolls n’étaient ni un Minotaure amical, ni même Toren. Ils n’étaient pas armés, mais ils commençaient à se lasser de retenir leurs coups.

Erin était au milieu des combats, cognant, esquivant, et prenant des coups. Erin chancela lorsqu’une patte poilue lui fit voir mille chandelles et elle frappa plusieurs fois le Gnoll qui lui faisait face. Ils étaient tellement nombreux. Et ils étaient en colère !

Brunkr était à la porte et essayait de la réduire en miettes. Mais même sa force ne suffisait pas à démolir la construction Antiniume si facilement. Le bois était en train de se fendre, mais le Gnoll qui faisait face à Erin était trop rapide pour qu’elle l’esquive, et il ne cessait de la cogner.

Erin tituba et sentit un goût de sang dans sa bouche lorsque le Gnoll lui porta un nouveau coup. Elle sentit les ténèbres commencer à envahir sa vision et vit un poing foncer au niveau de son ventre.

Mais le poing du Gnoll ne rencontra pas de chair, mais un bouclier de bronze, et lorsque le Gnoll grogna de douleur, une épée lui transperça les entrailles.

Toren tordit son épée et le Gnoll recula, hoquetant de douleur. Erin regarda stupidement le squelette repousser le Gnoll en arrière et ce dernier s’écrouler sur le dos. Toren arracha son épée de son ventre et la leva dans les airs.

Non !

Brunkr avait vu le squelette et il se détourna de ses adversaires. Il lâcha un Pisces salement amoché.

Toren portait une armure. Et il avait un heaume ! Qui faisait partie de l’armure, certes, mais… la tête d’Erin lui tournait. Pourquoi Toren était-il ici ? Non… pourquoi avait-il une armure ? Et pourquoi était-il si… grand ?

Mais le squelette avait lâché son bouclier et tenait à présent son épée émoussée à deux mains. Il la leva au-dessus du Gnoll qui se protégeait futilement le visage de ses mains et Erin comprit qu’il s’apprêtait à tuer le Gnoll qui l’avait attaquée.

“Toren ! Arrête !”, cria Erin, désespérée, tentant de forcer l’oxygène à pénétrer dans ses poumons. Elle tendit la main vers Toren tandis que Brunkr se précipitait sur lui.

Le squelette hésita. Il baissa les yeux sur le Gnoll écroulé à ses pieds, et se mit à baisser son épée. Il se tourna vers Erin et une flèche lui perça l’arrière du heaume et lui fit éclater le crâne.

Des fragments de quelque chose de rouge, comme du sang, jaillirent des orbites et de la bouche du squelette. Erin hurla en voyant Toren s’écrouler par terre.

Brunkr baissa son épée, désorienté, et le reste des Gnolls se retournèrent. Erin fit volte-face, et le Gnoll devant elle profita de cette opportunité pour lui saisir le bras. Il allait la jeter au sol lorsqu’une flèche lui transperça le genou et l’envoya s’étaler au sol.

Les Gnolls clignèrent des yeux en voyant des flèches se mettre à les abattre de loin. Erin hoqueta de soulagement et Brunkr hésita, et c’est ce moment-là que choisirent les quatre membres de l’équipe Or répondant au nom de la Chasse aux Griffons pour charger dans la bataille.




***


Halrac prit une flèche dans son carquois à sa ceinture et la tira d’un seul mouvement fluide. Sa deuxième flèche transperça les jambes d’un Gnoll et l’énorme bête s’effondra en rugissant.

L’[Éclaireur] ne savait jamais différencier les gens couverts de fourrure et ne savait donc pas si c’était un mâle ou une femelle, mais ça n’avait pas vraiment d’importance. Les deux sexes étaient dangereux, donc Halrac tira d’autres flèches sur les Gnolls, visant leurs ventres ou leurs jambes pour entraver.

Ses tirs n’étaient pas létaux, et ses flèches n’étaient pas équipées de points. Il avait un type de flèches spécial pour se battre contre les gens, et ses flèches bluntées avaient beau pouvoir causer pas mal de dégâts, comme des fractures, elles ne tuaient pas, surtout avec la quantité de potions de soin disponibles.

“Que quelqu’un aille chercher la fille !”, hurla-t-il à ses trois camarades qui l’entouraient. Ulrien fonça en direction de l’humaine qu’ils avaient vue se faire attaquer tandis que Revi et Typhenous le flanquaient. C’était leur formation habituelle, et Halrac sur ce qu’ils allaient faire avant même qu’ils ne parlent.

Typhenous

“Laissez-moi une minute et j’aurai couvert la zone de toiles.”

Typhenous leva sa baguette et se mit à la pointer sur le sommet de la colline. Le vieux mage regarda plusieurs Gnolls se tourner vers lui sans une once d’inquiétude. Halrac continua de tirer dans la mêlée qui entourait l’humaine, protégeant à la fois la fille et la porte. Il pouvait entendre une autre fille crier à l’intérieur. Il allait falloir qu’ils atteignent l’auberge et qu’ils protègent les deux d’une manière ou d’une autre.

Mais au lieu de profiter de leur attaque surprise pour s’enfuir, la fille reculait vers sa porte. Et elle se battait !

Elle donna plusieurs coups de poing dans la poitrine d’un Gnoll qui essayait de la frapper et esquiva son coup. Halrac jura en tirant sur un énorme Gnoll équipé d’un bouclier et d’une épée. Le Gnoll était clairement une sorte de guerrier, il bloquait tous ses tirs en avançant sur la fille.

“Par tous les monstres d’Izril, qu’est-ce qu’elle… Revi !”

“Je la vois. Calme-toi.”

Revi était en train de sortir de bouts de tissu de ses bourses. Elle en jeta trois dans les airs, et des silhouettes miroitantes apparurent.

“Guerriers ! Protégez-nous ainsi que cette fille !”

Trois guerriers armés - deux mâles et une femelle - apparurent dans les airs et fondirent sur les Gnolls qui avaient essayé d’attaquer les trois aventuriers. Ils tailladèrent les Gnolls et leur rentrèrent dedans de plein fouet. Même le fantôme le plus faible de Revi avait une force semblable à celle d’un aventurier classé Argent, bien supérieure à celle de combattants inexpérimentés.

Mais les Gnolls en colère étaient nombreux et la Chasse aux Griffons n’allait pas se mettre à tuer des civils. Halrac balaya la scène du regard en encochant une nouvelle flèche et examina les deux mages en train de combattre les Gnolls de l’autre côté.

Une autre équipe Or… ? Non, ils utilisaient des sorts de bas niveau. L’un d’eux jetait des petites orbes de flammes sur les Gnolls pour les tenir à distance tandis que l’autre avait gelé le sol autour d’eux pour le rendre instable tout en leur jetant de grosses bourrasques de neige à la figure qui les envoyait s’étaler au sol.

Puis Halrac écarquilla les yeux et il donna un coup de coude à Revi. L’[Invocatrice] baissa la baguette avec laquelle elle était en train de lancer des éclairs d’énergie magique et hoqueta.

“Dieux. Il se relève. Ulrien !”

“Je le vois.”

Le guerrier avait interrompu sa charge en direction de la fille. Il incurva sa course pour se rendre vers le squelette dont Halrac avait fait exploser le crâne et qu’il pensait avoir de nouveau tué. Les esquilles d’os autour de la tête du squelette étaient en train de se reformer, et il se remettait sur ses pieds, secouant la tête d’une manière très humaine.

Ulrien ne lui laissa pas l’occasion de se remettre. Il leva son épée longue et lui porta un coup oblique lorsque le squelette se retourna. La lame du colosse n’était pas bien aiguisée, mais la puissance du coup faillit tout de même transpercer l’armure.

Le squelette s’écroula de nouveau au sol, colonne vertébrale brisée, lorsqu’Ulrien posa sa botte sur l’armure brisée et libéra son épée. Il leva l’épée pour terrasser entièrement la misérable créature.

Toren !

Une voix arracha Halrac à la scène. Quelqu’un se précipitait vers Ulrien. C’était la fille. Lorsqu’il se tourna, la fille passa sous sa garde et lui assena un crochet du droit qui le fit chanceler. Ulrien étant protégé par de nombreux enchantements, il était plus choqué que blessé. Il leva une main, et le squelette profita de ce moment pour lui transpercer les jambes.

Halrac ouvrit la bouche, surpris, mais ses mains bougèrent plus vite que son cerveau incrédule. Il était en train d’ajuster un tir non létal pour assommer la fille lorsqu’il vit quelque chose voler dans sa direction.

L’[Éclaireur] esquiva d’un cheveu le fin faisceau de magie. Il vit que la demie-Elfe était en train de le viser lui, et réalisa soudain que l’arc de feu de l’autre mage venait de s’étendre dans leur direction, à Revi, Typhenous et lui.

Halrac cligna des yeux en voyant les deux mages et l’aubergiste se mettre à les combattre, eux. Bouche-bée, il sentit une pierre craquer sur son épaule puis la fille se mit à rouer Ulrien de coups.

“Dieux morts ! Qu’est-ce qu’ils fabriquent ?”

Halrac dut se réfugier derrière les boucliers magiques que Typhenous et Revi était en train d’ériger. Son épaule était en feu, malgré l’armure de cuir qui l’avait protégé du tir de la fille. Il jeta un regard à Revi au moment où tout le monde, Gnolls, demie-Elfe, et Humains, décidaient soudain qu’ils voulaient s’allier contre eux.

“Il y en a d’autres qui arrivent de la ville. Tue ce squelette - je vais les retenir.”

“Attends. Typhenous. Ne fais pas…”

Halrac n’eut pas le temps de prévenir le mage. Revi et Typhenous se tournèrent et se mirent à jeter des sorts sur un autre ennemi. Halrac jura et vit qu’Ulrien était à présent en train d’essayer à la fois de repousser la fille hystérique et de combattre le Gnoll au bouclier et à l’épée. Ça allait de mal en pis.

Et le squelette bougeait toujours. Pour une raison inconnue, même les dégâts que lui avait infligés Ulrien étaient en train de se résorber, mais lentement. Est-ce que ses réserves de mana commençaient à s’épuiser ? Halrac n’en savait rien, mais il tira tout de même une flèche spéciale de son carquois, dans le doute. Celle-ci brûlerait même les os de la maudite créature.

Halrac encocha la flèche, visa, puis tout s’enflamma.



***


Zevara détestait les Humains. Non pas juste parce qu’ils ressemblaient à des cochons roses et rasés, et qu’ils puaient, mais parce qu’ils créaient toujours des problèmes.

Certes, les Drakéides et les Gnolls causaient toujours des problèmes aussi, et Zevara était certaine qu’elle était en train de mettre les pieds dans un problème de Gnolls en ce moment même, mais elle était également certaine que c’étaient les Humains qui avaient envenimé les choses.

Une humaine en particulier. Et comme Zevara avait déjà vu exactement ce qu’il se passait lorsqu’Erin Solstice était dans les parages, elle avait apporté des renforts.

“Relc, je veux que tu ailles là-dedans et que tu brises quelques crânes. N’utilise pas ta lance sauf si tu n’as pas le choix.”

Le Drakéide musculeux sourit à Zevara.

“Pas de problème, Capitaine !”

“Klbkch. J’aurai peut-être besoin de Soldats si les Gnolls commencent à se révolter.”

“Nous garderons un œil sur la situation.”

Klbkch et Relc n’étaient pas le seul duo de Gardes Vétérans de la ville, mais à eux deux, ils représentaient la plus grande force de frappe de la Garde. L’Antinium hocha la tête à l’attention de Zevara lorsqu’elle les mena, ainsi qu’un groupe de Gardes, au sommet de la colline où se trouvait l’auberge.

“J’ai entendu dire qu’un autre groupe d’aventuriers Or ont rejoint la bataille. Comment devons-nous nous y prendre ?”

“Laissez Relc s’occuper d’eux. J’essaierai de les convaincre de baisser les armes.”

“Qu’est-ce qu’ils font là, d’abord ? Est-ce qu’Erin les a embêtés eux aussi ?”

Zevara gronda et accéléra le pas. Elle ne voulait pas de ces aventuriers dans sa ville, mais elle n’avait aucune envie de se battre contre une compagnie Or.

“Qu’importe la raison pour laquelle ils se battent ? Ce sont des aventuriers. Ils se précipitent dans les bagarres comme des mouches acides ! À présent…”

Son [Instinct de Survie] qui avait sonné dans un coin de sa tête toute la soirée augmenta brutalement de volume et Zevara plongea tandis que quelque chose de collant passait juste à côté d’elle. LA substance s’écrasa sur deux Drakéides qui glapirent lorsque la balle de toile se déplia et les cloua sur place.

“Dispersez-vous ! Relc !”

Il était déjà parti. Zevara le vit sprinter vers l’énorme aventurier armé d’une épée longue et d’un Gnoll - l’un de ceux qui venaient d’arriver en ville - équipé d’un bouclier et d’une épée.

Zevara était plus inquiète au sujet des mages, toutefois. Elle avait reconnu Ceria et Pisces - ils échangeaient des sorts avec mages et un archer tandis que des Gnolls fonçaient sur eux. Devant ses yeux, l’un d’eux souleva Pisces qui se mit à hurler puis jeta le mage dans la pente tout en écrasant Ceria sous une patte.

Les aventuriers Or se débrouillaient mieux. Trois guerriers chatoyants les défendaient, et Zevara les reconnut comme étant des êtres invoqués par un [Invocateur]. Ils écrasaient les Gnolls avec une efficacité dépourvue de toute pitié. L’un des mages lançait des éclairs de magie qui faisaient s’envoler les gens, et l’autre recouvrait groupe après groupe de toiles collantes.

C’était ce groupe que Zevara devait arrêter. Elle s’avança vers eux d’un pas décidé et leur cria :

“Nous sommes la Garde ! Lâchez vos armes et cessez immédiatement le combat !”

Aucun combattant en train de se battre autour de l’auberge ne l’entendit. Zevara n’avait pas la compétence [Voix de Stentor], et c’était à ces moments-là qu’elle le regrettait.

Mais sa voix attira tout de même l’attention des aventuriers Or et de l’un des spectres fantomatiques à leurs côtés. Le guerrier basané se tourna et les chargea. Zevara saisit la garde de son épée, mais une forme brune apparut devant elle et vint à la rencontre du fantôme dans un jaillissement d’étincelles.

“Klbkch !”

L’Antinium esquiva le coup que le guerrier spectral tenta de lui assener de son énorme hache en le forçant à reculer. Zevara plongea lorsqu’elle vit l’un des aventuriers lever sa baguette et engloutir trois de ses Gardes et autant de Gnolls sous une toile collante.

Zevara pointa son épée en direction de mage qui venait de jeter le sort. Elle se mit à avancer vers lui en criant.

Assez ! Cessez immédiatement ! Lâchez votre baguette et…”

Elle ne put rien ajouter de plus. Le missile magique fonça droit sur elle et Zevara le bloqua avec son épée. La force de l’impact fit voler la lame hors de sa main et la Capitaine de la Garde recula en titubant. Elle leva les yeux et vit une autre mage, une femme avec des coutures autour du cou et de ses bras, en train de lui pointer une baguette dessus.

C’en était assez. Zevara siffla. Elle prit une grande inspiration et cracha du feu sur les aventuriers. L’un d’entre eux poussa un cri paniqué, mais le vieil homme à la baguette la leva et cria.

“[Barrière d’Air] !”

Les flammes s’écartèrent puis disparurent en se heurtant à un mur de bourrasques de vent. Zevara regarda ses flammes se dissiper, et jura intérieurement. Elle prit une grande inspiration, et souffla un jet de flammes plus puissant.

Là encore, les flammes se dissipèrent, mais le mage fut forcé de lever ses deux mains pour maintenir le sort. Zevara hoqueta, à bout de souffle. Le monde s’assombrit et tout devint gris comme à chaque fois qu’elle faisait usage de son droit de naissance, et elle essaya d’inhaler. Mais elle ne pouvait pas se permettre d’arrêter de cracher du feu. Elle prit une autre inspiration, et les mages se mirent à lui lancer des sorts. Ses gardes répondirent au feu avec des sorts et des flèches, et la seule pensée consciente de Zevara lui susurra qu’il était heureux qu’Olesm ne soit pas avec elle. Ainsi, il ne la verrait pas massacrer cette maudite humaine.


***

Loin sous la surface, Olesm marqua une pause tandis que Pion et Bird levaient tous les deux les yeux au plafond. Il hésita, un fou entre ses griffes.

“Quelque chose ne va pas ?”

Les deux Antiniums le dévisagèrent en silence, puis secouèrent la tête.

“Non.”

“Rien.”

“Oh. D’accord alors.”

Olesm avança une pièce et fronça les sourcils tandis que Bird et Pion étudiait le plateau. Il lança un regard en coin aux autres Ouvriers et à Ksmvr qui regardait la partie en silence.

“... Est-ce que quelqu’un ici aurait quelque chose à boire ?”



Dernière édition par EllieVia le Mer 25 Nov 2020 - 22:08, édité 2 fois
 
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2.26 - Deuxième Partie
Traduit par EllieVia

***

Ulrien, Capitaine de la Chasse aux Griffons et aventurier Or, avait un problème. Il se battait contre deux ennemis à la fois, ce qui ne serait pas un problème d’ordinaire, mais il ne pouvait en tuer aucun. L’un des deux était un Gnoll avec une épée et un bouclier qui lui donnait du fil à retordre. Il était plus doué qu’un aventurier Argent, mais son équipement n’était pas magique, et Ulrien pouvait donc bloquer ses coups avec son épée longue enchanté et le repousser grâce à sa force supérieure.

Mais la deuxième était une humaine qu’Ulrien avait cru être en train de sauver, et elle était pénible. Elle ne cessait de lui donner des coups de pied dans son dos dépourvu de protection, et des coups de poing dans les flancs, sans cesser de crier. Cela ne lui faisait pas très mal - malgré son manque d’armure, Ulrien avait plusieurs anneaux enchantés qui absorbaient la force des impacts, mais cela le décontenançait.

“Nous ne sommes pas tes enn…”

Ulrien grogna lorsque la fille s’écrasa de tout son poids sur son flanc, et le Gnoll se précipita en avant pour lui rentrer dedans avec son bouclier. Le colosse gronda et se déchaîna, assommant le Gnoll. Il tenta de frapper la fille…

Et quelqu’un lui attrapa le poing.

Le corps entier d’Ulrien fit une embardée lorsque toute l’énergie qu’il avait accumulée se heurta à ce qui lui avait saisi le poing. Il se tourna et vit un Drakéide souriant et aussi grand que lui.

“Hey. Jolie épée.”

Relc leva le poing et cogna Ulrien, propulsant l’aventurier en arrière devant les yeux ébahis d’Erin. Mais l’instant ne dura qu’une seconde ; elle entendit le grognement de Brunkr qui lui fonçait dessus. Erin plongea et se jeta de tout son poids dans les côtes du Gnoll, mais Brunkr la cueillit alors d’un poing qui la fit se réveiller au sol un instant plus tard.

“Tu es peut-être un type costaud, mais je…”

Le Drakéide esquiva juste à temps le coup qu’Ulrien lui renvoya. Relc bondit en arrière et sa lance plongea sur Ulrien, le manche en avant, forçant l’aventurier à reculer sous ses assauts répétés.

“Hey ! Lâche ton arme ou je vais devoir te blesser, d’accord ?”, hurla Relc, mais Ulrien n’avait aucune envie de se rendre. Il ne cessait de fouetter l’air de sa grande épée, fendant l’air à grands coups puissants et dévastateurs qui forcèrent Relc à reculer d’un bond. LE Drakéide éclata de rire en martelant la poitrine d’Ulrien de sa lance.

“Tu vas devoir être plus rapide que ça ! Tu… holà !”

Une flèche vola droit sur son visage. Relc l’attrapa en plein vol, mais cela créa une ouverture pour Ulrien qui bondit en avant, épée au clair, et Relc leva sa lance pour le bloquer.

L’épais manche de bois se fendit puis se brisa net lorsque la lame le traversa. Relc jura et bondit en arrière tandis qu’Ulrien continuait ses assauts, visant les côtes du Drakéides du plat de sa lame.

Le Drakéide regarda fixement la lance brisée qui gisait entre ses serres. Ses yeux s’étrécirent. Relc leva le manche cassé de sa lance et en frappa plusieurs fois Ulrien, forçant le colosse à se mettre sur la défensive.

Ils étaient mal assortis. Ulrien grinça des dents et il accéléra la cadence de ses coups, mais il ne pouvait pas toucher le Drakéide, malgré sa taille imposante. Et il craignait de réellement toucher le Drakéide de peur de le tuer…

Relc n’avait pas ce genre de scrupules. Lorsque Ulrien bloqua l’un de ses coups, Relc recula et tourna vivement sur lui-même. Entraînée par l’accélération de son corps, la queue de Relc gifla Ulrien au visage juste avant qu’il ne le projette en arrière d’un coup de pied fouetté.

Le Drakéide éclata de rire et donna un coup de pied qui arracha l’épée longue des mains d’Ulrien. Il leva sa lance brisée dans les airs en pavoisant.

“Hah ! Qui est le proch…”

Relc esquiva vivement une autre flèche bluntée qui arrivait dans sa direction. Halrac baissa son arc et tira une autre flèche. Sa pointe ressemblait à de la glace, et elle luisait d’une lumière bleue.

“Oh ?”

***

Halrac visa droit sur le torse du Drakéide. Il était certain que ce dernier survivrait à son tir ; la preuve en était son combat contre Ulrien. Ce maudit Drakéide pouvait esquiver ses flèches, mais celle-ci était magique ; elle exploserait dès qu’elle serait à portée du Drakéide, qu’il l’esquive ou non.

Le Drakéide était en train de le regarder, écartant les bras en criant quelque chose. Halrac ignora ses provocations et tendit sa corde le plus possible. C’était le moment d’activer une compétence. Il l’énonça lorsque ses doigts lâchèrent la flèche.

“[Tir Préc...]

Quelque chose entra en collision avec son arc et lui fit perdre sa cible des yeux. Halrac jura, se tourna, flèche toujours encochée, et se figea.

“Bien. Ça suffit, Halrac. Sauf si tu souhaites vraiment nous créer des ennuis avec la ville ?”

Une femme pâle était debout juste à côté d’Halrac et le dévisageait d’un air dur. Il leva les yeux, et la reconnut instantanément. D’après la pâleur mortelle de sa peau, la cotte de maille noire qu’elle portait et ses yeux parfaitement noirs, elle ne pouvait être qu’une personne, du moins sur ce continent.

“Jelaqua Ivirith.”

L’aventurière affichait un air nonchalant et tenait son fléau d’armes à trois têtes d’une main. Elle ne l’avait pas levé, mais Halrac s’immobilisa.

“Halrac. Ravie de te revoir.”

“Qu’est-ce que tu fais, par tous les enfers ?”

“Je t’arrête. Je devrais plutôt te demander ce que tu crois faire, combattre la Garde et des civils comme ça.”

Halrac regarda furtivement le grand Drakéide.

“C’est un garde ?”

“Le meilleur de Liscor. Il est relativement célèbre au sud du continent.”

Le Drakéide dévisageait Jelaqua, et il avait cessé de sourire. Elle lui fit un clin d’œil, et il fit la moue.

“On va se calmer, hm ?”

Halrac n’était pas certain de vouloir lui obéir, mais il était à portée de son fléau. Il regarda par-dessus son épaule et vit que les deux compagnons de Jelaqua avaient également rejoint la bataille.

Un homme gigantesque, de deux mètre cinquante voire trois mètres, était devant Typhenous. Le vieux mage hésita en voyant le sourire du géant. Ce dernier arrivant était un aventurier vêtu de vêtements rapiécés, mais il tenait entre ses mains un énorme bâton surmonté d’une orbe qui scintillait. Il hocha poliment la tête pour saluer Typhenous.

Les lèvres du vieux mage s’incurvèrent. Il leva les yeux sur le petit géant, sa propre baguette s’illuminant de magie.

“Moore.”

“Baisse ta baguette, Typhenous. Je ne veux pas d’ennuis.”

“Tu ne peux pas m’en empêcher. Tu ne m’arrives pas à la cheville en termes de magie.”

Moore poussa un immense soupir, et se frotta le menton de ses doigts semblables à des saucisses bien dodues.

“Je n’aimerais pas me disputer avec toi à ce sujet, mais je t’en empêcherai si le besoin s’en fait sentir.”

Les deux mages se dévisagèrent, puis Typhenous leva sa baguette et la pointa sur l’aventurier.

“[Entraves d’Eltraz…]”

Le géant ne leva pas son bâton. Il se contenta d’avancer et de donner un coup de pied à Typhenous avant que le mage n’ait pu terminer de lancer son sort. Le vieil homme, le souffle coupé, s’effondra par terre.

Moore soupira et se pencha sur le mage. Il planta un doigt sur le dos de l’homme qui tentait de se relever.

“Tout va bien de mon côté, Jelaqua.”

Jelaqua hocha la tête et Halrac serra les dents. Revi s’était interrompue, et il la voyait hésiter. Deux de ses tissages guerriers étaient tombés pendant son combat contre la Drakéide en colère qui crachait du feu, et des volutes de magie s’échappaient de leurs blessures, mais elle avait plongé une main dans sa bourse. Halrac secoua légèrement sa tête dans sa direction. Ce n’était pas le moment de gaspiller sa magie ou ses tissages.

“Voilà un homme sage. Espérons à présent que ton chef sera aussi sensé que toi.”

Halrac vit Jelaqua pointer quelque chose du doigt, et le dernier membre de son groupe apparut. Un grand homme au visage émacié, la moitié de son corps recouverte par ce qui semblait être une… une carapace, était arrivé à côté d’Ulrien et tenait une dague dans la main. Son autre main, ou plutôt, son bras était recouvert d’un champignon sombre à chaque segment et se terminait par une pince de crustacé au lieu d’une main.

Ulrien.

“Seborn.”

J’espère que tu ne vas pas continuer à te battre. Cela me semble inutile, au regard des circonstances.

Ulrien jeta un regard à Relc et haussa légèrement les épaules.

“Ça dépend. Mais nous ne nous battrons pas contre vous sauf si nous avons une bonne raison”.

Ça se tient. Je doute que notre Capitaine n’ait envie que le conflit ne poursuive plus que nécessaire.

Les deux… hommes… hochèrent la tête. Ulrien regarda autour de lui et leva légèrement son épée longue tandis que Relc fusillait les deux aventuriers du regard.

“Vous voulez vous battre ? Hein ?”

La personne connue sous le nom de Seborn se décala légèrement. Il inclina sa dague en arrière et se tourna légèrement en direction de Relc plutôt que d’Ulrien. Les deux aventuriers dévisagèrent le Drakéide, et Relc leur rendit un regard noir. Ils restèrent dans cette impasse jusqu’à ce qu’Erin s’écrase au centre du trio en martelant Brunkr de coups de poings. Le Gnoll lui rendait ses coups.

***

“Tu vas regretter ça !”, rugit Brunkr alors qu’Erin esquivait un autre coup de poing. Il n’était pas rapide, mais il était fort et endurant ! Elle le cognait de toutes ses forces, mais il ne cessait jamais de l’attaquer !

“Je ne te laisserai pas lui faire de mal ! Arrête ! Va-t’en !”

Elle fondit sur lui et lui donna un bon coup de pied dans les jambes, mais il se contenta de grogner et de lui foncer dessus. Elle courut à reculons, esquivant ses coups.

Erin était vaguement consciente qu’il se passait quelque chose. Elle ne voyait plus de Gnolls devant la porte de son auberge, et elle pensait que d’autres personnes étaient arrivées, mais toute son attention était focalisée sur Brunkr. Son visage était déformé par la rage.

“Tu te bats à la manière des faibles, non ? Qui t’a appris à te battre ?”

“Un Minotaure ! Et c’était le meilleur combattant du monde !”, hurla Erin en assénant un solide coup de poing dans la mâchoire de Brunkr. Il lui retourna un revers tellement puissant qu’Erin crut qu’il lui avait déchaussé quelques dents. Elle vacilla.

“Tu es faible. Ce Minotaure était un mauvais professeur.”

“C’est faux !”

La tête lui tournait, mais elle ne pouvait pas se permettre de s’écrouler. Elle serra les dents et se précipita sur Brunkr en ignorant le coup qui avait fait disparaître le monde autour d’elle pendant un bref instant.

“Il m’a tout appris ! À moi ! À attaquer ! Il m’a appris à attaquer !”

Elle était juste devant Brunkr. Erin planta fermement ses pieds au sol et se mit à lui marteler le torse en hurlant. Elle était hors de tout. Elle ne savait même plus ce qu’elle disait ; son esprit et son corps étaient tous les deux occupés à cogner.

“Minotaure ! Attaque ! Minotaure… [Attaque du Minotaure] !”

Quelque chose s’enclencha dans la tête d’Erin. Elle sentit quelque chose changer en elle, puis sentit son poing entrer en collision avec l’estomac de Brunkr. Mais au lieu de rebondir mollement sur son corps recouvert de fourrure, son poing cogna le Gnoll et le propulsa en arrière.

Brunkr toussa, et Erin regarda fixement son poing. Il serra ses bras sur son ventre, mais il se redressa et rugit, le poing levé. Erin leva le sien plus vite que lui.

“[Attaque du Minotaure] !”

Contrairement à son [Coup Foudroyant], cette compétence fonctionna deux fois d’affilée. Erin cogna[i] Brunkr tellement fort qu’elle sentit l’impact se propager dans son bras, et il se plia en deux et [i]vomit de la nourriture tachée de sang. Erin recula en titubant. Son bras tremblait, mais elle ne céda pas de terrain.

Il se passait quelque chose autour d’elle. Erin vit Relc - attendez, Relc ? - virevolter devant elle en combattant deux aventuriers à la fois. L’un d’entre eux avait un… champignon qui lui recouvrait le visage et une pince de crabe sur une main ?

Que se passait-il donc ? Erin regarda autour d’elle, médusée, et vit l’archer qui avait attaqué Toren fuir en roulant par terre une femme armée d’un fléau d’armes. Et Toren était debout et se battait avec les Gnolls qui restaient à la porte de l’auberge, Lyon hurlait, Ceria avait été coincée par Zevara et…

Qu’est-ce qui était en train de se passer ? Erin vacilla. Le monde tournait toujours autour d’elle, mais son sang bouillait encore. Ses amis se battaient contre des inconnus, et les Gnolls essayaient toujours de pénétrer dans l’auberge. Erin avait la nausée. Elle voulait vomir, mais elle voulait encore plus que tout le monde arrête de se battre.

Ce besoin grandit dans la poitrine d’Erin, jusqu’à ce qu’elle ait l’impression qu’il s’agissait d’un animal cherchant à s’échapper. Et Erin avait presque l’impression de sentir ce désir flotter dans les airs. Cela ressemblait à de la chaleur, et la sensation entourait son auberge. Elle ouvrit la bouche, et hurla.

“[size=36pt]Arrêtez tous ![/size]”




***


L’explosion de bruit fit sursauter Halrac et il faillit se prendre un coup du fléau d’armes vicieux de Jelaqua dans l’épaule lorsqu’il roula au sol pour lui échapper. Il leva son arc, mais sentit alors ses bras s’alourdir.

L’atmosphère changea lorsque l’aubergiste hurla. Le corps d’Halrac devint soudain incroyablement lourd - il pouvait toujours bouger, mais il avait l’impression que quelque chose d’énorme lui appuyait dessus.

Jelaqua s’arrêta, le fléau levé, et se tourna vers l’auberge. Les deux aventuriers virent que toute la colline s’était figée, saisie par la même force oppressante que celle qui les avait frappés.

“Une Compétence, sans doute. On dirait un effet d’aura.”

“Je peux encore bouger.”

L’aventurière aux yeux sombres jeta un regard noir à Halrac, agacée.

“Ce n’est pas ton combat, Halrac. Ton équipe va nous causer des ennuis à tous, c’est tout.”

Halrac hésita.

“Mais les Gnolls…”

“Vois par toi-même. La situation est devenue hors de contrôle. Arrête de te battre et discutons.”

Jelaqua le fusilla du regard en baissant son fléau d’armes. Halrac avait les doigts posés sur une flèche dans son carquois, mais il hésita. Il pouvait voir qu’elle l’observait. Lentement, il baissa son arc.

“Revi… Typhenous…”

Halrac se retourna et scruta les alentours. Typhenous était toujours à terre, et Revi restait parfaitement immobile. Il vit qu’elle se tenait les deux bras levés, sans bouger d’un pouce. C’était probablement afin d’éviter que les deux lames d’épée que le guerrier Antinium avait posé sur sa gorge ne la transperce.

“Je suggère que personne ne bouge. Cette bataille est à présent terminée.”

La voix de Klbkch était forte et portait loin, et contrairement à celle d’Erin, elle généra un silence qui lui était propre. De l’autre côté de la colline, les Gnolls cessèrent le combat et les gardes baissèrent leurs armes. Les tissages magiques de Revi restèrent figés sur place, et Relc, Ulrien et Seborn s’immobilisèrent au même moment.

Zevara se releva, et Klbkch baissa l’une de ses épées, en laissant l’autre au niveau de la gorge de Revi. Halrac pouvait distinguer les gouttelettes de sueur qui roulaient sur son visage.

L’Antinium regarda calmement autour de lui et inclina la tête en direction de la fille.

“Miss Solstice. Bien le bonjour. Je regrette la situation. Je vais faire de mon mieux pour la résoudre avec l’aide de mes collègues de la Garde.”

Tout le monde le dévisagea. Klbkch baissa lentement son autre épée, et Revi porta la main à sa gorge intacte. Elle leva un doigt tremblant et pointa lentement l’Antinium du doigt.

“Tu… tu fais partie de la Garde ?”

Klbkch acquiesça. Il la dévisagea de son visage insectile et dénué d’expression, et Halrac frissonna de peur et de dégoût.

“En effet. Je m’appelle Klbkch et je suis un Garde Vétéran de la Garde de la Ville de Liscor.”

Il se tourna vers le reste des combattants.

“Et il est de mon devoir de vous informer que vous êtes tous en état d’arrestation.”



***

Erin n’avait jamais été arrêtée lorsqu’elle était encore dans son monde. Elle était… avait été une personne normale qui ne faisait rien d’insensé, comme de déclencher des rixes massives. Elle n’avait dans tous les cas jamais pris de drogue, et, si elle avait goûté à l’alcool, c’était avec des clubs d’échecs, tard dans la nuit, là où la police ne venait que rarement à moins que quelqu’un ne se mette à renverser les échiquiers.

Mais elle était à présent en état d’arrestation, sauf que… non ?

“Je pense que l’incident n’était pas entièrement de ta faute, mais étant donné les dégâts subis par ton auberge et la violence qui s’y est déroulée, il apparaît selon moi que ton auberge devrait rester temporairement sous bonne garde.”

Ce fut l’explication que lui donna Klbkch, et qui signifiait simplement qu’une bande de Drakéides armés d’épées et d’archers à l’allure effrayante restaient postés autour de son auberge en prenant l’air menaçant tandis que Zevara criait sur des gens. La Drakéide s’était déjà défoulée sur Erin, bien que cette dernière ait expliqué ce qu’il s’était passé.

“Je me fous de savoir pourquoi tu as décidé de déclencher une bagarre avec la moitié des Gnolls de la ville ! Mais grâce à toi et à cette maudite voleuse, on se retrouve avec plus d’une trentaine de civils et de gardes blessés sur les bras !”

“Ce n’était pas ma faute ! Ils allaient la tuer !”

“Nous en avons tous les droits ! Elle a porté un grand préjudice à notre clan !”, lui hurla Brunkr hors de lui. Erin, de l’autre côté de Zevara serra les poings. Deux Gnolls le soutenaient, tous deux aussi amochés et couverts de sang que lui. Relc leva un poing menaçait, mais le Gnoll ne parut pas le moins du monde intimidé. Il grogna sur Erin et les gardes, et plusieurs levèrent leurs armes.

“Nous demandons justice !”

“Justice a été rendue ! Vous autres Gnolls êtes en train de violer la loi ! Et vous !”

Zevara fit volte-face et tendit le doigt en direction des aventuriers assis ensemble d’un air renfrogné.

Pourquoi avez-vous décidé de vous mêler au combat ?”

L’un des aventuriers, un homme vêtu de cuir noir et armé d’un arc, leva la tête et fusilla la Drakéide du regard. Il pointa Erin du doigt.

“Nous avons cru que les Gnolls étaient en train d’attaquer la fille. Et nous venions juste de voir un squelette se réanimer juste après que nous l’ayons détruit une fois. Nous avions peur qu’il s’agisse d’une espèce de Revenant et nous étions en train de le traquer.”

Zevara se tourna et regarda Toren d’un air appuyé. Le squelette portait toujours son armure, même si cette dernière avait été horriblement amochée par l’épée longue qui l’avait sectionnée en son milieu. Il dévisagea Zevara et elle se détourna avec un air de dégoût.

“Que les ancêtres me gardent des humains et de leur stupidité… et vous ? Quelle est votre excuse ?

Elle pointa du doigt les trois aventuriers qui avaient aidé à mettre fin à la bagarre. Erin regarda fixement la femme pâle aux yeux complètement noirs puis l’homme mi-crabe, mi-champignon et enfin le géant et son bâton. L’aventurière inclina la tête à l’attention de Zevara.

“Capitaine de la Garde. Nous avons entendu parler du conflit et nous sommes restés à l’écart jusqu’à voir la Chasse aux Griffons se joindre à la mêlée. Nous avons décidé d’aider à faire cesser le combat.”

Zevara adressa un regard glacial à Jelaqua, mais elle n’avait apparemment pas grand-chose à répondre à cela. Et ce fut en effet Brunkr qui se pencha en avant, forçant les deux Gnolls qui le retenaient à bander leurs muscles pour l’empêcher de s’échapper.

“Nous exigeons vengeance ! Nous aurons le cœur de la voleuse, Garde ou pas Garde ! Vous ne pouvez pas nous en empêcher !”

La Capitaine de la Garde se tourna vers Brunkr, et la furie avait envahi son regard.

“Si tu essaies de nouveau d’attaquer quelqu’un, je vous mets tous derrière les barreaux, toi et les Gnolls qui décideraient de te suivre !”

Le Gnoll gronda sur Zevara.

“Essaie pour voir. S’il m’arrive quoi que ce soit, la tribu des Crocs d’Argent entrera en guerre contre cette ville ! Nous ne nous arrêterons jamais !”

“Oh vraiment ? Alors c’est quelque chose que je veux entendre. C’est la première fois que j’entends cette nouvelle. Comment allons-nous défier la loi de Liscor, hmm ?”

Brunkr s’arrêta. Erin vit son expression de colère disparaître, et ses oreilles s’aplatirent soudain. Il se retourna avec appréhension.

Krshia était debout derrière Brunkr, les bras croisés, le visage de marbre. Selys passa la tête par-dessus l’épaule de la Gnolle et Erin aperçut une femme en armure derrière elle.

Yvlon inclina la tête en direction d’Erin et sourit. Elle était vêtue de l’armure d’argent qu’Erin avait repérée dans sa chambre. Elle avait aussi l’air en bien meilleure forme - son visage était presque guéri, et elle avait l’air parfaitement solide sur ses jambes.

Brunkr sembla rétrécir lorsque Krshia s’avança vers lui jusqu’à ce que leurs visages ne soient plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Il était plus grand que sa Tante, mais il se recroquevilla devant son regard. Il leva les mains dans l’espoir de l’apaiser.

“Ma tante…”

Elle l’attrapa par l’oreille, et Brunkr glapit comme un chien lorsque Krshia la tordit.

“Brunkr. Mes yeux, mes oreilles et mon nez doivent être en train de me tromper, non ? Sinon, comment se fait-il que je voie autant de Gnolls ici, alors qu’ils devraient être en ville ? Cela ne devrait pas être ainsi, non ? Ou ma parole ne te suffit plus, à présent ? Veux-tu déjà devenir Cheftain, hm ? Est-ce donc à cela que tu penses ?”

Il gémit et se mit à protester, mais Krshia se pencha et lui murmura quelque chose à l’oreille. Erin n’entendit pas ses mots, mais Brunkr écarquilla les yeux et se tut. Krshia l’entraîna à sa suite et soudain…

Tout était terminé.


***

“Je n’arrive pas à y croire. Cette… chose t’appartient ? Et tu la laisse se balader sans surveillance ?”

Erin voulait s’écarter de la mage furibonde répondant au nom de Revi. Elle regrettait déjà d’avoir proposé d’offrir un repas à tous ceux qui s’étaient battus. Les Gnolls étaient tous repartis en ville avec Krshia, mais sa salle commune était pleine de gardes et, malheureusement, d’aventuriers très en colère.

“Toren ? Eh bien, c’est Pisces qui l’a construit, et il est utile. J’imagine qu’il se balade de temps en temps, mais il ne fait de mal à personne, si ? Je veux dire, vous disiez qu’il était juste en train de se battre contre un… Golem de Neige ? Ce n’est pas très grave, si ?”

Un autre aventurier se pencha en avant. C’était… Halrac ? L’[Éclaireur]. Il avait l’air énervé et agacé, mais Erin n’avait pas vu son expression changer depuis tout le temps qu’il était à l’auberge.

“Franchement, Miss Solstice, n’importe quel mort-vivant représente une menace potentielle, et celui-ci a tué un tissage que nous avons envoyé à ses trousses. Votre serviteur est beaucoup plus intelligent qu’un mort-vivant ordinaire, ce qui devrait être impossible s’il n’est pas un Revenant.”

“Eh bien… c’est une bonne chose, non ?”

Erin vit le reste des aventuriers de la Chasse aux Griffons échanger un regard. Ulrien, le colosse qui ressemblait à une espèce d’haltérophile s’éclaircit la gorge et secoua la tête.

“Vous avez dit que l’un de vos clients l’avait animé ? Lequel ?”

“Pisces. Oh… il est à l’étage. Il dort. Je pourrais vous le présenter plus tard, si vous voulez.”

Erin pointa l’étage du doigt. Pisces dormait, et pour une fois elle ne lui avait pas disputé son droit à dormir dans un lit. Son visage avait horriblement gonflé après la bataille, et Brunkr et le reste des Gnolls l’avaient tabassé à répétition. Erin savait qu’elle avait une dette envers lui, même si elle n’aimait pas penser au nombre de repas gratuits que cela impliquerait.

“Je ne pense pas que ça aiderait.”

Ulrien secoua la tête, l’air troublé. Le dernier aventurier, un vieil homme du nom de Typhenous, baissa sa chope suffisamment longtemps pour jeter un long regard appuyé à Erin.

“Nous ne voulons pas vous accuser, Miss Solstice. Mais les morts-vivants sont dangereux, et celui-ci a plusieurs capacités étonnantes que nous n’avons jamais vu chez un squelette. Je resterais prudent, à votre place.”

Erin lança un regard en coin à Toren. Il circulait dans la pièce en remplissant les chopes que lui tendaient les gardes méfiants avec son efficacité habituelle. Elle ne voyait pas le problème. Elle aurait plutôt eu tendance à s’inquiéter pour Lyon.

La fille était d’une docilité inhabituelle depuis la fin du combat, et c’en était inquiétant. Elle obéissait même aux ordres, même si ce n’était pas très efficace. Erin grimaça en voyant la fille manquer trébucher et éclabousser de la soupe sur le dos d’un garde.

“Je le tiendrai à l’œil. Mais, hum, merci pour votre aide, je suppose. J’aurais eu des ennuis si vous n’aviez pas aidé à disperser les Gnolls.”

Halrac agita une main et grogna, imité par le reste des aventuriers qui assortirent leurs bruits et leurs têtes aux siennes. Revi fusilla Relc de l’autre côté de la pièce. Le Drakéide riait bruyamment à sa propre table où il était assis avec Klbkch, en descendant joyeusement sa chope du précieux alcool qu’Erin venait d’acheter en ville.

“Faites attention, voilà tout, et serrez plus la bride de cette créature.”

Erin acquiesça, et s’éloigna de la table en reculant. Elle était tellement occupée à s’éloigner qu’elle rentra dans quelque chose d’énorme et de solide derrière elle. Elle se retourna, et sursauta.

“Mille excuses, Miss Erin.”

Erin leva les yeux, puis les leva encore plus pour croiser le regard d’un immense visage qui la dévisageait d’un air penaud. Elle avait déjà vu le géant auparavant, bien sûr, mais elle avait été légèrement prise par les événements. Erin pouvait toutefois réaliser pleinement ce qu’elle était en train de contempler, à présent.

“... Hodor ?”

Le visage de Moore se froissa de confusion, mais il sourit et lui tendit tout de même une main massive.

“Je m’appelle Moore, m’dame. Je suis vraiment reconnaissant que vous m’ayez offert un repas aussi délicieux, mais je dois insister pour payer.”

“Quoi ? Oh non, il n’en est pas question. Tu es vraiment le bienvenu pour manger ici, surtout avec toute l’aide que tu m’as apportée ! Tu tout ce que tu veux ! De grosses quantités !”

Erin bafouilla en serrant doucement sa main - ou plutôt, quelques-uns de ses doigts. Moore sourit, et pointa le doigt sur la porte. Erin comprit qu’il essayait de sortir et s’écarta précipitamment de son chemin.

“Merci. Je pense que j’ai un peu trop bu. Je suppose qu’il y a peu d’espoir que vous ayez une latrine assez grande pour un géant en plus de votre gracieuse hospitalité ?”

“Quoi ? Oh, non. Oh, je n’en ai pas. Je suis tellement désolée !”

Moore secoua la tête et sourit à Erin.

“Je vous en prie, non. J’ai vraiment l’habitude de sortir du lot. Je me trouverai simplement un coin pour me, ah, soulager. Pas d’inquiétude.”

Il sortit de l’auberge en se penchant pour éviter de se cogner contre le chambranle de la porte. Erin entendit un rire, et se tourna pour voir les deux autres aventuriers assis à leur table.

“Je pense que tu as mis Moore dans l’embarras. Il n’a pas l’habitude que quelqu’un se préoccupe autant de lui.”

Erin s’approcha et vit que Ceria était assise avec Jelaqua et l’homme étrange répondant au nom de Seborn. Ses yeux furent irrémédiablement attirés par sa pince et la peau étrangement gonflée - ou était-ce de la moisissure - qui lui recouvrait la moitié du corps. Elle arracha son regard à cette vision lorsqu’il la regarda et sourit aux deux autres.

“Oh, je suis désolée. C’est juste qu’il est... je veux dire, je n’avais jamais vu qui que ce soit qui lui ressemble. C’est un, euh, un géant ?”

“Un quart de géant, ou plutôt un huitième de géant, plutôt. Il n’en est pas certain, mais ne t’inquiète pas pour ça. Il a l’habitude d’être dévisagé, et nous aussi.”

Jelaqua se leva et tendit une main à Erin. Erin la serra et constata que la peau de la femme était moite et froide au toucher. Elle cilla, mais Ceria se pencha en avant pour lui expliquer.

“Ah, Erin. Ces aventuriers sont tous à moitié humains, comme moi.”

“Vraiment ? Je veux dire… oh. C’est plutôt cool ? Je veux dire, pas vraiment cool, mais c’est sympa ? Enfin non pas qu’être Humain ne soit particulièrement cool ou sympa ou que ne pas être humain soit mal, mais… hum. Désolée. Merci pour votre aide, et, euh, ravie de faire votre connaissance ?”

Erin rougit en balbutiant. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle devait dire, mais apparemment, elle avait dit ce qu’il fallait. Jelaqua cligna des yeux, puis éclata de rire. Même Seborn sourit, ou plutôt, la moitié de son visage sourit.

“Nous sommes ravis de faire la connaissance de quelqu’un avec une telle ouverture d’esprit, Miss Solstice. Nous t’aurions aidée dans tous les cas, mais j’avoue que nous avions une bonne raison de le faire.”

Jelaqua désigna Ceria d’un mouvement de la tête, et la demie-Elfe cligna des yeux, surprise. Seborn hocha la tête.

“C’est une chance que nous t’ayons trouvée ici. Nous avons une offre à te faire, Springwalker.”

Sa voix avait une résonnance curieuse, comme s’il parlait depuis l’intérieur d’une pièce. Ceria cilla, surprise, en dévisageant les deux aventuriers.

“Moi ? Je suis surprise que vous ayez entendu parler de moi.”

Jelaqua éclata de rire.

“Eh bien, on se tient au courant de ce que deviennent les gens comme toi. Mais où sont mes manières ?”

Elle tendit la main à Ceria, et la demie-Elfe la prit avec précautions. Apparemment, elle était au courant, elle, qu’il y avait quelque chose d’étrange avec la peau de Jelaqua, parce qu’elle ne réagit pas lorsqu’elles se serrèrent vivement la main.

“Ceria Springwalker, je m’appelle Jelaqua Ivirith. Je suis la leadeuse des Croisés, mais tu nous connais peut-être plutôt sous le nom des Demi-Monstres.”

Ses lèvres se tordirent dans un sourire sardonique et elle reprit la parole.

“Nous sommes une compagnie Or, mais nous avons perdu quelques membres récemment, et nous sommes venus ici pour explorer ce nouveau donjon, mais aussi pour chercher un nouveau membre. Et maintenant que nous t’avons vue te battre, nous pensons que tu t’entendrais bien avec nous.”

Ceria prit une vive inspiration, surprise, et se leva à moitié de son siège. Erin dévisagea les deux aventuriers, étonnée. Des Or ? C’était… des gens importants, non ? Ceria dévisagea tour à tour Jelaqua et Seborn, dans un silence stupéfait.

“Quoi ? Moi ? Mais je ne suis qu’une aventurière argent ! Et je viens de perdre toute ma compagnie. Il ne me reste presque aucun artefact magique, qu’est-ce que je pourrais… ?”

“S’il te plaît, Ceria, calme-toi.”

Jelaqua sourit à Ceria en posant une main sur l’épaule de la demie-Elfe.

“Nous sommes peut-être une équipe Or, mais cela ne signifie pas que nous ne devions employer uniquement des aventuriers de rang Or. De plus, c’est toujours bon de trouver quelqu’un de compétent même si on doit lui faire gagner des niveaux et quelques objets magiques pour l’aider à démarrer. Et plus important encore, tu es une demie-Elfe, comme nous. On a besoin de gens avec qui nous pouvons travailler, des gens qui n’ont pas peur des non-Humains.”

“C’est juste tellement soudain. Je ne sais pas… je suis honorée, bien sûr, mais…”

Ceria buta sur ses mots, et Jelaqua secoua la tête.

“Prends ton temps. Nous voulions juste t’en parler. Cela fait partie des raisons pour lesquelles nous sommes montés ici pour aider.”

Seborn hocha la tête.

“Les hybrides sont suffisamment rares pour que nous connaissions ton nom. C’est pour cela que lorsque nous avons entendu parler du donjon, on n’a pas mis longtemps pour décider d’entreprendre le voyage jusqu’ici.”

“Je vais bien évidemment y réfléchir, merci. C’est juste que j’étais en train d’envisager de former une compagnie avec d’autres personnes…”

Ceria jeta un œil quelques tables plus loin. Yvlon mangeait avec Selys dans un coin de la pièce. Jelaqua haussa les épaules.

“Prends ton temps. Nous attendons le déblayage de l’entrée du donjon, donc tu as largement le temps d’y réfléchir. Et on en parlera plus tard - c’était juste pour que tu sois au courant.”

Ceria hocha lentement la tête. Elle avait l’air dépassée par la situation. Erin ne pouvait pas en supporter davantage. Elle haussa nerveusement la voix et les trois demis-humains se tournèrent vers elle.

“Um. Euh, est-ce que c’est impoli de demander de quelles espèces vous êtes, tous ? Je ne veux pas être malpolie mais…”

“Ce n’est pas un problème. La plupart des gens ne posent pas la question, ou ils le savent déjà.”

Jelaqua sourit en montrant Moore qui venait de revenir et baissait la tête pour entrer.

“Moore est un métis de Géant, comme tu le sais. C’est notre [Mage]. Notre seul et unique jeteur de sorts, sauf si Ceria nous rejoint. Nous avons ensuite Seborn, notre [Roublard]. C’est un Noyé.”

Seborn acquiesça.

“Je suis comme ça depuis ma jeunesse.”

“Huh, Noyé... ?”

L’hybride hocha la tête. Il se tourna légèrement et leva son bras de crave pour qu’Erin puisse bien le voir. Il avait vraiment l’air d’avoir un champignon qui lui poussait dessus, ce qui était perturbant, mais à présent qu’Erin y regardait de plus près, elle pouvait voir l’endroit où la carapace rouge sombre s’était fondue dans la peau gonflée.

“C’est le nom de notre peuple - de toute personne qui subit ce destin. Une créature de la mer s’accroche à ton corps et se fond en lui. Cela peut corrompre l’esprit si on n’y prend pas garde, mais même en la tuant, elle te change tout de même à jamais. Je suis à moitié un monstre, mais cela n’affecte rien de plus que mon apparence.”

“Oh. Je… j’en suis désolée ?”

Seborn sourit à Erin, et haussa les épaules.

“Inutile d’être désolée, si ? Je m’y suis habitué.”

“Et je suis une Selphide.”

Jelaqua déclara ces mots comme si le mot se suffisait à lui-même. Erin fronça les sourcils, et Ceria prit la parole.

“Erin ne connait pas beaucoup d’autres races. Ah, Erin, un Selphide est… eh bien, on pourrait parler de parasite si on était impoli, mais ce sont plutôt des…”

“Parasite est le bon mot. Nous sommes des voleurs, mais nous volons des cadavres et rien d’autre. C’est gênant, mais nous ne pouvons vivre qu’ainsi.”

La femme sourit à Erin, qui n’avait aucune idée de ce dont on lui parlait.

“Tu veux dire que tu es un fantôme ?”

Là encore, les aventuriers éclatèrent de rire. Jelaqua secoua la tête.

“Tu n’as jamais entendu parler des voleurs de corps de Baleros ? Non ? Nous sommes une espèce qui récupère des cadavres pour les habiter, un peu comme ce qui est arrivé à Seborn. Sauf que nous pouvons changer de corps et… eh bien, j’imagine que c’est plus facile de te montrer.”

Jelaqua se leva et repoussa sa chaise en arrière. Elle s’avança vers Erin, puis enleva sa cotte de mailles. Erin cligna des yeux, mais Jelaqua s’était mise à enlever son haut. Puis son soutien-gorge.

“Qu’est-ce que tu… hey !”

Erin se détourna, et fit des grands moulinets de bras à l’attention des gardes

“Tournez-vous ! Ne regardez pas !”

Elle s’interrompit en voyant que personne ne faisait mine de regarder. Les gardes étaient fermement tournés dans la direction opposée, et les membres de la Chasse aux Griffons regardaient leur assiette d’un air sombre. De l’autre côté de la pièce, Relc beugla.

“Aw. Le monstre va faire son truc dégoûtant !”

Erin se tourna pour le fusiller du regard, mais Jelaqua pouffa de rire. Erin se retrouva à regarder une paire de seins très pâles - presque albinos, d’ailleurs. Jelaqua se frappa la poitrine et sourit à Erin.

“Regarde. Ne t’affole pas, d’accord ? C’est juste que les Selphides sont…”

Sa poitrine s’ouvrit. Erin vit la peau s’écarter et quelque chose pousser la peau et les os de l’intérieur comme s’il s’était agi de papier cadeau. L’intérieur de Jelaqua n’était pas rouge - non, il était presque aussi blanc que le reste. Sa peau était exsangue, tout comme ses organes. Probablement parce que le corps de Jelaqua n’était pas vivant.

Elle était morte. Et c’était la masse de créatures qui grouillaient à l’intérieur d’elle, des masses vert sombre et jaune qui clignaient et bougeaient pour Erin en agitant de longs tentacules semblables à des spaghettis

Quelque chose pulsa, et Erin vit deux poumons à l’intérieur de Jelaqua s’étirer, et sa bouche s’ouvrit et prit la parole.

“Tu vois ? Nous vivons dans des cadavres. Nous sommes des parasites, mais ne t’inquiète pas - nous avons pour règle de ne pas occuper de créature vivante. Nous prenons les attributs de notre hôte, mais nous pouvons changer de corps si l’un d’entre eux est abîmé. Les potions de soin ne marchent pas sur la chair morte, vois-tu, et Erin ? Erin ?”

“Ah.”

Erin contempla le truc qui était sorti de son corps… en faisant éclater sa poitrine… les tentacules qui faisaient exploser la chair… la peau… qui se déchirait…

Ses paupières battirent plusieurs fois. Erin sourit aux créatures qui lui faisait des signes de l’intérieur du torse du cadavre, cilla, puis s’évanouit en partant à la renverse.

Personne ne la rattrapa.

Jelaqua fronça les sourcils et les tentacules semblables à des vrilles refermèrent lentement la chair sans laisser de trace. Elle tourna sa tête humaine pour regarder le reste de la tablée et se renfrogna.

“Oh, pitié. Je l’ai vue écraser la tête d’un Gnoll à travers une fenêtre, et elle est allée faire la baston avec des aventuriers or, et elle s’évanouit pour ça ?”

Erin ne l’entendit pas. Elle resta inconsciente sur le sol jusqu’à ce que Klbkch aide Ceria à l’allonger dans une chambre à l’étage où elle dormit pendant tout le reste de la journée, qui fut pleine de coups de théâtres et d’excitation, mais dépourvue d’explosion de poitrine ou de combats.

Ce n’était que le premier des nombreux jours mouvementés qui allaient suivre.


[Modification de Compétence - Coup Foudroyant → Attaque du Minotaure !]

[Compétence - Attaque du Minotaure Obtenue !]






Dernière édition par EllieVia le Mer 25 Nov 2020 - 22:07, édité 3 fois
 
Maroti
   
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1.00 C partie 1
Traduit par Maroti

Est-ce que tu veux entendre une bonne blague ?

‘Un gros arrive dans un monde fantastique et décide de devenir un [Clown].’

… Je suis toujours en train de bosser sur la chute. Mais bon, c’est la seule blague que j’ai. J’essaye d’être drôle, mais en vérité, je suis un [Clown]. Je ne sais pas certain qu’on doit vraiment faire rire les gens.

Curieux à propos des parenthèses ? Ça veut dire que j’ai une Classe. [Clown], pour être exact. Ouais. C’est toute une histoire que je n’ai pas envie de raconter.

C’est simplement que je suis dans un monde ou tout le monde gagne des niveaux et des classes. Du sens ? Pas vraiment. Mais appelons ça un jeu vidéo ou si tu te fais poignarder dans l’estomac tu vas te vider de ton sang et mourir dans d’atroces souffrances.

Je vais mourir dans cette manière, je le sais. Je suis un gros imbécile qui a choisi/obtenu la mauvaise classe. Clown. Qui a envie d’être un clown dans un monde de monstre et de magie ?

Moi, apparemment.

Selon Edward, ou Eddy comme il être appelé, je ne devrais même pas avoir cette classe. Il continu de me dire que je suis comme un Bard ou un Troubadour de l’un de ces jeux de la série Final Fantasy. Le XXIV ou un truc du genre.

Je n’ai jamais joué à ces jeux étant gamin. Je ne jouais pas au jeu vidéo, et je le regrette un peu maintenant. Peut-être que j’aurai pu mieux m’en sortir si je l’avais fait.

Probablement pas. Qu’est-ce qui te pouvais te préparer à affronter et mourir face à des créatures deux fois plus terrifiantes que tout ce que nous avions dans notre monde ? Rien, voilà la réponse.

Donc ce n’est pas une surprise que je ne veuille pas me battre. Peut-être que c’est pour ça que j’ai eu la classe de [Clown]. Les premiers jours ou nous sommes arrivés ici… J’ai essayé de ne pas perdre la tête en racontant des blagues. Je suis bon pour être le rigolo de service, habituellement. Mais je suis devenu un [Clown] et tout devient moins drôle quand nous avons réalisé que nous sommes là pour rester.

Oh ouais ? Est-ce que je l’ai déjà dit ? D’accord, je vais réexpliquer. Nous, et par nous je veux dire moi et environ cinquante autres personnes qui ont la vingtaine comme moi, apparurent dans ce monde grâce à un sort d’invocation. Nous sommes apparus devant ce vieillard sur son trône, et soudainement tout le monde nous hurlait que nous étions les ‘héros de la prophétie’.

Retour au présent. Il ne reste plus qu’une vingtaine d’entre nous, et au lieu d’être héros des Terres Maudites nous sommes une disgrâce envoyer pour garder un village au frontière, à peine reconnu par le trône ou le peuple.

Parce qu’on est nul. Tu vois comme le héros principal dans un film se retrouve téléporter dans un autre monde et gagne une espèce de pouvoir spécial ? C’est nous, mais sans le pouvoir.

Le Roi Maudit, qui s’appelle Othius le Quatrième, nous accueillit et nous a dit que nous allions devenir les héros qui allaient repousser les démons de son royaume. Il nous a donné des armes, nous a envoyé combattre…

Et nous nous sommes fais massacrer. Les survivants ne pouvaient rien faire, donc il nous a laissé tomber. Il nous a essentiellement exilé de la capitale, et nous a envoyé là ou ne pouvions pas causer de problème.

Certains d’entre nous, des gens de mon monde, on apprit à se battre. Certain sont même devenus assez bon pour chasser les monstres et garder les alentours. Mais la majorité d’entre nous n’arrivaient pas à suivre ce qui se passait.

Richard est un [Chevalier], Niveau 26 et la personne la plus forte de notre groupe et de loin. Il nous guide et nous met en sécurité.

Emily est une [Hydromancienne] de Niveau 21. Elle est la coqueluche de notre groupe. Populaire.

Les autres, six gars et une fille qui peuvent se battre, ont tous une classe magique ou capable de se battre. Les autres ont soit à peine un niveau ou deux, ou on un boulot différent, comme [Cuisinier] ou [Tailleur] ou [Cueilleur].

La majorité aide au combat et protège les gens, et les autres aident ou… Existent. Mais c’est le groupe. Tu peux facilement le couper proprement en deux groupes, les combattants et les non-combattants, à une anomalie près.

C’est moi. Le gros. Un [Clown]. Un homme drôle sans rien de drôle à dire sur ce qui se passe.

Je m’appelle Tom. En vérité c’est Thomas, mais je préfère qu’on m’appelle Tom. Et oui, j’étais le clown du groupe de plus d’une manière. Mais en vérité, je ne suis pas si marrant que ça. Si t’as pas encore capté, y’a personne qui rit à mes blagues.

J’ai toujours faire un one-man show, pas être le gendarme dans un spectacle de marionnettes Guignol. Mais en fait je suis mauvais dans les deux. Ouais, je suis un gros type qui ne fait pas rire et qui se balade avec du maquillage en essayant de faire rire les gens. Ce qui est plutôt drôle quand tu penses, mais juste triste quand tu le vis.

Je sais, je sais, je devrais avoir une meilleure image de moi. Je suis qu’un petit peu joufflue, pas gros. Agréablement dodu. Légèrement lourd. Mes gros os ont de la circonférence à revendre, mais je m’en sors sans problème.

C’est juste que j’ai l’impression d’être une baleine comparée aux gens de ce village. Ils ressemblent tous à des rescapés d’un horrible camp de réfugiés, ou d’une prison. Ils ont des visages creusés, la peau sur les os, mais ils vont toujours de l’avant.

Ça me rend malade. Mais pas assez malade pour que je ne m’empiffre pas tous les jours. Je me déteste, parfois.

Tout le temps.

Je suis dépressif. Cliniquement prouvée, pas auto-diagnostiqué, s’il te plaît. Et normalement j’arrive à la maîtriser, enfin, j’arrivais. Mais je suis dans un monde ou les seules drogues sont différents types d’alcool. Bon courage pour trouver des antidépresseurs ici, encore moins une pharmacie.

J’ai l’impression de ne pas avoir de valeur. Et ça n’aide pas quand il y a d’autre personne qui partagent cet avis.

Un [Clown]. Je suis Niveau 19, ce qui va peut-être te surprendre. Mais quand j’ai eu cette classe je l’ai pris comme un signe. J’ai mélangé un peu de peinture blanche, rajouté un peu de rouge pour mes lèvres et j’ai appris à faire du jonglage. J’ai pas arrêté de courir, essayant de faire des cabrioles, de raconter de mauvaises blagues, et je suis généralement passé pour un imbécile.

Franchement, je n’aurais dû gagner que deux niveaux avec cela, grand maximum. Mais toutes les personnes invoquées dans ce monde ont gagné la classe de [Héros] en arrivant. Nous sommes tous des [Héros] de niveau 1, et même si personne n’a réussi à monter dans cette classe, elle nous permet de gagner des niveaux bien plus rapidement.

Donc je suis Niveau 19, et j’essaye d’atteindre le Niveau 20. Il est de notoriété publique que tu obtiens généralement une bonne compétence en atteignant le Niveau 20 suivi de compétences plus utile après ça.

Ouais. C’est commeun jeu en y réfléchissant bien. Mais c’est bien trop réel pour moi. Trop réel, et trop terrible.

Je ne peux pas être un guerrier comme les autres. Je ne veux pas tuer des choses, même si elles sont horribles avec des tonnes d’yeux et de griffes. Actuellement, je ne veux même pas m’approcher de ces trucs.

Je veux juste gagner des niveaux dans cette classe. Je pense… Oui, je pense que cela vaudra peut-être le coup.

Maintenant ? Maintenant j’essaye juste de faire rire les gens.

Imagine la scène, si tu veux. Il y a un coin herbeux au centre d’un petit village, un endroit ou la route de terre devient plus meuble. Ils nous ont mis dans un petit village. Mais il y a des enfants ici, et des gens malgré que nous soyons éloignés de toute civilisation.

Ils ne peuvent pas trop s’éloigner du village. Il y a plusieurs [Chasseurs] et plus d’un [Guerrier] de bas niveau ainsi qu’un [Mage Rustique] dans le village, mais la vraie protection vient des patrouilles et de la petite garnison de [Soldats] stationnée à quelques kilomètres plus loin.

Grace à nous, cette garnison vient de tripler de volume, et les villageois sentent cet afflux sur leurs provisions et bien. Nous sommes même en train d’occuper la maison centrale de la ville, un grand bâtiment assez grand pour tous nous loger. Nous avons des lits, des repas journaliers, et même un salaire au nom de la couronne.

Les villageois n’ont rien de tout ça. Donc ils nous détestent.

Mais les enfants, ah, les enfants apprécient quand même notre présence. Contrairement aux adultes, nous n’avons pas un job prédéfini donc nous pouvons discuter avec eux. Nous étions plusieurs à le faire, avant, mais maintenant les autres ne prennent plus le temps de jouer avec les gamins.

Donc ça tombe sur moi.

Regardez, regardez le clown ! Avez-vous vu comment il marche dans l’herbe ? Je souris, sentant la peinture se craqueler sur mon visage. Je lance les quilles de bois en l’air, et je jongle avec pour que l’audience de huit enfants arrête de jouer à trap-trap et me regarde.

Ce n’est pas la première fois que je fais un spectacle, mais j’ai réussi à les peindre en rouge vif, bleu et jaune. Une partie de la peinture est partie, mais elles sont toujours l’air captivantes quand elles passent au-dessus de ma tête.

Bon, d’accord, pas captivant. Mais distrayant. Et c’est un miracle que j’arrive à les faire jongler, tu sais. Ce n’était pas quelque chose que je savais faire chez moi, mais je l’ai appris alors que je gagnais des niveaux en [Clown].

J’ai plusieurs compétences qui me permettent de faire des trucs de clown, jongler, faire le poirier, etc. J’ai aussi une compétence qui est terriblement agaçante qui n’est pas active maintenant, dieu merci, et une autre compétence bizarre.

[Voix de Stentor]. Qui fait exactement ce qui est dit. Mais c’est bizarre. Ce n’est pas une compétence dont un [Clown] a besoin, pas vrai ?

Habituellement, les clowns ne sont même pas censés parler. Je suis allé à quelques cirques, et ils sont comme des mimes. Ils font peut-être des bruits marrants, mais ils ne parlent pas.

Mais si je comprends comment cette classe marche, alors peut-être…

Oups. Je suis tellement en train de réfléchir que je laisse tomber l’une des quilles. Les deux autres tombent au sol, et j’essaye de trouver une manière de rattraper alors que les enfants murmurent et se grattent, ennuyés.

D’accord, quand est-il de ça ?

Je m’arrête, je lève la main et fais la moue avec mes lèvres. Puis je pointe vers ma main vide. Les enfants regardent mes mimiques, ils savent ce qu’il va se passer mais ils sont quand même assez intéressés pour regarder.

Je ferme mon poing, et fait le tour de passe-passe où je prétends sortir quelque chose de ma main. La seule différence est que je sors véritablement quelque chose. Je fais sortir la quille bleue, puis j’en fais apparaître un autre de derrière mon dos. La quille jaune les rejoint, et je jongle de nouveau, malgré le fait que je ne me suis jamais penché pour ramasser les quilles par terre.

Les enfants rient et pointent du doigt, et je souris véritablement derrière la peinture. Ce n’était pas trop mal. Et tout ça grâce à ma Compétence.

Le seul tour de passe-passe cool est que je peux faire apparaître des objets de nulle part. Je dois les avoir sur moi, bien sûr, mais dans un radius d’un mètre cinquante je peux pratiquement attraper tout ce que je veux et le faire apparaître.

Mais rapidement, même mon jonglage et mes tours de passe-passe deviennent ennuyeux. Surtout que je n’ai rien d’autre que des quilles. Un vrai clown aurait des ballons, des confettis, des assiettes à faire tourner…

Je n’ai rien d‘autre. Donc j’arrête de jongler alors que les enfants commencent à se lever et j’éclaircis ma gorge.

« Est-ce que quelqu’un veut entendre une blague ? »

Ils me regardent. L’un des plus vieux grognent et secoue la tête, mais ils restent pour m’écouter. Les enfants sont crédules comme ça.

« Okay. »

Je maîtrise. Je tousse dans ma main gantée.

« Hum. Toc toc. »

Ils clignent des yeux. Finalement, Wilen me donne un coup de main.

« Qui est là ? »

« Gobelin. »

« Gobelin qui ? »

« Moi. Gobelinvité qui va tout manger chez vous. »

Ils me regardent, puis ils se regardent. Le plus vieux secoue la tête.

« Je vous l’ai dit qu’il n’était pas drôle. »

Je n’arrive pas à raconter de blagues. Je ne suis pas branché comme ça dans la tête. Je peux seulement… Être marrant en groupe. Tu sais, quand quelqu’un dit quelque chose de drôle et que tout le monde s’amuse. Je n’arrive pas à inventer des trucs.

Il m’a fallu dix minutes pour trouver celle-là. Tout ça pour des regards silencieux.

L’une des plus petites filles est toujours assise au sol et me regarde. Ou, pour être précis, mon ventre. Même recouvert par mes vêtements colorés, le contraste entre eux et moi fait que je me déteste encore plus.

« Est-ce que tu vas aider à construire un autre Mur ? Ou combattre des monstres ? »

Quelle question venant d’une si jeune enfant. J’hésite.

« Je… ne suis pas un combattant. Je suis un [Clown]. Je fais des tours de passe-passe. Tu vois ? »

Je tends ma main vers son oreille et je sors une fleur. J’ai de la chance qu’il y en a une à côté. Elle rigole, la prend, et s’en va, et je suis sain et sauf. Je me redresse, et je sens la sueur couler le long de mon dos. C’était plus intense que le jonglage.

Le Mur. C’est l’un des trucs de ce continent, même si je ne connais pas grand-chose sur ce monde de manière générale. Mais sur ce royaume, cet endroit, j’ai suffisamment appris pour survivre.

Nous sommes à la frontière de ce que les gens appellent les Terres Maudites. Ici, le Royaume stoppe l’avance des Démons. C’est une histoire toute simple, car il n’y a pas grand-chose à rajouter.

Il suffisait d’aller à trente kilomètres au nord d’ici pour voir le sol changer. L’herbe allait devenir noire, les animaux sauvages changeaient. Les monstres erraient, se battant entre eux, allant à l’ouest pour dévorer les hommes. La seule chose qui les arrêtait était les patrouilles de [Soldats], les aventuriers engager pour exterminer un maximum de monstres possible, et les quelques villes et villages assez courageux pour construire aussi proche.

Et bien sûr, le Mur. Le Quatrième Mur pour être précis.

C’est un mur de pierre géant. Ouais. La seule chose spéciale c’est que c’est de la pierre, que c’est un mur, et qu’il est deux fois plus grand que la Grande Muraille de Chine.

C’est plus de quinze mètres de haut, au passage. Je le sais parce que l’une des personnes avec nous, Marian, a déjà visitée la Grande Muraille de Chine. Elle est morte la première fois que nous sommes allés au-delà.

Les quatre murs sont les défenses ultimes du Royaume. Ils ne sont pas que des murs ; il y a des pièges magiques et de l’artillerie insérés dans le mur, et ils sont toujours remplis des meilleurs soldats du royaume. Toutes les attaques de monstres s’arrêtent au mur, et le Royaume derrière est relativement stable.

Parfois il y quelque chose qui passe. En tant de guerres, le Quatrième, Troisième, et Second mur ont déjà été passés. Mais le Premier Mur n’est jamais tombé. Même l’armée du Roi Démon n’est jamais réussie à passer.

Des monstres. Des Démons. Il y a une différence apparemment. Les monstres sont juste… Des monstres. Il y a de tout, du Gobelin au Troll en passant par les Manticores et les Dragons. Ils sont des tueurs vicieux et sans cervelle. Mais les démons sont différents. Ils sont des humains et d’autre espèces qui ont mutés et qui ont leur propre civilisation, leur propre armée. Ils font partie d’un des trois pouvoir dans les Terres Maudites, et ils essayent d’éradiquer le Royaume une fois pour toute.

Trois pouvoirs. Le Royaume ; l’endroit ou les espèces sentientes (surtout des humains) se regroupent pour affronter monstres et Démons. Les Terres Démoniaques, l’autre partie du continent ou un autre Roi gouverne, et l’endroit où personne ne va.

L’origine, voir le centre de la malédiction sur ce continent. L’endroit duquel les monstres continuent de sortir.

Contrairement aux autres continents, les monstres ne se reproduisent pas pour survivre ici. De nouvelles espèces continuent d’apparaître. Quelque chose continue de créer différents types de monstres. Certaines personnes disent que c’est un ancien monstre provenant du temps des Dieux, ou d’un terrible sort qui à mal tourner. Qu’importe ce que cela est, c’est trop puissant pour être tué. Le Royaume a envoyé d’innombrables armées pour détruire cette source, et aucune d’entre-t-elle n’est revenu.

Le Roi Démon, comme les gens l’appelle, est tout aussi mystérieux. Disons qu’un groupe de monstres est organisé. Ils saccagent le Royaume, et le Royaume saccage en retour. Chaque côté prend et perd des terres, envoyant parfois des troupes de raid, et parfois d’immense armée.

Je n’ai jamais vu de Démon. Certain en ont vu ; Eddy dit qu’il en a vu un qui ressemblait à une Quanari de Dragon Age, c’est juste une personne avec des cornes de chèvre. Et c’est ainsi qu’Eddy a décrit les Quanari.

C’est le truc. Les Démons sont justes des versions mutées de l’espèce qu’ils étaient. Des humains qui ont été exposés à… Ce qui vie dans les Terres Maudites, affectant par de la magie ou un truc du genre. Certains Démons ont des ailes avec des becs et des serres ; d’autre sont presque normales à quelques différences près. L’astuce pour les reconnaître est que même s’ils ressemblent à des humains, ils n’ont pas de scrupules à tuer femmes et enfants.

Et la même chose est vraie pour les humains. La guerre entre les Humains et les Démons à commencée il y a plus de mille ans, et même si le conflit n’est pas particulièrement actif en ce moment, des escarmouches et raids arrivent chaque semaine.

Mais ici c’est paisible. Ce village n’a pas encore vu de combat malgré le fait que nous soyons proche du mur. A part pour une attaque de monstre, l’endroit est protégé, à l’exception de la pauvreté et tout. Tu peux vivre dans un village de manière paisible pendant plusieurs années, avec les bonnes circonstances. La garnison proche repousse le pire des monstres et des attaques ennemies, et il y a bien plus de place ici que dans l’entassement qu’est le Royaume derrière les Murs.

Le Royaume continue de grandir ; voilà pour les humains s’installent par-delà le mur. Mais ce n’est pas sans danger ici, où tu peux te faire attaquer par des monstres et Démon. Voilà pour le Royaume veux construire un autre un mur. Un Cinquième Mur. Et c’est pour cela que nous avons été invoqués.

Avec un groupe de puissant [Héros], le Royaume allait avoir assez de pouvoir pour bâtir un autre Mur et sérieusement réduire les terres ennemies. Le Royaume allait, en un coup de maître, pratiquement doubler ses terres disponibles et réduire la marée monstrueuse qui attaquait leurs villages découverts.

Tout cela devait marcher jusqu’à ce qu’ils découvrent que les magiciens n’avaient pas engagé des héros légendaires venant d’un autre temps, mais un groupe de gamin. Nous. Il avait quand même de l’espoir ; nous avions été invoqués avec une classe que personne ne connaissait [Héros]. Personne de mémoire d’homme avait gagné cette classe, et les gens nous traitaient comme des légendes.

Donc le roi nous a donné des armures, des armes, des soldats et nous a envoyé au front. Il pensait que nous allions pouvoir rapidement gagner des niveaux, donc il a arrangé une expédition dans un endroit ou le conflit était calme pour que nous puissions gagner de l’expérience.

Une fois. C’est le nombre de fois que nous avons fait cette incursion.

***

J’avance à travers le marais, essayant de ne pas tomber dans la boue. Mes jambes sont en feu, mais je ne veux pas me plaindre. Les hommes et les femmes autour de moi ont des épées et des armures, et ils continuent de dire que nous devons rester silencieux au cas où l’ennemi est proche.

Je regarde la terre sombre. La soirée vient de passer, et nous essayons de nous rendre à un avant-poste proche. Le seul problème est que nous, les personnes invoquées, sommes extrêmement lents et que nous sommes encore à des kilomètres de notre destination.

Le sol fait des bruits lourds et spongieux sous mes pieds. Je pousse du pied une plante bleue sombre qui sort du sol et je frisonne. Des mouches et d’autres insectes tournent autour de nos têtes, essayant de nous piquer ou de pondre leurs œufs dans nos oreilles. C’est misérable, mais cet endroit est apparemment assez important pour faire la guerre.

C’est supposément là que le prochain mur va bientôt être construit. Mais le sol est noir et étrange, et la magie ainsi que les batailles ont créé un bourbier là ou de la terre devrait se trouver. Ce n’est pas comme ça sur tout le continent, le sol change après quelques kilomètres, c’est ce que les soldats nous disent.

Le problème avec ce ‘’Cinquième Mur’’ est qu’il doit être assez long pour pouvoir s’étendre sur l’intégralité du continent. C’est incroyablement difficile à construire, et cela prend des décennies. Cependant, le roi à bien commencé, il a construit des forteresses et des châteaux là ou le Mur doit être construit, et ils essayent de repousser des attaques alors que le mur est en train d’être construit.

Et nous avons été envoyées pour aider. Je n’ai peut-être pas la moindre idée de ce qui se passe, mais je ne pense pas être capable de me battre.

« Nous aurions dû protester plus que ça. »

Devant moi, Richard se retourne et hausse les épaules. Il se cache bien plus que moins dans l’obscurité nocturne, et j’ai peur d’être une cible facile si on m’attaque. Il me sourit, et lève son épée.

« Nous avons des armes, et cette classe rare, pas vrai ? Et une tonne de soldats pour nous protéger. Tout va bien se passer ! »

À côté de moi, Katie écrase un insecte sur sa peau. Elle cri de dégoût, et l’homme armé marchant devant nous se retourne, levant sa lance. Il secoue la tête, voyant qu’il n’y a rien hors de l’ordinaire.

« Oh mon dieu ! Je ne supporte pas ça. Pourquoi est-ce qu’on devrait faire cela ?

« Nous sommes des [Héros]. C’est un monde comme un jeu vidéo. C’est notre boulot. »

Eddy dit cela. Il est en train d’essayer de trainer une immense épée longue derrière lui, et il est en train de transpirer comme jamais. Mais il voulait être ce genre de guerrier. Je pense qu’il le regrette maintenant ; c’était facile à porter dans le wagon jusqu’ici, mais après à peine deux kilomètres il semble être prêt à abandonner.

Katie tremble, mais elle ne proteste pas. Elle pense qu’elle est toujours dans un monde virtuel, ou en train de rêver. La moitié d’entre nous ont cette opinion, mais pas moi. Tout cela est bien trop réel. Et me dire que nous allons combattre…

La plupart des mecs semblent le vouloir. Ils choisissent des armes et parlent de la classe qu’ils veulent. Mais… Je ne suis pas un combattant. Je ne pense pas que je vais pouvoir poignarder qui que ce soit. J’ai une épée que je sais à peine utiliser. Et je la garde dans son fourreau parce que j’ai peur de me faire mal si je la sors. Comment est-ce que je suis censé me battre ? Ça va être automatique ?

« C’est tellement sombre. Et froid. »

Katie continue de se plaindre, même si elle sait que nous devrions être silencieux. Elle est de ne pas garder ses pieds trop longtemps dans la boue.

Marian hoche la tête. Elle tremble alors qu’elle marche dans quelque chose qui explose sous ses pieds.

« C’est humide. »

Ron se tourne et sourit.

« C’est une leçon d’humidité ou d’humilité ? »

La moitié d’entre-nous rit ou grogne. Katie glousse de manière incontrôlable. C’est là que la première flèche fend l’air et empale le torse de Ron. Un immense monstre écailleux avec plus de dent que de visage sort de la boue. Il lève une lance et…





 
Maroti
   
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1.00 C partie 2
Traduit par Maroti

Je trésaille alors que je sens des sueurs froides. J’essuie mon front avant que la sueur ne ruine mon maquillage, mais cela ne fait qu’étaler les couleurs.

Bon sang. Je peux toujours entendre le bruit que faisaient les Démons quand ils nous ont attaqués. Ils nous attendaient, se cachant avec des monstres dans l’eau boueuse. Personne n’avait rien vu venir.

Un tier d’entre nous fut tué durant cette première mauvaise nuit. La seule chose qui nous a sauvés fut les soldats ; le roi nous avait donné une grosse escorte, et ils sont morts pour nous protéger.

Nous sommes arrivés en sécurité, mais personne n’était prêt à se battre après cela. La moitié d’entre nous ont perdu la boule, et quand nous sommes retournés à la capitale, nous n’avions pas l’air de héros. Je pense que c’est à cet instant que le Roi à compris qu’il avait fait une erreur.

Il fit capturer quelques monstres par ses chevaliers pour nous apprendre à nous battre. Je peux toujours me souvenir de quand je me tenais dans la salle de trône alors qu’ils nous donnèrent des épées en disant que nous devons décapiter un Gobelin.

Je n’ai même pas eu besoin d’essayer. Ils ont abandonné avant même de s’approcher de moi. Seulement trois personnes ont réussi à décapiter un Gobelin, et le reste d’entre nous était en train de vomir ou de pleurer.

Donc, après quelques jours passés à ne rien faire dans la capitale, le Roi nous en envoyé dans ce village. Vu que certains d’entre-nous avait quand même gagné des niveaux comme il l’avait espéré, à la vitesse de l’éclair selon les locaux, mais la majorité d’entre nous n’était pas encore prêt à nous battre.

Je rentre chez moi après avoir fait mon spectacle de clown, enfin, chez moi étant l’endroit ou nous dormons tous dans le village. C’est le plus grand bâtiment du village, le seul suffisamment grand pour tous nous accueillir. Malgré cela, je suis quand même pris de cours par le peu d’espace que nous avons en rentrant.

Des lits envahissent la salle. Des petits tas de vêtements, des vrais lits fait de bois, et même un hamac, les villageois ont tous donné pour que nous ayons de la place pour dormir.

Il y a un peu plus de dix personnes à l’intérieur, certains sont toujours en train de dormir, alors que d’autre parlent doucement ou essayent de jouer à un jeu de cartes. C’est pratiquement toujours comme ça. Il est vrai que certaines personnes, comme Richard ou Eddy, vont patrouiller et chasser le monde, mais le reste d’entre-nous passe son temps assis. Il n’y a pas grand-chose à faire dans le village.

Je me glisse maladroitement dans la salle jusqu’à mon lit. Certaines personnes lèvent la tête mais ne me disent rien. Je ne suis pas… Très populaire. Et je suis habillé comme un clown. Bizarre, pas vrai ?

Je m’enfonce dans les couvertures rêches de mon lit et je regarde autour de moi. La seule personne proche est Vincent, la majorité des autres de l’autre côté de la salle, le côté réservé aux filles. Nous n’avons pas de mur, mais nous avons fait un rideau pour avoir un minimum d’intimité.

Je soupire et je me repose dans mon lit. Bon, j’ai fait quelque chose. Pas grand-chose, mais je suis déjà fatigué. Je suis abattu, déprimé. Comme si je ne pouvais rien faire. J’ai besoin de mes médicaments, mais…

« ♪Doo doo doodle do do doo doo doot~♫ »

Bon sang. Pas maintenant. Vincent se redresse quelques lits plus loin. Il était en train de roupiller mais il me regarde alors que je cache mon visage dans mes mains. Ça arrive de nouveau.

C’est une guillerette musique de carnaval, le genre que tu peux imaginer dans n’importe quel cirque. C’est une musique de clown, c’est bruyant, et ça vient de moi. Je ne veux pas faire ce bruit, mais c’est une Compétence.

Tout le monde dans la pièce s’arrête en entendant le bruit. Ils me lancent des regards noirs et je hausse les épaules. La plupart essayent de l’ignorer, mais après quelques minutes cela pèsent sur les nerfs des gens. Et pour certain, c’est la dernière goutte.

«Arrête ça !»

J’entends la voix, et puis Cynthia est devant moi. Elle me hurle dessus, le visage écarlate alors qu’elle pointe mon visage d’un doigt tremblant.

« Arrête ! Arrête de faire ce bruit ! »

« Je suis désolé ! Je ne le contrôle pas ! »

Je lève mes mains, mais elle s’en fiche. Elle me jette quelque chose, un oreiller.

« Arrête ! Il faut que tu arrêtes ! »

Elle n’aime pas les clowns. Elle avait peur d’eux étant petite, je crois. Et elle est au bout du rouleau. Comme nous tous, mais elle pleure plus que le reste. Et elle ne peut pas supporter le ton.

« Bordel, tom ! Tu ne peux pas arrêter cette foutue musique ? »

Quelqu’un me hurle dessus à l’autre bout de la pièce. Je crois que c’est Kevin. Il se lève, les poings serrés.

« Je suis désolé ! »

Cynthia continue de me crier dessus, c’est plus devenu quelque chose d’incohérent que de la colère. Chole s’approche d’elle et l’éloigne de moi en me lançant un regard noir. Cynthia part avec elle, en pleur.

« Je veux rentrer à la maison ! »

Vincent suit Cynthia alors que ses yeux ne me lâchent pas. La stupide petite musique de clown est toujours en train de jouer en arrière-plan.

« Tom… »

« J’ai compris. J’y vais. Désolé. »

Je lève mes mains et je pars. Tant pis pour le repos. Les gens ne peuvent pas me supporter quand il y a cette musique, et je ne peux pas l’éteindre.

Je vais dehors jusqu’à ce que la musique s’arrête. Cela ne prend que cinq minutes. Ce n’est jamais long. Mais elle semble toujours venir au pire moment, quand un groupe est proche, ce qui est ce qui déclenche la capacité, je suppose. Dieu merci cela n’arrive pas quand je dors.

Quand tout est finalement silencieux, j’entends des voix argumentées. Il semblerait qu’une dispute ait éclaté après mon départ. C’est de ma faute.

« Alors rappelle-les. Pourquoi est-ce que tu ne le fais pas ? »

Chole est en train de se disputer en pointant le portable de Vincent du doigt. Il est l’une des rares personnes du groupe qui soit arrivé ici avec quelque chose d’utile. Son portable était presque à court de batterie, mais nous étions parvenus à trouver un [Mage] pour lancer un sort de [Réparation] pour le recharger.

« Ça ne marche pas comme ça ! C’est un sort qui a fait l’appel, pas le téléphone ! »

Vincent protège son Iphone alors qu’ils se disputent. Cela fait bientôt deux semaines que nous avons eu l’appel et réalisé que nous n’étions pas les seules personnes de ce monde, et ensuite nous n’avons plus eut de nouvelle. Toute l’euphorie que nous avons eut en réalisant que nous allions peut-être être sauvés a été perdue, et nous étions désormais inquiet que quelqu’un était en train de nous traquer.

Des visages devinrent rouges, et ils commencèrent de nouveau la même dispute. J’écoute en essayant de retourner dans mon lit en essayant de ne pas attirer l’attention.

« Pourquoi on ne peut pas utiliser de sort ? Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« Le gars qui a fait l’appelle, BlackDragon, a dit que cela prenait beaucoup de magie ! Je ne suis pas un [Mage], et je ne pense pas qu’Emily puisse lancer les bons sorts. »

« Alors qu’est-ce qu’on peut faire ? »

Vincent hausse les épaules. Il fait un signe à la dague à sa ceinture. Il est un [Voleur], mais il a appris cette classe en désarmant des pièges et en étant discret, pas en volant des choses.

« Nous devons continuer de monter en niveau. C’est comme ça que ce genre de jeux marche. Nous nous entraînons et devenons plus fort. Une fois un certain niveau atteint, on achète de l’équipement enchanté et… »

« Arrête de raconter de la merde. Tu penses que ça va nous aider ? On va crever ici. Tout le monde nous a abandonnés. »

Kevin va directement au visage de Vincent en disant cela. J’essaye de me cacher alors que Vincent s’énerve.

« Alors qu’est-ce qu’on devrait faire ? Au moins je pars me battre. Tout ce que tu fais, c’est rester sur ton cul en te plaignant ! »

C’est vrai. Vincent fait habituellement partie du groupe chasse, contrairement à Kevin. Mais cela ne fait qu’encore plus énerver Kevin. Son visage rougit de plus belle et il pousse Vincent.

« Va te faire foutre ! »

« Va te faire foutre, connard ! »

« Arrêté ! Arrêté de vous battre ! »

Chole et l’une des autres filles se mettent entre eux alors qu’ils puissent en venir une nouvelle fois aux mains. Derrière-eux, Cynthia lève la voix alors que Vincent et Kevin se font séparer par les autres.

« Quelqu’un va venir nous sauver. Quelqu’un va bientôt venir nous sauver… »

Elle va d’avant en arrière, en train de se murmurer à elle-même. Elle le dit assez fort pour que nous puissions l’entendre, mais pas assez fort pour justifier qu’on lui dise de se taire.

Quand elle n’est pas en colère, Cynthia continue de nous dire qu’on va se faire sauver. Elle clame qu’une armée va trouver le moyen de nous sauver, ou que quelqu’un ouvrira un portail vers ce monde, ou… Que nous allons bientôt nous réveiller. Elle veut y croire. Et certains d’entre-nous aussi, mais je pense que le reste d’entre nous commencer à penser comme moi.

Même si les gens découvrent que nous avons disparu, comment vont-ils faire pour arriver ici ? Nous pouvons à peine atteindre une autre planète, encore moins une autre dimension. Et même si par miracle des gens construisent une… Une Stargate ou quelque chose du genre, comment est-ce qu’ils vont faire pour nous retrouver ici. Dans ce village perdu dans ce qui est l’une des pires parties du monde ?

Cynthia continue de répéter les mots alors qu’elle va d’avant en arrière en serrant ses genoux. Stacy mais une main sur son genou, mais le mouvement ne s’arrête pas.

Au moins elle ne fait que geindre et pleurer, sans me crier dessus. Cela pourrait être bien pire.

La dernière fois que Cynthia est devenue folle, elle a cassé la moitié des assiettes et des verres que les villageois nous avait donné, et la seule fenêtre de verre du bâtiment, et du village.

Est-ce que c’est vraiment surprenant si les locaux nous détestent ? Je ne suis pas surpris. Après tout ce temps, ils avaient désespérément espéré que quelqu’un viendrait les sauver. Leur Roi leur avait dit que des Héros étaient en route, et ils l’ont cru.

Ils ont prié pour avoir des héros.

À la place, ils nous ont eus.

La dispute n’est pas terminée. Vincent et Kevin se lancent des regards noirs, et Chole veut toujours l’Iphone, qui Vincent ne veut pas lui donner. Il le donne uniquement à Richard car tout le monde est d’accord qu’il devrait être celui qui parle, mais à part lui Vincent ne laisse personne le toucher.

Cela est arrivé après quelques accidents ou des gens empruntaient l’Iphone en prétendant qu’ils ne l’avaient pas… La dispute repartie de plus belle et je décide que je ne vais pas réussir à fermer l’œil.

Je quitte la salle commune et j’erre dans les environs. J’ai déjà assez mangé. Enfin, pas assez pour ne pas avoir faim, mais assez pour survivre. Je peux supporter la faim. Et j’ai toujours un de ses pains aux fruits du petit-déjeuner dans ma poche.

L’une des bonnes choses de s’habiller en [Clown] est que tu as de grandes poches. Rajoute ça à ma Compétence qui donne l’impression que je fais apparaître des objets, et je peux faire un bon tour de passe-passe. Et manger de la nourriture quand personne ne regarde.

C’est une bonne chose que Vincent ne s’est pas battue avec Kevin. Car si c’était ce qu’il avait fait, il aurait gagné. C’est un truc avec les Classes de ce monde.

Kevin est un grand gaillard. Afro-Américain, et je sais que c’est raciste quand je le dis, mais il est bien plus flippant que Vincent qui… Ressemble plus à un blanc-bec en surpoids. Comme moi, même s’il est en meilleure forme.

Mais Kevin a des muscles. Vincent a des muscles, mais pas autant. Mais s’ils se battaient, Vincent gagnerait sans la moindre hésitation.

Il est un [Voleur] de Niveau 14 avec plusieurs compétences lui permettant de désarmer des pièges, de bouger sans faire de bruit, et ainsi de suite, mais les niveaux l’on rendu plus fort. Nous l’avons testé, malgré le fait qu’il n’a pas de compétence, il est légèrement plus fort qu’une personne du même gabarit sans compétences. Mais il est plus rapide, bien plus rapide. Il semblerait qu’il y ait une sorte de bénéfice passif aux montées de niveaux, ou peut-être que c’est un avantage de la classe de [Héros].

Parce que cela ferait une grande différence entre Kevin et Vincent. Beaucoup de personne dans notre groupe… Toutes les personnes qui restent assises à ne rien faire à mon exception en fait, ont perdus leur classe de [Héros].

Cela commença quelques jours après notre arrivée au village. Un jour Cynthia se réveilla et nous dit qu’elle avait entendu une voix lui dire qu’elle avait perdu sa classe de [Héros]. Personne ne pouvait l’expliquer, et nous n’osions pas le dire aux villageois et aux soldats.

Lentement, cela arriva aux autres. À tous ceux qui ne combattaient pas les monstres.

Mais pas moi. Et c’est le truc. Je pense savoir pourquoi cela arrive, mais je ne l’ai pas dit à quelqu’un d’autre que Richard. Et il ne connaît pas l’entièreté de ma théorie.

Nous sommes tous des [Héros] de Niveau 1, les gens qui ont toujours cette classe. Mais aucun d’entre-nous à gagné un niveau, même si Richard est un [Chevalier] de Niveau 26 et Emily est une [Hydromancienne]de Niveau 21. Mais personne n’a gagné de niveau dans la classe de [Héros].

Certains d’entre nous pensent que c’est parce qu’il n’y a qu’un niveau dans cette classe. Eddy pense que c’est une classe spéciale, et la majorité des gens semblent être d’accord. Après tout, pourquoi Richard ne gagnerait pas de niveau ? Il est notre leader et le meilleur combattant parmi nous. Si quelqu’un est un héros, c’est lui.

Mais c’est quelque chose que les autres ne comprennent pas. Un héros n’est pas quelqu’un qui est courageux ou sans peur. Un héros ne tue pas des monstres ou sauve des princesses (ou princes). Si tu cherches le mot ‘héros’ dans un dictionnaire, tu vas trouver une autre définition.

Un héros est quelqu’un qui est admiré ou idéalisé. Un héros est une personne vers laquelle les autres se tournent.

Un [Héros] est un héros uniquement si les autres personnes croient qu’il est un héros. Ce qui explique comment nous avons obtenu cette classe en étant invoqués.

Le truc est que je ne suis pas un héros. Et je ne pense pas que quelqu’un de notre groupe l’est. Et plus les villageois et le reste du royaume nous regarde, moins ils pensent que nous sommes des héros.

Donc nous commençons à perdre la classe. Les villageois avaient peut-être encore un peu d’espoir pour Richard et les autres combattants, mais quand tu voyais un groupe d’adolescent pleurant sur leur sort et des jeunes adultes qui passaient leur temps à se disputer sans rien faire…

Nous sommes inutiles. Je suis le plus inutile, et nous sommes en train d’alourdir le village. Bon sang. Je n’ai juste pas envie d’être là. Mais vu que je ne suis pas dans la salle commune, autant essayer de monter de niveau. J’ai besoin d’un autre niveau.

Cette fois les enfants m’ignorent comme les adultes alors que je recommence à jongler. Ils m’ignorent en jouant, sauf quand ils m’utilisent comme obstacle. Demain ils ne vont probablement pas regarder, alors comment est-ce que je vais faire pour monter de niveau ?

Il ne faut pas penser à ça. Continue de sourire. Continue de faire le pitre. Je fais tourner trois quilles plus haut en l’air.

« Un [Jongleur] peut jouer avec six balles. »

Je laisse tomber une quille alors que le garçon m’adresse la parole. C’est le même qui a fait un commentaire sur ma blague.

Wilen. Il est trop jeune pour avoir un travail à part aider ses parents, mais il est un peu trop vieux pour jouer avec les autres enfants. Il gratte ses cheveux mal coiffés et regarde mon ventre bedonnant couvert par tes vêtements de clown inadaptés.

« Est-ce que tu vas partir ? »

« Non. Enfin, je ne pense pas. Pas à moins que le roi… Je veux dire, ton Roi vienne nous chercher. »

« Okay. »

Est-ce que je devrais continuer de jongler ? Je n’ai pas vraiment envie. Je suis en sueur, j’ai mal au bras, et je me sens bizarre. Wilen reste à côté de moi alors que je regarde autour de moi, gêné.

« Est-ce que tu essayes de monter de niveau ? »

« Ouaip. »

C’est étrange d’avoir une conversation de ce genre, mais Wilen est natif de ce monde, donc il est parfaitement à l’aise.

« Comment les [Clowns] gagnent des niveaux ? Est-ce que cela dépend du temps que tu passes o jongler ? Les [Jongleurs] gagnent des Niveaux en attirant une grande foule. »

« Je pense que ça marche de la même manière avec les [Clowns]. Je ne sais pas. »

« Est-ce qu’il y a d’autres [Clowns] d’où tu viens ? »

« Oui, mais ils ne… Je ne sais pas. Désolé. »

Je hausse les épaules, tout aussi insatisfait par mon explication que Wilen. Je fronce les sourcils et me penche pour ramasser une quille.

« Il faut faire rire les gens. Je pense. »

« Mais tu ne fais rire personne. Tes blagues sont terribles. »

« Ouais. »

Wilen est l’un de mes réguliers, donc il est au courant. J’ai essayé presque cent blagues depuis que je suis là, mais je ne suis vraiment pas drôle.

« Mais je suis Niveau 19, donc je dois bien faire quelque chose. »

Combien de cela est dût à la classe de [Héros] ?

« Ça ne peut pas être ça, vu que personne ne rigole. »

Wilen le dit comme si c’était évident et que j’étais un idiot pour ne pas m’en rendre compte. Je hoche la tête, et il se gratte.

« Est-ce que c’est parce que tu attires l’attention ? »

« Non… Les [Clowns] doivent être drôles. »

« Vraiment ? Mais... ; »

« Je sais. Mais pas vraiment drôle. C’est… »

Comment est-ce que je peux expliquer cela à quelqu’un qui n’a jamais vu de clown ? Je veux dire, comment expliquer qu’une personne qui doit faire rire peut tout aussi faire peur au gens qu’il essaye de divertir ? De plus, les clowns ne sont pas le plus drôle dans un cirque. Ils sont… Secondaires, au mieux.

« Les Clowns… Sont plus comme des jokers. Ils sont la chute de la blague. »

« De la blague ? Genre, raconter des blagues ? »

Wilen me regarde avec scepticisme, et je secoue la tête. Puis je trouve.

« Non, il faut distraire les gens. Être un clown est préparer la blague. »

« Quelle blague ? »

« Je ne suis pas certain. »

Mais ce que je venais de dire était la vérité. Wilen fronça les sourcils et ouvre la bouche pour me poser une autre question. Gah.

Je m’apprête à mettre la main dans ma poche, puis je me souviens que je suis un [Clown] et je fais apparaître le pain au fruit derrière l’oreille de Wilen. Il ne semble pas impressionné, mais il a clairement faim. Je lui tends le pain légèrement écrasé.

« Tiens. Ce n’est pas très drôle, mais c’est comestible. »

Il me regarde de manière suspicieuse, mais je ne bronche pas. Wilen hésite alors qu’il regarde le pain au fruit dans mes mains. Puis il le prend, gêné.

« Merci. »

Il ne devrait pas me remercier. Je devrais le remercier. Nous sommes la responsabilité de ce village ; le village est forcé de nous nourrir même si nous obtenions des provisions de la capitale de temps en temps.

« Donc. Heu. Comment ça va ? »

Wilen hausse les épaules en dévorant le pain.

« Bien. J’essaye d’apprendre à utiliser une épée pour obtenir la classe de [Guerrier]. Maman préférerait que je devienne un marchand à la place. »

Il grimace. Je suppose que c’est comme vouloir devenir un policier et étudier pour devenir comptable à la place. Mais après avoir vu des monstres de prêt, je ne peux pas contredire sa mère.

« Tu sais, être un [Guerrier] n’est pas aussi bien qu’il y parait. Un [Marchand] gagnera probablement plus d’argent. »

Wilen me regarde avec mépris.

« Et comment est-ce que je me protégerais quand les Démons attaqueront ? Ils vont revenir un jour ou l’autre. Le Roi Démon va bientôt attaquer le Mur, tout le monde le sait. »

Je n’ai rien à lui dire. Il a raison. Cet endroit n’est pas sûr comme les Etats-Unis. Bon sang, les Etats-Unis ne sont même pas sans danger, mais il n’y a que peu de personne qui meurent à cause des armes à feu chaque jour. Mais ici tu pourrais te faire manger par un… Escargot géant, ou un truc du genre.

« Bon courage, alors. Je vais, heu… Je suppose qu’on se revoir plus tard. »

« Okay. »

Wilen court jouer avec ses amis. Je me traîne jusqu’à l'étable.

Le village à une large étable avec seize chevaux à l’intérieur. Le bâtiment ressemble énormément à une grande au niveau de l’apparence et de l’odeur, mais au moins les chevaux ne me jugent pas comme les gens. Ils reniflent l’air et souffle, c’est tout.

Je n’aime pas les chevaux, et je doute qu’ils aiment me porter. Mais personne ne me dérange ici, et je ne dérange personne.

Le fait qu’il y ait autant de chevaux est peut-être étrange, mais c’est au cas où avons besoin d’envoyer un message d’urgence ou qu’un [Soldat] en ait besoin. De plus, entretenir l’étable fait gagner de l’argent aux villageois, et ils en ont cruellement besoin.

Je m’assois dans la paille, priant pour que le truc mou sous mes fesses ne soit pas quelque chose qui est sortie du derrière d’un cheval et fait une petite sieste avant d’entendre une voix et sentir quelqu’un être au-dessus de moi.

« Tom. »

Je lève les yeux vers la voix et essaye de sourire. C’est Richard. Le leader de notre charmant petit groupe.

Il est de retour avec les autres. Ils sont partis à cheval, huit personnes… Trois filles et cinq gars. Avant, ils auraient eu une escorte de soldat, mais Richard est considéré être assez pour mener son petit groupe seul.

Les gens descendent de leurs chevaux autour de moi, la plupart le font maladroitement. Il n’y a pas de cavaliers naturels dans le groupe. Je vois une grande fille descendre de son cheval et dépoussiérer ses robes.

Emily. C’est la seconde leader du groupe après Richard. La plupart des gars l’aiment bien, et elle a le second plus haut niveau après Richard. Elle renifle dans ma direction, mais ne dit rien.

Richard descend et panse son cheval alors que les autres sortent en laissant la scelle sur leurs montures. C’est un bon type, et il sait comment chevaucher. Il a grandi dans le sud, au Mississipi, dans un ranch.

« Tom. Comment s’est passé ta journée ? »

Je hausse les épaules alors que je secoue mon pantalon pour faire tomber la paille.

« C’est calme. J’ai, heu, fait pleurer Cynthia quand la musique à recommencer. Kevin et Vince se sont presque battu. »

Richard soupire alors qu’il accroche la scelle et masse ses épaules. Il porte une cotte de maille, un bouclier, et une épée mais il porte le tout comme si ça ne pesait rien.

« Tu ne peux pas l’arrêter ? »

Mes épaules s’affaissent et ma voix devient défensive.

« Je ne peux pas l’arrêter. »

Il me tapote l’épaule.

« Je sais. Désolé. Cynthia est en train d’aboyer sur le mauvais arbre quand elle s’énerve. Elle à besoin de sortir un peu plus souvent, ou elle va devenir folle. »

« Nous allons tous devenir fou si nous n’allons pas quelque part. »

« Tu continus de jongler pour les gamins ? »

« Un peu. »

Les gens n’ont pas la moindre idée de ce que je suis. Ils regardent ma peinture blanche et me demande quelle sorte de classe [Clown] est. Ils ne rient pas, et ils me regardent jusqu’à ce qu’ils aient quelque chose à faire. Je ne peux même pas les faire rire pour qu’ils oublient leurs problèmes.

Richard mange ses ongles alors qu’il s’appuie sur un mur de l’étable. Le cheval qu’il vient de chevaucher me regarde.

« Tu sais, Tom, tu pourrais venir avec nous la prochaine fois. Tu… Pourrais te battre. Nous allons chasser demain. Tu pourrais nous rejoindre. »

« Je… Ne pense pas en être capable. Je ne suis pas un combattant. »

Je suis malade à la vue du sang. Quand j’ai cru que j’allais devoir décapiter ce Gobelin qui hurlait… J’ai encore des cauchemars à propos de Ron et Marian.

« Mais pourquoi un [Clown] ? Les clowns ne sont pas… »

Il s’arrête avant de dire la suite, mais je comprends. Les clowns ne sont pas drôles. Oui, c’est vrai. Mais il y a une raison pour laquelle je continue d’aller dans cette classe. C’est un pressentiment. Un pari, mais peut-être que…

Je suis sauvé par un son familier.

« ♪Doo doo doodle do do doo doo doot~♫ »

Nous écoutons tous les deux l’horrible musique en silence. Richard se racle la gorge.

« Est-ce que tu peux au moins changer la musique ? »

« Si je le pouvais, mec, je le ferais sans hésiter. Tout sauf ça. »

« Bon, je suppose que c’est une bonne chose que tu ne viennes pas patrouiller avec nous. Imagine ça qui se lance lorsque nous approchons discrètement un monstre. »

Nous rions tous les deux. Pourquoi est-ce que je ne peux pas être drôle comme lui ?

« Chole veut encore utiliser le portable de Vincent pour appeler les autres. »

« Ce n’est probablement pas une bonne idée. Tu te souviens de ce qu’il s’est passé ? »

« Ouais. Mais elle dit que… »

« Je vais lui parler. Mais j’ai d’autre nouvelle. Je viens de parler avec un officier sur la route, et il dit que nous allons peut-être bientôt avoir du renfort. »

Je lève la tête.

« Plus de soldats ? »

Richard secoue la tête, et il a l’air sombre.

« Non. Plus de gens comme nous. »

Il me faut un moment pour digérer l’information.

« Quoi ?»

« Le Roi pense que nous sommes une erreur. Il veut recommencer le rituel et appeler plus de héros dans ce monde. »

« Comment est-ce qu’il peut le refaire ? Est-ce qu’il n’y a pas un lourd coût à payer ou quelque chose dans le genre ? »

« Je pense qu’ils vont continuer de le faire tant qu’ils ont assez de [Mages]. Ils disaient que cela prenait beaucoup de mana, et autres choses, mais ils veulent réessayer. »

« Je ne peux pas vraiment les blâmer. Pas vrai ? »

Richard rit, et regarde la paille sur le sol de l’écurie.

« Non. Mais c’est une erreur. »

Ça l’ai. Plus de gens. J’essaye de l’imaginer. Je ne veux pas voir d’autre personne mourir à notre âge. Richard serre le pommeau de son épée par réflexe et regarde les portes de l’écurie.

« Je vais essayer de parler aux soldats ; essayer d’avoir une audience avec lui. »

« Il ne nous écoute pas. Il ne l’a jamais fait. »

« Mais je dois essayer. C’est la bonne chose à faire. »

La bonne chose à faire. Ce n’est pas une surprise que Richard soit devenu un [Chevalier]. Il est toujours en train d’essayer de nous offrir le meilleur, et il a aussi cette courtoisie des Etats du Sud. Il y pense alors que je le regarde du coin de l’œil.

« Si je peux le convaincre que certain d’entre-nous peuvent être les héros qu’il veut, alors peut-être qu’il va nous écouter. »

« Tu penses que tu peux le faire ? »

« Emily a dépassé le Niveau 20 et Rouge est presque là. C’est bien plus rapide que n’importe qui dans ce monde. Si je peux atteindre le Niveau 30, je serais équivalent à un aventurier Or. »

« Peut-être que vous devriez être des aventuriers. Vincent disait que c’était ce dont nous avons besoin. Des items magiques. »

« Eddy dit la même chose. Peut-être. On pourrait essayer d’aller voir un de ces donjons si nous sommes escortés de l’autre côté du mur et vers la capitale. C’est bien plus sûr derrière les murs. »

« Ouais. »

Richard devient silencieux, et je ne peux rein ajouter. Nous restons immobiles pendant quelques instants jusqu’à ce que Richard se racle la gorge.

« Allons dormir. »

C’est drôle. Enfin, pas vraiment drôle, mais bizarre. Quand est-ce que j’ai commencé à bien prendre les ordres comme ça ? Je veux dire, je n’ai jamais laissé quelqu’un décidé de quand j’allais me coucher depuis que j’étais gamin. Mais Richard me le dit et donc nous nous rendons dans la grande salle.

Cynthia à arrêter de pleurer, et avec les autres, les petites disputes de la matinée sont oubliées. Nous mangeons un ragoût sans goût avec des morceaux de viandes en sauce, et puis nous éteignons toutes nos lanternes et allons-nous coucher sur les matelas durs.

Je m’assois dans le noir pendant un temps, écoutant les gens parler doucement et d’autre qui s’endorment. Quelqu’un commence à ronfler, et je pose ma tête sur l’oreiller.

Mes yeux se ferment, je commence à me laisser porter. Mais je n’entends pas de voix dans ma tête.

… Pas de gain de niveau. Encore. Bon sang.

Quelque chose va se passer si j’atteins le Niveau 20. Je le sais. Et s’il arrive ce que je pense, alors peut-être que…

Que je vais pouvoir faire rire les gens. Faire des choses de clown. J’ai besoin d’un nez rouge. Une tomate ? Est-ce qu’ils en ont au marché ?

J’arrive pas à penser. Dois dormir. J’essaye de rendre l’oreiller plus confortable alors que ma respiration se calme. Un autre jour en moins. Mes pensées disparaissent alors que je ferme les yeux.

J’ai vraiment…Besoin… De meilleures blagues…

***

« Tom. Tom ! »

Quelqu’un me secoue pour me réveiller. Je regarde autour de moi, et vois le visage de Richard. Il n’y a pas de lumière dans la salle, mais je peux toujours voir son visage illuminée d’une lueur orangée. Il est aussi paniqué que la fois ou je l’ai vu quand nous étions par-delà le mur.

Il me met sur mes pieds.

« Debout. Et restes silencieux. »

« Qu-qu’est-ce qui se passe ? »

« Nous sommes attaqués. C’est un raid des Démons. »

Autour de moins, j’entends les autres se réveiller et faire passer le mot. J’entends quelqu'un geindre bruyamment, Cynthia, et elle se fait aussitôt taire. Je n’entends plus que le bruit des flammes, les cris, et au loin, le bruit du métal contre le métal.

La guerre est venue au village. Et elle allait venir pour nous.

Une fois que tout le monde sur pied, réveillé et effrayé, Richard se tient debout au centre de la pièce. Il lève la voix assez forte pour se faire entendre.

« Un groupe d’archer Démon est en train de tuer tout ce qui bouge au centre du village. Ils vont nous abattre sur nous partons à cheval. Nous allons devoir nous faufiler. »

« Qu’en est-il des soldats ? Où sont-ils ? »

Emily répond pour Richard.

« Ils sont en train de se battre à l’avant-poste. Ils vont envoyer de l’aide, mais nous devons partir. Prenez tout ce qui a de la valeur et attendez mon signal. »

Elle lance un sort, et une sorte de bouclier magique se forme autour d’elle. Elle ouvre une porte avec précaution et quelqu’un de nos guerriers la suivent. Après une seconde, la porte s’ouvre et Emily passe sa tête.

« Personne n’est là. Suivez-moi. Baisser la tête et marcher vite ! »

Tout le monde commence à se diriger vers la porte. Personne ne parle, mais je regarde autour de moi et les mots s’échappent de ma bouche avant que je puisse les arrêter.

« Et les villageois ? »

Tout le monde s’arrête. Emily me fait une grimace dédaigneuse, et pointe en direction de la fenêtre d’où proviens le combat.

« Ils sont en train de se battre avec les soldats. Nous ne pouvons pas prendre le risque de les aider. Il y a un groupe de Démons là-bas, pas que des monstres ! »

« Mais… »

« Tom. Nous ne pouvons rien faire. »

Richard semble fatigué alors qu’il dégaine son épée. Il va fermer la marche. Il me fait signe d’avancer vers la porte, mais j’hésite.

« Il y a des gamins là-bas. On ne peut pas… ? »

Personne ne croise mon regard. Richard hésite, mais Emily le regarde et quelque chose passe entre eux.

« Nous ne pouvons rien faire. Nous devons partir maintenant. »

« Alors je vais y’aller. »

« Quoi ? »

Je tremble. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Je pense à Wilen et à la fille à qui j’ai donné une fleur ce matin. Je ne peux pas partir.

« Je vais y’aller. Je vous retrouverai plus tard si… Je vais y’aller. »

Richard me regarde. A mon grand soulagement, il n’essaye pas de m’arrêter, il sort une flasque de sa ceinture.

« Prends ça. »

Il met la potion jaune dans mes mains. C’est un truc de grande qualité et je sais que ça lui a sauvé la vie plus d’une fois au combat. Je la prends et je hoche la tête dans sa direction. Qu’est-ce que je peux dire ?

Les autres me regardent, mais personne ne dit rien. Après quelques secondes, Emily traîne quelqu’un vers la porte et les autres suivent.

Personne ne m’arrête, personne n’essaye de me dire que c’est stupide. Ils sont déjà en train de partir. Ce n’est pas le moment de sortir une phrase héroïque et débile comme dans les films.

Alors pourquoi est-ce que je suis en train de faire quelque chose d’héroïque et de débile ?

Je ne sais pas, et je n’ai clairement pas l’impression de faire quelque chose d’héroïque alors que je descends la rue, essayant de rester à l’ombre. Mais peut-être que je ne supporte l’idée que nous prenons la fuite. Pas maintenant. Pas… Sans essayer quelque chose.

Je suis juste un [Clown]. Je pensais que ça allait être une bonne idée, qu’il y allait avoir quelque chose. Mais maintenant je ne pense pas à ma classe ou à mes compétences ou autre chose. Je suis juste un type terrifié essayant de faire ce qu’il faut faire.

J’entends quelqu’un hurler plus loin devant moi et mon cœur s’arrête dans ma poitrine. Mais ce n’est pas un son humain. Devant moi, l’auberge se tient à côté d’une maison en feu. Les flammes ne l’ont pas encore touché, mais les chevaux sont à l’intérieur et ils peuvent sentir la fumée.

Je n’ai pas le temps de les libérer. Si j’avais un cheval… Mais je ne peux pas.

« Je suis désolé. »

Je murmure doucement et je continue. Je ne peux pas m’arrêter. Tous mes instincts me disent que je suis en danger. J’ai juste besoin de trouver Wilen et les gamins. Ils savent qu’ils doivent aller vers l’avant-poste en cas de danger, mais si les soldats se font attaquer, où est-ce qu’ils peuvent aller ?

Richard et Emily pourraient les protéger si je les ramène. Si…

Quelque chose fonce dans une ruelle en face de moi. Je me fige, mais ce n’est pas un Gobelin. Un petite forme cours à travers la rue. Je cri, oubliant la prudence.

« Wilen !»

Il se tourne vers moi, le désespoir inscrit sur son visage. Il part vers moi, mais j’entends quelque chose se briser et une forme passe à travers le mur d’une maison derrière Wilen.

Une gigantesque main passe à travers la pierre, et un gourdin qui n’est qu’une grosse poutre envoi du bois enflammé volé à travers l’air alors que la chose hurle et charge vers moi. Je me fige.

Un Troll. Un monstre massif, à la peau vert-grise, s’approche lentement de Wilen. Le gamin cours vers moi, et je me fige de nouveau. Qu’est-ce que je devrais… ?

« Cours ! Je vais l’arrêter ! »

Wilen me regarde, mais je le pousse derrière moi. Le Troll s’arrête alors que je cours vers sa gauche, essayant de l’attirer. Il court vers moi, la plus grosse cible, et sourit alors qu’il lève sa poutre brisée.

Je dois faire gagner du temps à Wilen. Je cri et secoue mes bras en courant. Je peux aller dans une ruelle et le perdre.

Mais la poutre du troll me bloque le chemin, et je réalise qu’il est plus rapide que moi. Il me barre le passage et lève son gourdin. Je ralenti et essaye de faire demi-tour, mais c’est trop tard.

Il donne un coup de son gourdin. Si rapidement ! Trop rapide, je ne peux pas l’éviter. Je lève mon bras…

… Et je me réveille au sol. Je lève ma tête et vomis alors que tout tourne autour de moi. Je dois me pencher pour vider mon estomac, mais je suis debout sans avoir le temps de penser.

Wilen. Je dois le trouver. Le Troll doit avoir pensé que je suis mort. Ou est… ?

Quelque chose git dans la rue à quelques pas devant moi. Je le regarde.

Non.

Il est toujours en train de bouger. Je titube en avant, sentant mon corps agoniser. Mais c’est un cri lointain ; pas plus bruyant que celui dans ma tête. Je cours, et je vois la petite forme.

Wilen. Il tourne sa tête vers moi alors que je m’arrête. J’ai froid, malgré les flammes autour de nous. Et mon cœur…

« C’est toi, Monsieur le [Clown] ? »

Il est en un morceau. En partie. Mais sa colonne vertébrale n’est pas du bon côté, et sa peau…

Le jeune garçon me regarde, le visage pale. C’est un gamin. Rien qu’un gamin. Des larmes coulent sur ses joues alors que je me penche vers lui et tombe à genoux.

« J’ai essayé de courir comme tu l’as dit, mais il était trop rapide. Il m’a eu. »

« Wilen… »

Je tends la main vers lui, puis je m’arrête. Qu’est-ce que je peux faire ? Je ne peux rien faire. Wilen à du mal à respirer, son visage est pâle.

« Je pense qu’il m’a blessé. Est-ce que je vais bien ? »

« Je… »

Ma tête tourne. Wilen n’a pas besoin de répondre. Il se mord la lèvre tellement fort qu’il se l’ouvre. Il essaye de ne pas crier.

« Monsieur [Clown]… Il revient. »

Je regarde par-dessus mon épaule. Peut-être que le Troll a trouvé autre chose à tuer. Peut-être qu’il pensait que nous étions morts. Peut-être qu’il s’ennuyait.

Il marche d’un pas lourd dans la rue, traînant son gourdin derrière lui. Il plisse les yeux et nous remarque, puis il sourit.

Il fait quelques pas vers nous et je sens mes os trembler. Wilen soupire quelque chose au sol alors que le sourire du Troll devint plus grand encore. Son torse bouge alors que la massive créature ouvre la bouche. Il est en train de rire.

Je ne comprends pas la blague.


 
EllieVia
   
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1.01 C
Traduit par EllieVia

C’est peut-être une bonne chose que les dieux soient morts. Parce qu’en tenant le corps d’un enfant agonisant dans mes bras, je suis incapable de croire en quoi que ce soit. Ni en Dieu, ni au Paradis…

Certainement pas en moi.

J’ai toujours été un échec. Cela me ronge pendant les moments sombres et mes instants de joie. Avant, j’avais des médicaments pour empêcher ces pensées de m’assaillir et de m’entraîner dans les ténèbres. Mais je vois à présent que j’ai toujours eu raison. Les instants de bonheur n’étaient que des illusions.

Je ne suis capable de rien. Je ne suis rien. Je ne peux pas être un héros, je ne peux pas me battre. Je suis incapable de sauver un seul enfant.

Wilen, le souffle saccadé, s’accroche à moi. Il est encore vivant. Mais plus pour longtemps. J’en suis sûr. Sa colonne vertébrale et le bas de son torse sont…

“J’ai mal. Un peu.”

Il se mord tellement fort que ses dents ont traversé ses lèvres. Je le tiens contre ma poitrine. Je ne sais pas quoi lui dire.

“Tout va bien se passer.”

Il me lance le même regard que celui qu’il me fait à chaque fois que je fais une blague vraiment mauvaise. J’ai presque envie d’en rire.

“Je vais mourir. Mais tu devrais t’enfuir. Il arrive.”

J’entends le Troll s’avancer vers moi, ses pas lourds résonnants dans la rue. Ce bâtard gargantuesque prend son temps et profite de la balade. Je ne bouge pas. J’en suis incapable.

“Je ne t’abandonnerai pas ici.”

“Tu n’as pas le choix. Je suis en train de mourir.”

Il le dit d’un air tellement nonchalant, mais sa petite main agrippe fort mon bras. Je sais qu’il a raison. Lui aussi. Je ne sais pas quoi faire. Il me tend quelque chose. Une épée ? Non… juste un couteau. Un couteau de cuisine. Il doit avoir essayé de se défendre avec.

Il tombe de sa main. Il n’arrive même pas à le tenir. Wilen souffre. Il est… je peux voir la douleur dans ses yeux.

Donc je raconte une blague.

“Hey. J’ai une blague pour toi.”

Je prononce ces mots par désespoir, par peur. Parce qu’il a mal et que je veux faire disparaître la douleur.

Wilen me regarde. Il essaie de sourire et échoue. Des gouttes de sueur et des larmes, indifférenciables, roulent sur ses joues.

“C’est une bonne blague ?”

“Tu me diras.”

“D’accord.”

Je prends une grande inspiration. Je n’ai pas de blague à raconter. Mais elle me vient dans un éclair de génie.

“Tu… tu sais comment on appelle un gros [Clown] assis devant un Troll ?”

Wilen prend une inspiration rauque. Son visage pâlit un peu plus, et il s’accroche à mon bras de toutes ses forces. Sa poigne s’affaiblit. Je baisse les yeux, et vois le sang s’accumuler sous sa peau.

“Quoi ? Comment appelle-t-on un… gros [Clown] assis devant un Troll ?”

“Le plat de résistance.”

Ce n’est pas drôle. Mais il rigole, et du sang coule de son estomac.

“Elle est bonne. Mais je ne veux pas…”

Ses yeux partent dans le vague un instant et il se tait. Je le tiens dans mes bras un moment, attendant qu’il termine sa phrase. Puis je comprends qu’il est mort.

Derrière moi, la terre tremble et j’entends un rire épais au-dessus de ma tête. Une puanteur terrible et putride me monte aux narines et je sens l’odeur du sang et de la mort.

Mais je n’en ai cure.

J’ai la tête sous l’eau, mais mes yeux sont secs. Toutes les larmes coulent de mon cœur. Comme le sang, qui s’écoule sur le sol. Mon sang.

Tout tourne autour de moi. Je sens la mort approcher, reniflant, grognant. Le Troll.

Je ferme les yeux de Wilen et me mets en mouvement. Je me lève. Je continue de bouger. Et je souris.

Je ne suis pas heureux. Je ne crois pas que je serai de nouveau heureux un jour. Mais c’est une tragédie, et je peux au choix me coucher et mourir, ou tourner la page.

Parce que c’est ce que font les clowns. Je crois que j’ai compris à présent. Nous faisons rire des drames, et prétendons que tout est drôle alors que ce n’est pas le cas. Nous…

Racontons des blagues pour que personne ne puisse voir les larmes qui coulent dans nos cœurs.

Le Troll est dans mon dos. Je vois son ombre gigantesque lever sa massue. Et je ris. Mais il ne comprend pas. Il ne comprend pas ce qu’est l’humour véritable. Il ne comprend rien.

Je ferme les yeux. Parfois, il suffit de lâcher prise. Et laisser sortir ce qui est drôle à l’intérieur de nous.

Ha. Elle était plutôt bonne.

Hahahaha..

HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA...



[Clown Niveau 24 !]

[Compétence - Tolérance Majeure à la Douleur Obtenue.]

[Compétence - Chance du Diable Obtenue.]




[Condition - Rire Horrifiant Reçue]

[Condition - Folie Mineure Reçue.]





Oh. Oh.

C’est donc à ça que ça ressemble. Quelle sensation merveilleuse. Quelle sensation iNcroYable.

J’avais raison depuis le début. Les classes sont ce que l’on en fait. Les [Clowns] n’existent peut-être pas dans ce monde, mais nous avons apporté un peu de notre monde avec nous.

Et les [Clowns] ne se contentent pas d’être drôles.

Nous sommes hilarants.

Vous vous souvenez du moment où j’ai dit que j’étais dépressif ? J’ai menti.






The Wandering Inn [Fan-traduction] [Fantastique] [Aventure]  - Page 8 Forumm10




Et à ce moment précis, le monde est terriblement, affreusement, et horriblement drôle à mes yeux.

Je repose le petit corps par terre et me relève. Le Troll se tient au-dessus de moi en se léchant les lèvres. Il rit d’un rire épais et cruel. Ce n’est pas un rire. Je lui montre à quoi ressemble un vrai rire.

“Héhé. Ohoho. Hahahaha. HAHAHAHAHAHAHAHAHAHA.”

La créature entend mon rire. L’énorme visage du Troll se froisse d’incompréhension. Il n’apprécie pas ce qu’il entend. Il n’aime pas le bruit que je fais.

Il me donne un coup de massue. Je m’envole dans les airs. Comme un oiseau ! Je ne suis qu’un clown. Je ne peux pas esquiver. Pourquoi qui que ce soit penserait-il que je pouvais esquiver ?

Je pense que mes os se brisent en heurtant le sol. Mais je me redresse et continue de rire. La douleur n’est qu’une autre face du plaisir, n’est-ce pas ? C’est tellement drôle que même mes côtes cassées ne me dérangent pas.

Le Troll avance sur moi de son pas pesant. Il me donne un coup de poing lorsque je m’assieds et hop ! je retourne au tapis. Youpi !

Haha. Ça fait mal ! Ça fait mal et je saigne.

Le Troll tend la main pour m’attraper, puis marque une pause en remarquant le couteau qui dépasse de son bras. Il entre et ressort alors que je le poignarde.

“Coupe. Coupe. Coupe. Coupicoupe.”

Il me dévisage. Je pouffe de rire. Le sang des Trolls est rouge ! Quelle merveilleuse découverte !

Le Troll me rugit au visage. Ooh, ça fait peur. Il recule et lève sa massue. Un peu trop loin !

“Aha ! Un point faible !”

Cette fois-ci, il hurle lorsque je plante le couteau pile dans son pagne. Il me jette au loin et je roule. Pauvres os ! Pauvre chair ! Où est ma potion de soin ?

Le Troll me regarde fixement me relever d’un bond. Il se tient l’entrejambe et s’éloigne en titubant. Je ne lui ai pas fait très mal, mais il a trop peur. De quoi ? Mon visage ? Le rire ? Est-ce qu’il ne supporte pas les blagues.

Je descends entièrement ma potion. Puis une autre. Elle me brûle comme du feu. Les potions de soin ne sont pas censées être bues, il faut plutôt les appliquer. Trop d’un seul coup, et on souffre. Mais qu’est-ce que la souffrance ?

Le Troll s’enfuie en courant… enfin, plutôt en boitant. Je le suis. Comment suis-je censé trouve qui que ce soit avec toute cette fumée ? Je ne cesse de trébucher sur des cadavres. Honnêtement. On pourrait penser que les villageois allaient nettoyer derrière eux après avoir saigné de partout.

C’est alors que je vois les Démons. Huit d’entre eux, tous ensemble. Un groupe d’archers qui tirent sur quelqu’un au loin. J’entends un cri, puis le Troll crie quelque chose aux archers en courant vers eux.

L’une d’elle se retourne, et j’aperçois un visage anguleux et sévère, de la fourrure d’un violet sombre, et deux cornes de bélier. Hey, Eddy avait raison ! Ils ressemblent un peu à ça.

“Wow. Elle est sexy !”

Mais elle a des yeux à facettes, et une espèce de chitine semblable à une armure qui lui recouvre le haut du corps. Des mutants. Bon Dieu.

C’est trop drôle. Est-ce que je me bats contre les X-men ?

“Hah !”

Elle se tourne vers moi. Elle a probablement la charge de cette joyeuse bande. Et oh, regardez, ils ont des arcs !

Les autres Démons ont des apparences variées aussi. L’un d’eux a l’air d’avoir des écailles de poisson, un autre a l’air humain si l’on passe outre la corne qui lui sort du front, et un autre a le bras gluant.

Quelque chose en moi veut se révolter. Quelque chose au fond de moi est déçu. Des Démons ? Ce ne sont que des gens avec des problèmes de peau. Ils ne sont pas différents de humains. Ils travaillent en équipe - ils se battent et tue, et ils ont probablement autant de peur et de haine pour nous que nous de haine pour eux.

À quoi bon avoir peur de quelque chose d’aussi merdique.

Mais ce n’est pas ce que fait un [Clown] ! Mes pensées se tordent, et mes lèvres aussi. Un [Clown] montre du doigt la manière dont le monde se brise et en rit. Je suis un artiste. Un mec rigolo.

“Souris, souris, souris.”

Le Troll passe en courant derrière le groupe d’archer, ignorant l’ordre de la chef qui lui somme de s’arrêter ou de prendre un bain. Et voilà qu’ils se retournent. Bonté. Est-ce que j’ai fait peur aux grands méchants démons ?

L’un d’eux regarde dans ma direction et crie quelque chose. Les autres lèvent leurs arcs et me visent, avec incertitude toutefois. Oups. Je suis dans l’ombre, c’est ça ? Eh bien c’est le moment de l’entrée dramatique.

Je sors des ténèbres et leur adresse un large sourire en m’inclinant. C’est important de faire bonne impression en arrivant. Et je dois être un bon forain.

Étrangement, ils se figent tous en apercevant mon visage. Pourquoi ? Est-ce que c’est mon sourire de vainqueur ? Quelque chose sur mon visage ?

“Ne prenez pas cet air effrayé. Je suis venu apporter un sourire sur vos visages. Vous voulez entendre une bonne blague ?”

La Lieutenante Démone lève son arc. Elle tire une flèche droit sur ma tête avant que j’aie eu le temps de cligner des yeux.

Quelque chose m’ouvre la joue. Je cligne des yeux, et touche la chair fendue.

“Hey ! J’ai failli mourir !”

Elle cligne des yeux. Je la fusille du regard, puis souris en léchant le sang.

“Comment appelle-t-on un gros type devant une bande d’archers ? Une pelote à épingles ?”

J’éclate de rire et les Démons me dévisagent avec incertitude. Est-ce qu’ils n’ont pas compris la blague ? Ou est-ce qu’ils n’arrivent pas à m’entendre ? C’est encore plus drôle.

”HAHAHAHAHAHAHAHAHA…”

Une autre flèche manque de peu ma tête lorsque je me plie en deux de rire. Whoops ! Je me relève, et écarte les bras. J’avance vers eux en criant d’un air joyeux.

“Allez-y alors ! Tirez ! Criblez-moi de flèches !”

Les archers hésitent. Ils n’ont jamais vu qui que ce soit marcher vers eux, les bras grand ouverts. Je souris aux pointes de flèches qui brillent à la lumière.

L’un d’entre eux tire. Cette fois-ci, il m’atteint à la jambe. Je trébuche, mais, hé, qu’est-ce qu’une flèche entre amis ? Il y a une potion dans ma poche. Je fais mine de la faire sortir des airs et la boit tandis qu’une autre flèche se plante dans mon autre jambe. Et j’avance vers eux.

“Est-ce que vous pensez vraiment…”

Une autre flèche apparaît dans ma poitrine et je chancelle. Mais la potion fonctionne. Je reprends l’équilibre et continue de marcher.

“Est-ce que vous pensez vraiment pouvoir tirer sur un type avec un sourire aussi beau que le mien ?”

Les pointes des flèches cherchent à atteindre mon cœur. Mais elles l’ont raté. Et il n’y a rien pour elle par ici, de toute façon. J’ai le cœur en bandoulière. Vous l’avez ? Ha.

L’un des Démons vêtus de cuir baisse son arc lorsque je m’approche de lui. Il arrache une épée de son fourreau. Ooh, ça fait peur.

Je lui fais un petit signe de la main, et mon sourire s’agrandit. Ses yeux sont exorbités lorsqu’il me dévisage. Quoi ? Je suis si moche que ça ou est-ce que c’est mon manque de cornes ?

“Hey. Tu veux voir un tour de magie ?”

Il cligne des yeux en entendant le terme inconnu. Mais ce n’est pas grave, je vais lui montrer. Je fais un geste de la main, et un couteau y apparaît. J’aurais préféré un lapin, mais c’est plus dur de tuer des gens avec.

L’archer n’était pas prêt pour ça. Il hésite, et je lui donne un coup de poignard dans la gorge.

Raté. Il a une Compétence, ou alors il est plus athlétique qu’un type dépourvu de coordination avec des flèches qui dépassent de son torse. Il recule et le couteau atteint son armure à la place. L’impact me fait lâcher la lame.

Oups. Il tente de me transpercer de son épée, et je lui saisis sa main. Il me force à le lâcher et essaie de me taillader, mais il n’a soudain plus rien entre les mains. Son épée a disparu. J’agite mes doigts devant son nez.

Tadam.

Je la tire alors en arrière et le transperce avec. Il suffoque, et je ris aux éclats en le repoussant.

“Bon, et maintenant, est-ce que quelqu’un saurait où je pourrais trouver un crayon ?”

J’entends un cri et tourne la tête. Une flèche me fait tournoyer. Celle-ci a bien failli m’avoir pour de bon ! La Lieutenante lâche son arc et se précipite sur moi avec son long couteau dans la main.

“Que tu es mignonne ! Tiens, attrape !”

Je lui lance l’épée, et elle esquive à gauche. Pile sur le couteau que j’ai soudain fait réapparaître dans ma main.

Mais bien sûr, c’est une soldate ! Grande, méchante, et ô combien talentueuse. Elle dévie le couteau de sa trajectoire puis fond sur moi. Elle me donne un coup de pied si puissant que je sens quelque chose exploser dans mes entrailles. Mais la potion est toujours en moi, et vous savez quoi ? Ça ne fait pas si mal que ça.

Je tombe à genoux tandis qu’elle lève sa dague au-dessus de ma tête. Elle l’abat, et je lève la main. J’attrape la lame avec mes doigts.

“Hé, c’est aiguisé ce machin ! Ça t’embête si je te l’emprunte ?”

La longue dague courbe disparaît et la Lieutenante prend une vive inspiration. Probablement parce que je viens juste de la poignarder dans le ventre avec sa propre arme.

“Quoi, pas d’applaudissements ? Ton autre pote a trouvé que c’était à mourir de rire.”

Je lui donne quelques petits coups de coude mutins et elle titube en arrière.

“Tu l’as ? Mourir de rire ? Non ?”

Le reste des archers se précipitent sur moi en hurlant pour essayer de protéger leur boss.

“Oh, s’il vous plaît. Un à la fois. Faites la queue !”

Je retire une flèche de mon épaule et tente de taillader l’un des soldats. Il esquive. Ooh, il a un couteau lui aussi.

Il aurait dû alors me poignarder dans l’œil ou à un autre endroit merveilleusement douloureux, mais je lui souris lorsqu’il se jette en avant, et il se paralyse. Ses yeux s’écarquillent, et je les écarquille encore plus lorsque je lui plante la flèche dans son orbite droite.

“Regarde-moi ! Regarde... oh, attends. Tu ne peux pas.”

Il me faut une meilleure inspiration. Mais le reste des soldats est en train d’hésiter, à présent. Leur leader est en train d’essayer désespérément de retirer la lame et d’utiliser une potion avant de mourir d’hémorragie. Je leur adresse donc mon plus grand sourire pour leur montrer que je ne suis pas rancunier.

Ils s’enfuient.

“Hé ! Le spectacle n’est pas encore terminé !”

Je me lance à leurs trousses, mais je suis trop lent. Et puis la perte de sang, tout ça tout ça. Je baisse les yeux et réalise que je suis toujours en train de saigner de partout.

“Les potions ne fonctionnent juste plus aussi bien qu’avant, pas vrai ? Quand j’étais jeune, on avait des scores de CA négatifs et les mages ne pouvaient pas jeter des sorts d’un niveau supérieur à 6. Bah.”

Le monde tourne autour de moi, mais ce n’est rien à côté de la torsion qui s’effectue dans ma tête, et du rire qui résonne dans mes oreilles. À qui appartient-il ?

Oh, c’est vrai. À moi.

Mais je n’ai donc aucun public avec qui partager mon amusement ? Je regarde autour de moi. Nope. Rien que des cadavres.

Ooh, et une lieutenante Démone fraîchement décédée ! Elle essaie de s’éloigner en rampant. On dirait que ses potions de soin ne sont pas aussi cools que les miennes.

Elle hurle lorsque je tords ma tête et mon torse pour lui jeter un regard en coin. Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai même souri.

“Tu veux que je te raconte une blague ?”

Elle tente frénétiquement de me frapper de sa dague couverte de son propre sang. Je claque la langue d’un air mécontent et la lui ôte des mains.

“Ce n’est pas très gentil, ça, si ? Écoute, je ne suis pas un très bon [Clown] - je viens à peine de dépasser le Niveau 20, donc sois indulgente, d’accord ?”

Je me mets à papoter avec elle en la traînant dans la poussière et le sang qui jonchent la rue. Elle crie quelque chose, mais j’essaie de raconter une blague.

“C’est très, très gentil de ta part de supporter mes blagues. Je ne fais qu’imiter les maîtres en la matière, tu vois ? J’improvise mon spectacle. Je trouverai bientôt quelque chose d’original, promis.”

Elle me crache dessus. Je ris, et elle se tend.”

“D’accord, d’accord. Trop réaliste ? Trop personnel ? Je sais. Un [Clown] doit rester professionnel. Désolé. Retournons au vrai spectacle ! Tu veux savoir comment j’ai eu ces cicatrices ? … Nah, je te fais juste marcher.”

Je tire sur sa jambe d’un air entendu. Elle s’étouffe un peu et essaie de s’échapper. Je donne un coup de pied dans sa blessure à moitié refermée et elle se met à convulser. Puis je sors mon couteau et le lui plonge dans la bouche. Pas trop loin, juste suffisamment pour que ça lui chatouille le fond de la gorge. Elle écarquille les yeux lorsque je plante mon visage souriant juste devant le sien.

“Voici la blague ! Vous tous… ton peuple, là-bas. Vous vous battez contre ces humains en croyant être le truc le plus flippant du coin. Mais tu sais ce qui est drôle ? Vous ne faites que tuer des gens comme vous. Des gens ordinaires qui deviennent soldats. Nous vous avons traités de monstres et vous nous avez crus. Mais écoute bien. Tu n’as jamais vu de véritable monstre.”

J’enfonce un peu plus le couteau dans sa bouche et elle est prise d’un haut-le corps. Je peux voir le blanc de ses yeux alors que je rapproche mon visage souriant du sien.

Je souris. Je ne peux pas m’en empêcher. Sa peau rugueuse râpe contre mes mains gantées lorsque je murmure à son oreille.

Pourquoi cet air si sérieux ? Tu n’aimes pas les blagues ?”

C’était facile. Mais elle ne m’entend toujours pas. L’officière Démone crie quelque chose tandis que je la traîne dans la rue. En direction du bâtiment en flammes. J’entends les chevaux hurler dans l’écurie.

“Shh. Shh. Allons dire bonjour aux gentils chevaux, d’accord ?”

Il y a une lourde barre qui verrouille la porte. Je souffle comme un bœuf et manque de peu m’arracher un muscle en la délogeant ! Le temps que je parvienne à ouvrir les portes, la lieutenante est en train d’essayer de s’enfuit dans la rue.

“Attends, attends ! On arrive au meilleur moment ! À présent que tu as fait tout ce chemin… regardons la fin du spectacle ensemble, d’accord ?”

Je la plaque au sol et l’attrape par la cheville. Ooh, des sabots fendus. Coquine.

Elle me donne plusieurs coups de pieds dans le visage, mais je lui tiens toujours la jambe. J’observe les écuries. Plus que quelques secondes…

Les chevaux à l’intérieur sont presque fous de peur et de panique à la vue des flammes et du sang dans les airs. Lorsqu’ils sentent qu’il existe un moyen de s’échapper, ils bondissent hors de leurs boxes et se précipitent vers la sortie.

Les portes s’ouvrent à la volée. Les chevaux en surgissent. La Démone que je tiens hurle et tente de s’échapper, mais je la maintiens là où elle est.

J’ai dans le cœur, un grand ami secret, un grand bonheur, c’est mon petit poney… quelque chose dans ce genre, attention aux sabots !”

Les chevaux fous passent en tonnant devant nous, hennissant et braillant tellement fort que je n’entends même plus les cris de la Lieutenante. Elle n’essaie même pas de bouger ; elle se contente de se recroqueviller sur elle-même et de rater tout le spectacle !

Moi ? Je ris.

Le premier cheval m’écrase et j’entends un tintement dans mes oreilles. Et un rire. Un autre m’atteint en plein visage et mon nez se brise. Un autre piétine ma main. Les os se brisent et je sens ma chair se déchirer. Et je ris encore.

Hahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahaha hahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahaha hahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahaha hahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahaha hahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahaha hahahahahahahahahahahahaha...

C’est le matin et le soleil brille fort sur ma peau lorsque je comprends qu’elle est n’est plus là. Je cligne des yeux, baisse la tête, et remarque le sang. J’en suis recouvert. Il y en a sur mes mains, mon visage, mes vêtements…

Je suis au centre d’un cercle de cadavres. Pas des cadavres humains ; des corps de Démons. Des soldats. Ils sont tous morts.

Tous, sauf un. Comment se fait-il que je rate toujours le dernier type ? Ça doit être un angle mort. Probablement l’œil à travers lequel je ne peux pas voir en ce moment.

Je me tourne vers lui en chancelant un peu. Hé, qu’est-il arrivé à mon corps ? On dirait que quelqu’un a fait des claquettes sur ma peau avec une paire de patins.

Le soldat Démon tressaille lorsque je me tourne vers lui. J’essaie d’avoir l’air calme. Honte à moi. Je suis à une veillée funèbre, après tout. La sienne. Est-ce qu’il m’a entendu ricaner ?

Il a un visage étrange, à moitié fondu. Ce n’est pas une blessure - elle a l’air trop propre pour en être une. Les cinq trous ensanglantés qui ponctuent son armure de cuir sont probablement ma faute, en revanche.

“Salut mon pote. T’as pas l’air bien.”

Le soldat dénude ses dents et essaie de lever sa masse d’armes. Mais il est trop tard pour lui. Il dit quelque chose en s’effondrant dans une flaque de ses propres tripes. Je ne connais pas son langage, mais je le comprends tout de même.

“Monstre.”

C’est équitable. Dur, mais équitable. Je tâte mon visage. Des coupures - une peau éclatée - il ne ressemble en rien au visage que je me souvenais avoir laissé ici la dernière fois. Mais mon maquillage reste globalement intact, ce qui est le plus important. D’ailleurs, je pense que tout ce sang a créé une nouvelle couche. Que c’est avant-gardiste !

Je me tourne vers ma meilleure amie, la Lieutenante qui n’aime pas les blague. Est-ce que c’est son corps, là-bas ? Ou celui-ci ? Non ?

Je me tourne vers les cadavres, mais je ne retrouve pas de cornes - ou du moins, pas celles que je cherche. Elle n’est pas parmi eux. Je ne sais pas si je suis déçu ou soulagé.

Je suis conscient que… mes pensées ne sont pas tout à fait saines. Je suis vivant. Malgré tout ce qu’il s’est passé, je suis vivant. Je ne devrais pas l’être, mais je suis vivant.

Et je suis toujours fou.

“Heh. Ha. Hahaha.”

Oups. On dirait que j’avais parfaitement raison. Mais vous connaissez ces histoires de coûts cachés ? J’aurais peut-être dû lire les petites lignes en bas du contrat.

“Tom, Tom, a perdu l’esprit ! Quel choc, quelle ineptie ! Ahahahahaha !

C’est comme ça qu’ils finissent par me retrouver. Riant aux éclats et couvert de sang, pris d’un accès de folie au milieu des décombres du village.

C’est un énorme groupe de gens armés. J’en connais certains ; d’autres sont de nouvelles têtes.

Je fais un signe de main à Richard. Il est en train de mener un groupe de dix-huit [Soldats] et de plusieurs villageois capables de se battre à quelques milles plus loin sur la route. Il s’arrête à mon approche, et les [Soldats] lèvent leurs armes. Les civils se contentent de s’immobiliser et de me dévisager.

“Tom… ?”

La peau sombre de Richard est très pâle derrière la visière de son heaume. Il me regarde, et je peux voir le blanc dans ses yeux.

Je lui rends son regard, et il tressaille. Les autres n’arrivent même pas à me regarder. J’aperçois Emily en train de vomir par terre, et même le visage de Richard est beaucoup trop pâle. Je lui souris, et il recule d’un pas.

“Hé. Tu veux voir un tour de magie ?”

“De magie… ?”

J’écarte les bras et lui fait un salut théâtral. Je désigne d’un geste la mort et la destruction qui m’entourent ; les cadavres et le village calciné.

Tadam.




***


Le village est détruit. Ceux qui n’ont pas réussi à s’enfuir sont morts aux mains des Démons et des monstres. Mais les Démons ont péri aux mains d’une terrible comédie, et je pense que le Troll a simplement décidé de rentrer chez lui.

Les gens de mon monde parcourent les ruines avec les quelques villageois, contemplant la mort pendant que les soldats récupèrent les corps en me dévisageant. Pour tout dire, tout le monde me dévisage.

Mes amis - enfin, les gens avec qui je suis arrivé ici ne parviennent même pas à me regarder. Je leur fais mon sourire le plus engageant et ils se contentent de se figer. Ou de s’enfuir. Mais les soldats et les gens du village ne me regardent pas de la même manière.

Ils ne supportent pas le carnage non plus. Mais ils nous voient, les morts et moi, avec une perspective différente. Ils comptent. Ils ne voient que des soldats ennemis, et moi, au milieu des morts.

Il y a quelque chose d’autre dans leurs yeux. De la peur. La peur de l’inconnu. Mais de l’espoir, aussi. C’est le plus drôle. Ils ne comprennent pas ce que j’ai fait, ni ce que je suis. Mais j’ai tué des monstres et ils pensent que cela fait de moi une bonne personne.

Hilarant.

Le sommeil et l’éveil se fondent dans le cauchemar. J’entends la voix, ces mots dénués de passion qui ne sont pas tant dits que projetés dans mon esprit.

[Héros Niveau 2 !]

[Compétence - Maîtrise des Armes : Couteaux Obtenue !]

C’est tellement drôle que je ne peux m’arrêter de rire. Et de pleurer.

Je suis un [Clown] qui tue des gens. Je suis un gros pépère qui a perdu son comique. Je ne suis qu’un mec qui tue des gens et laisse mourir des enfants…

Mais j’imagine que je reste un [Héros], aussi. Si ça, ce n’est pas marrant, alors je ne vois pas ce qui pourrait l’être.

Vous voulez que je vous raconte une blague ? Un type se fait téléporter dans un monde fantastique, devient un [Clown]...

Et plante des couteaux dans la tête des gens. Ce n’est pas drôle, je vous l’accorde, mais j’y travaille.

Je suis…

… Déjà parti trop loin. Au revoir, Wilen, murmure la partie de moi qui s’en souvient encore. Au revoir.

Je suis tellement désolé.



HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA




 
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1.27 G Partie 1
Traduit par Maroti

La Tribu des Cailloux Dorés était mobilisée et marchait vers un point de rassemblement en dehors des Hautes-Passes alors que le soleil arrivait à son apogée. Le Chef leva la tête, mais refusa d’augmenter leur rythme. Ils allaient déjà suffisamment rapidement, et ils avaient encore de nombreux kilomètres à parcourir.

Ils se rendaient à un rassemblement de tribus. Tous les Gobelins du nord de Liscor avaient été convoquées par la plus puissante tribu de la région : la Tribu du Croc Rouge. La puissance de leur Chef et de sa tribu était telle que le Chef de la Tribu des Cailloux Dorés n’avait pas hésité et s’était immédiatement mit en marche après avoir été convoqué.

Mais il était prudent, et ne marchait pas trop rapidement. Sa tribu bougeait avec un grand groupe de scout et avec ses meilleurs guerriers au centre, prêt à en découdre. Il y avait un ennemi se cachant dans les plaines enneigées, et cet ennemi était une autre tribu Gobeline.

Grande, en plus. Le Chef n’était pas très malin et les Gobelins n’étaient pas la plus érudite des espèces, mais ils utilisaient le bouche-à-oreille et les nouvelles de ce genre voyageait vite.

La Tribu des Plaines Inondées était venue au nord. Cela n’aurait normalement pas été un problème, leur Chef n’était rien de spéciale et ils n’étaient pas nombreux. Mais quelque chose s’était déroulé. En moins d’une semaine, leur tribu avait renversé la Tribu des Casse-Mâchoire, la Tribu des Preneurs d’Epées et la Tribu des Mains Sanglantes, tuant ou battant leur Chefs et absorbant leurs Gobelin dans leur tribu.

Ils attaquaient par surprise et utilisaient d’étranges armes, et leur Chef pouvait utiliser de la Magie. C’était assez proche de la tribu de la Main Spectrale pour être dérangeant, mais apparemment leur Chef était aussi une [Tacticienne] capable de manipuler le champ de bataille.

Non. Pas ici. La Tribu du Croc Rouge avait eu vent de cette incursion, et elle prenait d’immédiates mesures. Les clans étaient invoqués, et ils bougeaient ensemble, cette tribu arriviste allait être réduite en poussière.

Tout ce que la Tribu des Cailloux Dorés avait à faire était se rendre au lieu de rassemblement. Ce n’était pas difficile ; même une compagnie d’aventurier Or réfléchirait à deux fois avant d’attaquer plus de deux cents Gobelins dans un terrain enneigé. Et la tribu des Cailloux Dorés ne restait pas suffisamment longtemps au même endroit pour s’attirer les foudres d’une armée.

Même si la Tribu des Plaines Inondées venait à eux, le Chef ne se sentait pas menacé. Après tout, cette nouvelle tribu ne devait pas être aussi grande. Ils devaient avoir perdu de nombreux Gobelins en affrontant trois tribus, et il avait trois Hobs sous son commandement, et de nombreux guerriers équipés avec des armes volées à des aventuriers de Bronze. Ils n’avaient rien à craindre. Ils…

Une corne stridente sonna dans l’air frais, et la tête du Chef de leva. Il regarda autour de lui, puis il vit les Gobelins.

Un petit groupe sortit d’une forêt à quelques centaines de mètres devant eux. Le Chef ordonna à ses guerriers de s’arrêter et de lever leurs armes. Il compta.

Quarante ? Non. Environ cinquante Gobelins était en vue. Il se relaxa. Ce n’était peut-être pas la totalité de la Tribu des Plaines Inondées, mais si c’était tout ce qu’ils…

L’un de ses scouts Gobelin hurla et le Chef tourna la tête. Il vit un autre groupe de taille égale sortir par la gauche. Une centaine donc. Ce n’était pas un…

Une autre corne retentie, et le cœur du Chef arrêta de battre. Il regarda à droite, sachant déjà ce qu’il allait voir.

Cinquante autres Gobelins. Cent cinquante, et si d’autres venaient par-derrière, cela allait faire deux cents Gobelins. Des forces égales, donc. La Tribu des Cailloux Dorés était peut-être encerclée, mais ils pouvaient toujours tenter une percer si besoin. Ils pouvaient…

Du mouvement. Devant eux. Le Chef vit les cinquante Gobelins se distancer l’un de l’autre, pour former un mur laissant plus d’un mètre entre chaque Gobelin. Il faillait rire. Qu’est-ce qu’ils pouvaient faire comme ça ? Sa troupe n’allait pas avoir de problème pour passer.

Puis les autres Gobelins se levèrent.

Ils s’étaient assis ou allongés au sol, et à cette distance, ils avaient été invisibles. Mais maintenant l’intégralité de la Tribu des Plaines Inondées se tenait debout. Cinquante devint cent, et puis les Gobelins se trouvant devant la Tribu des Cailloux Dorés s’écartèrent et il vit le centre de leur armée.

Une autre troupe de Gobelin couru vers la Tribu des Cailloux Dorés, prenant position sur une petite butte devant eux. Ils étaient tous des guerriers, et il y était deux cents.

La situation était désespérée. Le Chef n’eut pas le temps de réfléchir à un plan de secours. Il entendit une troisième corne, longue et cinglante, et les Gobelins levèrent quelque chose. Il plissa les yeux. C’était difficile à voir, mais cela ressemblait à des… Arcs ?

L’air fut soudainement rempli de pierres et de flèches. Les Gobelins autour du Chef crièrent alors que le déluge mortel commença à s’abattre sur eux. Il leva son bouclier pour protéger son visage ; le fer en mauvaise était résonna en repoussant plusieurs projectiles. La corne sonna une dernière fois, plus bruyante qu’auparavant, derrière lui.

Le Chef se retourna, et vit la Chef ennemie. Elle était assise sur une petite colline derrière sa Tribu, entourée de guerriers. Et d’Hobs.

Son cœur s’arrêta quand il vit les Hobs. Huit d’entre eux baissèrent les yeux vers le Chef. Ils se tenaient derrière la petite Gobeline qui tenait une pierre dans sa main. Elle cria, et l’un des Hobs leva une arme. Le Chef vit quelque chose de noir fendre l’air vers son visage. Et puis…

Rien.

***

Loks vit le carreau atteindre le Chef de la Tribu des Cailloux Dorés dans le torse et grimaça. Elle avait ordonné son Hob archer de tirer, et elle lui avait aussi dit de ne pas le tuer si possible. Bon, un sur deux était suffisant.

Elle regarda le Chef tomber, et se demande s’il avait survécu au carreau. Si sa Tribu se rendait assez rapidement, ils auraient peut-être le temps de lui donner une potion. Elle avait quelques potions de soins à sa ceinture et dans sa tribu, et les Hobs étaient naturellement solide. Il allait peut-être survivre.

Dans tous les cas, elle voulait les trois autres Hobs, donc elle hurla un ordre et le reste de ses archers baissèrent leurs arcs alors que les Gobelins armés d’arbalètes lançant des pierres continuèrent de tirer. Après tout, ils avaient un nombre presque illimité de pierres et de projectiles en terre cuite, et il était préférable d’épuiser l’ennemi sans prendre de risque.

Loks se tint sur sa colline alors qu’elle regarda la tribu des Cailloux Dorés perdre du temps dans le chaos. Des Gobelins hurlaient en réalisant que leur Chef était au sol et qu’ils étaient encerclés. Elle espérait que personne n’allait les rallier ; elle voulait finir cette affaire rapidement.

Et en effet, la première volée mortelle suivi par la pluie de projectiles brisa rapidement l’esprit de la tribu. Leurs guerriers jetèrent leur arme au sol en quelques minutes. Même les Hobs avaient abandonné leurs armes et s’étaient rassemblées autour de leur chef, le protégeant des douloureux projectiles. Ils savaient compter. Les huit Hobs que Loks avait étaient assez intimidantes pour les faire abandonner.

Loks laissa les Gobelins tirer pendant une dernière minute avant de souffler de nouveau dans sa corne. Cela lui prit toute sa respiration, mais les effets furent immédiats et gratifiants. Ses guerriers arrêtèrent de tirer, et avancèrent avec elle vers la tribu qui venait de se rendre.

Les choses s’enchaînèrent rapidement ; les Goblins vaincus savaient quoi faire, et Loks avait désormais de l’expérience. Elle trouva rapidement le Chef et versa une potion de soin sur son torse alors qu’un Hob l’aida à retirer le carreau.

Une fois cela fait, Loks regarda autour d’elle. La Tribu des Cailloux Dorés était occupée à soigner les blessés ou regarder ses Hobs avec appréhension et envie. Elle leva la voix, et les Gobelins se précipitèrent pour exécuter ses ordres.

Premièrement, Loks organisa ses nouveaux Gobelins, les séparant. Elle mit les enfants et les femmes enceintes avec les autres, alors qu’elle ajouta les Gobelins avec des compétences d’archer et des arcs à ses rangs. Elle mit ceux qui avaient des compétences utiles dans des groupes spécifique, elle ajouta les meilleurs guerriers à son avant-garde personnelle et assigna les autres à plus grand groupe, celui des Gobelins qu’elle utiliser pour réaliser tout ce qu’elle avait besoin de faire.

Puis elle ordonna à ses Gobelins de rassembler leur arme, leur vivre, et de les ajouter aux siens. Les Gobelins se dépêchèrent d’obéir à ses ordres alors que leur ancien Chef se redressa et toucha son torse avec hésitation. Loks l’ignora, et compta mentalement ce qu’elle venait d’obtenir.

Presque deux cents Gobelins et quatre Hobs ? C’était un excellent résultat, et non pas parce que c’était probablement la dernière tribu que Loks pouvait battre sans courir trop de risque. La Tribu du Croc Rouge était en train de rassembler les tribus, peut-être pour les unir, mais au moins pour la poursuivre. Elle allait bientôt devoir se replier.

Le Chef des Cailloux Dorés se leva et tituba vers Loks. Elle lui jeta un regard, puis pointa du doigt de la nourriture que les Gobelins étaient en train de tirer. Il hocha la tête, et marcha faiblement vers eux pour se nourrir sans protester ou hésiter.

C’était le truc avec les Gobelins. Les Tribus se battaient peut-être, mais il était coutume pour une tribu vaincu de suivre le vainqueur, qu’importe ce qui s’était déroulé auparavant. C’était ça, ou ils partaient sans faire d’histoires ; massacrer les prisonniers n’était pas quelque chose que les Gobelins faisaient, qu’importe comment ils traitaient les autres espèces qu’ils capturaient.

Loks n’était pas inquiète de se faire poignarder dans le dos pas un autre Gobelin. La trahison et les assassinats n’étaient pas quelque chose de Gobelin, ce qui surprendrait peut-être les Humains et les autres espèces. Mais là ou les Gobelins n’hésiteraient pas à tuer un ennemi dans son sommeil, ils préféraient éviter de faire cela entre eux, ou au moins au sein de la même tribu. Un Chef dirigeait car il était le plus fort, quelqu’un qui s’appropriait cette place par couardise n’allait pas bien mener la tribu.

En revanche, déclarer que tu allais être le prochain Chef et empoisonner la nourriture de l’ancien Chef alors qu’il dormait ? Cela passait. C’était même impressionnant si personne ne te voyait le faire. Après tout, toute la Tribu t’observerait et serait prête à te tailler en pièce à l’instant où tu t’approches du camp. Un Gobelin capable de se faufiler parmi une centaine de yeux attentifs et disparaître dans la nuit était un Gobelin qui allait être un grand Chef.

Même le récemment vaincu Chef de la Tribu des Cailloux Dorés semblait être parfaitement heureux de manger la Corus que ses chasseurs avaient tué alors qu’elle changeait de position les Gobelins de sa tribu. Il avait été témoin de sa force et s’était incliné ; son service sous la tribu du Croc Rouge ne valait pas sa vie.

Loks était heureuse de l’apprendre. Cela avait été un combat facile qu’elle avait gagné en étant plus intelligente et en préparant un piège adéquat ; mais d’autre tribu aurait refusé de baisser les armes. Et mieux encore, le Chef de la Tribu des Cailloux Doré l’avait accepté. S’il pensait qu’elle n’était pas digne de la diriger, il l’aurait affronté jusqu’à son dernier souffle.

Un jeune Gobelin, jeune selon les standard Gobelin malgré qu’il ne soit qu’un an plus jeune que Loks, lui apporta un os recouvert de viande. C’était chaud, fumant, et encore saignant. Loks le dévora sans perdre une miette alors que ses Hobs reçurent le même traitement.

Une autre victoire ! Maintenant que tout était gérer, Loks se permettait de savourer sa victoire. Et c’était délicieux.

Elle avait vaincu une Tribu de plus de Deux cent Gobelins sans aucune perte de son côté et presque aucune perte du leur ! Et le fait qu’elle menait désormais plus de huit cents Gobelins… Elle avait du mal à s’en rendre compte. Mais elle avait gagné, et elle avait continué de gagner depuis le jour où elle avait décidé de se battre.

Et c’était tellement facile ! Loks avait l’impression qu’elle était en train de marcher sur des nuages, et elle avait envie de crier de joie. Elle avait battu des Gobelins avec sa tête, non pas qu’avec une épée et le surnombre.

Les autres tribus avaient été plus grandes, mais leurs Chefs ne savaient pas que les tactiques pouvaient tout changer. Loks le savait, et ceci combiné avec son sort de [Luciole] et ses arbalètes voulait dire qu’elle pouvait presque armer tous les Gobelins de sa tribu avec une arme à distance, même si cela n’était qu’un caillou.

Encercle-les, canarde-les, blesse leur chef. Attaque la nuit ou d’une position facilement défendable. Ce n’était que de basiques concepts, mais Loks savait comment un seul de ces facteurs pouvait changer le cours d’une bataille.

Elle avait déjà gagné plusieurs niveaux en tant que [Leader], [Tacticienne], et [Mage]. Loks ne s’était pas beaucoup battu d’elle-même, donc elle avait toujours le même niveau en [Guerrière], mais elle sentait qu’elle devenait plus fort. Et la force d’un Chef provenait de sa tribu ; plus la tribu était grande, plus leur Chef était puissant. Et Loks avait utilisé les ressources des vaincus à son avantage.

Elle avait construit plus d’arc à pierre, car les arbalètes demandaient des parties spécifiques que sa tribu ne possédait pas. Heureusement, chaque tribu vaincue apportait son nombre de Gobelins sachant utiliser des arcs, frondes, et parfois de rudimentaires javelots.

Et donc, Loks armait ses plus faibles Gobelins avec des arbalètes. Elles étaient plus efficaces dans les mains de ceux qui avaient besoin de s’entraîner. Il fallait du temps pour apprendre à utiliser un arc ou une fronde, mais une arbalète était aussi simple que vider et tirer, et même des enfants pouvait faire des minutions en argile.

Elle avait pris les meilleures armes de la collection de chaque tribu et les avait prises pour elle et ses meilleurs guerriers. Elle et ses Hobs portaient tous une armure, et avait des armes semi-décentes. Des masses d’acier, des haches de combat et même une dague magique... Loks se sentait forte avec son équipement.

Seul son épée de bronze et son bouclier étaient les mêmes. Il y avait de meilleures armes, bien sûr, mais Loks les avait reçus d’Erin et… Ils brillaient. Les Gobelins étaient impressionnés quand son épée reflétait la lumière, et c’était important.

Et elle avait des Hobs. Hobs !C’était le plus grand des miracles. Ils étaient de redoutables guerriers et chacun d’entre eux valaient au moins 20 Gobelins.

Ils étaient désormais douze, la plupart étant d’ancien Chef et leurs plus grands guerriers. Ils n’étaient pas gros, comme son ancien chef ou comme le Chef de la Tribu des Cailloux Dorés. Les Hobs pouvaient être grands et épais, mais certains étaient juste des Gobelins qui avaient grandi. Dans tous les cas, ils étaient ses meilleurs guerriers, facilement l’équivalent de deux compagnies d’aventuriers Argent.

Au niveau des Hobs, elle en avait plus que la Tribu du Croc Rouge, même si cela était une mauvaise comparaison. Loks savait que ses Hobs n’étaient qu’une goutte d’eau dans le sceau d’un plus grand conflit ; ils allaient devoir être bien utilisé ou perdu, comme une Reine dans un jeu d’échec.

Elle n’avait pas l’intention d’affronter la tribu du Croc Rouge ; Loks avait déjà décidé de se retraiter vers Liscor après ça. Ou ils allaient pouvoir se reposer et se préparer pour les futurs combats. Sa nouvelle tribu allait peut-être la mettre au même niveau que la Garde, ou au moins les rendre trop difficile à combattre.

De plus, Loks pouvait désormais chasser des ennemis plus dangereux. Les Crabroches étaient toujours des problèmes, mais ses Hobs avaient déjà combattus des Araignées Cuirassée, et ils lui avaient dit qu’il était facile de détruite un nid avec deux Hobs et assez de Gobelins.

Loks mordit dans son repas et se rendit compte qu’elle était à l’os. Elle commença à le casser pour sucer la moelle quand elle réalisa que tous les autres Gobelins étaient silencieux. Lentement, elle suivit leur regard et vit les loups.

Quand elle avait été plus jeune, Loks avait entendit les histoires mais n’avais jamais encore vu de Loups Carnassier en personne. Les massifs loups, au moins trois fois plus grand qu’un loup normal et capable d’abattre un cheval d’un coup, étaient mortels pour les Gobelins.

Mais il y avait cette tribu qui était connue pour avoir dressé les féroces animaux, tout comme la tribu de la Lance Brisée avait fait pour les Araignées Cuirassées. Cette tribu de Gobelin avait appris à élever les massifs loups et à les chevaucher. Avec eux, et mené par leur féroce Chef, ils avaient conquis des centaines de kilomètres de territoire au nord de Liscor.

Et ils étaient là, plus grand que la vie, regardant la tribu des Plaines Inondées. Ils étaient apparus sans un mot de la part de ses scouts, sans un murmure.

La Tribu du Croc Rouge.

Soixante Gobelins, assis sur le dos couleur rouille de leur gigantesque Loups Carnassier, baissèrent les yeux vers la tribu de Loks. Un Hob Gobelin était assis sur un immense loup à la tête du groupe de cavalier, tenant une épée rouge dans sa main.

Ce n’était pas l’intégralité de leur tribu. Ce fut la première chose qui passa dans l’esprit de Loks après que son cœur recommence à battre. Ce n’était qu’un group de scout. Mené par leur Chef. Mais ils étaient qu’une goutte d’eau comparée au torrent qu’étaient les forces de Loks.

Mais les mots ne pouvaient pas mentir si facilement au cœur, le celui de Loks était au bord de ses lèvres et en train de battre la chamade. Elle leva les yeux vers le Chef et ne vit que de la puissance.

Il était un grand Gobelin, mais pas trop grand pour un Hob. Il aurait eu la taille d’un Humain normal, mais ce n’était pas ce que le rendait si terrifiant. C’était sa présence. Le Chef de la Tribu du Croc Rouge semblait vibrer avec l’envie de se battre et la confiance qu’il avait en sa propre force. Son corps était recouvert de cicatrices, et ses yeux étaient semblables au feu d’un phare, une balise pourpre balayant les Gobelins du regard.

Ils eurent tous un mouvement de recul, incapable de rencontrer son regard. Le Chef baissa les yeux, cherchant quelqu’un parmi les Gobelins.

Loks.

Il ne la trouva pas. Même avec l’armure qu’elle portait, Loks n’était pas un Hob se tenant avec une tête de plus que le reste du groupe. Le Chef roula ses épaules et leva son épée. Loks se tendit, mais la prochaine chose qu’il fit ne fut pas de charger. A la place, il parla.


Tribu des Plaines Inondées ! Envoyez-moi votre Chef pour un combat singulier ! Je la défie !


Ses mots retentirent le long de la colline, résonnant dans la vaste nature. Loks leva les yeux, soudainement fragile. C’était un défi traditionnel, l’un qu’elle avait entendu à mainte reprise en grandissant. Mais il ne lui avait jamais été adressé.

Dans sa tribu, Loks régnait par son intellect supérieur. Et elle avait son arbalète noire. Chaque défi aurait été réglé en deux secondes et elle battait toujours les Chef ennemis avec sa tribu, et c’était juste.

Mais un défi ? Non. Loks leva les yeux vers le Chef de la Tribu du Croc Rouge et s’imagina l’affronter. Elle n’allait pas pouvoir le faire. Il allait la réduire en miette d’un seul coup.

Mais elle devait dire quelque chose. Ses Gobelins la regardaient, et Loks ne pouvait pas faire marche arrière. Elle s’avança, lâchant l’os dans la neige et regarda le Chef des Crocs Rouges.

Il la vit, et fronça les sourcils. Déçu ? Elle ne lui ressemblait pas du tout. Loks était encore jeune, elle n’était pas une Hob, et elle n’allait pas accepter son défi.

Elle fit passer le message en croisant les bras et en le regardant. Elle n’avait pas pris la fuite, ce qui serait indigne d’un Chef, mais elle refusait son défi. La seule chose qui allait en découler était un combat, et Loks était tendue et s’attendait à ce qu’il fasse cela.

Est-ce que toute sa tribu était proche ? Si cela était le cas, la seule option que Loks avait été de battre en retraite. Mais si ce n’était que ce groupe de cavalier… Pouvait-ils vaincre la tribu ici et maintenant ?

Probablement pas. Mais Loks avait l’arbalète noire, et l’avantage du nombre. Peut-être…

Le Chef bougea. Il donna un léger coup de talon dans les flancs du loup qu’il chevauchait, et il commença à descendre la pente. Les Gobelins de Loks se tendirent, mais elle les retint. À la place, elle croisa le regard d’un de ses guerriers et dessina lentement un cercle dans la paume de sa main. Il hocha la tête, et prévint d’autre Gobelin avant de bouger discrètement.

Ses guerriers allaient les encercler, piégeant les cavaliers. Ils allaient capturer cette tribu, Loks en était certaine. Le stress causé par cette situation la faisait trembler, et alors que le Chef des Crocs Rouges s’avança sur son loup…

De la pression.

Loks leva les yeux vers le Chef alors qu’il bougea avec ses guerriers. Il était le seul Hob parmi eux, mais chaque cavalier projetait la même aura de force. Ils étaient tous en armure, portant des cottes de mailles en bon état et du cuir épais. Et leurs armes…

Chacun d’entre eux était peut-être aussi fort qu’un Hob. C’était l’impression que Loks avait. Quel était leur niveau ? Et leurs montures étaient tout aussi dangereuses. Les grands animaux ne tressaillirent pas quand leurs cavaliers les guidèrent vers le centre de la tribu de Loks, et les guerriers Crocs Rouges ne semblaient pas être préoccupés.

Ils descendirent la pente, ignorant les innombrables arcs tendus vers eux. Le leader de la Tribu du Croc Rouge s’assit sur son loup et regarda Loks alors qu’elle s’approcha.

La différence de taille était plus que pharamineuse. Loks avait l’impression de regarder un géant. Mais c’était encore plus difficile car, proche comme il était, il émanait le danger. Loks n’avait pas d’[Instinct de Survie], mais elle était certaine que la compétence serait en train de lui hurler dessus si cela avait été le cas.

Le Chef regarda Loks et parla d’une voix profonde et rocailleuse.


Soumets-toi à ma tribu. Ou meurt.

Il parla la langue des Gobelins, qui était courte et rocailleuse, ce qui expliquait pourquoi de nombreux Gobelins préférait simplement grogner et pointer du doigt. Loks le regarda, et sentit son esprit se vider.

Se soumettre ? À sa tribu ? C’était mieux que mourir, et c’était ainsi qu’elle avait gagné le contrôle des autres tribus. Et c’était la chose sensible à faire. La Tribu du Croc Rouge… Ils étaient légendaires. Loks savait que sa tribu ne faisait pas le poids. Même s’il n’avait qu’une fraction de leur force, c’était la chose intelligente à faire.

Elle devrait le faire. Mais Loks regarda le Chef et ses soixante cavaliers. Ils étaient au milieu de sa tribu et son embuscade était en train de faire le tour pour couper leur retraite. Pouvaient-ils… ?

Se soumettre. C’était la chose intelligente à faire. La sécurité. Mais Loks leva les yeux et se souvint d’un Drakéide la toisant avec de la haine dans ses yeux. Elle vit les têtes coupées et connu la réponse en un battement de cœur.

Lentement, Loks secoua la tête. Le Chef plissa les yeux.


Alors périt.


Loks ne vit pas l’épée bouger. Elle ne vit que l’Hob le plus proche d’elle bouger, et puis le Chef de la Tribu des Cailloux Dorés se mettre devant elle, interceptant le coup donné d’une seule main qui lui était destiné.

Le coup brisa le bouclier de l’Hob et transperça son armure. Loks regarda alors que l’ancien Chef tomba, perdant du sang. Le Chef de la Tribu du Croc Rouge secoua la tête, et leva son épée. Et ses guerriers attaquèrent.

Loks hurla ses ordres alors que les cavaliers bondirent soudainement sur les Gobelins. Ses archers tirèrent et ses guerriers foncèrent vers les cavaliers, mais ils étaient trop lents. Les loups bondirent en avant et dans les rangs de ses Gobelins, grognant, et les cavaliers Gobelins transpercèrent et tranchèrent vers le bas, transformant les rangs en rubans sanguinolents.

Le Chef des Crocs Rouges pointa vers Loks et son loup bondit. Loks recula précipitamment, et d’autre Gobelins et Hobs foncèrent l’aider. Un Gobelin leva son arbalète…

Et le Chef lui trancha le dessus de la tête, et le coup de ne perdit pas de force en ouvrant le crâne du Gobelin. Le Chef sourit avec une furie sanguinaire alors qu’il trancha à gauche, à droite, à gauche à droite. Et un Gobelin mourrait à chaque coup.

Le Chef prit une flèche dans l’épaule et ne cligna même pas des yeux. La pointe de la flèche se brisa en touchant sa peau, et Loks réalisa qu’il avait une compétence. Il donna un coup de l’arrière de sa main qui envoya valser un Hob au sol. Son Loup Carnassier captura un petit Gobelin dans sa mâchoire et les referma sur le guerrier.

Loks vit ses Gobelins hurler et essayer de repousser les cavaliers chargeant dans ses rangs. Des flèches et pellettes d’argile se brisaient sur les armures des Gobelins et sur la fourrure des loups. Chaque guerrier de la tribu du Croc Rouge se battait avec la férocité et la vitesse d’un Hob, et leur loup étaient tout aussi horrible à affronter, les Gobelins luttaient pour s’approcher suffisamment proche des griffes acérées et des mâchoires claquantes.

Loks recula, regardant autour d’elle. Où était son embuscade ? Toujours en train de se mettre en position. L’attaque avait été si soudaine qu’ils avaient tous été prit par surprise, et maintenant le Chef des Crocs Rouges taillait son chemin vers elle.

Son Loup Carnassier hurla et repoussa les Gobelins pour passer, les piétinant sous ses pattes. Le Chef bondit de son dos et évita un carreau qui partait vers son torse. Il sourit, se retourna, trancha deux Gobelins en deux et charger vers Loks.

Elle laissa tomber son arbalète noire et dégaina son épée au dernier moment. Elle la leva et posa sa main sur le plat de la lame alors que le Chef leva son épée. Il l’abattit, et Loks vit blanc alors qu’elle eut l’impression que le ciel lui tombait dessus. Mais même si son épée trembla et se tordit, elle tint miraculeusement le coup.

Le Chef sourit, et Loks manqua de ne pas tourner sa lame pour stopper le prochain coup. Il bloqua volontairement leur épée. Loks pouvait sentir la force inébranlable derrière son épée, s’il le voulait, il aurait pu trancher à travers son épée et elle en un coup.


Tu n’es pas une vraie Gobeline.


Loks sentit un choc alors que ses pieds luttaient pour ne pas glisser dans la neige. Le Chef la toisa, semblant presque déçu. Il regarda ses yeux, le rouge des siens concentré sur son visage.


Tu es trop petite pour mener. Trop faible. Je le prouverai.


Il se retourna, son loup bondissant dans les ténèbres. Il rugit, et ses cavaliers se retirèrent soudainement, se libérant des autres Gobelins. Loks tituba pour prendre son arc et leva sa main pour tirer un sort, mais c’était trop tard.

La Tribu du Croc Rouge était déjà en train de se retraiter alors que les Goblins paniquaient en essayer de sortir leurs arcs. Loks regarda autour d’elle, mais ne vit pas de loups agonisants ou de cavaliers morts. Il n’y avait que ses Gobelins.

Soixante contre prêt d’une centaine, et pourtant ils s’étaient taillé un chemin sans la moindre égratignure. Loks était choqué. Elle regarda autour d’elle, voyant les morts et les mourants, et regarda ses mains. Ses petites mains. Elles tremblaient encore de la sensation de son duel face au Chef de la Tribu du Croc Rouge.

Ce fut quand le scout Gobelin fonça vers elle, hurlant et dépassant les Gobelins blessés. Loks se retourna, et il manqua de s’effondrer de panique. Elle l’attrapa, et il apporta son message. Loks manqua de tomber dans les pommes.

Plus d’un millier de Gobelins, peut-être des milliers, le scout n’avait pas de nombre précis, étaient en train de marcher vers eux. Le reste de la Tribu du Croc Rouge.

Ils devaient fuir. Loks regarda autour d’elle et commença à crier. Les Gobelins abandonnèrent les morts et s’emparèrent des blessés, mais d’autres cris retentirent.

Le Chef des Crocs Rouges. Il était en train de massacrer les Gobelins qu’elle avait envoyé pour les encercler. Elle pouvait voir au loin ses guerriers dissimilés briser leurs rangs et fuir alors que les cavaliers les rattrapèrent. Le Chef était le plus rapide, et il abattit son épée sur le chef de l’équipe d’embuscade. Le Gobelin s’effondra, et le Chef continua de chevaucher, abattant son épée. Une fois, deux fois. Des Gobelins saignèrent et moururent.

Loks cria, et ses Gobelins partirent vers les cavaliers. Mais ils furent encore trop lents. Loks regarda les cavaliers chevaucher leur monture et disparaître derrière une colline.

Cette fois Loks n’hésita pas. Elle ordonna à ses Gobelins de prendre tout ce qu’ils pouvaient et de commencer à faire marcher la majorité de sa tribu loin de la Tribu du Croc Rouge. Mais elle pouvait sentir que le Chef était proche. Il avait promis de lui montrer à quel point elle était faible ? Qu’est-ce qu’il voulait dire par là ?

Elle trouva rapidement. Le Chef attaqua huit fois sa tribu dans la même journée jusqu’à ce qu’elle réalise ce qu’il se passait. Puis il recommença le lendemain, et le surlendemain. Il força sa tribu sur la défensive, jusqu’à ce que les jours se ressemblent.

Se retraiter, fuir, courir.

Vers le Sud.

Vers Liscor.

 
Maroti
   
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1.27 G Partie 2
Traduit par Maroti

Ils étaient pourchassés. C’était tout ce que Loks savait. Elle s’assit autour du feu, la tête basse, trop épuisée pour réfléchir. Ses Gobelins gisaient autour d’elle, certain s’étant effondré l’un sur l’autre.

Il faisait encore jour, mais cela n’avait pas d’importance. Sa tribu était trop épuisée pour continuer, donc Loks avait ordonné une halte. Malgré cela, elle fit monter la garde à la moitié de ses guerriers au cas ou le Chef des Crocs Rouges reviendrait. Et il allait revenir.

Il revenait toujours.

Loks regarda autour d’elle. Sa tribu. Elle était encore majoritairement intacte. En partie. Mais elle avait perdu plus d’une centaine de Gobelins lors des derniers jours, et plus d’une cinquantaine étaient blessés. Et ce n’était pas parce que le gros des troupes de la Tribu du Croc Rouge les avait rattrapés, non. C’était la faute des soixante guerriers et du Chef.

Ils continuaient d’attaquer. Loks ferma les yeux et se souvint.


Des flashs.


Les cavaliers chargèrent de la forêt devant la tribu de Loks. Ses Gobelins hurlèrent et se dispersèrent, mais elle les reforma. Elle s’y attendait. Loks ordonna qu’ils forment un rang et prépara ses archers à tirer. Elle sortit quelque chose de sa ceinture alors que les cavaliers chargèrent.

Une gemme rouge. La gemme de [Terreur]. Cela n’avait que peu d’effet sur les Gobelins, mais les loups ? Loks la leva et activa sa magie.

De la terreur pire se déversa sur les Loups Carnassiers et les fit s’arrêter. Leurs cavaliers confus essayèrent de les faire repartir, mais ils refusèrent, commençant à se retraiter.

Le Chef de la Tribu du Croc Rouge regarda la gemme dans la main de Loks et plissa les yeux. Alors que les premières flèches et projectiles d’argile commencèrent à bombarder ses guerriers il leva son épée et…


Rugit.

Le son était assourdissant et bestial. Il fit hésiter les Gobelins de Loks, et les loups terrifiés se figèrent. Le chef pointa vers Loks et son cœur commença à battre la chamade alors qu’il hurla.


Charger !


Les loups bondirent en avant, leurs peurs oubliées. Loks hurla un ordre, et ses guerriers Gobelins se précipitèrent pour protéger ses archers mal gardés, mais ils furent trop lent. Le premier rang fut entièrement décimé alors que les cavaliers les taillèrent en pièces, les écrasèrent sous leurs loups, les…

De la douleur et le goût amère de la défaite. Encore et…

Cette fois Loks s’était préparé et avait l’avantage de la hauteur, mais le Chef n’hésite même pas. Il descendit dans le ravin, tellement rapide que ses archers n’eurent pas le temps de le viser. Mais c’était prévu. Loks attendit. La montée était étroite et il n’y avait que peu d’endroit où passer. Et chacun d’entre eux…

Les paquets d’écorces d’arbre kaboom étaient cachés sous les rochers, mais les explosions allaient transformer la pierre en shrapnel mortel. Elle garda la main baissée, le sort de [Luciole] prêt à être utilisé. Le Chef continua sans la quitter du regard. Les Hobs à ses côtés cachèrent leurs flèches trempées dans l’huile, prête à être tiré. Presque, presque…

Au dernier moment, le Chef regarda le sol et arrêta soudainement son loup. Loks regarda incrédule alors qu’il regarda le sol parfaitement camouflé ou l’écorce kaboom était caché, et puis il secoua la tête. Il cria un ordre, et ses cavaliers firent demi-tour avec lui. Loks regarda leurs dos, furieuse et confuse, jusqu’à ce qu’elle entendît des cris derrière elle et réalisa qu’il avait séparé son groupe en deux…


Et maintenant, aujourd’hui, elle avait essayé de tenir tête et de le coincer. Mais il avait repéré toutes ses embuscades et massacré ses rangs avant de repartir sans qu’elle puisse réduire la distance.

C’était le truc. Le Chef de la Tribu du Croc Rouge était peut-être un guerrier qui fonçait tête baissée dans la mêlée, mais il n’était pas stupide. Il ne les affrontait pas directement. Si elle arrivait à le coincer et le forcer à l’affronter, le combat serait peut-être plus juste. Ses cinquante cavaliers étaient peut-être forts, mais même avec les Loups Carnassiers ils étaient à huit contre un.

Mais ils ne faisaient pas ça. À la place, ils lançaient de redoutables offensives sur la Tribu de Loks, rattrapant ses archers et massacrant des douzaines de Gobelins avant de battre en retraite.

Ils étaient trop bien armés, trop fort individuellement, et ils n’affrontaient jamais les meilleurs guerriers de Loks. A la place, ils visaient les points faibles, les archers, et les flancs qu’elle ne pouvait pas protéger. Et Loks ne pouvait pas envoyer ses Hobs pour contre-carrer, à cause de leur Chef.

Si ses Hobs s’éloignaient du centre de sa tribu, le Chef les pourchassait. Il ne pouvait pas être arrêté. Les flèches ne le ralentissaient pas, et ne ralentissaient pas sa monture. Il avait déjà tué deux Hobs à lui seul. Il était un monstre, et il avait avec lui une force qui saignait petit à petit la tribu de Loks.

Si Loks avait eut le temps de s’arrêter, elle aurait peut-être trouvé une cave dans laquelle creuser, ou un endroit à fortifier pour éviter une nouvelle attaque des cavaliers. Mais ce n’était même pas une option, car le reste de la Tribu du Croc Rouge les suivait, prêt à descendre sur la tribu de Loks s’ils ralentissaient.

Le gros des troupes des Crocs Rouges et toutes les plus petites tribus les suivant avançaient lentement, approvisionnant leurs loups et forçant Loks à continuer de bouger. Ils bloquaient toutes les autres voies, forçant Loks et sa tribu à marcher vers Liscor.

C’était le piège le plus propre que Loks avait vu, et c’était terrifiant. Elle ne pouvait rien faire face à ces cavaliers ; son arbalète était la seule arme capable de blesser les cavaliers à distance ; et ils pouvaient distancer ses archers et battre presque tous ses Gobelins.

Malgré cela, Loks ne perdait pas espoir. Une centaine de morts était terrible, mais ce n’était qu’un dixième de son armée. Ils avaient tué plusieurs des cavaliers et loups en retour. Mais ce n’était pas la véritable conséquence des raids quotidiens, non. C’était l’effet qu’ils avaient sur le morale de sa Tribu, et pire encore, la confiance qu’ils avaient en elle.


Petite Gobeline ! Affronte-moi !


Le Chef de la Tribu du Croc Rouge hurlait son challenge chaque jour, et ses guerriers battaient leurs boucliers en faisant hurler leurs loups. Et a chaque fois Loks allait leur tourner le dos pour continuer de faire marcher ses Gobelins vers sa maison.

Elle ne pouvait pas se battre, et ses Gobelins le savaient. Cependant, ils voyaient leur Chef tourner le dos et voyaient qu’elle n’était pas capable de les protéger ou de vaincre son ennemi, et ils perdaient foi.

Loks essaya de se montrer confiante, mais c’était difficile car elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle devait faire. Elle devait retourner à Liscor. C’était son territoire ; elle connaissait le terrain et pourrait tendre un piège. Et ensuite ?

Attirer les Crocs Rouges vers Liscor serait inutile. La cité allait fermer ses portes et envoyé la Garde et les terribles Antiniums pour écraser les deux groupes. Les cavaliers allaient juste prendre la fuite alors que Loks allait se faire massacrer.

Ils ne pouvaient pas se cacher dans les grottes non plus. Elles n’étaient plus assez grandes pour tous les accueillir, et s’il se tassaient à l’intérieur, elle était certaine que le Chef allait venir pour personnellement les massacrer un par un.

Qu’est-ce qu’il y avait encore ? Loks était certaine qu’allait dans le donjon était du suicide, elle doutait que des Hobs soient capable de détruire les Golems de pierre derrière le mur brisé. Et si ce n’était pas ça il n’y avait qu’une seule chose à laquelle elle pouvait penser.

Erin. Mais Loks ne pouvait même pas imaginer l’aubergiste battre le Chef de la Tribu du Croc Rouge, même avec ses amis. Et de plus…

Non. Non, c’était le combat de Loks. Il lui restait la moitié d’une idée, une hasardeuse supposition. Elle devait juste retourner à Liscor pour la préparer, et rapidement. Parce que si elle ne se dépêchait pas, elle n’allait pas avoir de Tribu à sauver.

La seconde nuit après l’attaque des cavaliers, Loks se réveilla et se rendit compte qu’il lui manquait des Gobelins. Quelques familles et individus solitaires avaient disparues dans la nuit.

C’était normal. Les Gobelins quittaient les tribus s’ils n’étaient pas satisfaits, ils rejoignaient d’autre tribu ou erraient. Mais d’autres était partie la nuit suivante, et puis plus encore. Les Gobelins perdaient foi en leur Chef, et donc ils l’abandonnaient.

Pas tous ; c’était principalement ceux de la tribu des Cailloux Dorés, et même si, de manière surprenante, leur Chef avait persuadé la majorité de rester. Mais l’exode était épuisant.

D’autres Gobelins l’abandonnèrent cette nuit. Loks se leva et compta les lits vides. Vingt-six cette fois. Presque comme elle l’avait prédit. Mais elle ne tirait aucune fierté de ce fait.

Elle marcha jusqu’au feu, et trouva un bouillon en train de cuire. Il était plein de rations, de viande séchée et de restes. Le goût était horrible, mais c’était chaud et Loks dévora sa portion. Elle réalisa que quelqu’un se tenait derrière elle quand elle entendit les pas lourds s’approcher.

Elle se retourna, et mit la main à ses armes. Mais ce n’était qu’un Hob. Il était l’un de la Tribu des Preneurs d’Épées, un grand Hob qui utilisait un immense marteau comme arme.

Il était en train de la regarder. Loks hésita. Est-ce qu’il voulait manger ? En tant que Chef, elle avait le droit de se servir la première, mais il y avait plus qu’assez dans le pot. Est-ce qu’il attendait qu’elle termine ? Certaines tribus avaient différentes coutumes.

Mais l’Hob parla et Loks compris.


Chef. Combattons

C’était à moitié une requête, à moitié un ordre. Et le Hob n’aurait pas dû le dire, mais il venait de le faire, ce qui voulait dire que d’autres étaient en train d’y penser. Il la regarda en silence. Loks le regarda sans expression, puis autour d’eux.

D’autres Gobelins prétendaient d’être endormis, mais elle réalisa qu’elle avait une audience. Bon, cela n’avait pas d’importance. Loks regarda l’Hob et secoua doucement la tête.

Elle n’allait pas mourir. Mais elle n’allait pas se rendre. Pas sans essayer. Elle n’allait pas sacrifier l’intégralité de sa tribu ; elle ne mériterait pas de s’appeler Chef si elle était prête à le faire. Ses Gobelins devaient croire en elle.

Mais l’Hob était insistant. Il ne lâcha pas Loks du regard, et elle commença à avoir la chair de poule. Il n’allait pas lâcher l’affaire, et elle ne pouvait pas le faire non plus. Elle le regarda. Il ne portait pas d’armure, mais il était quand même plus grand et fort qu’elle. Il faisait au moins trois fois sa taille.

Les deux Gobelins se regardèrent en silence, et la tension entre les deux atteignit un nouveau niveau. Les Gobelins arrêtèrent de prétendre qu’ils dormaient et se redressèrent. Ils savaient ce qui allait arriver.

L’Hob parla.

Je te dé...

Loks plongea alors qu’un poing frôla sa tête. Elle attrapa l’arbalète avec laquelle elle dormait et tira. Le Hob gargouilla en tomba en arrière, touchant le carreau dans son torse. Les autres Gobelins le regardèrent alors qu’il s’effondra au sol. Il essayer de lever une main, la laissa tomber, et mourut.

Il fallait plusieurs minutes pour que Loks calme les battements de son cœur. Elle laissa le corps de l’Hob là ou il était, ils allaient peut-être l’utiliser comme nourriture, ou peut-être pas. Ils devaient continuer d’avancer. Mais sa tête était pleine de… Regrets. Cela n’aurait jamais dû arriver.

Aucun de ses Gobelins ne la regarda, même si elle avait agi en concordance avec leur tradition. C’était un combat juste, du moins selon les standards Gobelins. Ils savaient qu’elle avait une arbalète, et les Gobelins ne croyaient pas en l’honneur. Ou plutôt, tout était autorisé car un combat n’est jamais juste. Mais un Chef tuant un de ses Hobs était toujours une mauvaise chose.

Loks fit bouger sa tribu, et ils furent attaqués peu de temps après. Ils repoussèrent l’attaque des Crocs Rouges et Loks continua. Un essai. Quitte ou double.

Elle ne parla pas beaucoup durant cette journée, uniquement un peu à ses Hobs. Mais quand elle tourna le dos elle pouvait sentir leurs yeux sur elle.

Les Crocs Rouges attaquèrent encore et encore, mais cette fois leurs rangs serrés les empêcher de frapper et de se retraiter aussi rapidement. Loks abattit un autre cavalier et deux loups avec des tirs précis, mais elle allait bientôt être à court de munitions et aucunes autres armes étaient capable de percer l’épaisse peau des loups.

Ils atteignirent les frontières de la région de Liscor et firent leur camp pour la nuit. Ils étaient juste après la cave menant au donjon quand Loks décida de s’arrêter. Ses Gobelins commencèrent à travailler en silence alors que Loks prépara la dernière bataille. Elle connaissait le terrain, ce n’était qu’à un jour de marche. Ils pouvaient le faire, même s’ils allaient peut-être arriver tardivement à cause des attaques.

Elle alla dormir. S’inquiétant. Rêvant. Est-ce qu’elle faisait une erreur ? Non… Elle devait devenir plus forte.

Mais. Mais. Aurait-elle dû se rendre ?

Non. Oui. Loks se tourna et se retourna. Une dernière tentative. Qu’est-ce qu’elle avait ? Une dernière jarre d’acide d’Erin. De l’écorce explosive que le Chef des Crocs Rouges n’allait pas approcher. Et la connaissance du terrain.

Loks ferma les yeux. Elle était une Gobeline. Elle n’était pas faible. Elle allait le prouver au Chef des Crocs Rouges.

Elle dormit.

Et quand elle se réveilla, tous ses Hobs étaient partis.

***

Il était minuit quand les Gobelins de la Tribu des Plaines Inondées s’arrêtèrent finalement. Le Chef de la Tribu du Croc Rouge les regarder s’installer dans la petite vallée sans dormir. Il avait agressé leurs flancs durant toute la journée, tuant des Gobelins, mais la petite Chef n’avait pas réagi comme d’habitude. Elle avait continué d’avancer, jusqu’à atteindre cet endroit.

Il voyait pourquoi. La vallée était un piège naturel. Ses cavaliers allaient avoir des problèmes pour battre en retraite, et s’ils se faisaient encercler… Mais bien sûr, il y avait une autre raison à cela.

Le Chef secoua la tête. Il était déçu, mais il allait montrer à la petite Gobeline la véritable nature des Gobelins ici et maintenant. Il attendit, ses cinquante cavaliers prêts et attendaient autour de lui alors que leurs loups reniflèrent et tapissèrent la neige. Ils pouvaient aussi le sentir, sans aucun doute.

Les Gobelins dans la vallée commencèrent à se disperser, formant une large formation en cercle, des guerriers avec des boucliers et des épées leur faisant face alors que des archers, des femmes et des enfants armés de frondes et de quelques arbalètes se tenaient au milieu.

C’était une pathétique formation, l’une qui n’était pas à la hauteur de l’intelligence que les rumeurs lui avaient donnée. Mais, après tout, c’était tout ce qu’elle avait.

Sa Tribu était moitié moi grande que la nuit dernière, et tous ses Hobs étaient parti avec les Gobelins. Et, d’après ce qu’il pouvait voir, ils avaient pris la majorité des arcs, frondes, et des nouvelles arbalètes. Tout ce que les Gobelins avaient encore était de simples armes. Elle n’avait même pas assez de piques pour faire une véritable ligne défensive, même si cela n’aurait pas ralenti ses cavaliers.

Le Chef des Crocs Rouges secoua la tête. Il était temps de terminer cette affaire. Il leva sa main et ses cavaliers se préparèrent. Mais les Gobelins sous eux avaient déjà commencé à faire du bruit.

C’était la petite Chef qui l’avait commencé. Elle le regardait et avait commencé à taper son épée sur son bouclier. Elle cria, une petite voix dans l’immensité vide des plaines. Mais les autres Gobelins entendirent sa voix et la suivirent.

Ils commencèrent à hurler et taper du pied, frappant leurs armes contre le métal. Ils hurlèrent en direction des cavaliers alors que le Chef des Crocs Rouges baissa les yeux vers Loks. Elle croisa son regard.

Bien. Il semblerait qu’il y ait un peu de Gobelin en elle. Mais cela n’allait pas la sauver. Le Chef de la Tribu du Croc rouge dégaina son épée et la leva haut. Cela serait terminé cette nuit. Ils allaient briser sa volonté avec une dernière charge.

Le Chef prit une grande bouffée d’air frais et rugit alors que tous ses guerriers rugirent avec leurs montures.


Nous chevauchons !


Les guerriers Croc Rouge hurlèrent et suivirent leur Chef alors qu’il descendit la pente. Le Chef était en train d’hurler alors qu’il fit accélérer son loup géant, les yeux dans les yeux de la petite Chef. Il ne pouvait s’empêcher d’être un peu déçu.

Il attendait vraiment mieux de sa part.

***

Loks regarda le Chef des Crocs Rouges chargé et retint sa respiration. C’était maintenant ou jamais. C’était tout ce qui lui restait. Sa Tribu amoindrie était à ses côtés, loyale jusqu’à la fin. Ils étaient encore assez nombreux pour gagner. Si seulement ils pouvaient arrêter les cavaliers pendant une seconde. Si…

Le Chef des Crocs Rouges rugit en descendant la pente, et Loks sentit un frisson bien plus glaçant que l’air hivernal. Il était proche. Sa paume moite tenait son épée, et son corps battait trop rapidement.

Mais le Chef allait droit vers elle. Loks regarda son loup foncé dans la neige, levant un nuage derrière lui. Il ne l’avait pas remarqué.

Elle retint sa respiration. Encore un pas…

Le Chef donna un coup de talon à son loup, et l’immense animal se tourna et bondit vers la gauche, évitant le trou caché remplie d’Araignée Cuirassée. L’action fut décontractée, presque méprisante alors qu’il esquiva le premier trou, puis le second, et contournant un troisième.

Loks regarda le Chef, choquée, alors qu’il traversa la plaine sans déranger la neige d’un seul des nids d’Araignée Cuirassée. Le désespoir était dans son regard alors qu’il s’arrêta juste devant les rangs de ses Gobelins. Il secoua la tête. Il semblait presque épris de regret alors qu’il leva son épée et que ses cavaliers hurlèrent, chargeant vers son premier rang.


Meurs, petite.


Loks laissa le choc apparaître sur son visage pendant deux secondes supplémentaires, puis sourit. Le Chef de la Tribu du Croc Rouge cligna des yeux. Elle leva sa main et ferma son poing…

Et le sol bougea.

Les trous recouverts de neige s’effondrèrent derrière les chevaucheurs de loups. Les cavaliers se retournèrent, confus, et virent des Gobelins. Le Chef se retourna, et ses yeux s’écarquillèrent alors qu’il comprit la véritable nature du piège.

Des nids d’Araignées Cuirassée. Ils étaient faciles à détecter même sans [Instinct de Survie]. Chaque Gobelins encore en vie savait comment les détecter. Mais les Araignées Cuirassées n’étaient pas une véritable menace pour une véritable tribu. Tout ce dont ils avaient besoin pour nettoyer leurs nids était un groupe de Gobelins avec de longues armes et quelques Hobs.

Ils étaient tous là, tous les Hobs de Loks et la moitié de sa tribu. Ils se tenaient dans les trous, des Gobelins armés d’arc, de frondes et d’arbalètes. Ils tirèrent dans le dos et les flancs des cavaliers alors que d’autres sortirent des trous et chargèrent les cavaliers de toutes parts.

Loks hurla un ordre, et ses guerriers chargèrent aussi. Ses archers commencèrent à tirer, et les cavaliers se retrouvèrent encerclé et attaqué de toute part.

Le Chef des Crocs Rouges plissa les yeux en regardant les nids d’Araignées Cuirassées. Il réalisa aussitôt le problème. Dans ces abris, les archers de Loks pouvaient continuer de tirer sans crainte.

A moins que ses cavaliers aillent après eux.

Le Chef pointa du doigt, et hurla un ordre. L’un de ses cavaliers bondit dans le nid avec son loup et hurla. Son Loup Carnassier hurla à son tour ; ils s’étaient empalés sur d’épais pics de bois plantés autour des archers.

Loks sourit, et pour la première fois, elle vit le Chef des Crocs Rouges hésiter. Mais il se tourna et la regarda, et elle ne vit pas la moindre trace de peur dans ses yeux. Son sourire disparu. Non. Il n’allait pas…

N’importe quel autre Chef se serait rendu, ou aurait essayer de fuir. Mais le Chef des Crocs Rouges plissa les yeux, et leva son épée. Il la pointa du doigt, et hurla un mot.

Chargez !


Ses guerriers n’hésitèrent pas. Cinquante Gobelins chevauchant des Loups Carnassiers percutèrent des centaines de Gobelins, et commencèrent à se frayer un chemin. Et ils ne s’arrêtaient pas.

Un guerrier Croc Rouge hurla alors qu’il donna un coup d’épée, chevauchant son Loup Carnassier dans les rangs des Gobelins. Il frappa avec arde, ignorant les innombrables mains qui essayaient de le faire tomber.

Un Hob enfonça sa hache dans le crâne d’un Loup Carnassier. Le guerrier Croc Rouge tomba, mais se redressa aussitôt, combattant avec son épée même si d’innombrables armes traversèrent son corps. Il utilisa ses dernières forces pour partir en avant et arracher la gorge d’un Gobelin avec ses dents.

Des Gobelins reculèrent alors que le Chef abattit son épée, découpant plusieurs Gobelins d’un seul coup. Il ne détourna pas le regard, du sang gicla sur son chemin alors qu’il chargea droit vers Loks.

Elle avait l’arbalète noire à ses côtés. Elle n’avait qu’une seule chance. Loks arma le carreau, et tira. Le Loup Carnassier du Chef hurla et s’effondra avec le carreau dans le cou. Mais le Chef bondit de son dos et trancha des Gobelins en allant vers elle.

Loks était en train de trembler. Son sang était en feu. Mais elle ne prit pas la fuite. Elle jeta l’arbalète noire au sol et leva son épée. Il était temps.

Un défi.

Dans la nuit enneigée, des Gobelins combattirent et moururent. Des cavaliers chevauchants d’immense loups combattirent un vaste nombre de Gobelins, saignant, mourant, mais entrainant avec eux le plus de Gobelins possible. Et au centre de la bataille et des mourants, deux chefs se trouvèrent.

Loks et le Chef de la Tribu du Croc Rouge étaient séparés par une trentaine de mètres, et d’innombrables corps. Mais ils coururent l’un vers l’autre comme s’ils étaient seuls au monde, les yeux dans les yeux.

Ils chargèrent à travers la boue, hurlant. Deux types de Gobelins levèrent leurs épées alors que leurs tribus s’affrontaient. Ils se rencontrèrent dans le feu et la furie, l’un évitant, battant en retraite, utilisant de la magie et de la ruse. L’autre enragé, traversant les flammes, attaquant, tranchant.

Deux Gobelins, chacun avec une vision du futur. Et alors qu’ils croisèrent le fer, les deux Chefs regardèrent dans les yeux de l’autre et, pendant une seconde, leurs cœurs battirent au même rythme.

Ils le sentirent. Ils entendirent la voix faire écho dans leurs âmes alors qu’ils luttaient pour ne pas perdre du terrain sur le sol glissant, ils le sentirent dans chaque battement de leurs cœurs alors qu’ils s’affrontaient.

Ceci. C’est cela d’être Gobelin. C’est notre nature.

C’était le cri d’un millier de vies, d’un millier de souvenirs de Gobelins qui avaient vécu et périt avant eux. Cela résonna dans leurs oreilles, traversant leurs veines.

C’est cela d’être Gobelin. C’est pour cela que nous sommes nés.

Loks vit un pied nu partir vers son torse et le bloqua juste à temps. Elle sentit l’impact, alors qu’elle s’écrasa trois mètres plus loin. Son bras était cassé. Elle déboucha une potion avec ses dents et la versa sur l’os, le maintenant en place alors que le Chef des Crocs Rouges chargea.

Une autre potion. Loks la vida et pointa du doigt. Du feu jaillit de ses doigts et frappa le Gobelin en plein torse. Il hurla alors que les flammes l’embrasèrent, mais continua de courir.

De la foudre. Loks esquiva et roula entre ses jambes alors que le Chef des Crocs Rouges asséna son épée. Il manqua, mais se retourna pour trancher trois Gobelins qui foncèrent vers lui. Un Hob essaya de se mettre sur son chemin ; le Chef le transperça sans même regarda dans sa direction.

Les voix dans la tête de Loks l’urgeait de faire la même chose alors qu’elle leva son épée, et elle savait que l’autre Chef entendait les mêmes mots.

Bats-toi. Bats-toi ! BATS-TOI. Bats-toi ou meurs ! Tue ou meurt !

Ils chargèrent, une dernière fois. Mais en le faisant, Loks entendit une autre voix. Cette dernière était silencieuse, mais elle parla dans son esprit, une voix plus jeune, datant d’une vingtaine d’années. La voix d’un Roi. Qui lui murmura.


Ce n’est pas qui nous sommes.


Cela la fit douter. Loks hésita alors que l’autre Chef lui hurla dessus. Elle entendit la voix dans sa tête, plus fort que le reste.


Souviens-toi.

Et elle leva les yeux vers le Chef de la Tribu du Croc Rouge…

Et roula dans l’un des trous.

Il était assez proche pour que Loks puisse directement tomber au centre du trou. Elle vit les pics de bois s’approcher vers elle, aiguisée…

Et sentit l’un d’eux frôlé ses côtes. Mais elle était petite, et une douleur brûlante n’était pas différente de l’impact de la chute. Loks se releva rapidement, et vit le Chef. Il était en train de se tenir aux abords du trou, les yeux en feu.


Couarde !

Il bondit. Comme elle savait qu’il allait le faire. Les Gobelins autour d’elle s’éloignèrent, mais Loks attendit. Elle sentit l’impact, et vit le Chef rugir d’agonie alors que le pic l’empala. Mais il était déjà en train d’abattre son épée vers elle avant qu’elle ne puisse cligner des yeux.

Son bouclier…

L’impact déchira le métal et l’envoya voler contre l’un des murs de terre du trou. Elle tomba, étourdie, alors que le Chef des Crocs Rouges s’avança vers elle.


Toi.

Il toussa et arracha la lance de bois de son flanc. Il regarda son sang, et tendit la main et attrapa Loks. Elle lui donna faiblement des coups de pieds alors qu’il la souleva. Elle tendit la main vers sa ceinture alors qu’elle sentit le monde s’obscurcir.

Le Chef leva son épée et regarda autour de lui. Ses guerriers étaient en train de mourir. Il était seul dans le trou avec Loks, mais des Gobelins étaient déjà en train de s’approcher avec des arcs et des flèches. Il avait perdu, mais Loks était morte.


Comment. ? Comment peux-tu être aussi petite et faire autant de chose ?


Loks croisa son regard. Elle sentit le verre froid dans sa paume. Elle serra les dents, et parla.


Je suis Gobeline. Je suis petite. Mais je vous prends de haut.


Puis elle leva la jarre et la brisa au-dessus d’eux. De l’acide tomba, couvrant Loks et le Chef. Ils hurlèrent, et Loks tomba au sol, agonisante.

Brûlant. Douleur. Mort.

Loks ne pouvait pas voir. Elle pouvait à peine penser. Mais ses mains tâtonnèrent sa ceinture, vers sa seule chance de survie. Le verre était froid, et elle le brisa sur son visage, ignorant les bris de verre.

De la douleur. Mais soudainement sa peau fondante était aussi en train de se reformer. Loks sentit sa peau fondre et se régénérer en même temps. Elle hurla, un son guttural, et brisa une autre potion sur sa tête, nettoyant l’acide.

La douleur continua, s’imprégnant dans sa mémoire et dans son âme. Mais éventuellement, elle disparue suffisamment pour reprendre conscience du monde autour d’elle. Loks se rassit, hurla, et se leva.

Elle devait… Elle devait…

Le Chef de la Tribu du Croc Rouge gisait au sol, silencieux et fumant alors que l’acide dévora sa chair. Loks le regarda. Elle hésita, puis retira le bouchon de sa dernière potion avant de la vider sur sa tête.

Le bruit de la chair dissoute cessa. Loks vit la chair recommencer à recouvrir l’os, et elle pria pour qu’il ne soit pas trop tard. Mais elle vit le chef de rasseoir, et se lever pour mettre la main à sa propre ceinture.

Une seconde potion reforma ses muscles et sa chair, et puis il se dressa devant elle, soigné, et silencieux. Le Chef de la Tribu du Croc Rouge baissa les yeux vers Loks, mais elle fut la première à parler.


J’ai gagné.


Il la regarda. Puis il secoua la tête.


Une victoire. Cela n’arrivera pas deux fois.

Loks haussa les épaules.


Une victoire est tout. Pas de seconde fois.


Pendant une seconde, elle pensa que le Chef allait prendre son épée et la transpercer. Son visage était dépourvu d’expression, ses yeux fixés sur son visage. Puis le grand Gobelin sourit, et grimaça alors que sa chair recommença à se former autour de ses lèvres.


Vrai. Tu es Chef. La Tribu du Croc Rouge se soumettra.


Il leva son poing et hurla dans la nuit.


Tribu des Plaines Inondées plus forte ! Arrête de vous battre !


Autour de la vallée, des Gobelins abaissèrent lentement leurs armes, et même une poignée de Loups Carnassiers arrêtèrent de bouger. Le Chef de la tribu du Croc Rouge sortit du trou, et répéta ses mots aux Gobelins choqués. Ses guerriers survivants hésitèrent, et le suivirent. Les Gobelins de Loks répétèrent l’annonce, et la nuit fut pleine de voix. Loks se tint au milieu, écoutant les rugissements.

Le Chef regarda Loks, désormais sérieux.


Tu as gagné. Tu étais la plus forte, Chef.


Loks y réfléchit. Elle regarda les morts, les nombreux mourants, et repensa à tout ce qui était arrivé. Et puis elle regarda le Chef des Crocs Rouges et sourit.


Menteur.


***


Ce n’était pas juste. Tu m’as laissé gagner.


Ce fut ce que Loks dit après que la bataille se termina et que ses Gobelins étaient soit en train de reprendre des forces, soit en train de s’occuper des morts. Elle regarda le Chef des Crocs Rouges alors qu’il s’accroupit prêt d’un feu. Elle n’était pas méfiante, juste curieuse.

De prêt, il ressemblait à une sorte de dieu de guerre Gobelin. Ses cicatrices brillaient à la lumière, et son épée rouge était magnifique, trop bien forgée pour un Gobelin. Son loup géant était allongé prêt du feu, regardant Loks alors qu’il avait le regard perd dans les flammes.

Le Chef leva la tête. Il avait dit son nom à Loks. Garen. C’était… Un nom étrange. Ce n’était pas un nom de Gobelin. Mais Garen Croc Rouge était une légende, et Loks était certaine, oui, certaine qu’elle n’aurait pas dut gagner. Même avec un millier de Gobelins contre ses soixante.


Tu as fait semblant de perdre.


Il leva les yeux du feu et secoua la tête.


Pas prétendu. Testé. Tu as gagné. Je ne pensais pas que tu allais le faire.

Pourquoi ?


Il s’arrêta.


Doit avoir bon Chef. Doit avoir meilleur chef que moi.


C’était une explication, mais elle n’était pas satisfaisante. Loks avait vu Garen se battre. Il était un excellent leader, et un guerrier sans faille. Elle le lui dit, et il rit.


Je ne suis pas assez Gobelin. Pas assez pour mener tous les Gobelins.


Elle ne comprit pas cette partie, mais après tout, Loks était pratiquement en train de dormir debout, épuisée par le soin et la bataille. Elle pouvait poser la question plus tard, et elle sentit qu’il lui dirait. Il s’était incliné, et, plus fort ou non, elle était désormais en charge. Elle était désormais à la tête de l’intégralité de la Tribu du Croc Rouge et de toutes ses petites tribus. Elle ne l’avait pas encore réalisé. Mais une fois qu’elle allait rejoindre le gros de la tribu…


Petite Gobeline. Chef. Quel est ton nom ?


Loks redressa la tête, et réalisa qu’il lui posait la question. Aucun Gobelin ne lui avait posé cette question. Elle hésita, et secoua la tête.


Pas de shaman. Pas de nom.


Il fronça légèrement les sourcils.


Pas de nom porte malheur. Doit en avoir un.


Loks hésita de nouveau. Elle le savait. Elle regarda les flammes, puis lui.


Autres ont nom pour moi. « Loks. »


Il n’y avait pas de mots pour « Loques » dans le langage des Gobelins. Loks dut lentement prononcer le mot. Garen fronça les sourcils, et rit une fois qu’il réalisa ce qu’elle disait.

« Loks ? C’est un bon nom. Bon nom pour une Gobeline. »

Il parla ! Loks était si surprise qu’il fit un pas de recul. Garen venait de parler ! Pas avec le langage des Gobelins, mais celui des Humains, des Drakéides et des Gnolls ! Elle pensait que cela était impossible.


Comment ? Comment parle ?


Il haussa les épaules en réponse.

« De nombreux jours d’entraînement. De nombreux, nombreux jours. Je l’ai appris quand j’étais aventurier. »


Menteur.


« Je mens pas. J’étais aventurier y’a longtemps. J’suis devenu fort. Le plus fort. »

C’était impossible. Même les plus tolérants des aventuriers tuaient les Gobelins à vue, surtout un Hob. Mais Garen sourit quand Loks le lui dit.

« Des aventuriers spéciaux. Une fois. Ils me faisaient confiance. »


Et ?


Loks était intensément curieuse, mais le visage de Garen était indéchiffrable. Il étudia le feu, et la regarda.

« Faisaient. Je faisais équipe avec eux. Puis un jour, je les ai tués. »

Loks avait soudainement des centaines de questions à poser. Elle voulait toute le lui posé, mais Garen la regarda, et elle réalisé qu’il avait quelque chose à dire.


Suis venu ici pour trouver Chef. Toi ou moi. Devons unir les tribus.

Pourquoi ?

Ennemi au Sud. Grand Ennemi. Méchant Gobelin. Seigneur des Gobelins.



Seigneur des Gobelins. Loks regarda Garen alors que les mots la frappèrent. Non. Cela était impossible. Mais s’il le disait…

Elle regarda le ciel. Le ciel nuageux. C’était une nuit paisible, maintenant que le bain de sang s’était arrêté. Mais si Garen disait vrai, cela expliquait tout. Un méchant Gobelin ? Un mauvais Seigneur des Gobelins ? Si c’était le cas, alors…

Elle regarda sa tribu. Si c’était le cas… Si un Seigneur des Gobelins était en train d’apparaître, alors cela ne voulait dire qu’une seule chose.

Cela voulait dire que toute cette mort, toute cette violence, n’était que le prélude. Un Seigneur des Gobelins était en train d’arriver, et avec lui, une guerre qui dévorera cette région.

Garen sourit, et Loks vit le feu, la guerre et la mort dans ses yeux. Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle commença à rire, et sentit le monde recommencer à bouger.

 
   
    
                         
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