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 Les plus beaux poèmes

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Solférino
   
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Solférino  /  Barge de Radetzky


J'ai vu Sully cité ci-dessus, ça m'a fait penser à un poème de Verlaine, bien croquant.
J'aime l'écouter en posant la voix de Brel dessus.


Citation :


Monsieur Prudhomme


Il est grave : il est maire et père de famille.
Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux
Dans un rêve sans fin flottent insoucieux,
Et le printemps en fleurs sur ses pantoufles brille.

Que lui fait l’astre d’or, que lui fait la charmille
Où l’oiseau chante à l’ombre, et que lui font les cieux,
Et les prés verts et les gazons silencieux ?
Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille

Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu.
Il est juste-milieu, botaniste et pansu.
Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles,

Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a
Plus en horreur que son éternel coryza,
Et le printemps en fleurs brille sur ses pantoufles.



Poèmes Saturniens, Verlaine
 
LeBossu
   
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LeBossu  /  Autostoppeur galactique


Depuis presque des siècles je suis cet homme encadré par une fenêtre
et dont le regard croit se confondre avec la vérité.
Il la prend contre lui,
s'étonne de n'y trouver nul parfum de plus qu'au jour.
Le ciel est d'une simplicité telle
qu'il détruit les embruns de colère,
n'admet d'autre majesté
que celle de flamber sur les têtes et les noms qui peuplent la terre.

Comme je suis touché par cette maladresse
superbe
s'être un vivant pourvu de mots !
Comme j'admire la moulure qui sertit d'intelligence une fenêtre !
Louange aux quelques heures où s'arrondit le soleil.
Et que la pitié monte des herbes couvrant les morts.



Jean-Luc Steinmetz, Aujourd'hui de nouveau.


Dernière édition par LeBossu le Sam 26 Mar 2016 - 20:51, édité 1 fois
 
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Marizibill, Guillaume Apollinaire.

Dans la Haute-Rue à Cologne
Elle allait et venait le soir
Offerte à tous en tout mignonne
Puis buvait lasse des trottoirs
Très tard dans les brasseries borgnes

Elle se mettait sur la paille
Pour un maquereau roux et rose
C'était un juif il sentait l'ail
Et l'avait venant de Formose
Tirée d'un bordel de Changaï

Je connais gens de toutes sortes
Ils n'égalent pas leurs destins
Indécis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal éteints
Leurs cœurs bougent comme leurs portes.
 
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Prose du bonheur, Louis Aragon.

J'étais celui qui sait seulement être contre
Celui qui sur le noir parie à tout moment
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre.
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant.
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

Un bonhomme hagard qui ferme sa fenêtre
Un vieux cabot parlant dans anciennes tournées
L'escamoteur qu'on fait à son tour disparaître
Je vois parfois celui que je n'eus manqué d'être
Si tu n'étais venue changer ma destinée
Et n'avais relevé le cheval couronné

Je te dois tout je ne suis rien que ta poussière
Chaque mot de mon chant c'est de toi qu'il venait
Quand ton pied s'y posa je n'étais qu'une pierre
Ma gloire et ma grandeur seront d'être ton lierre
Le fidèle miroir où tu te reconnais
Je ne suis que ton ombre et a menue monnaie


J'ai tout appris de toi sur les choses humaines.
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon.
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.
Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson.
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens de frisson.

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne.
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne.
Tu m'as pris par la main, dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux.
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.
 
PlumeDeplumee
   
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   Pensée du jour  :  Je n'ai jamais été seul, car j'erre sans cesse à travers mes souvenirs comme à travers une forêt enchantée.
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PlumeDeplumee  /  Pour qui sonne Lestat


Bonsoir à tous !
Je voudrais vous partager "Le Cor" d'Alfred de Vigny : très beau poème. En espérant que vous l'appréciez !

I

J’aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

Que de fois, seul, dans l’ombre à minuit demeuré,
J’ai souri de l’entendre, et plus souvent pleuré !
Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort des Paladins antiques.

Ô montagne d’azur ! ô pays adoré !
Rocs de la Frazona, cirque du Marboré,
Cascades qui tombez des neiges entraînées,
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées ;

Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
Dont le front est de glace et le pied de gazons !
C’est là qu’il faut s’asseoir, c’est là qu’il faut entendre
Les airs lointains d’un Cor mélancolique et tendre.

Souvent un voyageur, lorsque l’air est sans bruit,
De cette voix d’airain fait retentir la nuit ;
À ses chants cadencés autour de lui se mêle
L’harmonieux grelot du jeune agneau qui bêle.

Une biche attentive, au lieu de se cacher,
Se suspend immobile au sommet du rocher,
Et la cascade unit, dans une chute immense,
Son éternelle plainte au chant de la romance.

Âmes des Chevaliers, revenez-vous encor ?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ?
Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée
L’ombre du grand Roland n’est donc pas consolée !


II

Tous les preux étaient morts, mais aucun n’avait fui.
Il reste seul debout, Olivier près de lui,
L’Afrique sur les monts l’entoure et tremble encore.
« Roland, tu vas mourir, rends-toi, criait le More ;

Tous tes Pairs sont couchés dans les eaux des torrents. »
Il rugit comme un tigre, et dit : « Si je me rends,
Africain, ce sera lorsque les Pyrénées
Sur l’onde avec leurs corps rouleront entraînées.

— Rends-toi donc, répond-il, ou meurs, car les voilà. »
Et du plus haut des monts un grand rocher roula.
Il bondit, il roula jusqu’au fond de l’abîme,
Et de ses pins, dans l’onde, il vint briser la cime.

« Merci, cria Roland ; tu m’as fait un chemin. »
Et jusqu’au pied des monts le roulant d’une main,
Sur le roc affermi comme un géant s’élance,
Et, prête à fuir, l’armée à ce seul pas balance.


III

Tranquilles cependant, Charlemagne et ses preux
Descendaient la montagne et se parlaient entre eux.
À l’horizon déjà, par leurs eaux signalées,
De Luz et d’Argelès se montraient les vallées.

L’armée applaudissait. Le luth du troubadour
S’accordait pour chanter les saules de l’Adour ;
Le vin français coulait dans la coupe étrangère ;
Le soldat, en riant, parlait à la bergère.

Roland gardait les monts ; tous passaient sans effroi.
Assis nonchalamment sur un noir palefroi
Qui marchait revêtu de housses violettes,
Turpin disait, tenant les saintes amulettes :

« Sire, on voit dans le ciel des nuages de feu ;
Suspendez votre marche ; il ne faut tenter Dieu.
Par monsieur saint Denis, certes ce sont des âmes
Qui passent dans les airs sur ces vapeurs de flammes.

Deux éclairs ont relui, puis deux autres encor. »
Ici l’on entendit le son lointain du Cor. —
L’Empereur étonné, se jetant en arrière,
Suspend du destrier la marche aventurière.

« Entendez-vous ! dit-il. — Oui, ce sont des pasteurs
Rappelant les troupeaux épars sur les hauteurs,
Répondit l’archevêque, ou la voix étouffée
Du nain vert Obéron qui parle avec sa Fée. »

Et l’Empereur poursuit ; mais son front soucieux
Est plus sombre et plus noir que l’orage des cieux.
Il craint la trahison, et, tandis qu’il y songe,
Le Cor éclate et meurt, renaît et se prolonge.

« Malheur ! c’est mon neveu ! malheur ! car si Roland
Appelle à son secours, ce doit être en mourant.
Arrière, chevaliers, repassons la montagne !
Tremble encor sous nos pieds, sol trompeur de l’Espagne ! »


IV

Sur le plus haut des monts s’arrêtent les chevaux ;
L’écume les blanchit ; sous leurs pieds, Roncevaux
Des feux mourants du jour à peine se colore.
À l’horizon lointain fuit l’étendard du More.

« Turpin, n’as-tu rien vu dans le fond du torrent ?
— J’y vois deux chevaliers : l’un mort, l’autre expirant.
Tous deux sont écrasés sous une roche noire ;
Le plus fort, dans sa main, élève un Cor d’ivoire,
Son âme en s’exhalant nous appela deux fois. »


Dieu ! que le son du Cor est triste au fond des bois !
 
PlumeDeplumee
   
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PlumeDeplumee  /  Pour qui sonne Lestat


Bonsoir ! Je vous propose un nouveau poème que j'aime bien : "Le Saule" de Musset. Bonne lecture ! 

Citation :
Pâle étoile du soir, messagère lointaine,
Dont le front sort brillant des voiles du couchant,
De ton palais d'azur, au sein du firmament,
Que regardes-tu dans la plaine ?

La tempête s'éloigne, et les vents sont calmés.
La forêt, qui frémit, pleure sur la bruyère ;
Le phalène doré, dans sa course légère,
Traverse les prés embaumés.

Que cherches-tu sur la terre endormie ?
Mais déjà vers les monts je te vois t'abaisser ;
Tu fuis, en souriant, mélancolique amie,
Et ton tremblant regard est près de s'effacer.

Étoile qui descends vers la verte colline,
Triste larme d'argent du manteau de la Nuit,
Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine,
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit, -

Étoile, où t'en vas-tu, dans cette nuit immense ?
Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux ?
Où t'en vas-tu si belle, à l'heure du silence,
Tomber comme une perle au sein profond des eaux ?

Ah ! si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête ; -
Étoile de l'amour, ne descends pas des cieux !
 
PlumeDeplumee
   
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PlumeDeplumee  /  Pour qui sonne Lestat


Bonsoir !
Je viens publier un poème. Bon, ça me fait un joli triple-post, mais c'est pas ma faute si je fais fuir les gens comme un chat noir. Sad(
Quoi qu'il en soit, je vous propose un poème assez classique, dans le sens où il est assez connu : mais c'est un de mes poèmes préférés. Sincèrement. Bonne lecture !

Aragon, Le Fou d'Elsa, "Les Mains d'Elsa" a écrit:

Donne-moi tes mains pour l’inquiétude
Donne-moi tes mains dont j’ai tant rêvé
Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi te mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d’émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi

Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu

Donne-moi tes mains que mon cœur s’y forme
S’y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement
 
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PlumeDeplumee a écrit:
Bon, ça me fait un joli triple-post, mais c'est pas ma faute si je fais fuir les gens comme un chat noir. Sad(
Mais non mais non ! J'ai aussi des poèmes à poster !

Voilà une série de poèmes issus du recueil Soir d'Anna Akhmatova, son premier je crois :

Citation :
TSARKOE SELO

I.

Par l'allée on conduit les chevaux,
Longs flots des crinières démêlées.
Ville enchanteresse des énigmes
Je suis triste de t'avoir aimée.

Étrange de se souvenir ! L'âme abîmée
Qui étouffe dans un délire d'agonie,
Et à présent je suis devenue un joujou
Comme le rose cacatoès mon ami.

La poitrine n'est plus serrée par la douleur,
Si tu veux, regarde-moi bien droit dans les yeux,
Mais je n'aime pas l'heure du couchant,
Le vent de la mer et le mot « va-t-en ».

Citation :
VENT, EFFACE-MOI...

O vent efface-moi !
Les miens ne sont plus là,
Et sur moi le soir erre,
Léger souffle de terre.

Comme toi j'étais libre
Mais j'ai trop voulu vivre :
Vois mon cadavre froid,
Mes mains que nul ne croise.

Couvre cette blessure
Avec le drap nocturne
Et ordonne à la brume
De me lire les psaumes.

Et que me soit légère
L'entrée dans le sommeil
Remue la haute laîche
Au printemps, mon printemps.

Citation :
LE DOUX PARFUM

Le doux parfum des vignes bleues...
Un lointain enivrant me taquine.
Ta voix est devenue sourde et triste.
Non, je n'ai pitié de personne.

Toiles d'araignées entre les grappes,
De fins ceps et de souples sarments,
Les nuages flottent comme de la glace
Sur l'eau brillante d'une rivière bleue.

Le soleil au ciel est dans tout son éclat.
Va et murmure à l'eau ta douleur ;
A coup sûr elle te répondra,
Te faisant peut-être le don d'un baiser.
 
PlumeDeplumee
   
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PlumeDeplumee  /  Pour qui sonne Lestat


Ah, ravi de savoir que la malédiction est brisée !
Sinon, que c'est tendre !
 
PlumeDeplumee
   
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Bonsoir ! Je reviens à la charge proposer une terza-rima de Valéry, "La Fileuse", en espérant qu'il vous plaise ! Bonne lecture !

Valéry ♥ a écrit:
La Fileuse.

Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline;
Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.

Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts si faibles évasives,
Elle songe, et sa tête petite s’incline.

Un arbuste et l’air pur font une source vive
Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
De ses pertes de fleurs le jardin de l’oisive.

Une tige, où le vent vagabond se repose,
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.

Mais la dormeuse file une laine isolée;
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.

Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,
La chevelure ondule au gré de la caresse...

Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte:
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.

Ta soeur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir... Tu es éteinte

Au bleu de la croisée où tu filais la laine.
 
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Bon, bon, c'est classique, mais cette prose de diamant, impossible de s'en lasser :

Arthur Rimbaud a écrit:
Cette fois, c'est la Femme que j'ai vue dans la ville, et à qui j'ai parlé et qui me parle. J'étais dans une chambre sans lumière. On vint me dire qu'elle était chez moi : et je la vis dans mon lit, toute à moi, sans lumière ! Je fus très ému, et beaucoup parce que c'était la maison de famille : aussi une détresse me prit ! j'étais en haillons, moi, et elle, mondaine, qui se donnait ; il lui fallait s'en aller ! Une détresse sans nom, je la pris, et la laissai tomber hors du lit, presque nue ; et dans ma faiblesse indicible, je tombai sur elle et me traînai avec elle parmi les tapis sans lumière. La lampe de la famille rougissait l'une après l'autre les chambres voisines. Alors la femme disparut. Je versai plus de larmes que Dieu n'en a pu jamais demander.

Je sortis dans la ville sans fin. O Fatigue ! Noyé dans la nuit sourde et dans la fuite du bonheur. C'était comme une nuit d'hiver, avec une neige pour étouffer le monde décidément. Les amis auxquels je criais : où reste-t-elle, répondaient faussement. Je fus devant les vitrages de là où elle va tous les soirs : je courais dans un jardin enseveli. On m'a repoussé. Je pleurais énormément, à tout cela. Enfin je suis descendu dans un lieu plein de poussière, et assis sur des charpentes, j'ai laissé finir toutes les larmes de mon corps avec cette nuit. - Et mon épuisement me revenait pourtant toujours.

J'ai compris qu'elle était à sa vie de tous les jours ; et que le tour de bonté serait plus long à se reproduire qu'une étoile. Elle n'est pas revenue, et ne reviendra jamais, l'Adorable qui s'était rendue chez moi, - ce que je n'aurais jamais présumé. - Vrai, cette fois, j'ai pleuré plus que tous les enfants du monde.
 
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Que c'est beau ! Akhmatova, La fileuse et Rimbaud ...
 
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HENRI MICHAUX


La jeune fille de Budapest


Dans la brume tiède d'une haleine de jeune fille, j'ai pris place.
Je me suis retiré, je n'ai pas quitté ma place.
Ses bras ne pèsent rien. On les rencontre comme l'eau.
Ce qui est fané disparaît devant elle. Il ne reste que ses yeux.
Longues belles herbes, longues belles fleurs croissaient dans notre champ.
Obstacle si léger sur ma poitrine, comme tu t'appuies maintenant.
Tu t'appuies tellement, maintenant que tu n'es plus.



*



Dans la nuit


Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
A la nuit sans limites
A la nuit.
Mienne, belle, mienne.
Nuit
Nuit de naissance
Qui m'emplis de mon cri
De mes épis
Toi qui m'envahis
Qui fais houle houle
Qui fais houle tout autour
Et fume, es fort dense
Et mugis
Es la nuit.
Nuit qui gît, Nuit implacable.
Et sa fanfare, et sa plage,
Sa plage en haut, sa plage partout,
Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie sous lui
Sous lui, sous plus ténu qu'un fil,
Sous la nuit
La Nuit.
 
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Clown



     Un jour.
     Un jour, bientôt peut-être.
     Un jour j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers.
     Avec la sorte de courage qu’il faut pour être rien et rien que rien, je lâcherai ce qui paraissait m’être indissolublement proche.
     Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
     D’un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînement «de fil en aiguille».
     Vidé de l’abcès d’être quelqu’un, je boirai à nouveau l’espace nourricier.
     A coup de ridicules, de déchéances (qu’est-ce que la déchéance ?), par éclatement, par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j’expulserai de moi la forme qu’on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage et à mes semblables, si dignes, si dignes, mes semblables.
     Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une intense trouille.
     Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m’avait fait déserter.
     Anéanti quant à la hauteur, quant à l’estime.
     Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.

     CLOWN, abattant dans la risée, dans le grotesque, dans l’esclaffement, le sens que contre toute lumière je m’étais fait de mon importance.
     Je plongerai.
Sans bourse dans l’infini-esprit sous-jacent ouvert
     à tous
ouvert à moi-même à une nouvelle et incroyable rosée
à force d’être nul
et ras…
et risible…



Henri Michaux, « Peintures » (1939,) in L’espace du dedans, Pages choisies, Poésie / Gallimard, 1966, p.249 


 
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(ah oui Dans la nuit je l'adore ♥ je connais mal Henri Michaux en fait, mais ce poème là a un vrai truc je trouve)

La fin de l'automne

Tout l'automne à la fin n'est plus qu'une tisane froide. Les feuilles mortes de toute essence macèrent dans la pluie. Pas de fermentation, de création d'alcool : il faut attendre jusqu'au printemps l'effet d'une application de compresse sur une jambe de bois.
Le dépouillement se fait en désordre. Toutes les portes de la salle de scrutin s'ouvrent et se ferment, claquant violement. Au panier, au panier ! La Nature déchire ses manuscrits, démolit la bibliothèque, gaule rageusement ses derniers fruits.
Puis elle se lève brusquement de sa table de travail. Sa stature aussitôt parait immense. Décoiffée, elle a la tête dans la brume. Les bras ballants, elle aspire avec délices le vent glacé qui lui rafraichit les idées. Les jours sont courts, la nuit tombe vite, le comique perd ses droits.
La terre dans les airs parmi les autres astres reprend son air sérieux. Sa partie éclairée est plus étroite, infiltrée de vallée d'ombre. Ses chaussures comme celle d'un vagabond, s'imprègne d'eau et font de la musique.
Dans cette grenouillerie, cette amphibiguïté salubre, tout reprend forces, saute de pierre en pierre et change de pré. Les ruisseaux se multiplient.
Voilà ce qu'on appelle un beau nettoyage, et que ne respecte pas les conventions ! Habillé comme nu, trempé jusqu'aux os.
Et puis cela dure, ne sèche pas tout de suite. Trois mois de réflexion salutaire dans cet état ; sans réaction vasculaire, sans peignoir ni gant de crin, Mais sa forte constitution y résiste.
Aussi lorsque les petits bourgeons recommencent à pointer, savent-ils ce qu'ils font et de quoi il retourne.
— et s'ils se montrent avec précaution, gourds et rougeauds, c'est en connaissance de cause.
Mais là commence une autre histoire, qui dépend peut-être mais qui n'a pas l'odeur de la règle noire qui va me servir à tirer mon trait sous celle-ci.

Le parti pris des choses, Francis Ponge. ( la dernière ligne en moins que j'ai laissé quand même)
 
   
    
                         
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