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| AT 30 ans des Éditions Mnémos | |
| | Nombre de messages : 827 Âge : 24 Localisation : France Date d'inscription : 06/07/2016 | Trôme / Le Chevalier sans épines Lun 6 Jan 2025 - 14:45 | |
| Vos incipits donnent envie de lire la suite de vos nouvelles ! C'est un bon point. Bianca : Certains mots dans ton texte sont barrés (exemple : Et parfois souvent), est-ce volontaire ? De mon côté, je voulais participer à cet AT, mais ayant un rythme d'écriture relativement lent, je n'ai pu terminer mon texte à temps. Ce sera pour une autre occasion… Je me prête quand même au jeu et vous propose la première page de ma nouvelle, intitulée La Geste de l'Épée, pour en garder une trace quelque part. - La Geste de l'Épée:
De l’avis général, quiconque s’entourait de ménestrels transmettait son nom à la postérité. Otinel s’en amusait : grands seigneurs et preux chevaliers requéraient souvent son luth lors des banquets. Quand il n’entonnait pas des chansons de geste dans les grandes salles, le musicien arpentait les routes de la Marche d’Airain. La contrée déployait devant lui ses collines brumeuses et ses futaies ombreuses, ses forteresses aux tours crénelées et ses hameaux aux toits de chaume. Ainsi ne demeurait-il jamais plus d’une saison à la cour d’un seigneur. À ses yeux, cette existence sur les chemins rocailleux comportait bien plus d’agrément qu’une vie casanière dans quelque castel. *** La matinée touchait à sa fin quand Otinel émergea de la forêt. En ce jour d’automne, le soleil se dressait au-dessus des frondaisons roussâtres. Le sous-bois bruissait de rumeurs variées : le trille d’un oiseau dans les ramures, le roulis d’un ruisseau entre les ronciers, le craquement de brindilles sous les pattes d’un sanglier. Qu’il était agréable pour le musicien ambulant d’écouter cette symphonie sylvestre ! Juché sur sa monture, il contempla le cours sinueux de la vallée. Le burg dominait au sommet d’un éperon rocheux. En contrebas, une vingtaine de maisons haussaient leurs façades noircies par les pluies et par les ans. Une rivière hennissait à travers la combe. Dans le lointain, les cimes des montagnes s’élançaient vers l’immensité des cieux. Le cavalier se dirigea vers les masures et parvint jusqu’à la placette du village en début d’après-midi. Aussitôt, des manants s’attroupèrent autour de lui. Il était coiffé d’un feutre orné de plumes, une casaque de cuir couvrait ses épaules, et un sac de jute était calé sur le troussequin de sa selle : le cheviller de son luth en dépassait. Sans prêter attention à cette foule en sayons, Otinel promena son regard sur le torrent. Celui-ci secouait sa crinière d’écume.
Bonne chance à tous les participants !
Cycle de Chrysopée : Magnum Opus [roman de fantasy criminelle] Chroniques séculaires [recueil de nouvelles]
La pègre vous salue bien ! |
| | Nombre de messages : 38 Âge : 34 Localisation : Périgord-Limousin Pensée du jour : Pour faire un grand feu, il faut du petit bois Date d'inscription : 21/11/2024 | PetitPierre / papote Lun 6 Jan 2025 - 15:29 | |
| Effectivement y a du niveau, on tient peut-être là les cinq nouvelles lauréates ! C'est dommage que tu n'aies pas pu terminer à temps Trôme, mais c'est vrai que deux mois c'était court pour une nouvelle de cette longueur... Si je n'avais pas eu la possibilité de bosser au moins deux heures chaque jour je n'aurais pas pu finir dans les temps non plus... A mon tour de vous faire goûter mon échantillon : - Spoiler:
Dans la plaine éventrée bercée par une pluie douce, les cratères peu à peu s’endorment sous les herbes. Les barbelés, les murailles des fortins, les boyaux des tranchées et les ossements rongés par les vautours disparaissent au milieu des plantes obsidionales, gentianes jaunes et ronciers qui mordillent l’ancien champ de bataille. Les tiges et les stolons se disputent le terrain, comme avant elles les cohortes de piquiers et les lignes de cavalerie, les cimeterres et les bouches à feu. Dans les ornières de la grand-route, parmi les cendres lessivées par les giboulées, les croûtes de boue et la limaille, une bermudienne éclot. La pluie s’est arrêtée et un soleil de fin de journée fait briller ses pétales. L’air est léger après l’averse, chargé d’aboiements lointains. Le cliquetis de quatre sabots ferrés s’en vient depuis le nord, éclaboussant la fange, et la fleur écrasée par un trot méthodique n’est bientôt plus qu’un point bleuâtre au fond d’une empreinte grasse. Le destrier est fort et fier, caparaçonné d’or et tacheté d’un sang sombre qui n’est pas le sien. Il hennit, puis renifle et ébroue sa crinière. À califourchon sur la selle sertie de pierres noires, un gentilhomme en armure fait tonner sa voix grave : « Loyal Zircon, preux canasson qui te ris du péril des flammes, ton cuir est plus solide que les écailles des vouivres, et ta viande a gardé sa vigueur ; cependant j’augure qu’un peu de repos siérait à tes tendons ! L’hôtellerie que voici semble pourvue en foin et en bois de feu… De bon gré j’y poserai mon séant et étancherai ma soif ! »
La cour de l’auberge est à l’image de sa toiture : trouée et cabossée, encore marquée par l’impact des boulets de mangonneau et la noirceur des incendies. Les lieux semblent pourtant frémir d’une vie patiente, presque chaleureuse. La cheminée fume paisiblement ; quelques notes de flûtiau s’échappent des embrasures. Quand le grand cheval bai passe la barrière au pas et piaffe devant l’écurie, un palefrenier assoupi sur le tas de paille se réveille en sursaut. Son visage est difforme, creusé et balafré. Son œil gauche, sans doute crevé, est couvert d’un bandeau. Du même côté, son oreille est manquante ; l’autre est taillée en pointe. Quand son œil droit, bleu et vif, aperçoit l’étalon et celui qui le monte, une ombre passe sur son iris. Le pavois blasonné qui pend au baudrier est taillé de gueules et de sable, chargé d’une main d’argent aux phalanges repliées et au majeur dressé. « Seigneur Cobalt de Tantale, chevalier de la Table du Roy ! » annonce l’homme en retirant son heaume à panache de plumes grises. Sous sa tignasse jaunâtre trempée de sueur, son faciès de bellâtre se tord en une grimace de réconfort.
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| | Nombre de messages : 85 Âge : 27 Pensée du jour : Heart's fly Date d'inscription : 10/11/2024 | Yunaka / blablate sévère Lun 6 Jan 2025 - 15:31 | |
| Oh, comme on pouvait s'y attendre, y a du niveau !! Je dois avouer que j'ai un coup de cœur pour le départ de Bianca, c'est totalement le genre d'univers que j'aime
J'ai hâte de lire la suite de vos histoires ehe Trôme : c'était une histoire spéciale pour cet AT ou une idée que tu avais déjà ? Ce sera pour une autre occasion comme tu dis. À mon tour ! C'est mon premier manuscrit - Puits de coquelicots:
Au fond du vieux puits, des briques avaient abandonné leur place pour s'étaler au sol. Yacinthe s'y tenait avachie, dans les bras d'une femme. Celle-ci, d'une délicate faiblesse, perdait de sa chaleur dans le froid de la nuit. Avec une force désormais absente, la femme acheva son étreinte. Imitant les vieilles pierres, elle s'écroula dans le fracas du silence.
Yacinthe était là, figée, à moitié assise sur ses jambes flasques, la bouche béante et la gorge sèche. La peau de ses joues ocre la brûlait, ses yeux humides étaient au bord de la crue. Dans sa tête, tout semblait si flou. Comme se réveillant soudainement, ses yeux retrouvèrent un soupçon de vie. — Hii ! Elle cria de terreur en découvrant le corps étendu. Elle plaqua son dos plus fortement contre les pierres, voulant s'y enfoncer profondément, courir, fuir la scène. La crue déborda, mais ses larmes ne lui faisaient pas aussi mal que ce qu'elle voyait. La femme à terre lui était absolument inconnue et pourtant son cœur se tordait.
Yacinthe voulut l'observer, mais c'était au delà de ses capacités. Elle la regarda, essayant de retenir sa propre poitrine en son sein. Le corps de la femme dotée d'une large cape brune s'affalait sur le sol. Ses cheveux étaient d'une teinte bleue que les galaxies n'auraient su envier. Comme si la voie lactée la parcourait, celle-ci étincelait tristement. On devinait derrière quelques mèches nuitées ses yeux déjà fermés, sur un visage lourd de son propre poids.
Le crâne rempli de vacarmes, Yacinthe se releva douloureusement, tentant de reprendre son souffle comme son calme. Les yeux mi-clos, elle observa le ciel. Il semblait si loin, n’apparaissant que par le trou circulaire au-dessus de sa tête. Préparant son premier pas vers la fuite par les airs, son pied entra en contact avec un son cristallin. Yacinthe ramassa l'objet pour l'observer. Dans ses mains se tenait désormais un petit contenant en verre, vide.
Bonne chance tout le monde ! |
| | Nombre de messages : 277 Âge : 35 Date d'inscription : 09/08/2024 | Bianca Shelter / se balade partout (attention !) Lun 6 Jan 2025 - 15:41 | |
| Oh merci beaucoup Irohel et Yunaka Je lis vos premières pages dès que j'ai l'occasion d'être tranquille Trôme : oui tout à fait, c'est volontaire. Je venais de lire Ignite Me de Mafi et me suis laissée embarquée C'est présent tout au long de la nouvelle pour mettre en lumière les "vraies" pensées de l'héroïne par rapport à ce dont elle cherche à se convaincre. |
| | Nombre de messages : 827 Âge : 24 Localisation : France Date d'inscription : 06/07/2016 | Trôme / Le Chevalier sans épines Lun 6 Jan 2025 - 15:42 | |
| - Yunaka a écrit:
- Trôme : c'était une histoire spéciale pour cet AT ou une idée que tu avais déjà ? Ce sera pour une autre occasion comme tu dis
C'est une idée que j'avais déjà en tête, oui, peu de temps avant l'annonce de Mnémos. Deux mois ne m'ont malheureusement pas suffi à terminer ma nouvelle, mais oui, je pourrais sûrement l'envoyer à d'autres AT à l'avenir.
Cycle de Chrysopée : Magnum Opus [roman de fantasy criminelle] Chroniques séculaires [recueil de nouvelles]
La pègre vous salue bien ! |
| | Nombre de messages : 1350 Âge : 48 Date d'inscription : 14/08/2022 | Cath / Tentatrice chauve Lun 6 Jan 2025 - 19:29 | |
| Pour info, si ça intéresse du monde par ici, je viens de tomber sur ce podcast. À partir de 14'45 environ, le directeur de Mnémos y explique qu'il y aura 3 AT sur le thème de la mémoire à l'occasion des 30 ans de la ME. Celui-ci était le premier. Le suivant sera de la SF, et le dernier du YA. 5 textes sélectionnés à chaque fois, et des anthologies à petit prix, présentées dans de grands festivals. Et il insiste bien dans tout le podcast sur le fait qu'il cherche vraiment de nouveaux talents, donc je devais en effet être trop cynique dans mes posts d'hier : désolée… |
| | Nombre de messages : 208 Âge : 36 Date d'inscription : 28/08/2024 | Krys_Shepherd / se balade partout (attention !) Lun 6 Jan 2025 - 19:51 | |
| Eh bien, eh bien. Il y a beaucoup de talent par ici ! J'ai pu y voir de jolies plumes et des sujets originaux, ça va être dur de se faire une place dans ce concours. Trôme, j'avais déjà pu lire ta prose sur tes nouvelles et c'est effectivement dommage que tu n'aies pas pu achever ton récit ! Si on a le droit à d'autres textes dans le même thème, mais dans des genres différents, ça vaut le coup de s'y plancher tout de suite. Merci Cath ! Sinon, je vous ai tous vu poster vos débuts de nouvelles et, comme j'étais au bureau, je n’ai pas pu le faire, alors voilà ma petite contribution. - Spoiler:
Le vent souleva de lourdes brassées de flocon au pied de la montagne Ammonis. Le gel s’était incrusté à même la roche, les congères se dressaient en série dans un renforcement de pierre. Là, une lanterne avait été installée récemment afin d’en indiquer la position d’une entrée dérobée. Un homme, emmitouflé dans une épaisse fourrure, aux traits ridés et à la barbe blanche, guettait l’arrivée d’un convoi. La nuit avait revêtu son long manteau et le vieil homme s’impatienta d’une venue déjà bien trop retardée. La crainte que les chariots du convoi aient fait défaut dans les sentiers escarpés de la montagne ou que des avalanches se soient produites, bloquant l’accès, l’inquiétait d’heure en heure.
À son plus grand soulagement, il perçut les cris d’un cocher surgir de la tempête. Le son de sabots, creusant des sillons dans la masse neigeuse, approcha jusqu’à ce que des lueurs se mirent à percer dans le voile blanc. Trois chariots vinrent à sa rencontre, comme prévu dans la missive qu’ils reçurent il y a quelques jours. Rassuré de leur arrivée en entier, il décrocha la lanterne qu’il porta devant lui pour s’avancer près du groupe en voiture. Il vit deux silhouettes descendre du chariot central, une de taille adulte et l’autre plus menue.
- Vous deviez être là il y a plusieurs heures, lança le vieil homme à travers les rugissements du vent. - Il a fallu que le petit fasse toute une scène à son père, expliqua l’homme en gardant à bout de bras la seconde silhouette.
En dirigeant la lanterne vers elle, le vieil homme découvrit un jeune garçon, le visage apeuré et déconcerté. Il resta un moment à le fixer, sans dire le moindre mot, comme s’il se tenait devant une énigme, avant que l’homme ne le sorte de sa transe.
- Le suzerain vous demande de prendre grand soin de lui et qu’il vous fera parvenir sa contribution dans les plus brefs délais, poursuivit l’homme du chariot en s’approchant pour être convenablement entendu à travers le blizzard. - Nous comptons évidemment sur sa générosité. - Maintenant, il est de votre responsabilité.
Sans plus de formalité, le jeune garçon fila d’un bras à un autre. Une fois qu’il le saisit, l'ancien se retourna vers la paroi rocheuse et tira derrière lui l’enfant qui semblait ne pas réaliser ce qui était en train de se passer. Le convoi opéra immédiatement un demi-tour et repartit dans la neige sans chercher à demander refuge pour la fin de la nuit. Ils savaient que les lieux étaient sacrés et qu’ils étaient de mauvais augure que de vouloir séjourner trop longtemps auprès de la montagne aux souvenirs.
Le vieil homme emmena le garçon qu’il força à emprunter la petite porte en pierre à flanc de falaise. Une fois franchi, il lui lâcha le bras et referma l’accès qui se scella au reste de la paroi, disparaissant comme si elle n’avait jamais existé. L’enfant regarda autour de lui pour y découvrir un vestibule excavé directement à même la roche. Contrairement au château de son père, l’endroit était vétuste, juste quelques torches, des lampes à huile, des gravures sur les murs. Il n’y avait aucun garde, courtisans, serviteurs, il n’y avait que lui et ce vieil homme.
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| | Nombre de messages : 38 Âge : 34 Localisation : Périgord-Limousin Pensée du jour : Pour faire un grand feu, il faut du petit bois Date d'inscription : 21/11/2024 | PetitPierre / papote Lun 6 Jan 2025 - 19:55 | |
| - Cath a écrit:
- il y aura 3 AT sur le thème de la mémoire à l'occasion des 30 ans de la ME. Celui-ci était le premier. Le suivant sera de la SF, et le dernier du YA.
Merci beaucoup pour cette info, Cath Moi qui comptais prendre un peu de vacances après avoir fini ma nouvelle de fantasy, il va falloir que je recommence à me creuser la tête |
| | Nombre de messages : 107 Âge : 76 Pensée du jour : Ex Nihilo semper aliquid novi Date d'inscription : 23/11/2024 | Papyshoo / peut faire sa pub (un peu) Lun 6 Jan 2025 - 21:03 | |
| je me fais la réflexion suivante: beaucoup d'extraits proposés sont riches en ambiance, on "sent" ce qui se passe... c'est un aspect qui manque complètement à tous mes textes: je vais presque directement aux faits sans prendre le temps d'amener le lecteur dans un univers sensoriel... il faudrait qu'on puisse écrire des textes collaboratifs où chacun amène une facette littéraire différente. |
| | Nombre de messages : 216 Âge : 46 Date d'inscription : 12/03/2024 | Caius Pertinax / se balade partout (attention !) Lun 6 Jan 2025 - 22:35 | |
| Bravo à tous ! Le moins qu'on puisse dire, c'est que cet AT aura fait naître de bien beaux textes. Je vous livre mon propre méfait - ou du moins, sa première page. Sans en dévoiler trop, j'ai l'impression que je suis un peu dans la même vibe que PetitPierre... - Spoiler:
Quel gâchis.
Ma gorge se serre quand je découvre ce qu’il est advenu de la cathédrale. Maculées de suie, jonchées de gravats et de morceaux de vitrail, les dalles de marbre blanc ont perdu leur éclat pour toujours. Les rangées de bancs, découpées à la hache ou simplement brisées, achèvent de se consumer à même le sol. Dans leur détresse, les réfugiés s’en sont servi comme bois de chauffage.
Femmes et enfants s’entassent tout autour, blottis sous de grandes couvertures crasseuses : face aux murs dépouillés, je comprends que ce ne sont pas de simples pièces de tissu, mais bien les oriflammes du transept, que les premiers combats ont précipitées dans la poussière. Un halo orangé s’étend autour de chaque feu, jetant partout des ombres gigantesques et tremblotantes.
Les visages se tournent vers nous. Des enfants se lèvent et s’approchent, craintifs mais pleins d’espoir. Les pauvres, ils croient que nous venons leur porter secours. Peut-être, à la vue des profondes sacoches qui couvrent les flancs de mon cheval, ont-ils imaginé que nous étions chargés de vivres et de vêtements chauds. Peut-être me prennent-ils pour quelque sœur hospitalière venue soulager leurs maux. Je devrais les détromper, mais le courage me manque. Vargas n’a pas tant de scrupules : il les chasse, agite sa main gantée pour les tenir à l’écart.
Nous cheminons parmi les familles désemparées, hagardes, frappées de stupeur. Dans la nef, des soldats se regroupent en vue d’une contre-attaque désespérée. Une vingtaine de fantassins tout au plus, issus de plusieurs régiments que je devine décimés. Des lanciers, des miliciens, et même un chevalier dépouillé de sa monture. Leurs capes déchirées arborent les armoiries d’au moins trois ducs différents ; leurs armures cabossées sont mouchetées de sang. Ils vont mourir et le savent. Pas de forfanteries, pas de chansons paillardes ni d’hymnes de guerre, juste le regard vide et déterminé d’hommes qui ont accepté leur destin.
Je remarque la longue arquebuse qu’un vieux soldat porte en bandoulière. Une arme superbe, au corps de noyer laqué, aux ferrures gravées d’arabesques. Les réserves de poudre noire sont épuisées depuis longtemps, l’arquebuse ne servira plus. Mais l’homme n’a pas pu s’en défaire. Elle disparaîtra sous les décombres de la cité, ou rejoindra les trophées de quelque chef de guerre oriental.
Quel gâchis.
Vargas questionne les soldats, s’enquiert des dernières positions connues de l’ennemi. Je le laisse faire, il est tout à sa place. Il faut voir l’effet qu’il produit sur ces héros fatigués : une lueur s’éveille au fond de leurs yeux morts, un sursaut de fierté les redresse. La cape écarlate et le heaume ailé n’y sont pas pour rien. Mais ce n’est pas qu’une question d’uniforme ou de statut, j’en suis sûre. Vargas pue le charisme à plein nez. Il a cette autorité brutale et magnifique que j’admire et que j’abhorre tout à la fois.
Il revient vers moi, pensif.
— Alors ? dis-je.
— Les Orientaux campent à bonne distance, de l’autre côté de la Bibliothèque. Ils ne veulent pas s’aventurer dans les ruelles en pleine nuit. Ils ont l’avantage du nombre, ils ont tout intérêt à patienter jusqu’au lever du jour. C’est là qu’ils lanceront leur ultime assaut.
— Donc nous continuons ?
Il ne répond pas. Je vois bien qu’il considère cette mission de garde-chiourme comme une perte de temps, qu’il se sentirait plus utile sur le front. Mais on ne discute pas un ordre direct de l’Empereur.
— Allons-y, lâche-t-il finalement.
Il lui suffit d’un geste pour se faire comprendre. Incrédules, les fantassins s’agglutinent autour de la porte Est et commencent à démonter la barricade. Ils soufflent et transpirent comme des bœufs tandis qu’ils déplacent les énormes poutres. Puis deux hommes saisissent l’anneau à pleines mains et tirent dessus à s’en arracher les tendons. Dans un grincement atroce, le battant de chêne massif pivote sur ses gonds.
Dehors, la ville brûle.
- Cath a écrit:
- À partir de 14'45 environ, le directeur de Mnémos y explique qu'il y aura 3 AT sur le thème de la mémoire à l'occasion des 30 ans de la ME. Celui-ci était le premier. Le suivant sera de la SF, et le dernier du YA. 5 textes sélectionnés à chaque fois, et des anthologies à petit prix, présentées dans de grands festivals.
Formidable ! J'ai déjà plein d'idées pour l'AT SF ! |
| | Nombre de messages : 38 Âge : 34 Localisation : Périgord-Limousin Pensée du jour : Pour faire un grand feu, il faut du petit bois Date d'inscription : 21/11/2024 | PetitPierre / papote Lun 6 Jan 2025 - 22:56 | |
| - Caius Pertinax a écrit:
- Sans en dévoiler trop, j'ai l'impression que je suis un peu dans la même vibe que PetitPierre...
C'est possible, en effet (quoique ma nouvelle se déroule après une guerre, et non pendant ; il y a donc des chances que nos deux textes divergent par la suite). En tout cas, je vois que je ne suis pas le seul à avoir fait le choix du présent de narration J'aime beaucoup l'aspect visuel et l'attention aux détails qu'il y a dans ta scène d'intro
Dernière édition par PetitPierre le Mar 7 Jan 2025 - 0:51, édité 2 fois |
| | Nombre de messages : 287 Âge : 47 Date d'inscription : 03/09/2023 | Chofienette / se balade partout (attention !) Lun 6 Jan 2025 - 23:48 | |
| - Cath a écrit:
- Pour info, si ça intéresse du monde par ici, je viens de tomber sur ce podcast.
À partir de 14'45 environ, le directeur de Mnémos y explique qu'il y aura 3 AT sur le thème de la mémoire à l'occasion des 30 ans de la ME. Celui-ci était le premier. Le suivant sera de la SF, et le dernier du YA. 5 textes sélectionnés à chaque fois, et des anthologies à petit prix, présentées dans de grands festivals. Et il insiste bien dans tout le podcast sur le fait qu'il cherche vraiment de nouveaux talents, donc je devais en effet être trop cynique dans mes posts d'hier : désolée… Sapristi, mon texte serait aussi très bien en YA, j'espère qu'on aura droit à une seconde chance ! (si j'avais su plus tôt je l'aurais gardé pour cette catégorie) |
| | Nombre de messages : 277 Âge : 35 Date d'inscription : 09/08/2024 | Bianca Shelter / se balade partout (attention !) Mar 7 Jan 2025 - 8:26 | |
| J'ai enfin eu le temps de lire vos premières pages ! Je me suis laissée emportée par celle de Caius. J'ai continué à scroller en mode : elle est où la suite ?
Y'a un niveau de fou ! Je n'aimerais pas être à la place du jury.
Le passé l'emporte mais nous avons été quelques uns à opter pour le présent. De mon coté, c'était la première fois que je m'y essayais et j'ai beaucoup apprécié !
Quelqu'un sait à la louche combien de textes ils ont reçus ?
D'autres personnes qui ont misé sur les origines grecques de la Maison Mnémos ? |
| | Nombre de messages : 1254 Âge : 40 Localisation : Au pays de l'Oiseau d'Or Date d'inscription : 12/07/2023 | Sarashina / Tentatrice chauve Mar 7 Jan 2025 - 11:40 | |
| Je pense que tous ceux qui n'auront pas été retenus pourront envoyer des textes aux deux AT suivants. Vu qu'ils cherchent de nouveaux talents, par contre, ceux retenus pour celui ci ne pourront sans doute pas soumettre de nouveau texte. Je pensais participer à cet AT mais ma nouvelle est maintenant dans les 200 000 SEC du coup je l'envoie à ActuSF pour l'AT Novella, et je compte participer à L'AT Mnémos Mémoire et SF car j'ai une nouvelle qui serait un excellent point de départ. (grosse inspiration grecque puisque ça se passe au 4è siècle avant JC, dans la région de la Mer Noire, au début. Je partage tout de même avec vous ma page 1 vu que le texte me fut inspiré par cet AT : - Spoiler:
Assise sur l’un des énormes rochers blancs couverts de lichen qui se trouvaient posés à l’aplomb de la falaise, Alèthéïa contemplait comme à son habitude le coucher de soleil au-dessus des flots marins sans se douter alors que l’existence rigoureusement réglée qu’elle menait là depuis une dizaine d’années, allait sous peu prendre une direction radicalement différente. Plus tard, dans les moments difficiles, elle se remémorerait de cette ultime journée passée sur Leukè, et en particulier de cet intermède magique durant lequel le soleil avait laissé s’échapper dans le ciel des coulées d’or en fusion jaunes et orangées si éclatantes qu’elles avaient même roussi la blancheur des gros nuages moutonneux qui flottaient dans le ciel. Du pied de la falaise jusqu’à l’horizon, la mer d’ordinaire bleue reflétait avec une telle fidélité le flamboiement du ciel qu’elle semblait s’être unie à lui dans une kaléidoscopie de couleurs scintillantes. Encore visible, au loin, le petit navire à voile qui transportait quotidiennement les pèlerins entre l’île de Leukè et le port d’Histria, sur la côte est, et qui avait pris le chemin du retour une heure plus tôt, semblait progresser au milieu d’une mer céleste. La jeune femme, qui avait rarement assisté à une telle conjoncture, eut le sentiment que les hommes et les femmes à bord de l’embarcation en bois s’éloignaient du monde réel pour en gagner un autre, plus beau. Et elle songea qu’elle aussi aimerait être avec eux et s’envoler vers l’inconnu. Cette pensée se réaliserait plus tôt qu’elle ne le pensait, mais elle l’ignorait alors.
Les couleurs solaires captivaient d’autant plus les pensées d’Alèthéïa que la majeure partie de la journée, son monde se restreignait à des teintes sombres ou froides : le bleu omniprésent de la mer et du ciel ; le blanc des nuages et des colonnes en marbre du sanctuaire qu’elle servait ; les différentes nuances de gris des rochers qui formaient l’île où elle vivait ; le vert pâle de l’herbe et celui, plus profond, des petits bosquets de myrtes, genévriers et muriers. Seuls détonnaient, dans cet univers maritime et austère, le pourpre et l’or de son long chitôn ionien – tenue que se devait de porter chaque hiéreia, ou prêtresse –, et les couleurs qu’offraient l’aube et le crépuscule. C’était pour cela qu’elle ne manquait aucun coucher ou lever de soleil, et aussi pour ça qu’elle adressait une prière quotidienne à Hélios et aux parents de celui-ci, le Titan Hypérion et la Titanide Théia. Ses promenades matinales et vespérales le long du pourtour de l’île étaient sa bouffée d’air. En dehors de ces moments, elle passait ses journées confinée entre les hauts murs du sanctuaire de Mnémosyne à qui elle était dévouée, lieu sombre et silencieux où venaient la trouver ceux et celles qui avaient besoin qu’elle intercède pour eux auprès de Mnémosyne.
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| | Nombre de messages : 1350 Âge : 48 Date d'inscription : 14/08/2022 | Cath / Tentatrice chauve Mar 7 Jan 2025 - 17:25 | |
| Ils ont reçu plus de 350 nouvelles ! Source : https://www.instagram.com/p/DEh8vr7NvdZ/ |
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