Depuis mon appartement, j'entends la sonnerie stridente de mon voisin de palier, ce vieux bavard à moitié grabataire auprès de qui je prétends le plus souvent no hablas espagnol.  

Je n'ai rien à faire. Je me lève en silence et un coup d'oeil au judas me révèle qui en est responsable : la nouvelle arrivante de l'immeuble, de l'étage même - Luna d'après la boîte aux lettres - ma voisine d'en face qui, non contente d'avoir envahi mes yeux et mon nez des émanations ridicules de son petit projet pictural, me fait à présent tendre l'oreille.

C'est la première fois que je la vois de profil. J'observe cette façon qu'elle a de tendre sa silhouette en attendant le vieux Jimenez. Elle a une forme de vitalité qui n'est déjà plus de son âge. Est-elle sotte ? Est-elle riche ?

Avec le même M.O., toujours au judas, plusieurs fois auparavant depuis son installation, j'ai observé son dos pendant qu'elle tendait les bras à repeindre avec furie sa porte d'entrée, éclaboussant autour d'elle toutes sortes de teintes absurdes, sans que je comprenne tout à fait quelle inspiration cocasse entendait transformer sa porte d'entrée, une protection générique universellement admise comme un obstacle aux tentatives d'infraction, et surtout aux tentations, en une autoroute arc-en-ciel désignant tout droit sa propriété privée.

Vous avez mon attention, mademoiselle.