Voilà ! Si vous voulez parler avec moi, c'est ici... Pour l'instant, postez vos lettres dans ce topic, je vous répondrez soit dans ces commentaires, soit ici, cela dépendra du commentaire... Et des interactions que j'ai envie d'accepter parce qu'entre voisins, faites attention, je peux ne pas être très aimable ^^

Je suis monté au sixième, ce qui a confirmé mes premières impressions sur cet immeuble. Entre l'odeur d'herbe à défoncer le Tenorio au quatrième, l'odeur d'écuries au cinquième, on m'a vraiment donné la pire cage à lapins de la ville. Je ne veux pas savoir ce qu'il y a dans les appartements ; comme ils ne veulent pas savoir ce que je fais dans le mien, je pense. Mais quand même, du trafic de drogues ça passe encore, mais trafiquer des animaux, par les temps et le fleuve qui courent, fallait oser.

J'arrive au sixième, et je me rends compte que la trompette n'a pas signalé en musique le numéro de son appartement. Oh vous moquez pas, ça fait 8 semaines que j'ai pas dormi, ça attaque le moral, les cernes et le bon sens élémentaire ; c'est con quand même. Allez, on va toquer à toutes les portes. Je pense que ça ira vite, car une trompette nocturne, généralement, ça crée de légères tensions avec son voisinage. Enfin, avec la gueule des locataires des étages du dessous, tout est possible. Vous rajoutez à ça l'odeur...
Un jour je vais balancer une enquête à charge sur les proprios, ça va faire mal. Le concierge va manger son béret en hypothéquant ses balais, je vous le dis.

De mon souvenir...l'appartement 602, c'est une femme. Y'a un nom de femme sur la boîte aux lettres, c'est maigre mais c'est tout ce que j'ai. Et puis la trompette sortait un sentiment un peu féminin, assez subtil, plutôt éloigné des gros bourrins qui peuplent notre ville ; dont je fais partie sans doute, vu que je suis toujours en vie.

Je toque à la porte en m'annonçant avec une voix teintée de curiosité et de politesse :

- Salut, je cherche la personne qui jouait de la trompette l'autre soir. J'ai été très touché et je voulais la rencontrer, je pense que c'est vous. C'est que j'ai été chanteur aussi, on aurait pu faire des sessions chez vous si le cœur vous en dit. Allo y'a quelqu'un ? J'ai une voix, j'aurais pu faire de l'opéra vous savez. Ou du fado.

J'ai toujours adoré dire Allo partout ailleurs qu'en décrochant un téléphone. Tout le monde trouve ça absolument normal, alors que ça l'est pas. Te marre pas, Riviera, on dirait un témoin de Jéhovah qui veut faire une blague à un scientologue.

Roh, y a quelqu'un qui toque à ma porte... J'espère que ce n'est pas le Concierge, je l'aime vraiment pas lui... Et en plus, mon poignet est encore gonflé et ça se voit quoi.
Si c'est un voisin, il a pas intérêt à me poser de questions dessus...

J'ouvre la porte et je croise le regard, encore d'un mec au passage, qui ne semble pas si bienveillant que ça.
- Oui, bonjour ! Si vraiment vous cherchez la personne qui joue de la trompette, ce n'est pas moi, désolé... C'est mon voisin de pallier... Vous voulez lui dire d'arrêter de jouer la nuit c'est ça ?!

Mais franchement, qu'est-ce qu'il vient faire à ma porte... ça s'entend bien que ce n'est pas moi qui joue de la trompette vu toutes les fautes d'accords qu'il fait ! J'ai juste envie de lui refermer la porte au nez...

"Hey, je crois que vous avez besoin de glace, et..." Non, c'est naze. "Salut, j'ai entendu votre échange avec le concierge, et..." Mais non, elle va savoir que tu tendais l'oreille ! Ma main droite ajuste mes contours qui n'en ont pas besoin sans arrêt, tandis que je piétine sur place. Dis-lui que t'as remarqué sa main enflée, voilà ! "Envie de p'tits pois ?" Oh non, la tente pas celle là ! T'expliques juste la situation, et tu lui offres les petits pois congelés, pour qu'elle se soulage un peu. Même depuis le sac isotherme et le torchon qui les recouvre, je sens qu'ils ont perdu en fraîcheur. Ou bien c'est ma main gauche qui est glacée à son tour ?

Et puis ensuite... Ensuite quoi ? Qu'est-ce que tu crois qu'il va se passer ? Mais j'en sais rien moi ! Allez, bouge toi ! Je m'approche de la porte. Un, deux, trois et quatre fois. Je me recule, peignant ma barbe taillée. Merde, ça y est, j'ai toqué ! Plus moyen de faire machine arrière. Mais t'as quel âge putain ? Tu sais pourquoi t'es là, alors tu agis nor-mal-ment ! T'es juste là pour rendre service, rien d'autre. Elle met une éternité à ouvrir... Ou bien c'est moi qui n'en peut plus d'attendre ?

Pénélope a écrit:

Roh, y a quelqu'un qui toque à ma porte... J'espère que ce n'est pas le Concierge, je l'aime vraiment pas lui... Et en plus, mon poignet est encore gonflé et ça se voit quoi.
Si c'est un voisin, il a pas intérêt à me poser de questions dessus...

J'ouvre la porte et je croise le regard, encore d'un mec au passage, qui ne semble pas si bienveillant que ça.
- Oui, bonjour ! Si vraiment vous cherchez la personne qui joue de la trompette, ce n'est pas moi, désolé... C'est mon voisin de pallier... Vous voulez lui dire d'arrêter de jouer la nuit c'est ça ?!

Mais franchement, qu'est-ce qu'il vient faire à ma porte... ça s'entend bien que ce n'est pas moi qui joue de la trompette vu toutes les fautes d'accords qu'il fait ! J'ai juste envie de lui refermer la porte au nez...

C’est une jeune femme qui ouvre et me foudroie d’une méfiance que je mérite...peut-être pas tant que ça ; on se connaît pas après tout. Puis je n’ai pas encore fait quelque chose de louche ou pénalement répréhensible. Pas encore. Tiens d'ailleurs, est-ce que les lois de notre belle et indépendante justice sont toujours en vigueur  avec tout ce merdier ? C’est pas pour moi, c’est pour un ami.

- Lui dire d’arrêter ? Non au contraire ! On a besoin de gens comme lui pour survivre à tout ça, vous ne croyez pas ? Je pense lui proposer de former un groupe, on fera nos répés chez lui peut-être, mais on sera calme hein. J’ai pensé à un nom assez stylé pour notre groupe : PlazaPatatas...au départ je pensais à Aérosmooth, mais c’est sûrement déjà pris. Enfin voilà…

Je sens comme des ondes négatives traverser mon petit corps de lâche. Etonnant. Je me tourne vers la porte du voisin du palier en levant le pouce à la jeune femme pour lui dire qu’elle a assuré, l’avenir musical d’Aguacope vient de s’éclairer d’un coup d’un seul grâce à elle. Ah les rencontres, que ferait-on sans...

Mais qu'est-ce qu'il me répond lui ! Il veut vraiment créer un groupe avec Imanuel !! Ce n'est pas possible, je ne vais pas survivre, s'ils jouent ensemble dans l'appartement en face du mien. Non, ce sera non, ils auront droit à une petite visite s'ils le font !!

- Oh, d'accord. Oui, c'est sûr, la musique est un art qui permet de se changer les idées ! Vous avez tout à fait raison, voisin. Désolé, mais je ne peux pas vous inviter à entrer... Merci pour votre visite !

Je referme la porte sans lui laisser le temps de répondre et m'assoie sur mon lit. J'ai tellement mal au poignet que je ne sens que la douleur qui m'envahit. J'ai senti défaillir quand il a toqué, ce voisin... Mais je suis bête parfois, j'aurais dû lui demander s'il ne pouvait pas m'aider. Mais il ne m'inspire pas trop confiance celui-là...

Me séchant les larmes qui avaient commencé à couler au souvenir de ce qui s'était passé, j'essaie de me relever, même si c'est dur. Je sais très bien que j'ai encore les yeux rouges, d'avoir pleuré, et, avec mon poignet, le résultat n'est pas très charmant... Mais tant pis, tant qu'on ne me pose pas de questions !

Arrivée à la porte, je l'ouvre, lentement. Pas plus grand que tout à l'heure. Je dois m'appuyer à la porte pour ne pas tomber... Et là, stupeur, ce n'est pas le même voisin... Oh non ! C'est le mec du premier étage... mais il s'est coupé la barbe là ! Il s'est bien présenté ! Alors c'est lui qui m'a fixé la première fois que je l'ai croisé, et c'est lui qui m'a sauvé d'une nuit à passer dehors. Ok, donc c'est Armando Diaz du coup, j'avais raison... Instinctivement, en voyant son regard bienveillant et timide, j'entrouvre un peu plus la porte, mais pas assez pour qu'il puisse voir à l'intérieur. Je ne suis pas folle quand même ! Je ne fais pas entrer n'importe qui dans mon appartement.

Je m'aperçois que je le fixe depuis quelques temps déjà, un peu trop longtemps et je rougi légèrement. Il ne dit rien, me contentant de me regarder... J'espère qu'il ne va rien me dire à propos de mes larmes, que je sens arriver dans mes yeux... Non, il faut que je me contrôle, je ne vais pas pleurer devant cet inconnu !

- Oui ? Bonjour voisin, vous êtes Diaz, c'est ça ? On s'est déjà croisé il me semble ? Que puis-je faire pour vous ?

La porte s'ouvre, enfin s'entrouvre à peine. Ma gorge se tend en voyant la fine silhouette se dévoiler à travers l'infime ouverture qu'elle laisse. Esperanza Reyes... Elle me dévisage, et semble surprise. Elle doit me remettre à présent, se souvenir de la fois où j'ai insisté, à lui sourire comme un con... Mais voilà qu'elle décale la porte un peu plus ? Les mots se bousculaient dans ma bouche, mais refusent de sortir. Mon esprit intime de maintenir ce silence, la possibilité de conserver cette contemplation. Elle ne paraît pas offusquée ou gênée de ma présence. Ses lèvres tremblottent, comme les relents d'une mélancolie résiduelle. Je trouve enfin son regard et ces jolis yeux... Rougis. Oh merde, je débarque vraiment au pire moment. T'en loupes pas une Diaz hein... Son attention sautille un peu partout, pour dissimuler ce qui commence à grimper en elle, et ses joues qui gagnent en couleur. Et voilà que tu recommences à la mettre mal à l'aise... Elle se décide à articuler quelque chose.

— Oui ? Bonjour voisin, vous êtes Diaz, c'est ça ? On s'est déjà croisé il me semble ? Que puis-je faire pour vous ?

La mélodie qui s'échappe de ces fines lèvres est un cadeau inespéré. L'écho de ce que j'avais ressenti, lorsque j'avais tendu l'oreille à travers ma porte... Je déglutis, pour chasser ma sidération. Mon regard s'ancre sur sa main gonflée et en sale état. Même ainsi, à distance, ces doigts fins me paraissent doux au toucher...

— Excusez-moi de vous déranger, mais j'ai remarqué votre main enflée, la dernière fois. Je connais bien ce genre de douleur, et ce qui peut aider.

Je marque une courte pause, soulagé d'avoir déverrouillé ma mâchoire. Elle est toujours attentive, mais ne semble pas comprendre où je veux en venir. Ben oui, ça peut-être au bout de ton discours, débile ! Je pointe sa main enflée avec le sac isotherme, pour souligner mon propos.

— Je pense qu'il faudrait mettre de la glace. Que ça pourrait vous faire du bien.

Elle examine mon drôle de cadeau, logé dans ma main tendue vers elle, mais avec une distance sécurisante. Je savais que présenter des petits pois comme offrande paraîtrait bizarre, quelle idée... Relance avant qu'il ne soit trop tard !

— Je me suis déjà cassé la main plusieurs fois. Ça m'a l'air d'une sale entorse que vous avez, donc le froid sera utile. Je peux peut-être jeter un œil si vous voulez ?

Ah ben bravo, après l'hésitation, voilà que tu pars à l'abordage directement ! Bon, trop tard, c'est lâché, j'ai misé tout ce que j'avais. L'éternité qui s'écoule, à travers ce doux regard empli de tristesse, est une torture, mais je n'ai aucune envie d'être ailleurs.

Au moment où je lui commence à lui parler, je sens son regard se poser sur ma main, toute gonflée, cause de mon poignet foulé. Comment sait-il que j'ai la poignet dans cet état ? Quand m'a-t-il vu pour s'en apercevoir ? Je réfléchis, pensive, mais ne trouve pas. Il a dû me croiser à un moment où je n'ai pas fait attention...
Et au bout de sa main, un sac isotherme... Oh my god ! Trop gentil le voisin, il m'a apporté de la glace pour me soulager ! J'essaie de ne pas verser de larmes devant lui, tellement que son initiative me touche. C'est dur, mais j'y arrive.
Il me redis quelque chose mais je n'y prête pas vraiment attention et je tends mes mains pour récupérer le sac. Je me l'applique directement sur mon poignet et ça me fait un tel bien que, n'y prenant pas garde, la porte s'ouvre en grand... M'apercevant de ça, je décide de l'inviter à rentrer pour le remercier :
- Oh, merci beaucoup ! Vous êtes vraiment gentil d'être venu me donner de quoi me soigner ! Vous voulez entrer ? Je voudrais pouvoir vous remercier quand même...

J'attends sa réponse avec appréhension, ne sachant pas ce qu'il m'a dit auparavant. Son regard me fixe depuis le début mais un regard plutôt engageant, contrairement à celui qu'il m'avait lancé la première fois que l'on s'était croisé.

Lorsqu'elle comprend, enfin... Non, lorsque je me montre clair pour la première fois plutôt, se produit un dénouement inattendu. Son visage s'illumine, contrastant avec le chagrin qui menaçait de la submerger. Elle m'arrache le sac avec un précipitation enthousiaste. Elle est trop focalisée sur sa blessure pour remarquer le sourire figé sur mes lèvres, que je rompt du mieux que je peux.

— Il faut l'appliquer trois fois par jour, et mettre de la pommade si vous avez. Éviter de porter lourd, de...

Non mais tu crois faire quoi avec tes recommandations de daron là ? En plus, tu parles dans le vide on dirait. Peu importe tant la réjouissance sur son visage est une récompense à elle seule. Elle se retourne vers sa porte qu'elle a poussé en grand, et retrouve mon regard. Plus une trace de tristesse. Simplement de l-

— Oh, merci beaucoup ! Vous êtes vraiment gentil d'être venu me donner de quoi me soigner ! Vous voulez entrer ? Je voudrais pouvoir vous remercier quand même...

La reconnaissance matérialisée m'aurait suffit. Mais cette manifestation est presque balayée par la proposition qui ébranle mes genoux. Je peine à assimiler, mais je suis incapable de quitter ces yeux, que mon simple geste a rallumé. Je n'ai rien prévu pour la suite, je n'ai aucune idée de ce que ça va donner. Mais le tambour agité cogne dans ma poitrine, et n'a qu'une seule chose à dire.

— Oui bien sûr, avec plaisir.

Mon sourire devait être plus naturel et engageant cette fois, car elle s'efface à l'intérieur de son appartement, pour me permettre d'entrer. Calme-toi, relax. Depuis combien de temps je ne suis pas rentré dans le domicile de quelqu'un ? La dernière fois, c'était... Ce qu'il s'était passé chez Mélusine... Ah nan, tu vas pas repenser à ça hein ! Je chasse le trouble qui enveloppe mes entrailles, et je balaie l'intérieur de l'appartement d'un regard discret.

L'espace est réduit et sobre. Un lit, une chaise, quelques meubles, un bureau... Je peux bien me plaindre de mon logement, je ne suis pas le plus mal loti. La lueur du jour plisse mes yeux, et ma main fait barrage avec la fenêtre. Qui donne sur le toit ? Sympa le panorama, qui nourrit envie de s'évader, réfléchir... Elle aurait besoin d'un petit coup de chiffon, mais je ne vais pas la juger. Je me retourne, et Esperanza Reyes me regarde, appliquant toujours la glace sur sa main blessée. Dis quelque chose, n'importe quoi !

— C'est plutôt sympa ici. Ça vous plaît ?

Quel idiot, t'aurait pu trouver mieux quand même ! Me connaissant, j'aurai pu faire pire encore en vérité... Occupé à pester contre mon manque d'aisance dans les relations sociales, je n'entends même pas ce qu'elle me répond. Recentre le sujet, pour garder le contrôle, sinon tu vas encore merder !

— Je peux regarder si vous voulez, m'assurer que ce n'est rien de trop grave ?

Elle hésite. C'est précipité, tu le sais, tu le savais quand tu as proposé ça plus tôt, mais tu continues. Diaz, l'irrécuperable... Rattrape-toi avant de tout gâcher ! Je passe ma main pour peigner mes cheveux vers l'arrière, et invoquer toute ma contenance.

— Vous vous êtes fait ça comment ?

Quand je lui propose d'entrer, Diaz semble surpris mais très honoré de ma proposition. En passant par la porte, il marque un petit temps d'arrêt. Je regarde si je n'ai pas laissé traîné quelque chose, mais non, ça a l'air d'être propre, enfin le plus propre possible... Je le vois balayer l'appartement du regard, en essayant d'être discret et je remarque à quel point mon logement est vétuste. J'espère qu'il ne va rien me dir...
- C'est plutôt sympa ici. Ça vous plait ?
J'ai envie de lui rire au nez en lui demandant comment il peut trouver cet endroit sympa mais je me dis qu'il doit faire un effort pour me parler...
- C'est un peu petit mais je vais m'y habituer vous savez.
Il ne semble pas m'écouter.

- Je peux regarder si vous voulez, m'assurer que ce n'est rien de trop grave ?
Mais qu'est-ce qui ne va pas chez lui ? Il n'écoute pas mes réponses et passe en plus, du coq à l'âne dans ses questions... Et puis, quand même, je ne vais pas me laisser toucher, même si ce n'est que le poignet et la main, par un inconnu. Je ne sais pas s'il est vraiment bienveillant... Si ça se trouve, il est juste venu me donner de la glace pour me tendre un coup en fait ! Qu'est-ce que j'en sais ? Je ne sais pas quoi dire et j'ai juste envie de m'asseoir... Je me sens défaillir, étant debout, mais je préfère rester dans cette position. Sinon, Diaz sera forcément en position de force... Déjà qu'il l'est !

- Vous vous êtes fait ça comment ?
Il va falloir que je sorte de mon mutisme, sinon, je ne sais pas ce qu'il va penser de moi. Je vais devoir lui avouer ma maladresse, je ne peux pas lui mentir.
- J'ai essayé de nettoyer la fenêtre pour pouvoir regarder les étoiles le soir, mais comme je suis trop petite, bah je suis montée sur la chaise que vous avez là et je suis tombée. Sauf que je me suis mal rattrapée et mon poignet en a pris un coup. Donc si vous connaissez un médecin qui puisse venir jusqu'ici, ce serait vraiment utile, voyez-vous. Parce que le concierge m'a renvoyée, de mauvaise humeur, tout à l'heure... Et, j'ai vraiment mal quand même...
En disant cette dernière phrase, je me rends compte que je perds toute ma contenance que j'avais réussi à garder depuis que j'avais ouvert cette porte. Oh, non, je ne vais pas me mettre à pleurer à cause de la douleur et du fait qu'il m'ait coupé en plein mauvais souvenir ! Je baisse un peu la tête, le temps de me remettre et attends sa réponse. J'ai besoin de m'asseoir en plus. J'espère que mon malaise ne se voit pas tant que ça.
Peut-être que je pourrais lui demander s'il ne peut pas me la nettoyer au passage ? Et il faudrait alors que je lui demande s'il peut essayer d'ouvrir la trappe, au-dessus de mon lit ? Oh, mon lit ! Il n'est pas fait du tout ! Je suis restée allongée dedans pendant quelques temps à cause de mon poignet et je ne m'étais pas aperçue qu'il était dans cet état... Et moi, dans quel état je dois être !

Son explication me déstabilise, avant de me bouleverser. Mon visage avait envie de s'étirer et de rire de sa maladresse, pour dédramatiser la situation. Mais son ton, initialement réjouissant par sa manière de décrire sa mésaventure, a perdu en assurance, pour diffuser un fond attendrissant. Elle doit avoir ses soucis, et je suis tombé au pire moment. Il en faudrait peu pour qu'elle craque. Elle en aurait peut-être besoin ? Mais alors que je tombe mal, elle m'a proposé d'entrer. Le visage de façade qu'elle a tenté d'invoquer ne tient plus. Sa lèvre inférieure commence à frémir, et son visage dégringole vers le sol. Mon épaule se crispe, sensation propagé dans mon abdomen, quand je la vois se replier ainsi. Son regard passe sur son lit, et sur elle-même ensuite. Esperanza est en train de dégringoler dans les escaliers de sa psyché oppressée. Tu peux justement servir à quelque chose.

— Je pourrais me montrer utile pour ça aussi ?

Ma suggestion relève ce visage désolé. Une victoire qui en vaut la peine. Elle balaie maladroitement une mèche de ses cheveux derrière l'oreille, et reprend en assurance. À mesure que mes yeux se détachent de ces doigts fins, je me réjouis d'avoir vu juste à leur sujet. Mais elle hésite toujours... Je pivote sur moi-même, et aperçoit un chiffon, posé maladroitement près de la commode. Je le désigne de la main en me tournant vers elle.

— Je peux ?

Elle rassemble le peu de force qu'il lui reste dans cette journée éprouvante, et hoche de la tête, un sourire triste mais poli animant ses traits peinés. Je l'imite, puis m'empare du torchon en question. Je me saisis tout de même de la chaise, pour être le plus stable possible. Il ne faudrait pas que je m'abime de nouveau la main... Je frotte sans ménagement sur la fenêtre, et la crasse disparaît assez vite. Bon, ça ira pour ce coup là, même si des produits ménager auraient fait mieux. Je redescends au sol, et je secoue le torchon avant de le remettre à sa place. Elle est restée à sa place, mais les ongles de sa main valide se plantent presque dans son bras. Je frotte mes mains, pour me laisser du temps. Mais je décide de rompre ce silence qui semble la tirailler.

— Voilà, ça devrait aller pour un temps, et... Vous êtes sûre que ça va ?

Tu parles d'une question... T'aurais répondu quoi toi, à ça ? Ben rien, ou t'aurais pas dit la vérité. Diaz, vraiment... J'hésite à la relancer encore. Son élan de bienveillance et de reconnaissance l'a poussé à m'ouvrir, mais elle est trop polie pour me demander de partir. Ou bien a-t-elle quelque chose d'autre à me demander ?

Je veux m'allonger sur mon lit. Voilà une des seules pensées qui me traverse l'esprit le temps que mon voisin nettoie la fenêtre. Je ne suis pas bavarde, il faudrait que je le sois un peu plus, il va se demander ce qui se passe... Même s'il se doute qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez moi. Avec un chiffon posé sur sur la commode, il me passe un coup sur cette petite ouverture, et la pièce s'illumine. Je suis contente du résultat, même si avec du produit à vitres, ça aurait été plus propre... mais bon, je ne vais non plus lui demander de le refaire. Surtout que je ne veux pas qu'il tombe de la chaise, vu comment elle est branlante.

Il faut que je me détende. Ma main est crispé sur la glace autour du poignet mais mes ongles sont presque plantés dans mon bras, tellement que je le sers. Il faut que je respire. Doucement mais sûrement. Je ne dois pas tomber. Je ne dois pas pleurer. J'ai voulu le faire entrer pour le remercier, je dois assumer maintenant. Il cherche seulement à être gentil, pas tous les mecs sont comme mon père...

- Voilà, ça devrait aller pour un temps, et... Vous êtes sûre que ça va ?
Je relève la tête vers lui, surprise qu'il me demande si ça va. Cette question, si banale, est pour moi un supplice. Je ne sais quoi répondre mais, de toute façon, je ne vais pas lui dévoiler ma vie non plus ! Je décide alors d'être honnête avec lui :
- Je... Oui, je vais bien mais j'ai vraiment mal... Je vais d'ailleurs m'asseoir, si ça ne vous dérange pas. Je suis restée presque toute la journée allongée sur mon lit, je me sentais vraiment pas bien et là, j'ai un peu de mal pour rester debout... Vous m'avez dit que vous saviez quoi faire pour mon poignet ? Je crois que j'ai une foulure, mais j'avoue que je ne sais pas vraiment comment faire pour que ça aille mieux si je ne peux pas voir de médecin. Et vu que l'on va être bientôt coupé du monde, j'ai l'impression, vu ce qui se passe en ce moment, j'avoue que j'aimerais bien que l'on me conseille. J'ai un peu honte quand même, vu que j'ai fait pas mal d'année d'études en médecine mais bon... Voyez-vous, dans ce genre d'études, on voit d'abord ce qu'il faut faire dans des cas très compliqués mais, en cas de foulure, on le voit dans les dernières années et j'ai ai arrêter avant malheureusement... Bref, du coup, vous me conseillez quoi ? Et si vous voulez regarder, allez-y, je ne veux vraiment perdre aucune capacité de mon poignet, ce serait une catastrophe pour moi, je ne pourrais plus jamais jouer de nouveau au violon...

Non, Esperanza, tu n'as pas fait ça, quand même ! On non, tu commences à trop parler maintenant, tu te rends compte que tu as déballé tout un pan de ta vie là ? A un inconnu qui plus est ??

Je le regarde, un peu gênée d'avoir autant parlé, mais pleine d'espoir qu'il me dise que ce n'est pas grand chose, juste une petite blessure et que je vais retrouver l'usage intégral de ma main...

Eh, bien... D'abord elle cherche à dresser un mutisme pour se protéger du moindre bruissement dans l'air, et ensuite elle déballe tout ce qu'elle a sur le cœur, dans un flot continu. Les traits de mon visage ignorent s'ils doivent s'étirer de joie, ou se fermer de tristesse. Cette fille me fait de la peine, assise, recroquevillée sur elle même alors qu'elle se trouve chez elle. Se sent-elle chez elle, à son aise au moins ? Elle me paraît plutôt oppressée... Ça me fait penser à quelqu'un, ce truc que j- Rha, retombe pas là dedans ! Mais je ne veux pas non plus... 

Je me peigne la barbe, pour donner l'illusion que je réfléchis à la suite, alors même que je sais déjà ce que je vais faire. Étudiante, je l'avais deviné, mais elle a lâché la médecine. Elle pratique le violon ? On peut difficilement faire plus éloigné de mes goûts, mais je ne demande qu'à m'ouvrir à ce sujet. Arrête de penser comme ça, et bouge. Avec une lenteur précautionneuse, je m'installe à distance sur son lit, veillant à ne pas heurter le matelas de mon poids. Je frotte mes mains contre mes cuisses, et je me tourne vers elle.

— On va regarder ça alors ?

Elle peine à conceptualiser que le contact va se faire. Mais elle accepte. Parce qu'elle ne sait pas quoi dire d'autre. Qu'elle veut juste un peu de certitudes, rien qu'une fois, que quelqu'un lui apporte une base, un socle pour l'aider à se reposer, à affronter les jours suivants, et... Non mais tu vas arrêter de mélanger avec tes propres soucis oui ?! Elle laisse le sac isotherme sur ses genoux, et elle me tend son membre blessé, fébrile. 
Sa peau est froide, un peu rougie, mais elle vibre entre mes mains. Je me mords l'intérieur de la joue, invoquant l'idée de la manipuler plutôt qu'autre chose. Mes sourcils me rendent service, en jouant un air crédible de diagnosticien éclairé. Quel bluff pathétique...

— N'hésitez pas à me dire quand je vous fais mal.

J'espère la rassurer, la mettre en confiance avec ma recommandation. Mais j'évite surtout de trouver son regard d'aussi près, à moins de vouloir signer mon arrêt de mort. Je palpe légèrement l'oedème visible, provoquant de fines grimaces. Sans connaître son rapport à la douleur, je sais qu'il y a un trauma à l'articulation. Je continue la palpation sur le début de l'avant bras, plus chaud au toucher, et cette douceur... Je m'empresse de redescendre vers le dessus de la main. S'il y avait fracture, Esperanza m'aurait hurlé dessus, en repliant son membre contre elle-même. Je tente de pivoter son poignet, rigide, tendu. Comme elle en cet instant, mais les grimaces qu'elle réprime, par fierté attendrissante, sont parlantes. Je lui rend le présent qu'elle a accepté de me confier en retirant mes mains. J'attends qu'elle retrouve mon regard, plus sereine, avant de reprendre la parole.

— Ça ressemble à une bonne entorse. Pas de fracture en tout cas. Il n'y a pas de recette miracle, à part glace et pommade, plus du repos, le plus possible. Il faut vous ménagez.

Ses yeux balaient la pièce de gauche à droite, comme le cheminement de pensée et d'analyse de la situation. Ses yeux toujours rougis n'ont rien perdu de leur puissance désarmante. Elle ne renifle plus, comme lorsqu'elle m'a ouvert plus tôt. Elle a des pommettes aussi fines que son nez, qui... Je déglutis, avant de pester contre la sidération. Si j'avais su ce que me réservais cette journée... Mais je m'égare. Il ne faut pas qu'elle se sente obligée de quoique ce soit. Je me penche pour réajuster mes Timberland, comme une diversion pour effectuer un petit recul sur le lit, et agrandir la distance. J'ignore ce qu'elle a prévu pour sa journée, mais je ne voudrais pas l'embêter plus longtemps...