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 Comment armer la poésie sans violence ?

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Le Trader
   
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Le Trader  /  Double assassiné dans la rue Morgue


Hop,


Comme l'indien joue au cow-boy, je propose de continuer ici la discussion qui se lançait, et qui nous semblait plus intéressante que le sujet de base.

Ici on accepte tout le monde, tous les avis, toutes les différences !
Sauf Liam Daläa, faut pas pousser Mouhahaha


Je me permets de citer les différent.es intervenant.es pour remettre un peu de contexte et rebondir directement dessus.


Pasiphae a écrit:
+ toujours côté témoignage (je n'ai enseigné l'écriture de poésie que dans des cadres institutionnels : primaire, collège, licence) : lorsqu'il restait un peu de temps en fin d'année et que je demandais aux jeunes ce qu'ils avaient envie de faire, ils plébiscitaient systématiquement l'écriture de poésie ! le côté "virtuosité technique", le fait qu'on puisse en transmettre des bases objectives (ce qui va tout à fait avec l'idée d'enseignement explicite) + la valeur expressive dont elle est culturellement dotée en font quelque chose d'apprécié côté écriture. Mais beaucoup de profs de français / litté ne sont pas friand·es de poésie, et c'est souvent le chapitre annuel qui subit l'impasse hélas

josephcurwan a écrit:
(oui, j'avais entendu dire qu'il y a bien longtemps on faisait faire des poèmes en latin aux élèves.)

quand j'étais en primaire, on me faisait faire des rédactions,

ce qui me plaisait plutôt, mais certainement pas des poèmes !

à mon sens rien ne remplace la lecture :

c'est en lisant qu'on apprend (éventuellement) à écrire,

non ?

Pasiphae a écrit:
Oui ! mais on a longtemps raffiné la formule en pensant que c'était en imitant (les "grands" auteurs) que l'on apprenait à écrire [et dans un siècle où la poésie figurait tout en haut de la hiérarchie symbolique des genres littéraires, elle était favorisée). Ce n'étaient pas vraiment des rédactions comme celles que nous avons connues plus jeunes, mais de vrais exercices d'imitation qui, graduellement, se sont transformés en ce que l'on appelle désormais le commentaire composé de texte littéraire.

josephcurwan a écrit:
ah, le commentaire composé de texte, qu'est-ce que je pu haïr ça.

j'avais l'impression que c'était une sorte de singerie automatique formelle qui n'avait rien à voir avec le fait de comprendre ou d'aimer vraiment le texte.

je garde une image très négative de mes profs de français de lycée. au fond des gens qui s'en foutaient et qui n'aimaient pas la littérature.

Edit :

Le Trader a écrit:
[ (et il faut aller plus loin dans l'enseignement que l'atelier, à mon avis).


c'est à dire ?

Noxer a écrit:
Le Trader a écrit:

On apprend à le faire, que ce soit prévu à l'école  ou ailleurs. Vous savez, il n'y a pas que l'école, le scolaire et des profs qui nous mettent devant les arts, on peut y aller seul, à plusieurs, au hasard, un peu partout dans le monde. J'ai fait atelier/cours de poésie à des camionneurs pas loin d'être analphabètes, en enlevant beaucoup de préjugés notamment issus de la socio, on peut aller partout tant qu'il y a rencontre et impulsion créative. Ça peut être à l'école, mais ça peut surtout avoir lieu partout ailleurs, et à n'importe quel âge. Les cyniques patenté.es ricaneront et trouveront toujours un argument réchauffé au micro-onde, j'ai juste eu la chance de l'avoir vécu.

A celleux qui disent que c'est impossible ou un détail de la tendance, généralement je réponds qu'il suffit de se bouger le cul, des deux côtés de l'équation (et il faut aller plus loin dans l'enseignement que l'atelier, à mon avis).

Pasiphaé, j'avais effectivement lu ça quelque part pour les jeunes filles...effrayant...

J'y pense beaucoup pour la mediatheque où je travaille, il y a pas mal de gamin.e.s qui viennent tout le temps mais touchent très peu les livres, pour cause parce que parfois iels ont bcp de retard sur la lecture (ou le français meme parlé) à 10-12 ans et pareil pour l'écriture, mais iels sont hyper doué.e.s créativement sur plein d'autres trucs. Je serais super intéressé du coup de savoir comment tu fais pour dépasser cette difficulté de la langue dans ce cadre là, et à quoi ça pourrait ressembler comme "atelier".

Idem pour Pasi !! Partagez vos enseignements !!

Le lien de la page complète  : https://www.jeunesecrivains.com/t61890p15-la-plume-est-elle-une-arme#1219207


Pour reprendre un peu le fil de manière apaisée, je réponds à Joseph et Noxer.
Oui, lire est important une fois qu'on a conscientisé son importance (pour moi, sa primauté), mais ce n'est pas un réflexe ni une habitude (oserais-je dire que c'est...socio-culturel). Une frange de la population ne lit pas, n'est pas éduquée à la lecture, et souvent j'ai pu remarquer que les non-lecteurs, lectrices restent bloqué.es dans leurs représentations - comme tout le monde. C'est-à-dire qu'ielles pensent que "ce n'est pas pour moi", "c'est trop compliqué", "je ne comprends rien ça m'ennuie".

Dans l'exemple des chauffeurs (des picards, principalement) la lecture ça résumait à quelques bd et je suis parti de la bd, de ce qu'ils connaissaient, aimaient, mettaient en avant spontanément sans honte. Ensuite petit travail de maïeutique sur pourquoi la bd, ce qui plaisait, ce qui avait été retenu, et en développant un peu, j'ai compris que l'avantage de la bd, c'est qu'on peut juste regarder les images. Donc pour écrire (sans regarder l'ortho bien sûr), j'ai donné un sujet-modèle, à partir d'une image de Manara, une femme nue, sensuelle, sauvage (on ne pose pas de jugements à ce moment), quel environnement ? Un lac, ok. Quelle émotion se dégage de la scène ? La nature est belle, la femme est la plus belle chose de la Nature ? Ok, à noter. Quelle émotion te saisit, comme spectateur de la scène, comment tu veux la transmettre ? Je ne sais pas, c'est comme l'eau. Ok, écris en prose, en essayant de choisir tes mots à l'oral, et écris-les de manière phonétique, ensuite on reprendra tout le texte pour qu'il soit propre. Et après quelques essais, on n'était pas loin d'une prose reprenant les thèmes du Lac de Lamartine (toutes proportions gardées). Je partage le poème en question de Lamartine, et je montre que les poètes prétendus élitistes ne sont pas si éloignés, et surtout qu'eux, chauffeurs routiers, peuvent comprendre et approcher l'écriture poétique en fouillant très simplement en eux-mêmes. Et pour un ou deux, la découverte de cette intériorité faisait qu'ils écrivaient tous les jours...avec un bémol : tant qu'il y a quelqu'un qui les accompagne. Je crois que ça s'est arrêté quand j'ai arrêté (de l'importance de se bouger le cul et de ne pas attendre que d'autres fassent les choses...!).

J'ai d'autres expériences un peu plus faciles, notamment avec les femmes de ménage (héroïnes anonymes de nos bâtiments publics) et j'ai aussi remarqué qu'une partie de la population lit énormément mais souffre tout autant des jugements qu'on pose sur les lectures. Faut se dire que tout peut amener à l'écriture, à la littérature et le coeur du sujet, selon moi, est d'amener la conscience de l'intériorité, disons même l'intimité, de chacun et chacune. Je pense que c'est bien plus facile et rapide avec des adultes que des enfants, mais Pasiphae pourra peut-être me faire démentir !

Sur l'imitation, je la conseille fortement. Et on peut la détourner. Quand je faisais des cours sauvages de poésie à des proches, je prenais le Bateau Ivre, je le lisais à voix haute en m'arrêtant sur les potentielles intentions de Rimbe à l'écriture, en laissant des points d'interrogation sur ses fulgurances extraordinaires. Ensuite, pour faire redescendre la pression, je lisais un exercice de style oulipien que j'ai écrit au lycée, le Bateau Ivre en changeant les verbes et les noms communs (un dico, on prend le troisième verbe sous le verbe choisi par Rimbe, et le septième nom après celui écrit...et réécrire un autre poème en prenant d'autres chiffres). Ca permet de comprendre la structure et le choix des mots, le tout en rigolant et en écoutant le nouveau poème qui arrive, qui garde le squelette et donc une certaine musique installée solidement par le poète.

Sinon pour faire cours sauvage, j'utilisais toujours un petit livre très pratique, très malléable, pas cher et plutôt court : https://static.fnac-static.com/multimedia/Images/FR/NR/28/79/03/227624/1507-1/tsp20221206064144/Poetes-francais-des-XIXe-et-XXe-siecle.jpg
Pour débuter ou commencer à étoffer ses références rapidement, c'est parfait. Ha oui il est sorti en 1987 et les profs de français l'utilisaient (utilisent?) un peu, j'ai l'impression. Il manque juste des poétesses dedans, ce qui est utile pour lancer une discussion sur la place des femmes dans l'histoire poétique ! Dommage pour Anna de Noailles qui aurait eu une belle place, ou Marceline Desbordes-Valmore...

josephcurwan a écrit:

Edit :

Le Trader a écrit:
[ (et il faut aller plus loin dans l'enseignement que l'atelier, à mon avis).

c'est à dire ?

J'ai fait des ateliers et je vais en faire encore cette année avec un collectif de lectrices qui font des balades poétiques sur tout le littoral par chez moi. Je crois que c'est l'un des moyens de diffusion et qu'il faut le prendre, évidemment. Mais, et ce n'est pas un jugement négatif je précise, c'est un peu pour la Tata de Noxer qui écrit sur l'écologie, et c'est tant mieux donc ! Plus j'avance et plus on discute de la poésie, avec SuperAlice, Scezelivo et Liam Daläa, et plus il m'apparaît vital d'écrire ex-nihilo des cours de poétique générale, de reprendre l'enseignement poétique et de le diffuser avec ses recueils, ses créations, de s'emparer du vide qui règne - dont on parle sur le topic de base avec l'interview d'Inter. Faire les cours par soi-même, avec la puissance intellectuelle d'un collectif, et avec le sens du retour à l'artisanat, à l'atelier (je préfère le terme au laboratoire poétique!), une sorte de fait-maison authentique, mais doté des techniques objectives et des avis subjectifs posés sur l'écriture. Et occuper l'espace autant qu'on peut, se montrer, sortir des recueils et enseigner réellement d'une autre manière, avec ce qu'on peut faire et ce qu'on peut donner. Commencer par les poétesses, ou par Apollinaire, avec les portugais ou les russes ? Mais recréer des enseignements cohérents et disponibles pour tous, en utilisant toutes les ressources du télétravail et des réunions à distance. Penser à ne pas séparer internet du réel, aussi. Je réfléchis à tout ça en ce moment et j'ai déjà trouvé toutes les solutions possibles aux objections soulevées. Il suffit d'être patient et d'augmenter ses visions sur le moyen et long termes. J'y reviendrai peut-être plus tard, le moment venu. J'y travaille (beaucoup) et si j'ai compris une chose, c'est que ça doit devenir un projet de vie entier, complet, avec sa part de risques et de lassitudes chroniques. Mais je suis sûr que ça en vaut la peine Comment armer la poésie sans violence ?  3029968519

Evidemment, les aigris, les cyniques et les poils-dans-la-main diront que ce sera impossible et vain, c'est pour ça qu'il faut le faire  Laughing C'est aussi pour ça que toute tentative pour remettre la poésie dans le quotidien et dans la vie des gens est salutaire et devrait être encouragée. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas la critiquer, mais peut-être juste critiquer en poètes.ses et lever son verre à des collègues qui veulent finalement la même chose. On peut être en désaccords et rester bienveillants pour faire avancer la poésie ou tout simplement l'écriture. Quand je lis les articles universitaires ou la presse des années 80-90 sur la poésie, j'ai l'impression de voir des enfants s'écharper (pas toustes, évidemment).
 
josephcurwan
   
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josephcurwan  /  Effleure du mal


Epitaphe pour A.R.  

Il voulait changer la vie
Il a vendu des fusils.
 
Le Trader
   
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Le Trader  /  Double assassiné dans la rue Morgue


Faudra faire mieux que Thiéfaine sur le sujet Smile

 
josephcurwan
   
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josephcurwan  /  Effleure du mal


bah, ça m'empêche pas d'aimer le bateau, la saison et les illuminations.

mais l'homme, non. insupportable. comme beaucoup d'autres ...
 
josephcurwan
   
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josephcurwan  /  Effleure du mal


pour sa défense :

"Tes dix-huit ans réfractaires à l’amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu’au ronronnement d’abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d’abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l’enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.

Cet élan absurde du corps et de l’âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c’est bien là la vie d’un homme! On ne peut pas, au sortir de l’enfance, indéfiniment étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.

Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi."
 
josephcurwan
   
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josephcurwan  /  Effleure du mal


le trader,

>>>Comment armer la poésie sans violence ?>>>

je crois que la poésie, et la littérature, sont souvent violentes,

en tout cas pas innocentes, pas neutres ou juste ludiques. pour le meilleur et pour le pire.

il y a la notion de responsabilité qu'on ne devrait pas oublier.

on écrit pas un poème avec des mots comme on assemble des briques de Lego.

les mots ne sont pas des briques de Lego pour faire joujou dans des ateliers.

en partie, oui, mais pas que.
 
Ed.n
   
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Ed.n  /  Tapage au bout de la nuit


Pour répondre à la question du fil, avoir un enseignement public de qualité me semble primordial. Depuis au moins deux décennies, je constate avec amertume (ma fille passe son bac de français dans 5 jours) que les choix politiques sont sciemment orientés vers un nivellement de l'éducation vers le bas, la destruction de nos services publics, que personne ne peut nier, finit par désarmer notre jeunesse. Il y a in fine moins de poésie et la culture des arts et des lettres est de plus en plus ignorée.

Noxer a raison, il leur reste leur créativité, mais pour nos gouvernants il est plus judicieux d'annihiler toute possibilité d'esprit critique chez les jeunes que de bien former et motiver les profs qui les forment. Force est de constater que nos impôts vont dans les caisses de McInsey and co, c'est déplorable. Armer la poésie et redonner un vrai souffle culturel à ce qu'on appelait fumeusement l'exception française passera inévitablement par le surgissement d'une nouvelle politique sociale.

Entre temps, la violence vient combler le manque de dialogues éclairés.  D'ici quelques années, je ne désespère pas d'assister à un changement positif, il faudra probablement se battre pour l'atteindre.

 
Nuage-Rouge
   
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   Pensée du jour  :  « Il n'y a pas une tête lucide entre deux termes d'un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n'être pas les deux. »
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Nuage-Rouge  /  Tapage au bout de la nuit


Ed.n,
Un peu surpris par ton discours
Citation :
il leur reste leur créativité, mais pour nos gouvernants il est plus judicieux d'annihiler toute possibilité d'esprit critique chez les jeunes que de bien former et motiver les profs qui les forment.
L'école n'a jamais eu pour vocation de "former l'esprit critique" des "jeunes". Ce n'est ni comme ça qu'elle a été pensée idéologiquement, ni encore moins comme ça qu'elle se manifeste structurellement dans son rapport au reste de la société inégalitaire (société de classes).
Encore un biais analytique (très répandu) qui pousse à des diagnostiques complètement hors sujet sur l'école à mon avis.
Citation :
les choix politiques sont sciemment orientés vers un nivellement de l'éducation vers le bas
Sources ?
Le niveau d’éducation et de connaissances générales sur le monde n'a jamais été aussi élevé dans la population. De même que le nombre de personnes qui accèdent aux études supérieures.

Ce n'est pas une question de "nivellement vers le bas" mais de massification de l'éducation qui augmente mathématiquement la concurrence scolaire aux échelons les plus bas de l'échelle sociale.
Quand seulement les bourgeois entraient dans le système scolaire, l’élitisme n’excluait pas. Chacun trouvait finalement sa place.
Aujourd'hui tout le monde entre dans le système scolaire pour essayer d'en sortir le plus tard possible. Une grande partie des entrant qui ne sont pas acculturés à la culture scolaire dans leur culture familiale, déjà ça peut donner l'illusion d'un "abaissement" par rapport à une situation ou on aurait fait rentrer que des enfants de bourgeois (c'est un biais de recrutement). En vérité, si on parle d'acculturation à la culture scolaire et aux savoirs savant (et si on ne pose pas la question de pourquoi, à quelles fins), c'est bien malgré tout une augmentation générale des connaissances.

Le "nivellement vers le bas" est un élément de langage élitiste en forme de biais de raisonnement, qui considère un "niveau" général attendu par rapport à une image toujours trop "haute" de ce à quoi devraient se conformer les élèves (toute classes confondues) dans le système scolaire, et les enseignements qui leurs sont transmis, sans prendre en compte leur milieu social d'origine, les différences de rapport à cette culture scolaire, ni le nombre croissant d'élèves qui se maintiennent plus longtemps dans le système scolaire.

Il y a aussi dans la rhétorique du "nivellement vers le bas" un angle mort sur le sens de ce qui est enseigné. Axé sa critique sur le "niveau" général des apprenants, c'est ne pas vouloir interroger le contenu de ce qu'on essaye de leur apprendre, le sens que ça revêt pour eux.
S'obstiner à vouloir les évaluer sur l'orthographe ou que sais-je, alors qu'on pourrait les évaluer sur autre chose (et même réformer l'orthographe pour que l'enseignement et l'apprentissage soient moins absurdes, énergivores et chronophages), tout ça montre combien le "niveau" dont on parle ne veut rien dire si on ne le définit pas clairement. Et ne pas prendre en compte d'autre savoir dont ils disposent parce que ce n'est pas un attendu du système scolaire, là encore biaise la manière de considérer ce "nivellement par le bas".

Bref une notion à jeter, sauf si on est un propagandiste conservateur.
Et ce sont les mêmes qui utilisent la rhétorique du "nivellement vers le bas" et qui anéantissent les services publics... je comprends pas trop ton positionnement là

Citation :
Il y a in fine moins de poésie et la culture des arts et des lettres est de plus en plus ignorée.
Non, c'est une certaines culture des arts et des lettres, peut-être, j'en sais rien, mais des arts et des lettres il y en a toujours, même si ça n'a pas toujours la forme bourgeoise légitime et reconnue.


Citation :
Armer la poésie et redonner un vrai souffle culturel à ce qu'on appelait fumeusement l'exception française passera inévitablement par le surgissement d'une nouvelle politique sociale.
Une politique sociale conséquente ne passe pas par l'illusion qu'enfumier les pauvres avec de l'engrais culturel légitime (pour reprendre une métaphore de franc lepage) va résoudre les problèmes sociaux. Une véritable politique sociale s'intéresse aux véritables causes des problèmes sociaux et de la pauvreté, qui n'ont strictement rien à voir avec "la culture", mais tiennent aux inégalités de répartition du travail et de la richesse produite. Et point barre. Faire de la culture le nœud du problème c'est faire diversion. c'est quelque part faire porter le poids des inégalités sociales sur le supposé "manque de culture" des pauvres. Ca n'a matériellement strictement aucun sens.

Donc désolé camarade, je ne doute pas que tes intentions soient honorables, mais je suis incisif car ces discours autour de "la culture" et des problèmes sociaux, on n'en peut plus. Les pauvres n'ont pas besoin de culture (ils en ont déjà une), ils ont besoin de ne plus subir l'exploitation, l'exclusion, la subordination et la spoliation.


Citation :
la violence vient combler le manque de dialogues éclairés.
C'est pas en dialoguant qu'on renverse un rapport de force défavorable qu'on subit, c'est en créant les conditions d'inversion de ce rapport de force, parfois la violence est le seul moyen (et soit dit en passant la violence est déjà là, sourde, celle qui maintient l'ordre social au détriment des uns et au profit des autres). l'histoire encore toute récente nous montre que les dominants n'ont que faire des tentatives désespérées de "dialogues" des forces sociales réformatrices. Qu'elles sont prêtes à les humilier et à les piétiner tant qu'en face elles n'ont pas le répondant suffisant pour obtenir le respect.  
Les 3 violences (j'ai déjà partagé ça quelque part mais c'est jamais de trop):



Concernant ton archive vidéo, déjà merci pour le partage, c'était très cool à regarder
Par contre il me semble que ça ne va pas vraiment dans le sens de ce que tu dis, enfin moi j'en ai une interprétation toute autre, enfin tu me dira (si tu veux).

Déjà le traitement du premier berger qui introduit le sujet est assez symptomatique de ce qui intéresse les médias de l'époque. Le berger qui ne lit pas (et en plus il est assez rustre pour assumer que ça ne l'intéresse pas ce c0n !), on s'en fiche de lui. on passe au vrai sujet, un berger qui lit, un berger poète qui va citer tous les poètes classiques. Waw, incroyable.
Par ailleurs ce berge érudit a commencé lire à 18 ans, c'est à dire une fois sorti du système scolaire...... Presque un cas d'école si j'ose dire ! En plus il aime René Char, ce dingos, non seulement il lit mais en plus il ne se contente pas de poésie bucolique ou lyrique un peu méprisable car facile d'accès, il a un goût intellectuel pour la poésie. Et en plus il écrit de la poésie lui-même. C'est stupéfiant !

D'ailleurs c'est intéressant de voir que la valeur accordée à la lecture par ce monde pastoral, elle est toute relative, elle ne doit pas menacer la valeur sociale du travail du berger qui est bien avant tout de surveiller son troupeau.

Y a aussi un biais bourgeois et contemporain à penser que ces bergers lisent (pour ceux qui lisent) en préférant la lecture à toute autre activité, parce qu'elle serait jugée meilleure ou que sais-je. Dans le contexte de l'époque la lecture est le seul divertissement qui peut d'offrir à un berger solitaire. Le rapport à la lecture n'est pas du tout le même qu'aujourd'hui, et probablement pas le même ques dans d'autres sphères de la société où on ne lit pas dans les mêmes circonstance et pour les mêmes raisons. Et l'accès à "la culture" livresque de ces personnes reste très restreinte à ce qui est globalement connu par la plupart des gens de l'époque. Aujourd'hui les gens ont un champ des possible beaucoup plus important, ce qui peut expliqué qu'ils ne se cantonnent pas tous à des références communes considérées comme "classiques", ce qui ne signifie par que tout ce qui leur passe sous les yeux ne constitue pas pour eux une culture.

D'ailleurs ces bergers n'ont pas du tout une approche quantitative ni même qualitative de la lecture (ils ne cherchent pas à accumuler de la "culture" pour elle-même, ni même à lire des livres considérés comme "bons"), à l'opposé de tout élitisme justement, il y en a qui définit son intérêt pour la lecture par le simple usage (pragmatique et néanmoins primordial) qu'il en fait, personnellement. D'ailleurs lors de sa scolarité il est plutôt scientifique que littéraire, pourtant (ou justement) ce qu'il lit c'est de la philosophie. Ce berger ne lit pas non plus pour lire, parce qu'on lui a dit qu'il fallait lire, ou pour se "niveler par le haut". Il lit pour conjurer son doute métaphysique. Ce qu'il écrit ce sont "des vérités que je me fais à moi-même".

Pour moi c'est encore une preuve de plus que ce n'est pas la culture qui manque aux gens, c'est le temps et les moyens de l'exprimer et de se l'approprier. Pourquoi les bergers lisent et écrivent ? Parce que leur travail, qui les isole dans un sens, leur laisse suffisamment de temps et d'espace pour rencontrer des auteurs et se rencontrer eux-même, de cultiver leur jardin intérieur hors de l’aliénation de certains travails.

D'ailleurs le berger philosophe considère que son étude métaphysique est du travail à l'intérieur du travail de berger (un travail personnel choisi), contrairement à la lecture "récréative". Il opère même une division du temps entre ces 2 domaines de son activité culturelle. Il a sa propre conception de la valeur à propos de ces activités au regard de ce qu'il estime qu'elles lui apportent..

Les textes produits par ces bergers constituent-ils un "nivellement par le bas" de la poésie et de la philosophie au regard des auteurs qu'ils ont lus ? Est-ce déjà "pas mal", et donc une forme de nivellement par le haut pour de simples bergers, par rapport à l'autre c0n qui ne lit pas ?

Évidement tu auras compris que pour moi ces questions n'ont pas le moindre sens.... ces pratiques témoignent, ni plus ni moins, d'une manière parfaitement valable d’être au monde (du point de vue culturel), ni admirable ni méprisable en soi. Ni basse ni haute (edit : qu'il s'agisse du berger poète, du philosophe ou de celui qui ne lit pas)


Voilà, le reste de sujet, rompiche vraiment


Dernière édition par Nuage-Rouge le Dim 11 Juin 2023 - 16:34, édité 1 fois
 
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Je crois que c'est dans le Testament d'Orphée de Cocteau que le poète demande à être tiré dessus au pistolet armé de balles de "temps" qui grosso modo le fait voyager à travers l'espace et le temps au moins à titre symbolique (je ne me souviens pas exactement). Peut-être que c'est cela : doter autrui de la même aptitude à ne pas reconnaître de frontière intellectuelle, à se fier à ses sens, à s'extraire du hic et du non et c'est une forme de blessure, de cicatrice, au même titre que le nombril car cela a un prix, "la peine de vie".  

Cela étant véhiculé par la langue, une transmission de qualité semble en effet essentielle mais je ne blâmerai pas l'école d'aujourd'hui quand j'entends les adultes et les vieux et je crois que ce n'est pas dû à un déficit d'instruction mais à un déficit d'éducation, plus une question de sensibilité que de connaissances.

Cependant, je donne la priorité à l'intuition de s'exprimer plutôt qu'à la technique d'expression : on n'est pas obligés de tout comprendre pour que tout résonne en soi.
 
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merci trader pour le témoignage !

trader a écrit:
Faut se dire que tout peut amener à l'écriture, à la littérature et le coeur du sujet, selon moi, est d'amener la conscience de l'intériorité, disons même l'intimité, de chacun et chacune.

oui tout à fait. un gosse venait à la médiathèque pour écouter de la musique classique sur youtube parce que la BO d'un film l'avait touché, mais dans sa pratique d'écoute de la musique (à la maison/entre potes), il n'y avait pas de place pour cette intimité ("j'ai peur qu'on se moque de moi"). Je pense que trouver cette place là où l'on va pouvoir exprimer son intimité est important, avant même de réfléchir à aiguillonner vers la poésie etc, il y a une sorte de condition qui est celle-ci et qui peut être tout autant notre rôle.

j'aime ce que tu dis de l'enseignement poétique, oui, puisque nous sommes poéètesses, qui attendons nous d'autre ? pour moi, ce n'est pas l'école, pas en tout cas pour ce rôle-là, puisque l'école ne pourra jamais créer ces bulles d'intimité,  mais effectivement, au moins avoir plus de pratique et de connaissances pour que cela soit plus facile après de s'y intéresser.

je crois que la notion de "jeu" avec les mots parlera plus au public que je côtoie, je ne sais pas encore trop comment aborder tout ça, mais cela me paraît la seule approche qui permette d'utiliser le langage où l'on ne se soucie pas d'être "dépourvu". pourquoi pas avec le rap mais je ne sais pas ce qu'écoutent les collégien.nes d'aujourd'hui mdr

sinon pour le sujet de fond moi je n'ai pas vraiment de convictions profondes sur le rôle de la poésie, c'est simplement que je l'aime, un peu par hasard, et que j'ai des choses à partager avec elle.
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josephcurwan
   
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josephcurwan  /  Effleure du mal


"la poésie, c'est la guerre."

"la poésie qui n'est que célébration de la Poésie, c'est un décor en carton pâte."

"et c'est assez, pour le poète, d'être la mauvaise conscience de son temps."
 
Le Trader
   
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Le Trader  /  Double assassiné dans la rue Morgue


Je répondrai plus tard, je rebondis juste pour dire qu'il faut débuter le chantier poétique en arrêtant de se croire en guerre contre ceci ou cela, arrêter aussi de croire que seuls les mauvais sentiments sont pertinents, et que toute marque de gentillesse, de sympathie, de bonheur en poésie est inévitablement inutile ou futile. On s'est fait enfler par des personnes malheureuses et instables, très fortes pour lancer des phrases à l'emporte-pièce, qui ne veulent rien dire et ne portent rien d'autre que des colères, des complexes et des larmes servant à travailler l'acier vengeur. Il y a toujours des raisons personnelles teintées d'égoïsme pour partir en guerre, et y rester.

La poésie n'est pas que souffrances et conflits. On peut écrire dessus, mais on ne doit pas passer sa vie dedans. A force, on ne légitime la poésie que parce qu'il faut (se) justifier un comportement malheureux et instable. Autrement dit, on oublie la poésie au profit de son égoïsme. Et on arnaque les suivant.es.

Edit. Les grands noms n'ont jamais fait les belles phrases. Je parle donc d'arnaque, d'enflures et bêtises humaines qui plombent les suivant.es.


Dernière édition par Le Trader le Lun 12 Juin 2023 - 10:50, édité 2 fois
 
josephcurwan
   
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josephcurwan  /  Effleure du mal


Mandelstam.

Reverdy.

Perse.

edit :

>>>arnaque, d'enflures et bêtises humaines qui plombent les suivant.es.>>>

amen.
 
William Katahari
   
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"Comment armer la poésie sans violence ?"
Je me demande si on peut armer quoi que ce soit sans violence. Une arme est un outil dont le but est nécessairement la violence, qu'on l'emploie pour attaquer ou pour se défendre.

Personnellement, je raccourcirais la question : Comment armer la poésie ?
 
josephcurwan
   
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josephcurwan  /  Effleure du mal


william katahari,

au sens figuré on peut s'armer de courage, de persévérance ou de patience.

ce qui n'implique pas l'usage de violence.

je pense que c'est comme cela que l'entendait le trader.
 

 Comment armer la poésie sans violence ?

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