- Machin a écrit:
- Comment vivre quand on sait que tout meurt, y compris soi-même ?
De ce que tu dis, Machin, j’ai l’impression que ce qui t’inquiète est l’inutilité, la futilité de la vie et de tout ce que tu pourrais y faire parce que la mort viendrait y mettre fin et l’annuler, comme si on commençait un spectacle et qu’au milieu on décide qu’on laisse tomber et qu’on arrête tout. Ce qui revient pour moi à dire que ce qui n’est pas fini est raté et inutile. Est-ce que pour toi, l’objectif final de la vie est l’immortalité ? Si c’est le cas, ça me semble voué à l’échec en effet.
J’imagine que la perte de tes proches t’a laissé un sentiment d’inachevé, comme si ces personnes étaient parties trop tôt et n’avaient pas fini leur vie ?
Est-ce que tu as des choses que tu regretterais de ne pas avoir accompli dans ta vie ?
Ce que dit Houle me parle et nourrit mon idée selon laquelle on ne peut pas vraiment avoir peur de la mort en tant que telle, mais que
la peur de la mort cache en fait d’autres peurs. De quoi a-t-on peur dans la mort ? Pourquoi a-t-on peur de la mort ?
Finalement, je crois que dire qu’on a peur de la mort est un raccourci. Comprendre de quoi on a peur derrière notre peur de la mort peut aider un peu, je pense. En effet, la peur de la mort, en plus d’être irrationnelle, est vaine (je ne dis pas ça dans le sens que ce serait bien irréfléchi d’avoir peur de la mort et que les gens qui en ont peur sont nuls, bien au contraire) parce que la mort est inévitable, c’est la seule certitude absolue de la vie presque. Impossible de l’éviter, donc impossible de supprimer la peur de la mort. En revanche, les peurs d’autres choses liées à la mort peuvent être traitées (dans le sens qu’on s’y attaque, pas dans un sens médical) plus facilement a priori. Par exemple, si j’ai peur de la mort, je ne peux pas y faire grand-chose puisque je ne pourrai pas éviter cette dernière. En revanche, si ce qui me fait peur dans la mort, c’est par exemple de souffrir au moment de mourir ou de ne pas avoir eu le temps de dire un truc à une personne, je peux chercher des solutions pour éviter de souffrir ou dire le truc à la personne avant de mourir. C’est pour moi crucial, parce que ça nous amène à un point clé de la peur : l’impuissance. Si je sais que je ne peux rien faire, je ne peux pas atténuer mon inquiétude. En revanche, si je sais que je peux agir, j’ai déjà un peu moins peur. Un tout petit peu moins, mais c’est déjà ça de gagné.
Ce que tu dis aussi avec cette angoisse soudaine qui survient à la mort de tes proches alors qu’avant tout semblait résolu, ça me parle. Je crois qu’on a conscience de tout un tas de choses dans la vie : la mort, avoir ou non des enfants, se mettre en couple, avoir un accident, etc. Mais le jour où ça nous arrive vraiment, c’est comme si on accédait à un tout autre niveau de conscience. Donc, ça ne résoudra rien, mais je pense que ce que tu ressens est plus que compréhensible et logique. Tous les enfants savent que les êtres humains ne sont pas immortels. Mais ce n’est que le jour où ils sont vraiment confrontés à la mort qu’ils comprennent qu’elle existe réellement. Je pense que tu as besoin de temps pour digérer l’information, comme un deuil à l’envers.
Là où ton message m’interpelle, dans le sens où ça éveille ma curiosité parce que je ressens les choses vraiment différemment, c’est lorsque tu sembles dire que tu n’arrives pas à vivre parce que tu vas mourir, et autant je comprends vraiment l’idée du à quoi bon, autant j’ai l’impression que tu aimes la vie, que tu as envie de vivre, que tu n’as pas envie de la mort. C’est curieux (dans le sens où ça éveille mon intérêt), parce que je ressens complètement l’inverse. La mort, je n’attends que ça. Je n’arrive pas à vivre parce que la mort est trop loin, tu n’arrives pas à vivre parce qu’elle est trop proche. Je pensais vraiment que pour arriver à vivre, je devais aimer la vie et ne pas vouloir mourir. Mais je constate grâce à toi que… pas forcément. Est-ce que c’est parce que la vie te paraît trop courte que tu sembles avoir ce sentiment de à quoi bon ?
Finalement, pour revenir à ta question principale : Comment vivre quand on sait que tout meurt, y compris soi-même ? Je comprends vraiment cette question sous le prisme d’un à quoi bon. Je répète ce que j’ai dit plus haut, mais avec cette question, j’ai vraiment l’idée que la mort viendrait annuler et invalider tout ce qui a eu lieu avant elle. À moins que ce que tu ressentes soit plutôt un sentiment de ne pas avoir le temps de faire tout ce que tu as à faire avant de mourir ?
Ce que je me demande aussi, c’est comment tu vis (ou vivais) ta vie (pas du tout pour juger, vraiment parce que nos ressentis sont tellement différents que ça m’intrigue de curiosité pure, d’envie d’apprendre). Ta question m’évoque un désir de permanence, d’immortalité et d’immuabilité. Ça me touche, parce que je ressens exactement le contraire. Je veux tout le temps que tout change, je déteste le statu quo actuel, je suis soulagée que les choses aient une fin, ça m’angoisserait de me dire que je ne mourrais jamais. Tu me diras, j’ai une vision très subjective, je suis fatiguée de la vie. Mais je pensais jusque-là que seules les personnes fatiguées de la vie comme moi n’arrivaient pas à vivre et que tous les gens qui aimaient la vie arrivaient à vivre. Je constate que je me suis trompée, et je trouve ça vraiment très intéressant (dans le sens que ça nourrit ma curiosité intellectuelle, pas que c’est chouette).
Je suis un peu triste aussi, parce que je me dis mince, qu’on aime ou qu’on déteste la vie, on n’arrive pas à la vivre. Sommes-nous d’éternels êtres insatisfaits ? ^^ Pourtant, l’insatisfaction, ça pousse à changer les choses normalement. Alors pourquoi tout reste pareil ? …
Oups, je m’égare.
Pour revenir à ta question, je suis d’accord, dans un sens, avec toutes les réponses précédentes qui disent que justement, puisque le temps est compté, autant en profiter. Dans les faits, je me dis que ce n’est pas si simple. Facile à dire, difficile à faire. Après tout, quand je vois qu’il ne me reste qu’une heure devant moi (et pas trois ou quatre), comment puis-je apprécier une séance de jeu ? Dans ces cas-là, j’essaye d’oublier l’horloge, de dégonfler l’importance et de me dire que même si c’était court, au moins je l’ai fait. C’est mieux que rien. Je me rattraperai plus tard (OK, pas possible pour la vie, sauf si tu crois en la réincarnation). Oublier la mort ? Je ne sais pas si c’est la solution, mais en tous cas ça ne se fera pas d’un claquement de doigts. Peut-être que plutôt que de trouver un but à ta vie, tu peux trouver un but à ta mort ? Et essayer de kiffer la vie, de faire ce qui te procure de la joie, en attendant cette mission ultime ?
Mais là où je te rejoins, je pense, c’est sur cette idée de à quoi donc sert la vie puisqu’on meurt ? Et là je commence à douter : tu aimes la vie ? Y a des choses que tu kiffes dedans ? Peut-être finalement ton ressenti rejoint-il le mien tel un paradoxe…
C’est vrai que c’est chiant cette affaire : si on donne de l’importance à sa vie, alors la mort vient la gâcher comme on briserait un magnifique vase ; si on se dit qu’on n’est que des poussières dans l’univers, alors à quoi bon se lever le matin plutôt que de mourir tout de suite ? C’est là que l’amour et le dégoût de la vie se rejoignent : à quoi bon ? Mais dans le dégoût de la vie, il ne s’agit que de trouver un moyen d’accélérer la mort. Dans le goût de la vie, l’enjeu est plutôt de voir la mort non pas comme la chute du vase, mais comme les applaudissements à la fin du spectacle.
En tous cas, je rejoins Sklaërenn : on vit pour soi. Ne vis pas pour les autres, parce qu’ils ne vont pas forcément mourir en même temps que toi. En revanche, toi, tu seras avec toi-même jusqu'à la fin. Bon, encore une fois, plus facile à dire qu’à faire dans cette société qui exige de nous un individualisme qui satisfasse au jugement d’autrui… Après, c’est vrai que quand on vit pour une autre personne, la motivation est plus facile… Mais quand l’autre personne disparaît, c’est le drame… On doit apprendre à vivre seul·e, pour soi. Pas facile dans cette société grégaire…
Bon, vous l’aurez compris, faut pas me lancer sur le sujet de la mort si vous n’aimez pas les longues réponses ^^'