1.00 M
Traduit par EllieVia
Elle avait eu un hamster, autrefois. C’était la raison pour laquelle elle avait voulu devenir médecin. Plus tard, elle trouva d’autres raisons, mais le jour où elle décida de soigner des gens fut le jour où elle se retrouva assise dans le jardin devant sa maison à essayer de sauver son ami mourant.
Naturellement, elle avait voulu être vétérinaire, mais ses parents l’en avaient dissuadée. Et sa tante était morte lorsqu’elle avait douze ans. Elle avait contemplé le cercueil fermé en rêvant d’être capable de sauver même les gens qu’il fallait enterrer en plusieurs morceaux.
Et pendant ses dernières années de lycée, elle avait eu les notes qu’il fallait. Et elle aimait la biologie, elle ne vomissait pas dans sa grenouille comme le garçon assis à côté d’elle en cours, et elle n’avait rien envie de faire d’autre.
Elle avait donc pris des cours de préparation à la médecine lorsqu’elle ne faisait pas la fête avec ses amis et qu’elle apprenait à vivre seule. Et elle avait été diplômée à temps, était partie en Médecine, et s’était rendu compte qu’il était difficile de gérer un loyer et un job à temps partiel, mais pas trop difficile d’apprendre. Puis un jour, elle était allée aux toilettes pendant un cours et n’en était jamais revenue.
Geneva Scala s’était retrouvée dans un autre monde. Et là, elle avait appris une chose : elle ne voulait pas être médecin. Ne voulait plus être médecin. Elle était [Médecin] à présent, mais elle ne faisait que regarder les gens mourir.
***
La personne allongée sur la table d’opération de fortune que Geneva avait fabriquée hurlait de douleur. La lame avait profondément pénétré son flanc, et il se vidait de son sang devant ses yeux. Si elle ne refermait pas rapidement ses blessures, il mourrait.
D’une main, Geneva tenait un objet en bois rustique qui ressemblait à une pince. Elle s’en servit pour fermer l’artère qu’elle avait trouvée et pria pour réussir à agir assez vite.
“
Suture !”, hurla-t-elle au soldat qui la regardait, les yeux écarquillés. Il la dévisagea fixement. Elle pointa l’aiguille et le fil du doigt.
“Il faut que je referme la plaie !”
Elle laissa un autre homme prendre le relais pour appuyer sur l’artère et tendit la main pour prendre l’aiguille. Le soldat saisit maladroitement l’aiguille et faillit la faire tomber sur le sol de terre battue. Geneva la lui arracha des mains et regarda le fil.
Ce n’était que du coton ; et même pas de bonne qualité. Elle l’avait fait bouillir, mais elle se demandait à présent s’il supporterait la tension qu’elle s’apprêtait à lui faire subir. Mais l’homme hurla alors et elle sut que son temps était écoulé.
“Immobilisez-le.”
Les deux hommes obéirent à ses ordres, et plaquèrent l’homme en train de hurler contre la table pendant que Geneva le recousait avec désespoir. C’était une vision d’horreur ; l’aiguille qu’elle avait achetée n’était pas assez aiguisée et elle était obligée de faire d’énormes trous dans la chair pour essayer de refermer la plaie béante sur son flanc. Et le sang…
“Maintiens cette artère fermée !”, lança-t-elle d’un ton sec à l’un de ses assistants. Il essaya de s’exécuter, mais le forceps qu’il tenait était en bois, et grossier ; sculpté en une journée, plus proche d’une paire de baguettes que d’une véritable pince. Il glissa, et du sang jaillit sur l’estomac de l’homme.
“Refermez l’artère !”
Geneva était obligée de hurler par-dessus les cris de l’homme. Il hoquetait de douleur, encore à moitié conscient. Mais elle n’avait pas d’anesthésiants, rien à lui donner. Et à présent, l’autre homme essayait de récupérer l’artère et ne parvenait plus à la trouver dans la plaie qui s’agitait. Geneva tendit la main vers le forceps et hésita. L’homme avait cessé de bouger.
Lentement, elle regarda l’hémorragie. Le flux s’amenuisait. Elle regarda les yeux grands ouverts du soldat, puis parcourut du regard ses assistants regroupés sous la tente. Ils la dévisagèrent. Geneva prit une grande inspiration, puis prit la parole.
“Il est mort.”
Une part d’elle voulait ajouter l’heure de la mort, mais c’était sans importance. Il n’y avait personne pour l’enregistrer, et de plus, il n’y avait pas d’intérêt. Lorsqu’elle lâcha le forceps et l’aiguille dans le bol d’eau bouillie et regarda le liquide se teinter de rouge, elle sut qu’elle n’avait même pas le temps de pleurer la mort du soldat.
“Emmenez-le dehors. Enterrez-le. Je sortirai dans un instant.”
Les soldats suivirent ses ordres d’un air hésitant. Geneva contempla ses mains. Elles étaient tellement rouges. Elle n’avait pas de gants chirurgicaux, et elle s’était coupée plus tôt dans la matinée. Elle n’était pas en conditions stériles.
Lentement, la jeune femme regarda autour d’elle. Elle était dans une tente ; pas hermétique, juste des murs de toile et un sol de terre battue. Sa ‘table d’opération’ était un morceau de bois dur. Ses instruments chirurgicaux se résumaient à une dague affûtée, une aiguille à coudre courbe et un fil de mauvaise qualité, et des instruments en bois qui étaient déjà couverts de sang. Les hommes et la femme qui l’assistaient n’avaient aucun entraînement ; ils n’étaient même pas propres. Ils étaient couverts de sang et de viscères.
Et elle avait laissé un autre homme mourir devant ses yeux. Geneva pouvait encore l’entendre crier. Elle avait déjà oublié son visage, mais elle se souvenait de ses suppliques lorsqu’ils l’avaient amené dans sa tente. Il lui avait demandé de lui sauver la vie.
Et elle avait échoué.
C’était la cinquième personne qu’elle avait vu mourir devant ses yeux. Mais elle entendait des éclats de voix, et, au loin, des cris. Elle savait qu’elle verrait d’autres cadavres avant la fin de la journée. Geneva pria pour qu’ils ne meurent pas par sa faute.
***
Presque une semaine plus tôt, Geneva avait pénétré dans une ville bâtie au bord d’un lac. Elle avait contemplé les hautes bâtisses, les ponts interconnectés qui couraient au-dessus de sa tête, et surtout les personnes-lézards et les Centaures qui marchaient aux côtés d’Humains. Mais elle n’était pas restée trop longtemps pour contempler tout ça. Au lieu de cela, Geneva avait pénétré plus profondément dans la ville, jusqu’à entendre des gens crier et le
rat-tat-tat de quelqu’un en train de taper sur un tambour.
Les recruteurs pour les groupes de mercenaires locaux et les compagnies plus grandes s’étaient déjà mis au travail, malgré la chaleur de la journée. Des humains vêtus d’armure en cuir légère étaient debout devant de petits stands aux côtés de Centaures qui étaient pratiquement dépourvus d’armure si l’on exceptait un pourpoint en tissu ou deux, et de Dullahans, d’étranges créatures humanoïdes entièrement vêtues d’armure et qui levaient haut leurs têtes en hélant de potentielles recrues.
Des combattants et - non, des guerriers de chaque espèce discutaient avec ces recruteurs et discutaient entre eux pour savoir quel groupe rejoindre. Geneva contempla fixement un Minotaure armé d’une gigantesque massue cloutée et frissonna en imaginant ce qu’il se produirait s’il la cognait avec. Elle pria pour ne pas être en train de commettre une erreur. Mais elle n’avait pas le choix. Elle avait l’estomac vide, et même l’odeur de la sueur et d’autres odeurs corporelles lui donnaient faim.
“Toi, là ! Rejoins les Combattants Raveriens !”
Un homme haut de taille vêtu d’une armure de plate héla Geneva de l’autre côté de la place. Elle s’approche de lui, et remarqua à quel point son front était couvert de sueur. Il devait être en train de cuire avec cette chaleur, mais il faisait son petit effet parmi les guerriers plus légèrement vêtus.
“Je m’appelle Thriss. Je suis un [Sergent] enrôlé dans le 4ème Bataillon de la Compagnie des Combattants Raveriens. Si tu as le courage de combattre à mes côtés, nous t’offrirons huit pièces d’argent pour chaque journée de combat, et une pièce d’argent par journée où tu ne te battras pas. Reste à nos côtés et tu auras un repas chaud tous les soirs, des camarades de confiance pour assurer tes arrières, et tout le butin que tu pourras emporter avec toi !”
Geneva avait entendu tous les recruteurs faire le même speech, mais elle écouta tout de même attentivement. Thriss l’observa de la tête aux pieds en s’adressant à elle et à la foule de manière générale d’une voix de stentor. Il avait une voix incroyablement forte - c’était peut-être une Compétence ?
“Nous nous spécialisons dans le combat rapproché, mais nous embauchons n’importe qui tant qu’il a une classe intéressante.”
Il la dévisagea d’un air sceptique.
“Tu ne ressembles pas à une [Guerrière]. Es-tu une espèce de [Mage] ? Il faudra que je te demande une liste de tes sorts disponibles. Et nous te fournirons une armure et une arme, sauf si cela interfère avec tes sorts.”
Elle dut secouer la tête tant le brouhaha était envahissant. Geneva avança d’un pas et s’adressa en criant à Thriss, qui était descendu de son tabouret pour l’entendre.
“Je suis Médecin ! Je soigne les blessés ! Est-ce que vous voudriez bien m’embaucher ?”
“[Médecin] ?”
Il avait dit cela comme si c’était spécial. Geneva savait qu’il croyait qu’elle avait une classe, même si elle n’en avait pas vraiment. Mais il l’examina et haussa les épaules.
“N’importe qui peut arracher une flèche ou verser une potion de soin sur une blessure, mais parfois, une potion de soin ne suffit pas. Quelqu’un capable de sauver quelques blessés - ou amputer un membre sans qu’il y ait trop de sang - peut nous être utile. Si tu as une signature, fais-la sur ce papier.”
Elle fut surprise. Geneva avait cru qu’elle aurait à discuter avec de nombreux recruteurs et défendre sa candidature avant d’être engagée.
“Juste comme ça ?”
Thriss haussa ses larges épaules.
“Il faut être bizarre pour mentir sur le fait d’avoir une classe de [Médecin]. Nous n’avons pas d’artefacts magiques pour voir ta classe ni qui que ce soit avec la Compétence d’[Évaluation], mais tu n’as pas prétendu avoir un quelconque niveau. Et c’est le genre de chose qu’on découvre rapidement. Si tu peux te faire ta place et ne nous cause pas d’ennuis, tu nous seras utile, même si tu dois faire la vaisselle la plupart du temps. Si tu ne peux pas combattre, eh bien, tu apprendras bien assez vite.”
Il soutint son regard avec intensité.
“Mais j’ai entendu parler de la classe de [Médecin], même si je n’en ai jamais vu. Tu es une espèce de [Guérisseuse], c’est ça ?”
“Quelque chose dans le genre.”
Geneva avait menti. Elle n’avait jamais croisé de [Guérisseuse] dans ce monde, mais elle espérait que c’était proche de ce qu’elle faisait. Thriss la dévisagea, puis hocha la tête.
“Si tu me mens, nous t’utiliserons comme bouclier à flèches. Mais si ce n’est pas le cas, nous aurons plein de boulot pour toi. Tu pourras peut-être même gagner quelques niveaux. Va voir le Lézaride derrière moi pour qu’il te donne tes instructions. Bienvenue chez les Combattants.”
Ensuite, Thriss lui avait indiqué où signer et on avait assigné à Geneva une place où dormir dans le campement, un repas chaud de quelque chose ressemblant à du sable et du maïs bouilli mélangé à de la viande, et même une épée et une dague. Geneva avait dormi, se demandant avec inquiétude ce que le destin lui réservait, jusqu’à ce qu’elle se réveille au milieu de la nuit avec une réalisation soudaine.
Thriss ne voulait pas d’une [Médecin]. Ou plutôt, il prenait un risque avec elle. Mais ce qu’il voulait, réellement, c’étaient des corps. Les Combattants Raveriens partaient à la bataille, et mis à part l’argent dépensé pour la nourrir et l’équiper, elle n’était rien d’autre qu’une nouvelle épée à lancer contre l’ennemi.
Son cœur avait alors battu la chamade, mais Geneva s’était rendormie. Elle était tellement fatiguée qu’elle ne se réveilla qu’une seule fois dans la nuit, pour écraser les moustiques qui tentaient de festoyer sur elle. Puis elle s’était rendormie. Elle était tellement fatiguée qu’elle avait oublié de demander à Thriss de lui fournir de l’équipement chirurgical.
***
Le jour suivant, Geneva se réveilla en entendant Thriss mugir. Elle s’était réveillée paniquée et, en se dépêtrant de ses couvertures rêches, elle s’était rendue compte que les soldats autour d’elle étaient également en train de se leveri.
Thriss le [Sergent] était entré accompagné de soldats ordinaires et d’officiers et avait fait lever le ramassis de guerriers qu’il avait recruté la veille. Geneva s’était tenue, mal à l’aise, aux côtés d’une Dullahane qui tenait sa tête entre ses mains, et elles avaient regardé Thriss. L’homme n’était pas porté sur les discours. Il les avait accueillis brièvement, puis leur avait dit qu’ils allaient s’entraîner à combattre.
“Mon boulot, c’est d’ordinaire de vous former avant qu’il ne nous faille rejoindre le reste de nos forces au combat. Le souci, c’est que nous sommes déjà engagés au sud-est d’ici, et je n’ai donc qu’une journée pour voir ce que vous avez dans le ventre avant que nous n’entamions notre marche.”
Ils étaient donc bels et bien des mercenaires. Geneva s’était engagée parce qu’elle avait eu désespérément besoin de nourriture, mais la réalité ne la frappa réellement que lorsque Thriss leur annonça qu’ils allaient rejoindre une bataille dans quelques jours seulement.
“Nous sommes contre plusieurs groupes cette fois-ci. Un clan centaure local s’est allié avec la Compagnie des Magemarteaux. Ils ont envoyé deux bataillons et engagé quelques groupes de mercenaires. Nous allons nous battre contre eux, pour soutenir la Compagnie de la Marche Enflammée. Ne vous inquiétez pas pour les détails ; sachez simplement que nous attendons de vous que vous vous battiez de votre mieux. Nous combattrons dans la jungle ; s’il y en a parmi vous qui soient dotés de compétences de terrain ou de connaissances de la géographie locale, parlez-en à moi ou à l’un des officiers.”
Geneva entendit quelques gémissements, mais le reste des recrues parut accepter cette information comme si elle était normale. Certaines personnes qui s’étaient engagées avaient l’air jeunes - qu’importe la race, Geneva pouvait reconnaître des adolescents lorsqu’elle en voyait. Mais d’autres ressemblaient à des vétérans, comme le Minotaure et sa massue cloutée qui dépassait tout le monde d’une tête mis à part les quelques Centaures qui s’étaient enrôlés.
“Allez, vous autres, avec moi ! Nous allons voir ce que vous avez dans le ventre, et si vous ne savez pas vous battre, vous obtiendrez votre classe de [Guerrier] d’ici la fin de la journée, croyez-moi !”
Une grande Dullahane à l’œil barré d’une cicatrice se mit à hurler sur les recrues et emporta un groupe avec elle. Geneva hésita. Elle n’était pas soldate et elle ne pouvait - ne voulait - pas se battre. Que devait-elle faire ?
Elle trouva Thriss lorsque les autres officiers se mirent à faire combattre le reste des guerriers pour les entraîner. Le [Sergent] ouvrit la bouche pour lui hurler dessus, avant que la mémoire lui revienne.
“Tu es la [Médecin], c’est ça ? Qu’est-ce que tu veux ?”
“J’ai, hum, besoin de quelques fournitures s’il me faut pratiquer des opérations.”
Geneva expliqua son problème d’un air mal assuré. Elle savait comment fonctionnait ce genre d’armée ; on recevait sa solde
au bout d’un mois ou deux, et elle arrivait souvent avec du retard pour empêcher les désertions. Mais elle il lui fallait du matériel.
Thriss l’écouta, et elle fut soulagée qu’il ne se mette pas à lui crier dessus ou à l’ordonner de retourner se battre.
“Tu as besoin d’outils, hein ? Comment est-ce que je peux être sûr que tu ne vas pas t’enfuir avec l’argent ?”
“Je vous l’ai déjà dit, je suis [Médecin]. J’ai besoin d’instruments pour recoudre la chair, et je n’en ai aucun. Ne me dites pas que vous n’avez jamais vu une médecin travailler ?”
Geneva s’était exprimée d’une voix la plus assurée possible. Thriss haussa les épaules.
“C’est assez rare. La plupart des gens appliquent des potions de soin, mais j’ai vu des guérisseurs recoudre une plaie. Cela dit, pourquoi n’as-tu pas déjà tout ce dont tu as besoin, ?”
“J’ai perdu tout ce que je possédais.”
Ceci, au moins, était vrai. Elle avait tout perdu en marchant dans le couloir de son école avant de tourner et de se retrouver entourée d’un feuillage vert tout avec de la terre sous ses pieds plutôt que des carreaux stériles.
Thriss la scruta d’un œil sceptique.
“Hum. Prouve-le.”
“Comment ?”
Il montra du doigt un groupe de soldats surveillé par les officiers.
“On a toujours quelques blessures, même avec des armes émoussées. Voyons voir si tu peux aider à soigner les leurs.”
L’estomac de Geneva se noua, mais elle acquiesça. Intérieurement, elle révisait frénétiquement les notes et les travaux pratiques qu’elle avait eus en médecine. Elle n’était pas diplômée - elle n’était qu’en troisième année - ! Mais il était trop tard pour reculer à présent.
Bien assez vite, Geneva eut l’opportunité de montrer son talent. Un jeune homme - un adolescent roux avec davantage de confiance en lui que de véritable talent - ne parvint pas à relever le bouclier qu’on lui avait fourni à temps. Son adversaire lui cogna l’épaule et Geneva vit le jeune homme tomber par terre et hurler en sentant son épaule se déboîter.
“Que personne ne bouge ! Retournez à vos postes !”
Thriss joua des coudes pour traverser le cercle de soldats et fit signe à Geneva d’approcher. Il regarda le jeune homme qui se tordait de douleur par terre puis se tourna vers elle.
“La lame d’entraînement a dû casser quelque chose. Est-ce que tu peux réduire la fracture ?”
Geneva secoua machinalement la tête en regardant le jeune homme. Il essayait à la fois de toucher et de ne pas toucher son bras blessé.
“L’os n’est pas cassé. Son épaule a été luxée ; il faut la lui remettre en place.”
Les yeux de Thriss pétillèrent et Geneva vit ses lèvres tressaillir un bref instant. C’était un test, elle en était sûre.
“Est-ce que tu peux le soigner ?”
“Oui, s’il ne bouge pas.”
“Tu l’as entendue ! Ne bouge plus, garçon ! C’est juste une luxure ; pas de quoi chouiner !”
Thriss gifla le jeune homme et le maintint en place tandis que Geneva lui attrapait prudemment le bras. La peau du jeune homme était glissante de sueur et il tremblait, mais elle savait quoi faire. Il hurla et geignit, mais Geneva avait appris comment remettre une épaule en place. Du premier coup, elle parvint à remettre le bras en place et l’homme cessa de geindre et regarda fixement son bras d’un air incrédule.
“Il lui faudra quelques semaines pour se remettre.”
“Pas le temps. Tiens. Prends ça.”
Thriss sortit une fiole de verre remplie d’un liquide vert qui clapotait à sa ceinture. Geneva la regarda d’un air sceptique.
“C’est une potion de mauvaise qualité, mais ça devrait suffire. Vas-y. À moins que tu n’aies une Compétence ou un sort qui puisse faire mieux ?”
Geneva n’en avait pas, mais elle n’avait jamais vu de potion de soin agir auparavant. Elle ne pouvait toutefois pas laisser qui que ce soit se rendre compte de cela, et elle retira donc le bouchon. Le liquide vert avait une odeur incroyablement répugnante, mais le jeune homme le regardait avec espoir.
Précautionneusement, Geneva versa un peu de liquide vert sur l’épaule, et regarda avec incrédulité la chair déjà enflée dégonfler et l’homme pousser un soupir de soulagement. La zone avait toutefois encore l’air à vif, et Geneva ajouta donc un peu de potion jusqu’à ce que tout lui paraisse être rentré dans l’ordre.
“Bien !”
Thriss récupéra la potion aux deux tiers pleine que Geneva lui tendait et se leva. Il tendit la main au jeune homme qui la saisit. Il se mit à rouler des mécaniques et à rire comme s’il ne s’était rien passé.
“Je n’aurais pas gaspillé de potion pour toi, mais on a une bataille qui nous attend, et tu ne nous sers à rien si tu n’as qu’un bras !”
La voix de Thriss résonna dans le campement et les soldats interrompirent leur entraînement pour l’écouter.
“Écoutez-moi bien, restez avec nous et vous n’aurez pas besoin de chercher de potion lorsque vous aurez une flèche dans le ventre ! Nous avons du matériel de premiers secours pour vous soigner de tout sauf d’une décapitation - à moins que vous ne soyez un Dullahan - et nous avons même une [Médecin] au cas où les potions de soin ne fonctionneraient pas !”
Il pointa Geneva du doigt, et elle sentit les yeux se poser sur elle. Geneva rougit légèrement, mais elle ne chercha pas à se dérober aux regards. La partie rationnelle et calme de son esprit réfléchissait, toutefois. Thriss avait eu la potion de soin prête à l’emploi, et il s’était attendu à ce que quelqu’un soit blessé. Elle regarda le soldat qui avait combattu le jeune homme. C’était un vétéran, pas une nouvelle recrue. Ils avaient probablement orchestré tout cela pour booster la confiance des jeunes recrues, et tester l’engagement de Geneva n’avait fait qu’améliorer la mascarade.
Ses soupçons furent confirmés lorsque Thriss la ramena à sa tente et rangea la potion de soin dans un coffre qu’il ferma à clef. Il la regarda fouiller dans le matériel et lui tendit un sac dans lequel il fourra quelques pièces.
“C’était rapide. J’ai déjà vu des hommes déchirer la chair en essayant de remettre un os en place, mais cela ne t’a pris que quelques secondes.”
Il lui jeta le sac et Geneva regarda à l’intérieur. Une poignée de pièces d’argent scintillèrent sous ses yeux.
“Prends-le et achète ce qu’il te faut. Je vais demander à l’un des garçons du coin de te faire visiter.”
Histoire qu’elle ne s’enfuie pas avec l’argent. Geneva accepta le petit sac avec reconnaissance. Puis elle dut attendre que Thriss trouve un jeune Lézaride pour la guider. Pendant tout ce temps, elle continua de lutter pour accepter l’irréalité de ce qui l’entourait.
Des potions magiques qui pouvaient accomplir en en quelques secondes une guérison de plusieurs semaines ? Des soldats qui se battaient à l’épée ? Des Lézarides, des Centaures, et un peuple qui pouvait enlever leurs têtes comme des chapeaux ?
Dans quoi s’était-elle donc embarquée ?
***
Il fallut à Geneva une bonne partie de la journée pour réussir à réunir ce qu’il lui fallait, c’est-à-dire, une aiguille adaptée pour exécuter la plupart des opérations. À la vérité, elle aurait aimé trouver des antibiotiques, des anesthésiants locaux et généraux, une réserve d’aiguilles, du désinfectant…
Mais elle savait qu’elle ne trouverait rien de tout cela ici. Geneva prit donc ce qu’elle savait pouvoir obtenir, c’est-à-dire une aiguille, courbe, qui pouvait lui permettre de recoudre la chair. Des aiguilles ordinaires, droites, ne feraient tout simplement pas l’affaire.
Tout de même, même trouver ce simple instrument en ville représenta un défi. Ce n’était pas comme si ce monde - une espèce de monde médiéval rempli de magie - possédait quoi que ce soit qui se rapproche de près ou de loin à de l’équipement moderne. Geneva dut parler à trois [Couturières] avant qu’une vieille Lézaride ne lui trouve ce qu’il lui fallait.
“C’est une aiguille que j’utilisais pour coudre des tapis, Humaine, pas de la chair.”
La vieille Lézarides aux écailles décolorées scruta Geneva d’un air suspicieux, mais finit par lui vendre trois aiguilles courbes, avec du fil. Tout était extrêmement cher, mais Geneva avait encore assez d’argent pour acheter un peu de tissu et des ciseaux. Il lui fallait des bandages, et les ciseaux étaient indispensables.
Thriss avait examiné les achats de Geneva à son retour et pouffé de rire. Il avait récupéré les quelques pièces de cuivre qu’il lui restait.
“Des bandages ? Utiles si on n’a pas de potion de soin sous la main, j’imagine. Mais si tu as besoin de tissu, on a bien assez de chiffons. Demande à l’intendant s’il te manque encore des choses et prépare-toi pour la marche de demain. Il faudra qu’on parcoure au moins vingt-quatre kilomètres et tu auras ton sac à porter.”
Ensuite, Geneva s’assit avec des mâles et de femelles de différentes espèces et ils mangèrent avant d’aller dormir. L’air était chaud et humide, comme il l’était depuis le jour où Geneva était arrivée ici, et les insectes tentèrent de la mordre ou de boire son sang. Mais la nourriture dans son assiette était nourrissante, et elle pouvait même sourire et accepter les remerciements du jeune homme dont elle avait remis le bras en place.
Et lorsque la deuxième nuit était arrivée, et que les nouvelles recrues épuisées étaient allées se coucher, Geneva s’était roulée en boule sous ses couvertures et avait couvert son visage pour que personne ne la voit. Ce fut le moment où elle s’autorisa à trembler et à s’étouffer sur ses peurs.
Qu’était-elle en train de faire ? Elle n’avait pas de véritable équipement. Elle avait besoin de vrai matériel chirurgical, pas d’aiguilles à coudre et de morceaux de tissu. Elle avait besoin de forceps, d’un bloc opératoire stérile, de désinfectant, d’antibiotiques, d’anesthésiants…
“Mais je n’ai pas le choix.”, murmura-t-elle jusqu’à ce que la personne qui dormait à côté d’elle grogne d’un air irrité. Elle se tut donc. Elle n’avait pas le choix. Elle devait survivre.
C’était Baleros, et les jungles étaient emplies de monstres et les espèces se battaient sans cesse. Si elle n’avait pas de travail, elle mourrait de faim ou se ferait tuer. Et une [Médecin] n’avait pas vraiment d’utilité, dans un monde rempli de potions de soin magiques.
Geneva Scala contempla l’aiguille et le fil dans son sac et les bandages, la bouteille d’eau, et la marmite qu’elle avait demandée à l’intendant. Ses mains tremblèrent en s’imaginant devoir sauver la vie de qui que ce soit avec un équipement si limité. Elle contempla l’épée et se souvint de son Serment D’Hippocrate.
Pas l’ancien serment grec qui interdisait l’utilisation d’un couteau en médecine, mais celui qu’elle s’était juré à elle-même. Elle avait adopté son homonyme, la Déclaration de Genève, et créé son propre serment.
Elle le murmura alors, moitié dans sa tête, moitié à voix haute.
“Je jure solennellement de consacrer ma vie au service de l’humanité. J’exercerai ma profession avec conscience et dignité ; la santé de mon patient sera ma priorité ; je respecterai les secrets qui me seront confiés. Je n’userai pas de mon savoir médical pour violer les droits humains et les libertés civiles, même sous la menace…”Elle s’endormit avant d’avoir terminé. Mais les mots résonnèrent dans ses rêves. Seulement, à présent, le mot humanité n’était plus adapté. Elle devait protéger les gens. Mais elle était aussi soldate. Il lui faudrait peut-être se battre.
Elle ne pouvait faire ça. Elle avait prêté un serment plus important. Même si elle était dans un autre monde, un autre lieu où la magie existait et où les gens gagnaient des niveaux comme dans un jeu vidéo, elle avait son serment.
C’était tout ce qu’il lui restait.
[Classe : Médecin Obtenue !]
[Médecin Niveau 1 !]
[Compétence - Résistance Mineure : Maladie Obtenue ]
***
“Tu es donc [Médecin] ?”
C’était la question qu’on posa à Geneva au moins une dizaine de fois le jour suivant, où elle se retrouva à marcher sur une route de terre qui s’enfonçait dans un sous-bois de plus en plus épais. Le 4e Bataillon des Combattants Raveriens s’était mis en marche pour rejoindre le combat.
À la vérité, Geneva n’avait aucune idée d’où ils se trouvaient sur ce continent, ni où ils se rendaient. Elle n’était même pas sûre de savoir pour
quoi ils se battaient, ce qui étonnait beaucoup les soldats qui avaient décidé de lui parler pendant la marche.
Elle était dans la 6e Escouade, sous le commandement de Thriss lui-même. Leur groupe - et, pour tout dire, la majeure partie du bataillon - était humain. Oh, il y avait bien quelques Centaures, Dullahans, Lézarides et même un Minotaure qui marchaient avec eux, mais Geneva comprit que les espèces restaient d’ordinaire entre elles, même au sein des groupes de mercenaires.
“C’est plus facile de coordonner les attaques si tout le monde est majoritairement de la même espèce. Et puis, eh, il faut bien qu’on se serre les coudes entre Humains, pas vrai ?”, déclara le jeune homme roux qui avait été le premier à rejoindre Geneva pendant la marche. Il portait le sac à dos qu’on lui avait fourni sans grande peine et ne cessait de caresser la garde de son épée avec une excitation évidente. Geneva entendit quelqu’un pouffer et vit que les trois hommes et les deux femmes qui marchaient avec eux se moquaient de lui.
“Ne prête pas attention à Lim. Il ne sait pas de quoi il parle. Nous serions bien mieux lotis si nous avions quelques Dullahans de plus dans notre compagnie. Ils ont de l’armure en guise de peau ; tout ce que possède Lim, c’est une grande bouche et une épaule branlante.”
“Hey !”
Lim parut blessé lorsque Geneva éclata de rire. La femme qui avait parlé - Clara - avait la peau sombre, semblable à celle d’une Amérindienne, ce qui ne fit que convaincre davantage Geneva que ce n’était qu’une version tordue des Amériques. Quelque part au Brésil, ou encore en Amazonie - comme la végétation et la chaleur et l’humidité constantes et intrusives semblaient le suggérer.
“En revanche, je suis surprise que tu aies eu envie de te joindre aux Combattants, Geneva. Les [Guérisseurs] ne se tiennent-ils d’ordinaire pas loin des combats ?”
“Je suppose que si. Mais je n’ai plus d’argent, et c’était ma seule option.”
Clara hocha la tête d’un air compatissant.
“Mais tout de même, si tu ne participes pas aux combats, tu devrais mieux t’en sortir que Lim. À quoi servent les [Médecins], de toute façon ? Les potions de soin n’ont-elles pas rendu ta classe obsolète ?”
“Peut-être que si.”
C’était ce qui inquiétait Geneva. Elle secoua la tête.
“Mais les potions de soin ne fonctionnent pas sur tout, pas vrai ?”
“C’est vrai.”
Un homme avec une barbe épaisse et un crâne chauve hocha sagement la tête. Il possédait plusieurs cicatrices et Geneva se demandait si elles avaient guéri naturellement ou si la potion de soin n’avait pas complètement fonctionné.
“Une bonne potion de soin peut te ressouder quelques os et réparer ta peau, voire même tes boyaux, mais les mauvaises ne font que te guérir en partie. Et puis, eh, tu crois vraiment qu’on a suffisamment de potions pour soigner tout le monde ? Thriss a monté un joli spectacle tout à l’heure, mais si tu comptes te faire soigner à chaque fois que tu prends un coup, alors tu ferais mieux de t’enfuir tout de suite. La seule manière de rester en bonne santé, c’est de ne pas prendre de coups.”
Les autres soldats hochèrent la tête et Lim parut brièvement inquiet.
“Mais on ne sera pas tant en danger que ça, si?”
“Hah ! Contre des Centaures ? Ils galèrent peut-être dans la jungle, mais trouve-leur une plaine dégagée et ils te bourreront de flèches tellement vite que tu n’auras même pas le temps d’attraper ton bouclier.”
“Ce ne sont pas les Centaures le problème, là. Je m’inquiète plus de la Compagnie des Magemarteaux. Ils ont des mages salement doués.”
“Ce ne seront pas
tous des mages, si ?”
Là encore, tout le monde se moqua de Lim. Il rougit violemment, mais jeta un regard en coin à Geneva. Elle fit mine de ne pas l’avoir remarqué - il ne pouvait pas avoir bien plus de seize ans, et elle en avait vingt-quatre, bientôt vingt-cinq.
“Ils ont probablement une majeure partie de guerriers et une poignée de mages par escouade, voire moins. Et nous avons nos propres mages, donc on ne sera pas seuls. Mais retiens bien ce que je te dis, il y aura de sales sorts là-bas.”
“Mais on ne va pas se battre contre eux tout le temps, si ?”
“Bien sûr que non ! Tu crois vraiment qu’on va tous les tuer jusqu’au dernier ? Non, on essaie de repousser leur compagnie. Si on en tue suffisamment - ou qu’on conquière suffisamment de terres, leur Commandant signera probablement un traité de paix. Et ensuite, on récupérera tous notre solde et on pourra aller s’enivrer pendant une semaine ou deux.”, répondit Clara à Lim sous l’oreille très attentive de Geneva. Elle était dans ce monde, à Baleros, depuis une semaine, et elle avait survécu surtout en faisant mine de connaître les principes de base de ce monde. Mais elle restait encore tristement peu éduquée, et les gens qui marchaient à ses côtés étaient les premiers auxquels elle pouvait poser franchement ses questions.
“La Compagnie des Magemarteaux essaie de protéger une mine d’or trouvée par une tribu centaure. C’est ce que j’ai entendu dire. Ils vont partager les bénéfices, mais surprise, la Compagnie de la Marche Enflammée affirme que la mine est à eux parce qu’ils ont un contrat sur cette zone.”
Plusieurs personnes hochèrent la tête d’un air docte. Lim parut décontenancé.
“Mais qui a raison ?”
“Qu’importe ? On est payés pour se battre, pas pour choisir un camp. Ne te mets pas une Compagnie à dos, garçon.”
Le soldat chauve assena une taloche à Lim. À ce qu’avait compris Geneva, Baleros était un continent unique dans le sens où malgré la présence de nations, de pays, de royaumes et autres, la plupart des combats étaient menés par des mercenaires, qui pouvaient être soit de petites troupes comme les Combattants Raveriens, soit des Compagnies énormes composées de multiples régiments de soldats qui étaient presque constamment impliqués dans des conflits.
“Bien sûr, les Compagnies sont plus ou moins des nations en elles-mêmes.”
Clara parut surprise lorsque Geneva lui posa une question à ce sujet.
“Tu es nouvelle sur Baleros, c’est ça ? Eh bien, il y a un nombre incalculable de compagnies qui possèdent leurs propres cités et villes où elles tiennent leur quartier général. Elles ont des contrats et gagnent de l’argent en protégeant des zones, et elles envoient leurs propres armées au combat. Les plus grandes ont de l’influence, des représentants dans d’autres nations, voire des organisations mercantiles entières qui les approvisionnent exclusivement !”
Geneva hocha la tête.
“J’ai entendu dire que les Quatre Compagnies de Baleros sont les plus grandes. Mais je ne sais rien sur elles… pourquoi est-ce que tout le monde ne les rejoint pas ?”
“Les Quatre Compagnies ? Bien sûr, si tu es un officier ou un vétéran, elles te traitent bien. Mais tu peux avoir un meilleur salaire et de meilleures opportunités de remporter du butin et des niveaux dans un groupe de mercenaires. Et en plus, quand elles partent en guerre, les gens meurent par dizaines de milliers.”
Le chauve secoua la tête et cracha. Beaucoup de soldats l’appelaient “Le Vieux”, mais son véritable nom était Fortum. Il discutait en se servant de la lance qu’il tenait entre les mains comme bâton de marche, et sa bouche était un assortiment de dents jaunes et de trous clairement visibles.
“Elles sont plus ou moins à égalité - enfin, ce n’est pas comme si elles se battaient entre elles la plupart du temps. Cela bouleverserait l’équilibre, et si deux Grandes Compagnies combattaient, les deux autres attaqueraient la vainqueuse, s’il y en avait une. Mais maintenant qu’on en parle… Lim, tu connais les Quatre Grandes Compagnies, pas vrai ? Parles-en à la jeune fille, d’accord ?”
“Moi ?”
Lim sursauta et rougit. Il s’éclaircit nerveusement la gorge.
“Eh bien, il y a la Légion Cuirassée - les Dullahans...”
“Les Dullahans sont une bande de salauds en armure. Ils sont principalement basés au nord. Ils ont au moins dix-huit cités sous leur protection.”, l’interrompit Fortum.
“Eh bien, oui, mais leur chef est un Dullahan, pas vrai ?”
“Comme si ça changeait quelque chose ! Ils prennent n’importe qui, tant qu’il a une bonne armure. Je doute que tu trouverais beaucoup de boulot chez eux, Geneva. Toutes leurs troupes sont des dures à cuire et leurs Dullahans ont des armures de métal.”
Le Vieux indiqua d’un signe de tête quelques Dullahans en train de marcher dans une escouade devant eux. Geneva tourna la tête, et vit que la “peau” de ces Dullahans était faite de bois et non de métal. Elle avait été surprise de remarquer que bien qu’apparemment, les Dullahans étaient tous couverts d’armure sauf au niveau de la tête, la qualité de leur armure variait de l’un à l’autre.
“Il n’y a pas grand-chose à soigner chez des gens en armure, pas vrai ?”
“Peut-être.”
Geneva ne pouvait qu’imaginer les blessures qui pouvaient en résulter. Des os broyés, des armures transpercées… elle frissonna en s’imaginant essayer de reconstituer une main écrasée sans équipement. Elle n’était même pas sûre de pouvoir aider quelqu’un qui se ferait transpercer par une épée ici.
“Bref, ils se querellent toujours avec la Compagnie du Vent qui Souffle. Principalement des Centaures, mais ils ont aussi beaucoup de soldats à cheval. Ils sont spécialisés dans les attaques éclairs - tu te crois en sécurité, et une seconde plus tard, leurs armées te fondent dessus dans la nuit. Pas si doués que ça dans la jungle et les hauteurs, cela dit.”
Baleros n’était pas composée uniquement de forêts profondes et de jungles. Il y avait aussi de larges plaines ouvertes et des paysages merveilleusement pittoresques - ou du moins, c’était ce que Geneva avait entendu dire. Si cela ressemblait un tant soit peu aux Amériques, elle s’attendait à ce que la partie septentrionale du continent soit bien plus froide.
Elle était née dans le Wisconsin, et elle avait beau descendre d’une lignée italienne et avoir régulièrement visité son pays d’origine… cette humidité la tuait. Elle donnerait n’importe quoi pour un peu de neige. Apparemment, c’était
l’hiver, mais pour une raison inconnue, il avait été retardé. Elle avait entendu les Esprits de l’Hiver être mentionnés dans ce contexte, mais Geneva n’avait encore aucune idée de ce dont il s’agissait.
“La Légion Cuirassée et la Compagnie du Vent qui Souffle sont spécialisées, mais les deux autres ont des méthodes plus diversifiées. L’Aile Oubliée, par exemple…”
“C’est l’armée menée par le Fadet, c’est ça ?”
“Le Titan en personne. Oui, ils se sont hissés sur le devant de la scène il y a de cela une vingtaine d’années. Ils ont écrasé un nombre incalculable d’autres compagnies, et leur numéro deux est le Titan, le plus grand [Stratégiste] du monde.”
Fortum hocha la tête, et Geneva se demanda ce qu’était un Fadet. Le Vieux se racla la gorge.
“Cela dit, leur Commandante est tout aussi terrifiante. Le Titan mène leurs armées tandis que la Traqueuse aux Trois Couleurs élimine les officiers ennemis. Ils n’ont pas autant de contrats sur le long terme que les autres, mais ils représentent une force grandissante, et ils se sont battus avec la Légion de Fer. Et enfin, la dernière compagnie…”
“
Une embuscade ! Des centaures dans les arbres !, hurla quelqu’un plus loin devant eux. Geneva leva les yeux, et soudain, elle aperçut les flèches.
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