Je passai la journée à me traîner lamentablement entre les différents carrés de fouilles que m’assigna Martin, vaguement consciente des regards inquiets que me jetait le professeur d’en-dessous son chapeau.
Le soir venu, j’attendis le départ de Martin pour Lattaquié avant d’aller voir mon ancien mentor. Il buvait du thé en compagnie de trois ouvriers, dont l’un semblait encore plus âgé que lui. En m’apercevant, les trois hommes me sourirent poliment mais s’arrêtèrent aussitôt de parler. Le professeur s’excusa, se leva de sa natte et me fit de le suivre sur le sentier qui menait à la mer. Quand nous arrivâmes sur la petite plage flanquée d’un quai en béton qui s’émiettait, la boule orange du soleil touchait presque la ligne d’horizon.

Une vieille femme ronchonnait en empilant sur la moitié du passage les casseroles les unes dans les autres à la façon de poupées russes. Arrivée à son niveau, je cédai à la curiosité. Je me retournai.
Il était de taille moyenne, avec de courts cheveux noirs qui bouclaient, légèrement blanchis aux tempes. Je lui donnai dans les trente-cinq ans, à coup sûr il ne pouvait être plus jeune que le Major. Pourtant ce dernier avait parlé de Puzur comme d’un garçon lorsqu’il avait lui-même dû fuir New Mari.
Le regard de Puzur accrocha le mien, avant d’être masqué par un groupe de femmes.
« Maintenant ! », me pressa soudain la voix du Major.
Je me jetai littéralement dans le passage de gauche, qui ressemblait plus un boyau sombre entre deux murs nus suintant d’humidité. J’entendis derrière moi la grand-mère pousser un glapissement excédé quand sa montagne de casseroles se renversa pile au moment où mon poursuivant arrivait au bout de la travée. Au milieu du concert de ferraille me parvinrent les protestations aiguës de la marchande et les excuses embarrassées de Puzur.