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 Internet, le grand absent de la littérature contemporaine ?

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Jokerman
   
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Jokerman  /  Pippin le Bref


Sabrez le champagne king. J'ouvre mon premier topic pour lancer un débat sur une question qui m’est chère : le rapport de la littérature au numérique et à Internet.
Ceci concerne principalement les auteurs de type réaliste/contemporain, mais vous êtes tous les bienvenus dans la discussion.



On le sait, l’un des rôles de l’écrivain réaliste – et de l’artiste en règle générale – est de parvenir à saisir et à retranscrire les mutations de son temps. En contextualisant ses personnages dans un quotidien résolument moderne et contemporain, l’écrivain se fait le témoin d’une époque.

Aujourd’hui, l’enjeu est considérable. A l’heure où les nouvelles technologies de l’information et de la communication bouleversent et transforment en profondeur les rapports sociaux et humains, il m'apparaît comme IMPOSSIBLE de prétendre à une littérature moderne sans aborder la question d’Internet et de la communication numérique. Son utilisation est bien trop conséquente pour être ignorée des auteurs.

Or, cette question semble effrayer bon nombre d’écrivains. L’absence de problématiques numériques dans les romans modernes est criante et je la déplore fortement. Certains auteurs choisissent de situer l’action de leurs romans vingt ans plus tôt pour éviter ces questions. D’autres traitent du temps que leurs personnages passent sur Internet comme de celui qu’ils passent à dormir : en faisant comme s’il n’existait pas.

Pourant, comment être crédible si l’on choisit d’ignorer ces outils ? Ces smartphones qui nous empêchent de nous perdre. Ces SMS et ces emails qui ont remplacé la correspondance épistolaire. Les sites de téléchargement ont remplacé les disquaires. Autant de couples se rencontrent sur Meetic que dans un bar ou une soirée. Les prostituées ne tapinent plus sur les trottoirs mais sur la toile. Bien trop d’aspects de la vie quotidienne s’ancrent dans l’espace numérique.

En termes d’écriture, Internet redéfinit les codes spatiaux/temporels. Certes, votre personnage est assis devant un ordinateur, mais il n’est pas dans une posture passive. Il est extrêmement réactif. Il est seul devant son écran, mais il interagit avec d’autres personnages, d’autres lieux, d’autres temps.

Dans un thriller, est-il encore envisageable pour un flic de mener une enquête sans passer par la case Internet ? Je ne crois pas.
Dans une romance, est-il encore possible de traiter des rapports amoureux sans aborder les échanges par SMS/mail ? Je ne crois pas.
Dans une intrigue géopolitique, est-il encore possible d’ignorer le poids du numérique alors qu’il a déclenché des révolutions dans le monde arabe ? Je ne crois pas.

De nombreuses questions de style apparaissent alors, entre autres :

Citation :

- Faut-il directement intégrer le contenu des mails dans l’action, comme nous le faisons avec le téléphone ? L’écriture de votre personnage est aussi importante que sa façon de parler...

- Faut-il intégrer les textos ? Et donc conserver le langage SMS qui, à première vue, peut paraître repoussant pour les puristes ?

- Comment rendre palpitante une information que votre personnage récupère grâce à Internet ? Comment intégrer du suspense dans la recherche et la navigation sur un ordinateur ?


Le numérique est omniprésent dans notre société occidentale, quelque soit la classe socio-professionnelle de vos personnages. C’est un nouveau territoire de l’activité quotidienne et de l’interaction humaine qui ne peut être ignoré plus longtemps, au risque que l’histoire perde en crédibilité.

Pour nous, jeunes écrivains, Internet est LA révolution de notre temps. Le terrain est à défricher. Saisissons cette opportunité inespérée qui nous est offerte. Ne choisissons pas de l’ignorer parce que son utilisation semble rebutante en terme d’actions. Les possibilités sont infinies, à nous de les créer.

Et vous, comment intégrez-vous Internet et l'informatique dans vos écrits ?
Comment traitez-vous les interactions numériques de vos personnages ?
Avez-vous des exemples d’œuvres qui intègrent le numérique de manière singulière et réaliste ?


Le débat est ouvert. Et merci à ceux qui ont tout lu Wink


PS : pour les bilingues qui souhaiteraient plus d’informations sur cette question, voici l’article qui a initié ma réflexion : « How novels came to terms with the Internet »par Laura Miller, The Guardian, 15 janvier 2011.
Je voudrais bien mettre le lien, mais visiblement les petits nouveaux ne peuvent pas poster de liens externes avant 7 jours d'ancienneté...



Dernière édition par Jokerman le Mar 3 Juil 2012 - 8:31, édité 2 fois
 
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Intéressant, mais bon, il me semble que quantités de romans intègre cette dimension dans leurs lignes y compris leurs intrigues... y'a des thrillers qui en font leur thème quand même. Des romances quis 'appuient dessus...
bref, le tableau n'est pas si manichéen que tu veux bien le dire.

perso, c'est vrai que j'ai tendance à exclure internet de la vie de mes personnages mais je vais te révéler une chose : internet est une activité complètement secondaire pour quantité de gens. ca peut sembler dingue pour les moins de vingt ans, mais voilà. Tout le monde n'est pas né une souris à la main.
tout comme le téléphone portable. Malgré le matraquage publicitaire, tout le monde n'est pas abonné au smartphone : perso, j'ai le meme portable depuis cinq ans et il me sert à 99 % pour le boulot... Pourquoi ? j'ai gardé une certaine phobie de cet appareil qui pour moi est un outil, surtout pas un joujou.

Bref, pour revenir à nos moutons... donc mes personnages se fichent un peu beaucoup d'internet. J'y ai pensé dans une histoire, en particulier, mais j'ai abandonné l'idée. pas que ce n'était pas crédible, ça n'apportait rien à l'histoire je trouvais. Ils ont autre chose à faire ou à raconter... D'ailleurs c'est pas qu'une question de société occidentale, dans les pays du moyen orient, mais en Afrique aussi, le téléphone portable est omniprésent, bien plus encore que chez nous, internet aussi. ca a suppléé aux déficits de structures publiques de communication dans beaucoup de pays. Ca coute bien moins cher d'installer une antenne relais que de construire une autoroute ( et surtout c'est de l'investissement privé )
Donc ouais, il est question par ci par là de mail ou de téléphone portable, et même de lecteur mp3 ! Wink mais c'est vraiment accessoire.Tout comme est accessoire la voiture de mes personnages la plupart du temps (pourtant une bagnole, qu'est ce que c'est important, voire indispensable, dans la vie ! )
 
Jokerman
   
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Jokerman  /  Pippin le Bref


ilham a écrit:
Intéressant, mais bon, il me semble que quantités de romans intègre cette dimension dans leurs lignes y compris leurs intrigues... y'a des thrillers qui en font leur thème quand même. Des romances quis 'appuient dessus...
bref, le tableau n'est pas si manichéen que tu veux bien le dire.

Evidemment, je force un peu le trait pour noircir le tableau. Mais ne nous mélangeons pas les pinceaux (ba dum tss). A partir de ma très modeste connaissance du panorama littéraire contemporain, j'ai un peu de mal à trouver un auteur qui ferait une utilisation judicieuse et raisonnée des nouvelles technologies. Bien sûr, il y a un paquet de romans à l'eau de rose écrits en texto ou de techno-thrillers d'anticipation pleins de hackers. Mais aucun ne retranscrit, à mon sens, la manière dont Internet s'inscrit comme un bouleversement des pratiques sociales, culturelles et professionnelles.

Citation :
perso, c'est vrai que j'ai tendance à exclure internet de la vie de mes personnages mais je vais te révéler une chose : internet est une activité complètement secondaire pour quantité de gens.

Citation :
Bref, pour revenir à nos moutons... donc mes personnages se fichent un peu beaucoup d'internet. J'y ai pensé dans une histoire, en particulier, mais j'ai abandonné l'idée. pas que ce n'était pas crédible, ça n'apportait rien à l'histoire je trouvais. Ils ont autre chose à faire ou à raconter...

C'est vrai. Mais je soulève la question des technologies comme un moyen, pas un aboutissement ou une occupation en soi pour les personnages. A un moment ou un autre, un personnage moderne (quelque soit son âge) se retrouvera sans doute confronté à l'utilisation d'un ordinateur/téléphone, pour X raisons. S'il y découvre une information capitale pour l'histoire, ma question stylistique était de savoir comment retranscrire l'utilisation des technologies de manière littéraire et intéressante.

S'il n'y découvre pas d'information capitale, alors effectivement il n'y a besoin d'en parler car ton personnage passe à l'étape suivante de ton roman d'une autre manière. Mais la question qui se pose alors est : est-ce vraiment crédible ? Tout cela dépend une fois de plus (et on en revient aux bases fondamentale) du caractère de ton personnage.

Par exemple, prenons une situation simple. Imaginons une femme qui a subi un viol et qui cherche à se reconstruire. L'auteur à le choix entre une myriade de situations. Quelle est la première étape psychologique après le viol ? En fonction du caractère du personnage, il peut y avoir le déni, la révolte, l'acception et toute une rimbabelle de sentiments. Comment le personnage va-t-il les exprimer ? Se noyer dans le travail ? Aller voir un psy ? Participer à des groupes de soutien ? En parler de manière anonyme sur un forum ?

C'est cette dernière option qui m'intéresse. Désormais, il faut envisager l'option Internet dans certaines situations narratives. Tout dépend de la pertinence que cette option peut apporter. C'est assez réducteur comme exemple, mais peut-être que tu verras mieux où je veux en venir Very Happy



EDIT : je parlais surtout du style à adopter si l'on choisit de faire apparaître Internet dans son roman. Comment traiter de ce cadre spatio-temporel particulier.
EDIT 2 : je n'ai pas de smartphone non plus, mais mon personnage peut très bien en avoir un...


Dernière édition par Jokerman le Mer 20 Juin 2012 - 22:31, édité 1 fois
 
QuillQueen
   
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ah c'est agréable de voir de temps en temps des topics bien travaillés sur des questions encore peu abordées Smile

Le seul roman se situant dans notre monde moderne que j'ai écrit jusqu'à présent, c'est Souvenirs d'Une Rose.

Or, Internet, gsm et vidéochat y ont leur place. Pas smartphone, je trouve que c'est encore trop trop récent, mon roman se situe en 2010 et je n'entendais pas autant parler du smartphone y a deux-trois ans. Et puis quand t'as un gsm et internet chez toi, t'as pas besoin du smartphone ^^

le souci dans un roman, c'est que les outils doivent se justifier. Je veux dire... un type qui n'est pas très musique, je vais pas lui faire acheter un ipod, tu vois ? Et puis souvent, un roman trace un héros qui se démarque de sa société d'une façon ou d'une autre. Il a un côté "décalé". Parfois le fait qu'il vive de façon sobre et coupée du monde justifie à lui seul la non présence de ces nouvelles technologies.
Dans mon roman, pour l'anecdote, il y a deux discussion chatbox avec un langage sms, un échange vidéo qui dure un chapitre entier entre deux soeurs dont une vient d'aménager dans une autre ville pour ses études, plusieurs appels par gsm, et aussi un sms envoyé dans ce langage. Au début de la conversation type msn, je place une astérisque, et je mets en-dessous "pour des raisons de compréhension, le langage sms sera rédigé en bon français". Une touche d'ironie ne fait de tort à personne Laughing Mais pour le petit sms envoyé, là, j'ai laissé les raccourcis communs employés. Pas pour une phrase isolée quoi.
Toute une scène est consacrée à un coup de téléphone sur le gsm du héros par un de ses vieux camarades de classe, et dans ce cas-là, je mets des habituel tirets cadratins, mais j'écris les paroles rendues par le téléphone avec des guillemets. J'ai hésité avec l'itallique, mais comme j'emploie l'italique pour marquer une insistance (un fantôme, j'ai vu, un fantôme ! ), si je devais créer une insistance à travers la conversation téléphonique, ça n'irait pas.
Pour le chat, je fais pareil, sauf que je mets pas les tirets cadratins, vu qu'ils ne "parlent" pas.
 
Jokerman
   
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QuillQueen a écrit:

le souci dans un roman, c'est que les outils doivent se justifier. Je veux dire... un type qui n'est pas très musique, je vais pas lui faire acheter un ipod, tu vois ? Et puis souvent, un roman trace un héros qui se démarque de sa société d'une façon ou d'une autre. Il a un côté "décalé". Parfois le fait qu'il vive de façon sobre et coupée du monde justifie à lui seul la non présence de ces nouvelles technologies.

Alors ça, c'est très intéressant. Mais pourquoi la "non-présence" ? Au contraire, parler de l'omniprésence des technologies permettra d'accentuer le décalage du personnage par rapport au reste de la société. On peut très bien imaginer une scène où le personnage se retrouve confronté aux technologies, afin de mieux marquer sa propre rupture. Je pense que si l'on veut bien définir un personnage du XXIème siècle, il faut passer par la case de son rapport à la technologie. Il peut la rejeter, bien sûr. Ce qui est intéressant, c'est de savoir comment et pourquoi.


Merci QuillQueen pour la description des méthodes que tu as employé dans ton roman. C'est exactement le genre de réponse que je voulais susciter. L'intérêt ici, c'est de voir comment ces technologies peuvent amener un auteur à s'interroger sur des questions de style. Le dialogue numérique n'est pas le même que le dialogue oral. Les codes littéraires s'en trouvent donc changés. Ta méthode est une piste à explorer !


Citation :
Toute une scène est consacrée à un coup de téléphone sur le gsm du héros par un de ses vieux camarades de classe, et dans ce cas-là, je mets des habituel tirets cadratins, mais j'écris les paroles rendues par le téléphone avec des guillemets. J'ai hésité avec l'itallique, mais comme j'emploie l'italique pour marquer une insistance (un fantôme, j'ai vu, un fantôme ! ), si je devais créer une insistance à travers la conversation téléphonique, ça n'irait pas.

Pour marquer une insistance dans un texte en italique, certains auteurs repassent le mot en caractères droits : - Un fantôme, mec ! J'ai vu un fantôme. Tu imagines ?
C'est un peu moche mais ça se fait.


 
QuillQueen
   
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ouais mais moi, j'ai l'impression alors que le mot "fantôme" est murmuré Laughing
 
Tim
   
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Je ne pense pas qu'il faille intégrer des pans de technologie ou des aspects contemporains tels qu'Internet "pour le principe", si ça ne joue pas un rôle crucial dans l'histoire.

Pour ce qui est de pouvoir s'en servir pour ancrer le récit dans une époque, ou pour refléter l'importance que ça peut avoir, j'ai plutôt le sentiment que ce sera souligné dans des textes qui sortent au moment de la transition. J'ai plusieurs fois lu des bouquins qui faisaient une description détaillée de l'usage d'un téléphone portable, mais ces livres étaient sortis au moment où une minorité de personnes en avaient, et qu'éventuellement, les lecteurs ne savaient même pas que le grand public y avait accès.

Pour Internet, cette transition est passée, tout le monde est au courant, même si tout le monde n'en fait pas le même usage avec la même intensité. Mais du coup, c'est intégré par tout le monde, ça ne surprend pas si quelqu'un l'utilise, mais ce n'est pas non plus flagrant quand c'est absent. Je ne trouve pas ça frappant quand des textes d'il y a 10 ou 20 ans ne s'étalent pas sur le Concorde, le TGV ou le Minitel.
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Nemesis
   
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Ça me fait plaisir de lire ça ici, c'est une question que je me pose depuis quelques temps (avant d'avoir lu l'article du Gardian, sur lequel je suis aussi tombée en cherchant un peu).

Globalement, dans ce qu'on pourrait appeler "le paysage contemporain" si on était dans un article de la rubrique culture de Gala, il y a des auteurs qui ont déjà essayé de se mouiller, et les autres. En notant que les premiers se situent souvent dans la littérature de genre (thriller surtout, mais ça se comprend). Il y a quelques exemples de romans complètement articulés autour d'internet et plus généralement de l'utilisation que nous avons des ordinateurs - estampillés Geek Lit et donc rangés avec la SF et la Fantasy - Reamde de Neal Stephenson, Transmission de Hari Kunzru, notamment. En France, c'est le désert, en tout cas pour ce qui est des auteurs qui abordent cette question de façon frontale.

Après, il y a des cas d'effleurement (Les morues de Titiou Lecoq par exemple, que je n'ai pas lu mais qui est censé incorporer facebook et des posts de blogs - logique puisque l'auteur est blogueuse). Ca reste anecdotique. Et quand on voit le ramdam juridico-médiatique qu'il y a eu autour de ce passage de La carte et le territoire pompé sur Wikipedia, on comprend un peu pourquoi. Je crois, pour l'avoir subi lu, celui-là, que c'était peut-être un des seuls passages pour lequel j'aurai dit "bien vu", parce que Houellebecq a intégré ça directement dans son texte, sans mettre de grosses balises "attention ceci provient d'internet", alors que ça se remarquait assez bien dans le changement de ton. Pour moi ça correspond à la façon dont on consomme l'info sur le web, sans source, en vrac, et sans effets spéciaux façon "nous rentrons dans une dimension parallèle faite de termes étranges et de polices sans sérif".

Je ne crois pas qu'un roman doive se rapprocher de la forme visuelle de l'information ou de l'échange sur internet, parce que ce n'est pas cette forme qui définit le contenu web, et la façon dont les gens s'en servent. C'est pour ça que les romans écrits en sms ont un côté ridicule. Ce qui est intéressant ce n'est pas de reproduire une enveloppe creuse, c'est de capturer l'essence. Pourquoi va-t-on sur internet ? A quoi le web sert-il ? Quel sorte de vide occupe-t-il ? Il y a à peu près un million de problématiques possibles ; dès lors, je ne vois pas bien l'intérêt de se focaliser sur "kikoo cmt sa va ?".

Ensuite si internet et (ratissons large) les nouveaux moyens de com sont juste accessoires dans le roman, alors il y a peut-être intérêt à ne pas trop attirer l'attention dessus et faire en sorte de les intégrer sans accroc dans la narration. Le personnage a un smartphone et discute avec un autre via je ne sais quel moyen, bon. As-t-on vraiment besoin de savoir quelle marque, si son pseudo est en gras ou en italique ? Si c'est Facebook ou msn ou gmail ou twitter ou ... ? Ce sont des éléments de la vie quotidienne, personne ne s'intéresse à la marque de brosse à dent du personnage, même chose pour son téléphone.

EDIT : court-circuitée par Tim.


Dernière édition par Nemesis le Jeu 21 Juin 2012 - 1:49, édité 1 fois
 
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Gut gegen Nordwind ou Quand souffle le vent du Nord est un roman "courrielaire", et a pour sujet central les nouvelles technologies en matière de communication.

Je l'ai acheté en allemand, il est formidable, et répond bien au débat.
 
Jokerman
   
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Nemesis a écrit:

Et quand on voit le ramdam juridico-médiatique qu'il y a eu autour de ce passage de La carte et le territoire pompé sur Wikipedia, on comprend un peu pourquoi. Je crois, pour l'avoir subi lu, celui-là, que c'était peut-être un des seuls passages pour lequel j'aurai dit "bien vu", parce que Houellebecq a intégré ça directement dans son texte, sans mettre de grosses balises "attention ceci provient d'internet", alors que ça se remarquait assez bien dans le changement de ton. Pour moi ça correspond à la façon dont on consomme l'info sur le web, sans source, en vrac, et sans effets spéciaux façon "nous rentrons dans une dimension parallèle faite de termes étranges et de polices sans sérif".

Très juste, comme remarque. Dès lors que l'on touche à ces questions, il est vrai que Houellebecq est souvent cité comme étant celui qui se rapproche le plus de cette utilisation signifiante du web. C'est un auteur qui, malgré ses défauts, a su appréhender l'univers et les "codes" d'Internet pour mieux les intégrer dans ses écrits. Bon, faut dire qu'il était ingénieur en informatique à la base (je crois).


Citation :

Ensuite si internet et (ratissons large) les nouveaux moyens de com sont juste accessoires dans le roman, alors il y a peut-être intérêt à ne pas trop attirer l'attention dessus et faire en sorte de les intégrer sans accroc dans la narration. Le personnage a un smartphone et discute avec un autre via je ne sais quel moyen, bon. As-t-on vraiment besoin de savoir quelle marque, si son pseudo est en gras ou en italique ? Si c'est Facebook ou msn ou gmail ou twitter ou ... ? Ce sont des éléments de la vie quotidienne, personne ne s'intéresse à la marque de brosse à dent du personnage, même chose pour son téléphone.

Pour le téléphone, ok. Pour Internet, je ne suis pas si sûr. Dans Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes de Stieg Larsson, l'héroine (Lisbeth Salander) découvre quand même la clé de l'intrigue en fouinant sur le net et les réseaux internes de certaines entreprises. Je me souviens que le lecteur était amené à naviguer avec elle à travers les pages, à faire les corrélations entre les informations présentées et les éléments de l'enquête, etc. On se fout bien de savoir quel navigateur et quel OS elle utilisait, mais le cheminement pour parvenir à la révélation finale était capital. Et ce cheminement était exclusivement numérique. Ce qui est important, c'est de saisir - comme tu le disais - la façon dont on consomme et on assimile l'information via l'informatique.

Cela rejoint ce que tu disais sur Houellebecq. *Mode masturbation intellectuelle ON* Je m'avancerais presque à parler de "littérature hypertexte", quand l'écriture parvient à traduire cette navigation saccadée par liens interconnectés, si caractéristique du web. *Mode masturbation intellectuelle OFF* Smile

 
Nemesis
   
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Jokerman a écrit:
Pour le téléphone, ok. Pour Internet, je ne suis pas si sûr. Dans Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes de Stieg Larsson, l'héroine (Lisbeth Salander) découvre quand même la clé de l'intrigue en fouinant sur le net et les réseaux internes de certaines entreprises. Je me souviens que le lecteur était amené à naviguer avec elle à travers les pages, à faire les corrélations entre les informations présentées et les éléments de l'enquête, etc. On se fout bien de savoir quel navigateur et quel OS elle utilisait, mais le cheminement pour parvenir à la révélation finale était capital. Et ce cheminement était exclusivement numérique. Ce qui est important, c'est de saisir - comme tu le disais - la façon dont on consomme et on assimile l'information via l'informatique.

C'est bien pour ça que je disais "si internet est accessoire dans le roman". Dans le cas de Salander, me semble qu'elle est hackeuse, donc c'est un thème plutôt central. Là encore, je n'ai pas lu les romans de Larsson, mais ça me parait assez représentatif de l'avance qu'ont les thrillers sur la littérature généraliste, sur la question de l'incorporation d'internet.
Sinon la littérature hypertexte, ça existe : http://www.olats.org/livresetudes/basiques/litteraturenumerique/9_basiquesLN.php#1. Mais c'est un petit peu plus littéral que ce tu décris.
 
Jokerman
   
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C'est super ce lien, je ne connaissais pas du tout !

Ca y est, on fait de la littérature avec des algorithmes. Sauve qui peut ? Very Happy
 
Nox
   
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Nox  /  Vacher polyvalent


Y a Menear sur le forum qui a réalisé des fictions pour Twitter, de récits courts sans sens de lecture. Pas mal de choses dans le genre édité chez François Bon.

Faut chercher du côté de la lecture numérique pour voir tout plein de nouveaux usages et de nouvelles utilisation du texte et du lien, pour créer des expériences littéraires. Ca foisonne en France.
 
Arcturus
   
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Arcturus  /  Double assassiné dans la rue Morgue


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Dernière édition par Arcturus le Dim 3 Fév 2013 - 7:22, édité 1 fois
 
Fourchette
   
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Fourchette  /  Tentatrice chauve


C'est marrant c'est justement le sujet de mon mémoire. J'étais partie de l'article de Laura Miller au départ, moi aussi. J'ai plutôt envie de ne plus en entendre parler mais je peux quand même vous faire un point sur ce que j'ai trouvé sur le sujet. Je vais essayer de ne pas être trop formelle.

Il y a quelques romans de type "réaliste" qui abordent le sujet de front :

- Carte Muette de Philippe Vasset, paru en 2004, qui "raconte" la tentative de cartographie du web d'un géographe. Parmi les romans que j'ai lu sur le sujet celui-là a une approche particulièrement intéressante avec une vraie réflexion sur le plan stylistique. A lire, donc.

- Unplugged : Apprivoiser l'éphémère d'Alexandra Varrin, paru en 2009. Ecrit dans une langue qui imite celle du blog, avec des retours à la ligne systématiques pour faire croire à de la poésie (alors que c'en est pas du tout). Ce roman, qui ressemble terriblement à de l'autofiction, raconte le quotidien d'une jeune addict d'internet. Je l'ai trouvé intéressant dans la mesure où il m'offrait des chose à dire dans mon mémoire mais en temps normal je l'aurai détesté. Il y a des réflexions sur internet, superficielles ou non c'est à voir, mais le personnage principal/la narratrice est particulièrement agaçante. Ce qui est agaçant surtout c'est le côté autofiction. La narratrice n'a pas le même nom que l'auteur, mais quand on se renseigne un peu, on apprend que l'auteur s'est inspirée encore plus directement de sa vie qu'on ne le pense à la lecture du roman. Stylistiquement c'est très pauvre, aussi. Mais si vous vous intéressez à la question vous pouvez le lire.
Après, ce côté "autofiction" un peu agaçant avec ces diverses références au "réel" de l'auteur est intéressant du point de vue de la réflexion sur internet.

Sur les réseaux sociaux il y en a plusieurs qui sont sortis récemment :

- Le Miracle d'Ariel Kenig, paru en janvier 2012, autofiction dans laquelle le narrateur s'interroge sur le développement d'internet mais aussi sur Facebook, les médias, les people et l'image, et sur la langue du web. Pareil, je l'ai trouvé intéressant parce qu'il m'offrait des choses à dire sur mon mémoire mais le côté autofiction est déplaisant. ça donne une impression de manque d'inventivité de la part de l'auteur. Mais si vous tolérez bien l'autofiction, vous pouvez tester. Au final c'est quand même de meilleure qualité que Unplugged d'Alexandra Varrin (en même temps les deux romans ne sont pas comparables). Certaines réflexions sont intéressantes, même si ça manque un peu d'inventivité, au moins sur le plan du style.

- Enjoy de Solange Bied-Charreton, paru en janvier 2012, avec un questionnement sur les réseaux sociaux et le voyeurisme, entre autre. Un roman qui se lit bien dans un style plutôt classique.

- Je ne l'ai pas lu mais il y a aussi Faux Profil de Jérôme Dumoulin, paru en avril 2012, sur la question des réseaux sociaux. Il a l'air intéressant parce que c'est un roman qui parle de Facebook écrit par un auteur qui n'a pas facebook.

Côté littérature Américaine, vous pouvez faire un tour dans l'article de Laura Miller, elle en liste quelques uns. Personnellement j'ai lu :

- Richard Yates de Tao Lin, paru en 2010 aux Etats-Unis et en 2012 en France. C'est un roman à la fois révoltant pour sa langue particulièrement pauvre, simplifiée aux maximum jusqu'à l'absurde, avec un vocabulaire particulièrement réduit et des répétitions à outrances, et à la fois un bon roman. C'est avec Carte Muette une des lectures que j'ai le plus appréciées sur le sujet. Cet usage de la langue est justifié et, finalement, dans ce roman, fait sens, il apporte en plus de cela un côté hypnotique à la lecture.
Le traitement d'internet y est intéressant (même si ce n'est pas le "thème" du roman), à travers cet usage particulier de la langue, par exemple, qui finalement s'avère être une façon assez subtile d'intégrer les codes du web dans le roman. A noter aussi la présence d'un index à la fin du roman, qui fait écho au concept de mots-clés.
Le côté absurde du roman est plaisant à mon goût et les personnages sont à la fois monstrueux et attachants.
A lire de toute urgence, donc, si vous n'avez pas peur de vous farcir une langue pauvre ; le roman en lui-même ne l'est pas.

- Super triste histoire d'amour (Super Sad True Love Story) de Gary Shteingart, paru en 2010 aux Etats-Unis et en 2012 en France, aborde cette fois-ci la question de l'internet mobile. C'est un roman d'anticipation qui raconte la relation entre une jeune Américano-Coréenne et un "vieux" Sino-Russo-Américain dans un New York en crise et hyperconnecté où chacun ne fait jamais rien sans passer par son "appärät", sorte de smartphone "amélioré". Un roman très très provocateur, dans lequel les livres "puent" et où chacun peut évaluer le "taux de baisabilité" des filles qu'il croise dans la rue avec son "appärät", etc.. mais plaisant à lire, si la provocation à outrance et une langue particulièrement crue ne vous dérangent pas. Intéressant également sur la question de la place des sens et de la dépendance à la technologie. Ainsi dans ce roman la génération connectée semble ne plus être capable de vivre sans "appärät" ni même d'avoir recours à d'autres sens que leur vue ou de comprendre la valeur des mots.


Au final, les textes que j'ai lus, donc les textes qui abordent internet dans les branches "réaliste", ou anticipation non S-F, ont tous une approche assez critique voire négative d'internet et des réseaux sociaux. On trouve ainsi très souvent abordées conjointement à internet la souffrance psychologique sous différentes formes, l'ennui, la médiocrité, l'idée d'une dépréciation du livre, de la langue...

On trouve également beaucoup d'autofictions ou d'oeuvres à la première personne, si bien que la première personne et le récit de soi semblent être particulièrement adaptés pour parler d'internet où chacun s'exprime la plupart du temps en son propre nom.

De la même manière, le temps le plus adapté pour parler d'internet semble être le présent, non pas parce qu'internet est contemporain, mais parce que tout sur internet est instantané, comme sur les site actifs ou les sites comme twitter où chaque chose n'a d'intérêt qu'au moment où elle a été postée. Lorsque l'énonciation du roman se trouve sur/dans internet, les auteurs ont recourt au présent et, bien souvent, les personnages semblent se perdre, perdre leurs repères.
Au contraire, dans les romans où il y a une prise de recul par rapport à internet, on trouve l'emploi de temps du passé, temps du roman, qui permet aux narrateurs et aux auteurs de reprendre possession d'internet en se le réappropriant.
Ces remarques semblent un peu bateau mais elles ont quand même un intérêt par rapport au questionnement sur la temporalité d'internet vs. la temporalité du roman et sur le fait de parler d'internet ou de ne pas en parler dans un roman.

Voilà quelques pistes, en gros.

Pour d'autres romans français sur le sujet il y en a quelques-uns listés au début de cet article.

Côté littérature Allemande, il y a aussi, outre Gut gegen Nordwind, Die Nacht der Händler (La nuit du trader) de Gert Heidenreich, paru en 1995, Die Schrift der Freundz (l’écriture des amis) de Barbara Frischmuth par en 1998, Reichsgericht (Cour suprême) d’Erich Loest paru en 2001, Im Krebsgang (La marche du crabe) de Günter Grass paru en 2003, la pièce de théâtre World wide web-slums de René Pollesch parue en 2003 et Im Netz (Sur le net) de Christine Eichel (2004). Je ne les ai pas lus mais il y a un ouvrage théorique justement sur le traitement d'internet dans la littérature allemande qui en parle, si vous pouvez lire en anglais et si vous arrivez à vous le procurer : We are the machine : the computer, the Internet, and information in contemporary German literature, de l'américain Paul Youngman.

Après il y a à chercher du côté de la littérature numérique, littérature hypertexte, twitt-litt, si vous vous intéressez surtout aux innovations littéraires. Personnellement je n'ai pas eu le temps d'approfondir le sujet sur ce versant-là.

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 Internet, le grand absent de la littérature contemporaine ?

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