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 [Auteur] Charles Baudelaire

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Fatalité
   
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Fatalité  /  Blanchisseur de campagnes


Je tombe là-dessus dans la Corbeille, en faisant une recherche sur le forum. Alors du coup, je relance. Et je songe à la Destruction :

Charles Baudelaire, la Destruction, a écrit:
Sans cesse à mes côtés s'agite le Démon ;
Il nage autour de moi comme un air impalpable ;
Je l'avale et le sens qui brûle mon poumon
Et l'emplit d'un désir éternel et coupable.

Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art,
La forme de la plus séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes.

Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu,
Haletant et brisé de fatigue, au milieu
Des plaines de l'Ennui, profondes et désertes,

Et jette dans mes yeux pleins de confusion
Des vêtements souillés, des blessures ouvertes,
Et l'appareil sanglant de la Destruction !

Alors, je ne mets pas ce poème seulement pour m'en extasier, mais pour (faire) remarquer les allusions au Démon et à Dieu, où l'un s'agite à ses côtés, et où le narrateur est loin du regard de l'autre.

Précisément, ce que je veux dire, c'est que - y compris rapport à cet échange ou celui-ci - la culture, le référentiel, le sens commun ... de Charles Baudelaire, sont catholiques. Le malheureux était croyant, et mourut sous le coup d'une forme de dégénérescence paralytique, dans laquelle il ne pouvait plus qu'articuler crénom, ce qui signifie nom cru, donc nom de Dieu, certes sur le mode du juron exclamatif intempestif - tout ce qui était courant, en cette époque croyante (il faudra attendre la Seconde Guerre mondiale, pour que l’Église se discrédite, dans ses compromissions relatives avec le IIIème Reich, quand bien même l'anticléricalisme révolutionnaire avait déjà affaibli l’Église, de même que la laïcité - loi de séparation des religions et de l’État - en 1905).

Donc très concrètement, lorsque Baudelaire poétise, il poétise des sensations mystico-religieuses, et cela contribue à rendre puissante sa poésie. Mais qu'on m'entende bien : ça n'est pas parce que ce mystico-religieux est ecclésiastique, qu'il est puissant, mais simplement qu'il est vivace et net dans l'expérience de l'auteur, et qu'il a évident le talent de le poétiser. Il faut dire aussi, que cette poésie n'est pas romantique, mais symbolique. Reste que sans connaissance culturelle catholique, ou au moins chrétienne, ce poème perd en saveur, et ne semble plus qu'une forme de stylisme metaleux relativement romantique - ce qui est peut-être stylé, mais à côté de la plaque, puisque Baudelaire traite d'une condition de pécheur dont il ne se défait pas, mais sur laquelle il insiste tragiquement au milieu d'une époque luciférienne (l'ère industrielle et scientifique, où Lucifer est celui qui apporte la lumière en l'occurrence de l'industrie et de la science).

Après, j'adore ce poème. Et puis, Enki Bilal que j'aime aussi, adore ce poète : il le cite dans nombre de ses BD et films. Par exemple là :


En leur temps, les Fleurs du Mal n'auraient pas été condamnées, si leur portée mystico-religieuse (dévaluée en morale) n'avait pas été prise au sérieux. Charles Baudelaire n'était pas un rebelle, bien que sensible au péché, au vice, aux détournements de la vertu. Disons : honnête avec lui-même ...
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Silence écrit
   
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Silence écrit  /  Péril 666


Salut Fatalité, je me permets d'intervenir, Baudelaire étant mon auteur préféré (et, accessoirement, le sujet de mon mémoire de Master en littérature comparée).

Il est évident que Baudelaire était croyant, même s'il se disait (par posture) plus volontiers mystique, spirituel, voire dans une certaine mesure animiste. Je souligne : par posture. Il ne faut pas confondre l'homme privé et l'énonciation poétique. (Parenthèse quasiment inutile mais pas tant que ça : "crénom" est l'apocope de "sacré nom", et non de "nom cru". Il n'en reste pas moins que cette interjection renvoie effectivement à Dieu, comme tu le mentionnes.)

Ton deuxième paragraphe, par contre, me paraît procéder d'un raccourci audacieux. Baudelaire ne "poétise pas des sensations mystico-religieuse" (je me demande d'ailleurs quel est le sens, qui paraît bien dépréciatif, de "poétiser des sensations"...). Il construit ses poèmes, de manière réfléchie et raisonnée, selon une esthétique qui lui est propre. Il écrivait, dans ses journaux intimes (Fusées ou Mon cœur mis à nu, la flemme de chercher) : "il y a en l'Homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan".
C'est ce contraste, éminemment poétique à ses yeux, qui l'intéressait et qu'il tentait de rendre en poésie. Dans ses Fusées il écrit : "je ne conçois guère un type de Beauté où il n'y ait du Malheur". Lui qui voulait exprimer "la Beauté dans le Mal" a évidemment été condamné pour atteinte aux mœurs, par une censure qui, à l'époque (1857) venait de faire de même avec le Madame Bovary de Flaubert pour une raison identique. Ce n'est pas l'atteinte au "religieux" qui fait condamner le recueil, mais son atteinte à la morale. Morale, certes, largement chrétienne ; mais la nuance est importante.
Citation :
Il faut dire aussi, que cette poésie n'est pas romantique, mais symbolique
Euh... oui. Et ? Quel rapport avec la choucroute religiosité dans la poésie de Baudelaire ? (Accessoirement, Baudelaire est pré-symbolique, mais ne rentrons pas dans les détails inutiles.)

Citation :
sans connaissance culturelle catholique, ou au moins chrétienne, ce poème perd en saveur, et ne semble plus qu'une forme de stylisme metaleux relativement romantique
Je ne vois pas, de mon côté, en quoi une profonde culture chrétienne permettrait de mieux appréhender ce texte, comme tu sembles l'exprimer. Oui, il parle de Dieu et du Démon, mais sans qu'il soit fait référence à autre chose que leur aspect antithétique de Bien et de Mal (encore une fois, double attirance, si humaine, dont je parlais plus haut). Un lecteur de l'autre côté du monde, sans la moindre éducation chrétienne, saisirait à mon sens tout aussi bien le but de ce poème. Ce que Baudelaire évoque dans ce texte, c'est précisément sa quête du Beau dans le Mal, le malheur, la laideur (qu'il sublime dans le très connu "À une charogne"), rien d'autre... Ou alors il faut me prouver qu'un lecteur pétri de références bibliques "comprend mieux" ce texte. Je suis peut-être passé à côté d'une référence qui te semble évidente ?

Citation :
Charles Baudelaire n'était pas un rebelle, bien que sensible au péché, au vice, aux détournements de la vertu. Disons : honnête avec lui-même
Là, désolé, je ne vois pas le rapport entre les parties de cette phrase... Baudelaire n'était pas rebelle bien que sensible au péché ? Je ne comprends pas le lien logique que tu sembles exprimer. D'après ce que je lis, être sensible au vice devrait normalement faire de quelqu'un "un rebelle" ? Et que vient faire dans tout cela l'honnêteté de Baudelaire envers lui-même ?
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Fatalité
   
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Fatalité  /  Blanchisseur de campagnes


Énorme, Silence écrit ! Merci pour ton retour ! ... Du coup me voilà impressionnée une seconde, héhé. Néanmoins a priori, il me semble que ton approche générale est plutôt rationaliste, quoiqu'en bien des points tu me battes. Je reviendrai quand j'aurai raisonné tout ça. Au plaisir
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Fatalité
   
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Fatalité  /  Blanchisseur de campagnes


Silence écrit a écrit:
Il est évident que Baudelaire était croyant, même s'il se disait (par posture) plus volontiers mystique, spirituel, voire dans une certaine mesure animiste. Je souligne : par posture. Il ne faut pas confondre l'homme privé et l'énonciation poétique.

Tu veux dire que c'était un dandy alors, je suppose. Néanmoins, je persisterai en organiciste ou intuitionniste (non-rationaliste, non-mécaniste), à ne pas tout scinder, même s'il faut distinguer comme tu fais, sans non plus tout confondre débilement dans ma démarche. C'est-à-dire que Baudelaire adhère au moralisme catholique, depuis lequel il pense ses poèmes ("poétise").

Citation :
(je me demande d'ailleurs quel est le sens, qui paraît bien dépréciatif, de "poétiser des sensations"...).

Absolument pas chez moi ! au contraire, pour l'auteur des Correspondances, la cœnesthésie est bien la sensation par laquelle il y a ou aurait ensuite mise en forme ! mais je ne connais pas les détails autant que toi, alors je parle sous ta caution.

Citation :
Baudelaire ne "poétise pas des sensations mystico-religieuse" [...] Il construit ses poèmes, de manière réfléchie et raisonnée, selon une esthétique qui lui est propre. Il écrivait, dans ses journaux intimes (Fusées ou Mon cœur mis à nu, la flemme de chercher) : "il y a en l'Homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan".

D'accord, c'est pourquoi j'ai écrit plus haut :

Citation :
C'est-à-dire que Baudelaire adhère au moralisme catholique, depuis lequel il pense ses poèmes ("poétise").

Pire que cela, il est effectivement mystique par-devers tout dandysme, en parlant des "deux postulations simultanées" : c'est schizoïde à mon avis, et on le retrouve assez bien dans sa poésie, la délectation morbide, la dilection mortifère. De quoi choquer le chaland et sa morale partagée !

Citation :
C'est ce contraste, éminemment poétique à ses yeux, qui l'intéressait et qu'il tentait de rendre en poésie. Dans ses Fusées il écrit : "je ne conçois guère un type de Beauté où il n'y ait du Malheur". Lui qui voulait exprimer "la Beauté dans le Mal" a évidemment été condamné pour atteinte aux mœurs, par une censure qui, à l'époque (1857) venait de faire de même avec le Madame Bovary de Flaubert pour une raison identique. Ce n'est pas l'atteinte au "religieux" qui fait condamner le recueil, mais son atteinte à la morale. Morale, certes, largement chrétienne ; mais la nuance est importante.

Elle est importante, mais relis mon premier post : je la faisais déjà, héhé. Toutefois, il n'est pas si aisé de distinguer dans le cas qui nous concerne, la religion de la morale. Nous sommes au XIXème siècle, et c'est encore l'organiciste-intuitionniste qui parle en moi !

Citation :
Citation :
Il faut dire aussi, que cette poésie n'est pas romantique, mais symbolique
Euh... oui. Et ? Quel rapport avec la choucroute religiosité dans la poésie de Baudelaire ?

Entre symbolisme et religion, tu ne vois pas ? ... C'est une raison pour lesquelles je t'ai dit rationaliste-mécaniste dans le raisonnement. Ce n'est pas un péché (lol) mais ça me semble manquer l'air du temps organiquement comme intuitivement.

Citation :
Je ne vois pas, de mon côté, en quoi une profonde culture chrétienne permettrait de mieux appréhender ce texte, comme tu sembles l'exprimer. Oui, il parle de Dieu et du Démon, mais sans qu'il soit fait référence à autre chose que leur aspect antithétique de Bien et de Mal (encore une fois, double attirance, si humaine, dont je parlais plus haut). Un lecteur de l'autre côté du monde, sans la moindre éducation chrétienne, saisirait à mon sens tout aussi bien le but de ce poème. Ce que Baudelaire évoque dans ce texte, c'est précisément sa quête du Beau dans le Mal, le malheur, la laideur (qu'il sublime dans le très connu "À une charogne"), rien d'autre... Ou alors il faut me prouver qu'un lecteur pétri de références bibliques "comprend mieux" ce texte. Je suis peut-être passé à côté d'une référence qui te semble évidente ?

Moi, quand je lis Spleen et idéal, je songe que ça induit pourtant toute une aspiration mystique, serait-elle traduite dans un dandysme propice au Paris d'époque Napoléon III-Hausmann.

Citation :
Citation :
Charles Baudelaire n'était pas un rebelle, bien que sensible au péché, au vice, aux détournements de la vertu. Disons : honnête avec lui-même
Là, désolé, je ne vois pas le rapport entre les parties de cette phrase... Baudelaire n'était pas rebelle bien que sensible au péché ? Je ne comprends pas le lien logique que tu sembles exprimer. D'après ce que je lis, être sensible au vice devrait normalement faire de quelqu'un "un rebelle" ? Et que vient faire dans tout cela l'honnêteté de Baudelaire envers lui-même ?

Par rebelle, je voulais dire quelque chose comme luciférien, irréligieux, etc. un peu maladroitement en effet, car je n'en ai pas précisé l'objet.

Mais en somme, entre nous deux, tu me sembles plus prompt à considérer les textes rationnellement-mécaniquement (quand tu dis que quelqu'un de l'autre côté de la Terre pourrait comprendre le poème ... ce qui reste à prouver, tant les notions de dieu et démon sont quasi-intraduisibles ... et c'est sans parler de ce que l'étymon de démon signifie entre autres ... dieu ! rien que dans notre tradition ...).

Voili voulou.

Je pense que nos senseurs baudelairiens diffèrent radicalement dès nos premières impulsions (et pas que sur Baudelaire, mais en général, ce qui explique nos divergences) mais que nous parlons quand même substantiellement de la même chose en concordance, juste à des niveaux ou sur des plans différents. L'un s'expose au risque trop catégoriel du rationalisme-mécanisme, l'autre s'expose au risque trop fusionnel de l'organicisme-intuitionnisme (?).
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