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 [Personnages] De ma curiosité sur la gestuelle

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La débâcle
   
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La débâcle  /  Homme invisible


Bonsoir, Bonjour ?

Avec les quelques messages que j'ai pu laisser sur les forums, une question s'est gravér dans mes synapses :
Quelle place laissez-vous à la gestuelle de vos personnages ?

Je lis beaucoup de descriptions sur l"environnement, les bruits, les sons, les odeurs... Bref, les éléments extérieurs aux personnages sont fortement mis en avant dans les différents écrits.

Moi qui suit un adepte des sourcils froncés, des cuticules rongées et des yeux levés au ciel et j'en passe ; je me demandais quelle place vous laissiez à tous ces petits détails ?

A bientôt.
 
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Je pense que ces "petits détails" sont ce qui font la dynamique des personnages, sans ça ils auraient l'air placides, froids, comme des mannequins de plastique.
J'accorde une place assez importante aux manifestations non-verbales, variables selon la personnalité et l'état d'esprit de mes personnages. Dans la vraie vie on utilise beaucoup cette forme de communication, et en la négligeant par écrit je pense qu'il manquerait certainement quelques repères au lecteur pour une bonne immersion.
 
Valéry K.
   
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Valéry K.  /  Hé ! Makarénine


J'en use énormément, si ce n'est que je tâche de modérer ça au fur et à mesure que je maîtrise mieux la gestion des points de vue, mais je peux avoir encore tendance à écrire, parfois, en point de vue interne : "il l'écouta, les sourcils froncés", alors qu'il est plus juste de dire "il l'écouta sans comprendre" ou "il l'écouta, stupéfait". J'en use par contre toujours beaucoup pour des petits gestes (les personnages bougent, boivent un verre, se lèvent, réajustent leurs vêtements...). J'ai fait beaucoup de théâtre avant d'écrire et ça m'influence encore, dans le sens où je les "vois" agir. On m'a d'ailleurs dit plusieurs fois que mon écriture était visuelle.
Pour les personnages dont on ne connaît pas les pensées (tous ceux dans la tête de qui on n'est pas, lors de la narration), ces détails sur les mimiques et la gestuelle sont indispensables.
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La débâcle
   
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La débâcle  /  Homme invisible


A Gallifez :
Je ne peux qu'être d'accord avec toi. C'est ce qui rend nos écrits vivants. Du coup décortiques-tu dans la vraie les personnes qui t'entourent pour les retranscrire ?
De mon côté, je leur demande sans cesse, pourquoi ils font tel ou tel geste. Est-ce que tu es énervé ? Perplexe ? Tu te lèves pour fuir ?

A Valéry K. :

C'est vrai que d'user de trop de la gestuelle peut fausser la fluidité, sauf si cela sert à masquer des émotions...
Par contre, je me rends compte que je néglige les actes quotidiens (comme boire un verre d'eau !). Merci pour cette révélation.
 
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La débâcle a écrit:
A Gallifez :
Je ne peux qu'être d'accord avec toi. C'est ce qui rend nos écrits vivants. Du coup décortiques-tu dans la vraie les personnes qui t'entourent pour les retranscrire ?
De mon côté, je leur demande sans cesse, pourquoi ils font tel ou tel geste. Est-ce que tu es énervé ? Perplexe ? Tu te lèves pour fuir ?

En fait, dans mes jeunes années (de 16 à 20 ans environ) j'étais très solitaire, alors souvent je lâchais le petit groupe d'amis pour m'isoler et observer les gens, leur façon de se comporter en telle ou telle situation, et c'est devenu presque instinctif pour moi d'associer ces petites gestuelles à un ressentiment (stress, ennui, gêne, excitation, etc).
Ce que j'appelle la communication non-verbale représente pour moi une façon d'extérioriser un ressenti autrement que par des mots, que ce soit conscient ou non (je suis convaincue que le plus souvent ça ne l'est pas). Et c'est tout à fait fascinant d'observer les gens qu'on connaît bien et de décortiquer leur gestuelle. J'y suis très réceptive et c'est aussi pour ça que ça me semble essentiel dans un récit pour rendre une scène vivante et réaliste.  Smile
 
Coralie
   
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Coralie  /  Tycho l'homoncule


Gallifez: Tout à fait d'accord avec toi. Je voulais prendre part  au sujet,comme ça, mais ton message résume en gros ce que je souhaitais communiquer x) Je dirai que c'est fascinant à proprement parler pour toute personne rencontrée. Comment leurs gestes trahissent l'inverse de ce qu'ils disent, de ce qu'ils ne disent pas justement...etc. Bref ^^'
Je réfléchis aussi pas mal à ma propre gestuelle, pas dans le sens que je l'affecte ou quoi, mais plutôt dans le sens que je réfléchis à comment le message est interprété, à ce que je veux montrer ou non.
La débâcle/ Gallifez: Je pense que dans la mesure où tu écris, c'est parce que tu es capable et désireux d'observer le monde sous toutes ses coutures d'une façon accrue. Et qu'il se produit en toi quelque chose que tu cherches à retranscrire avec des mots.
Valéry K: Je fais également du théâtre et c'est vrai que ça contribue à renforcer l'aspect éminemment  visuel de la chose. Après le théâtre c'est pas mal du " donner à voir", parfois outrancier,  qui n'est pas nécessairement l'apanage de l'écriture.
 
Trench
   
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Prépondérante.
 
Valéry K.
   
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Valéry K.  /  Hé ! Makarénine


Coralie a écrit:
Valéry K: Je fais également du théâtre et c'est vrai que ça contribue à renforcer l'aspect éminemment  visuel de la chose. Après le théâtre c'est pas mal du " donner à voir", parfois outrancier,  qui n'est pas nécessairement l'apanage de l'écriture.
Hm... c'est tout à fait juste, ce que tu dis et, en même temps, je dirais que ça dépend ce qu'on écrit. Dans l'humour, on peut avoir tout à fait des réactions exagérées. Je finis par exemple tout juste une chick-lit avec des persos déjantés qui a des airs de vaudeville et, en certaines circonstances, les personnages ont des réactions de vaudeville, ou du moins les descriptions en sont proches. Dans un récit plus "sérieux", ça ne le ferait pas. (C'est la même différence dans le jeu de théâtre réaliste ou outrancier, remarque... Les seules réelles différences que je vois, là tout de suite, c'est le "face public" et le fait de faire sonner sa voix. Sinon, les acteurs de théâtre essayent de jouer "juste", généralement.)
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Coralie
   
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Coralie  /  Tycho l'homoncule


Valéry K: J'ai écrit "pas nécessairement" ... Et je voulais dire que dans la vie tu ne comportes pas forcément comme tu te comportes sur scène. Ton personnage n'a pas toujours de rapport avec toi ou s'il y en a un trop grand, il faut mettre une sorte de barrière, en fonction du rôle. C'est du vécu. Il y a une nette différence sur les planches, la réception doit se faire tout de suite... Je ne parlais en aucun cas du surjeu ou quelque chose du même acabit... et je pense savoir ce que c'est "d'essayer" de jouer juste hein Wink
 
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Je dois dire que je ne sais pas... je ne me concentre pas spécialement dessus mais en même temps je n'oublie pas totalement d'en faire mention. Pourtant c'est une question très intéressante ! Je pense que je n'utilise pas la gestuelle aussi souvent que je devrais, finalement...
 
fabiend
   
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fabiend  /  Effleure du mal


Sur ce sujet, ça peut être très formateur de lire des auteurs qui ne laissent aucune place aux pensées des personnages, quels qu'ils soient (l'écriture à la troisième personne objective, ou béhavioriste). Quand on écrit de ce point-de-vue, pas le choix : l'auteur ne juge jamais les personnages (pour reprendre l'exemple de Valéry, le personnage ne sera pas "stupéfait", ce qui est un jugement de la part du narrateur; par contre, il haussera les sourcils, ce qui est objectif), ne dévoile pas leurs pensées intimes, donc il est obligé de décrire leur gestuelle le plus précisément possible, ce qui donne une écriture très visuelle, très cinématographique.

Je pense notamment à : Hemingway, Steinbeck, Hammett, Cain, Manchette. N'importe lequel de leurs bouquins, mais pour ceux qui sont pressés, "le vieil homme et la mer", "des souris et des hommes" et "le facteur sonne toujours deux fois" sont des chefs d'oeuvre du genre de même pas deux cent pages.

Tenter d'écrire comme ça est un excellent exercice à mon avis. Ne serait-ce que pour se rendre compte à quel point c'est difficile. Mais c'est aussi très formateur, parce qu'on apprend justement, par la force des choses, à voir nos personnages de très près et à les faire bouger. Et ça permet de faire des personnages ambigus, que le lecteur a du mal à cerner mais qui, paradoxalement, semblent très réalistes et très présents.

Chuck Palahniuk ("Fight club") propose un exercice un peu du même acabit : https://litreactor.com/essays/chuck-palahniuk/nuts-and-bolts-%E2%80%9Cthought%E2%80%9D-verbs

Chuck Palahniuk a écrit:
From this point forward – at least for the next half year – you may not use “thought” verbs. These include: Thinks, Knows, Understands, Realizes, Believes, Wants, Remembers, Imagines, Desires, and a hundred others you love to use.

C'est en anglais, mais ça vaut le coup d'oeil à mon avis.
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Valéry K.
   
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fabiend a écrit:
Je pense notamment à : Hemingway, Steinbeck, Hammett, Cain, Manchette. N'importe lequel de leurs bouquins, mais pour ceux qui sont pressés, "le vieil homme et la mer", "des souris et des hommes" et "le facteur sonne toujours deux fois" sont des chefs d'oeuvre du genre de même pas deux cent pages.
Tiens, il faudrait que je relise Hemingway (je suis fan de son écriture <3). Je me souviens qu'il écrivait très bien les personnages, avec une faculté à les rendre "vivants" formidable. Par contre, je n'ai absolument pas cette image-ci de son écriture mais plutôt d'un style très cash, qui ne passait pas par des détours types haussements de sourcils et exprimait au contraire directement et très bien les sentiments et pensées de ses personnages...

EDIT : Je vérifie en regardant mon exemplaire de "Pour qui sonne le glas" et je ne trouve que très peu d'indications de gestuelle, en effet : il décrit très précisément les actes et pensées de ses personnages, sans passer par de l'"illustratif", en quelques sortes.
Exemples (citations de "Pour qui sonne le glas") :
Citation :
Toute son attention était concentrée sur Pablo.
Citation :
La femme de Pablo ne disait rien et continuait à souffler sur les charbons.
Citation :
..., dit Pablo, maussade.
Citation :
Qu'est-ce que tu dis ? demanda Pablo avec mauvaise humeur, percevant la raillerie.
Etc.
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fabiend
   
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fabiend  /  Effleure du mal


Bon, j'ai peut-être légèrement exagéré les contraintes qu'ils s'imposaient, en effet, et ça n'est peut-être pas sis systématique que ça dans leur oeuvre. C'est moins strictement objectif que dans mes souvenirs, mais on voit bien qu'à aucun moment l'auteur ne dit de choses qu'un observateur extérieur n'aurait pu affirmer (même s'il interprète les actions et les mimiques, contrairement à ce que je disais). Ci-dessous, un extrait dans le même esprit de "des souris et des hommes", où l'on constate les mêmes choses (c'est mon bouquin préféré, c'est pour ça que l'extrait est long, et encore, j'ai fait des efforts) :

Steinbeck a écrit:
Le premier homme s’arrêta net dans la clairière, et son
compagnon manqua de lui tomber dessus. Il enleva son chapeau
et en essuya le cuir avec l’index qu’il fit claquer pour
en faire égoutter la sueur. Son camarade laissa tomber ses
couvertures et, se jetant à plat ventre, se mit à boire à la
surface de l’eau verte. Il buvait à grands coups, en renâclant
dans l’eau comme un cheval. Le petit homme s’approcha de
lui nerveusement.

— Lennie, dit-il sèchement, Lennie, nom de Dieu, ne bois
pas tant que ça.

Lennie continuait à renâcler dans l’eau dormante. Le petit
homme se pencha et le secoua par l’épaule.

— Lennie, tu vas te rendre malade comme la nuit dernière.

Lennie plongea toute la tête sous l’eau, y compris le chapeau,
puis il s’assit sur la rive, et son chapeau s’égoutta sur
sa veste bleue et lui dégoulina dans le dos.

— C’est bon, dit-il. Bois-en un peu, George. Bois-en une
bonne lampée.

Il souriait d’un air heureux.
George détacha son ballot et le posa doucement par
terre.

— J’suis point sûr que cette eau soit bonne, dit-il. Elle
m’a l’air d’avoir de l’écume.

Lennie trempa sa grosse patte dans l’eau et, agitant les
doigts, la fit légèrement éclabousser. Des cercles s’élargirent
jusque sur l’autre rive et revinrent vers leur point de
départ. Lennie les observait.

— Regarde, George, regarde ce que j’ai fait.

George s’agenouilla sur le bord de l’eau et but dans sa
main, à petits coups rapides.

— Au goût, elle a l’air bonne, admit-il. Pourtant, elle n’a
pas l’air courante. Tu devrais jamais boire d’eau qu’est pas
courante, Lennie, dit-il d’un ton découragé. Tu boirais dans
un égout si t’avais soif.

Il se jeta de l’eau à la figure, et se débarbouilla, avec la
main, sous le menton et autour de la nuque. Puis il remit
son chapeau, s’éloigna un peu du bord de l’eau, releva les
genoux qu’il entoura de ses deux bras. Lennie, qui l’avait
observé, imita George en tout point. Il se recula, remonta
les genoux, les prit dans ses mains et regarda George pour
voir s’il avait bien tout fait comme il fallait. Il rabattit un peu
plus son chapeau sur ses yeux, afin qu’il fût exactement
comme le chapeau de George.
George, mélancoliquement, regardait l’eau. Le soleil lui
avait rougi le bord des yeux.
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fabiend
   
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fabiend  /  Effleure du mal


Bon, j'ai trouvé cette préface de Kessel dans "des souris et des hommes", comme elle parle justement de ce style d'écriture, je me permets de mettre un lien : http://kongoniko.canalblog.com/archives/2010/08/22/18868062.html

Kessel a écrit:
Certains auteurs de l'Amérique du Nord disposent d'un secret impénétrable.
Ils ne décrivent jamais l'attitude et la démarche intérieures de leurs personnages. Ils n'indiquent pas les ressorts qui déterminent leurs actes. Ils évitent même de les faire penser.
Voilà ce qu'a fait cet homme ou cette femme. Et voilà leurs propos. Le reste n'est pas votre affaire. Ni la mienne, semblent dire au lecteur Hemingway, Dashiell Hammett, Erskine Caldwell, James Cain.
Une approche aussi superficielle en apparence devrait, logiquement, exclure toute perception profonde des êtres et, en eux, tout cheminement spirituel. Ils ne devraient pas avoir de substance, de densité humaine, de vérité.
Or, _ et c'est un mystère _ ils vivent tous avec une intensité et une intégrité merveilleuses. Avec leur poids de chair. Avec le mouvement du coeur et les reflets de l'âme.
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Valéry K.
   
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Valéry K.  /  Hé ! Makarénine


D'acc'. Merci pour la précision. Je vois beaucoup mieux ce que tu voulais dire. Smile
Concernant Hemingway, il n'est pas tout à fait là-dedans puisqu'il décrit aussi ce que pensent ses personnages mais sans fioritures, en effet. Il décrit les actes, les petits gestes comme attiser le feu, sortir une cigarette ou, comme Steinbeck, tremper son chapeau dans l'eau d'une rivière. Mais il ne cherche pas à exprimer des émotions en décrivant les mimiques, les mouvements des sourcils ou un gestuelle comme une main tendue vers je ne sais quoi qui pourrait indiquer au lecteur un sentiment particulier. Je me suis re-fait prendre par son écriture en la parcourant hier et je me suis dit qu'il fallait que je le relise. C'est diablement efficace et très éloigné des fioritures que l'on a parfois tendance à faire. ^^
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